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Grosse victoire pour Hydro et Blakes en Cour suprême

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Camille Laurin-desjardins

2020-11-17 15:00:00

Cette victoire « vient sécuriser la stabilité juridique du réseau d’Hydro-Québec sur le territoire québécois », estime le Super plaideur qui a piloté le dossier en Cour suprême...

Mes Claude Marseille et Ariane Bisaillon. Photos : Site web de Blakes
Mes Claude Marseille et Ariane Bisaillon. Photos : Site web de Blakes
Après quatre ans de litige, la Cour suprême a tranché le 13 novembre dernier, en invalidant une décision de la Cour d’appel du Québec : Hydro-Québec n’aura pas à exproprier de nouveau des résidents de Lanaudière (avec les indemnités en conséquence) pour la construction de la ligne de transport d’électricité Chamouchouane-Bout de l’Île. Les servitudes que la société d’État avait obtenues dans les années 1970 sont encore valides.

Mais pourquoi est-ce une décision importante? Droit-inc en a discuté avec Me Claude Marseille, associé chez Blakes, qui, avec sa collègue Me Ariane Bisaillon, a plaidé ce dossier devant le plus haut tribunal du pays.

Droit-inc : C’est une grosse victoire, pour vous…?

Claude Marseille : Oui, on était très heureux! Avec Me Bisaillon, on a eu le dossier après la décision de la Cour d’appel, c'est assez rare que ça nous arrive… On n'avait pas été impliqués en première instance ni en appel.

La décision qui avait été rendue par la Cour d'appel concluait qu'Hydro-Québec n'avait pas les droits réels requis pour aller sur les terrains des intimés pour compléter la construction de la ligne Chamouchouane-Bout de l'Île, une ligne de haute tension, de 735 KV – ce sont les plus grosses.

Donc, la construction de la ligne était interrompue. La première requête qu'on a dû faire dans le dossier, c'était pour faire suspendre l’arrêt de la Cour d'appel, pendant qu'on préparait une demande d'autorisation d'appeler à la Cour suprême.

Au départ, c'était quand même un bon défi, parce qu'il fallait demander à un juge de la Cour d'appel de suspendre l'exécution d'un jugement qui venait d'être rendu par ses trois collègues… Et ç’a fonctionné, la ligne a pu être complétée!

On a pu faire notre demande d'autorisation d'appel à la Cour suprême, qui a été autorisée. Ça impliquait aussi une demande de preuves nouvelles, en appel, au stade de la Cour suprême, ce qui n'était pas évident non plus... Et ç'a fonctionné!

Évidemment, la cliente est très heureuse du résultat final… Mais pour s’y rendre, c'était quand même un parcours du combattant, je dirais! (rires) C’est la cerise sur le sundae, comme on dit!

Et comment vous vous y êtes pris, pour les preuves nouvelles?

La Cour d'appel avait conclu que les décrets d’expropriation obtenus par Hydro-Québec pour la ligne Chamouchouane-Bout de l'Île couvraient les lots des intimés, qui sont une toute petite partie du tracé, sur une ligne de 400 km.

Et ce n'était pas exact. Lorsqu'Hydro-Québec a obtenu l’autorisation gouvernementale pour exproprier les lots le long du tracé de la nouvelle ligne, ceux des intimés avaient été exclus, précisément parce qu'Hydro-Québec détenait déjà des servitudes sur ces lots-là, depuis les années 1970.

 Mes Jean-François Mercure, Marion Barrault et Éric Fraser d'Hydro-Québec. Photos : LinkedIn
Mes Jean-François Mercure, Marion Barrault et Éric Fraser d'Hydro-Québec. Photos : LinkedIn
Donc, cette question était une conclusion factuelle de la Cour d'appel qui s'avérait erronée, mais très importante! Parce que dans le fond, la Cour d'appel disait : Hydro-Québec a déjà ses décrets d'expropriation sur ces lots, donc vous n’avez qu'à envoyer vos avis d'expropriation et le problème est réglé… Mais ce n'était pas le cas. Ironiquement, peut-être, mais précisément parce que le gouvernement du Québec ne voulait pas exproprier à nouveau des lots qui l’avaient déjà été il y a plus de 40 ans.

Donc on a dû faire une preuve devant la Cour suprême pour démontrer qu'effectivement, en déposant les plans qui avaient accompagné l'expropriation, en 2015, ces lots n'étaient pas expropriés. Hydro-Québec s'était fié sur les servitudes qui avaient été établies au début des années 1970, sur cette partie de la ligne... Hydro-Québec avait pris la précaution, à l'époque, de prévoir qu'il puisse y avoir plus qu'une ligne sur des lots expropriés. Et dans notre cas, elle avait prévu non seulement la ligne de l'époque, qui s'appelait la ligne Jacques-Cartier-Duvernay, (Jacques-Cartier, tout près de Québec, et Duvernay, à Laval), mais aussi qu'il pourrait y avoir jusqu’à trois lignes de transport d'énergie électrique. Et celle-ci, c’était la deuxième. Donc Hydro-Québec a toujours considéré qu'elle avait les droits requis.

Au fond, cette décision confirme que les servitudes qu’Hydro a obtenues dans les années 1970 sont toujours valides…

Oui. Fondamentalement, ça vient sécuriser la stabilité juridique du réseau d’Hydro-Québec sur le territoire québécois, parce que la décision de la Cour d'appel remettait en question la validité de milliers, sinon de dizaines de milliers de servitudes acquises sur des lots privés. C'est ça qui était le coeur du problème, disons.

Plus précisément, la moitié du réseau d'Hydro-Québec est bâtie sur des terres privées, donc il faut procéder par expropriation. À l’époque, le gouvernement émettait un arrêté en conseil pour autoriser Hydro-Québec à faire une expropriation... Et dans le cas qui nous concerne, l'arrêté en conseil avait été adopté pour permettre à Hydro-Québec de construire une ligne à haute tension entre les postes Jacques-Cartier et Duvernay.

À la suite du processus d'expropriation, Hydro-Québec avait conclu une convention avec les propriétaires de l'époque, au sujet du nombre de lignes qui pourraient être bâties sur leur lot, l'indemnité qui serait payable, etc. Donc il y a des conventions de servitude qui sont intervenues.

Et les conventions de servitude ne mentionnaient pas les postes Jacques-Cartier et Duvernay. Elles disaient simplement qu'Hydro-Québec pourrait bâtir jusqu’à trois lignes de transport d'énergie électrique sur les terrains des intimés, et prévoyaient l’indemnité.

Ce que la Cour suprême a déterminé, c'est que peu importe ce qui était prévu dans l'arrêté en conseil qui avait lancé le processus d'expropriation, l’acte de servitude l’emporte. Il n'y avait aucune espèce de restriction dans l'acte de servitude pour dire que, par exemple, toute nouvelle ligne devait nécessairement connecter à nouveau les postes Jacques-Cartier et Duvernay.

Me Réal Forest, mentionné plus bas. Photo : Site web de Blakes
Me Réal Forest, mentionné plus bas. Photo : Site web de Blakes
C'est ça qui était la conclusion de la Cour d'appel : elle disait, oui, c'est vrai qu'il peut y avoir jusqu'à trois lignes sur les terrains des intimés, mais puisque l’arrêté en conseil de 1972 avait été émis pour permettre la construction d'une ligne entre les postes Jacques-Cartier et Duvernay, elle avait conclu que toute nouvelle ligne devait aussi connecter les deux mêmes stations. Et la Cour suprême a dit : c’est inexact. Peu importe d'où vient le courant et où il se rend, sur les terrains des intimés, ça ne change rien.

Le présent dossier couvrait six propriétaires fonciers, mais on parlait d'une problématique qui aurait pu se répercuter sur plus de 37 000 lots… Alors la question était très importante, pour assurer la stabilité juridique du réseau d'Hydro-Québec.

Mais pourtant, il reste encore une question à régler en Cour supérieure (le tribunal de première instance) : celle des dommages et intérêts…

Oui. Hydro-Québec n'a jamais prétendu que les intimés n’avaient droit à rien. Les indemnités payables sont prévues dans les conventions de servitude. Hydro-Québec n'a jamais nié que les conventions devaient être respectées et que ces indemnités devraient être versées. Sauf que les intimés les ont toujours refusées. Ils disaient : on ne veut pas les indemnités prévues dans les conventions, on veut des nouvelles indemnités d'expropriation, vous devez recommencer l'expropriation, et là, on va réclamer des montants en conséquence…

Qui auraient été beaucoup plus importants...?

C'est dur à dire, honnêtement. On n'a pas fait cette analyse-là, mais selon les intimés, la réponse est oui. Ils réclamaient beaucoup plus que ce qui est prévu dans les conventions.

Est-ce que pour vous, c'était une première victoire en Cour suprême?

C’était une troisième visite en Cour suprême... disons qu’une victoire unanime du banc, comme celle-là, oui!

Il y a une cause que j’avais plaidée préalablement avec mon collègue, Me Réal Forest, dans l'affaire Foster Wheeler, qui était une cause très intéressante sur le secret professionnel de l’avocat, et qui est devenue un des arrêts de principe au Québec. Nous avons considéré cela comme une victoire, disons… mais il y avait toutes sortes d'aspects dans cette affaire-là! Peu importe, ce sont toujours de très belles expériences!

Je tiens aussi à souligner qu’on a fait affaire avec une équipe juridique excellente chez Hydro-Québec : Mes Jean-François Mercure et Marion Barrault, sous la direction de Me Éric Fraser. Je le mentionne, parce que parfois, on oublie un peu les avocats internes, mais ils ont beaucoup travaillé dans ce dossier, et ce sont des spécialistes en matière d'expropriation d'immobilier… Donc, ç'a été un véritable travail d’équipe, et ç'a été très agréable.

Aviez-vous déjà traité de dossiers similaires?

Ma spécialité n’est pas le droit immobilier à temps plein. On fait beaucoup d’actions collectives, notamment, chez Blakes. Mais oui, j'avais fait des dossiers d’immobilier, de construction...
Je ne prétends surtout pas avoir l’expérience d’un notaire qui fait du droit immobilier tous les jours... Mais ce ne sont pas des notions qui nous étaient étrangères.

Il y avait aussi des notions d’injonction, d’obtenir la suspension d’une décision de la Cour d’appel, d'obtenir l'autorisation d’appel à la Cour suprême... donc il y avait un ensemble de facteurs qui faisaient qu'on se sentait dans notre élément pour traiter ce dossier-là.
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1 commentaire

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 3 ans
    Jugement unanime
    Ouf, un jugement unanime rendu sous la plume de la juge Côté (écrit au "je", ça en dit long).

    Qu'est-ce qui s'est passé à la Cour d'appel, pour qu'elle fasse une enquête comme cela? Les règles sont claires, non?

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