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Infolettre sur les régimes de retraite – Novembre 2019

11 novembre 2019

Voici le 25e numéro de l’Infolettre sur les régimes de retraite de Blakes. La présente infolettre donne un aperçu des faits récents en jurisprudence qui ont une incidence sur les régimes de retraite et les prestations. Veuillez noter cependant qu’elle ne vise pas à constituer un avis juridique.

Pour obtenir de plus amples renseignements ou pour discuter de la façon dont l’un ou l’autre aspect de ces faits récents pourrait avoir des répercussions sur votre situation, veuillez communiquer avec un membre du groupe Régimes de retraite, avantages sociaux et rémunération des hauts dirigeants de Blakes.

DANS CE NUMÉRO

DROIT DE LA FAMILLE

COTISATIONS DE L’EMPLOYEUR POUR LES EMPLOYÉS SYNDIQUÉS

DÉLAIS DE PRESCRIPTION

DÉCLARATION INEXACTE FAITE PAR NÉGLIGENCE

FONDS DE GARANTIE DES PRESTATIONS DE RETRAITE

VIOLATION D’UNE OBLIGATION FIDUCIAIRE

INTERPRÉTATION DES CLAUSES D’UN RÉGIME DE RETRAITE

AVANTAGES RELATIFS À LA SANTÉ ET AU BIEN-ÊTRE

EXERCICE D’OPTIONS D’ACHAT D’ACTIONS

DROIT DE LA FAMILLE

Van Delst v. Hronowsky, 2019 ONSC 2569

Hronowsky et MmeVan Delst étaient un couple en instance de divorce. Tous deux participaient au régime de retraite établi en vertu de la Loi sur la pension de la fonction publique (la « LPFP »). La question en litige concernait l’inclusion de certains montants de pension dans les biens familiaux nets (les « BFN ») de chaque partie.

Durant la période où elle était mariée à M. Hronowsky, Mme Van Delst avait pris plusieurs congés non payés, dont certains qui n’ouvraient pas droit à pension. En vertu de la LPFP, un participant du régime est tenu de contribuer à son compte de pension de retraite pendant les trois premiers mois de congé, mais peut choisir de ne plus y contribuer pour la période dépassant ces trois mois. Si le participant ne fait pas ce choix, ou s’il décide de maintenir ses contributions à son compte, les prestations de pension de ce participant échoient durant son congé et les déficits doivent être payés par le participant sous forme de versement global ou de versements réguliers égaux. Mme Van Delst avait opté pour des versements égaux. À la date de sa séparation avec M. Hronowsky, plusieurs versements demeuraient impayés.

Selon la Cour supérieure de justice de l’Ontario (la « CSJO »), étant donné que Mme Van Delst, par le choix qu’elle avait effectué en vertu de la LPFP et de ses règlements, avait droit à toutes ses prestations de retraite, ces droits étaient « dévolus » selon la définition de « bien » au paragraphe 4(1) de la Loi sur le droit la famille de l’Ontario. En conséquence, l’évaluation selon laquelle Mme Van Delst continuait à accumuler du service ouvrant droit à pension pendant ses congés non payés, qui intégrait une déduction égale au montant des déficits, constituait l’évaluation appropriée à inclure dans les BFN de Mme Van Delst.

Mme Van Delst avait également droit à une prestation de survivant dans le cadre de la pension de M. Hronowsky. Or, étant donné que cette prestation n’était pas dévolue à la date de la séparation de Mme Van Delst et de M. Hronowsky et serait perdue au moment de l’octroi du divorce, la CSJO a déterminé que cette prestation ne devait pas être incluse dans les BFN de Mme Van Delst.

En ce qui a trait à la pension de M. Hronowsky, la CSJO a conclu que l’âge de la retraite à utiliser dans le cadre de l’évaluation était de 60 ans, M. Hronowsky ayant confirmé que la date envisagée pour sa retraite était la date la plus proche à laquelle il aurait le droit de toucher une pleine pension. La pension de M. Hronowsky comportait également une prestation de survivant éventuel pour un futur conjoint. En ce qui concerne cette prestation, la CSJO a accueilli la preuve selon laquelle M. Hronowsky n’aurait vraisemblablement pas de futur conjoint pour lequel la pension de survivant constituerait un actif. En effet, M. Hronowsky avait pris sa retraite dans les trois mois suivant la séparation, alors que le régime exige qu’une personne soit le conjoint du contributeur pendant au moins un an pour qu’elle soit reconnue à titre de conjoint admissible. Par conséquent, la valeur de la prestation de survivant éventuel devait être incluse dans la valeur de la pension de M. Hronowsky aux fins du calcul de ses BFN.

Décision de la Cour supérieure de justice de l’Ontario

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Stalzer (Estate) v. Stalzer, 2019 ABQB 658

Bien que Frank et Elizabeth Stalzer (les « parties ») se soient séparés en 2006, ils n’avaient pas réglé les questions liées à la division des biens matrimoniaux découlant de leur séparation avant le décès de M. Stalzer en 2016. Les deux parties avaient été membres des Forces armées canadiennes (les « FAC ») et avaient donc droit à des pensions des FAC. Mme Stalzer avait pris sa retraite autour de l’an 2000, tandis que M. Stalzer avait pris la sienne avant leur séparation. M. Stalzer était ensuite devenu participant du Local Authorities Pension Plan (le « LAPP »). Mme Stalzer touchait des prestations de survivant de la pension des FAC car elle et M. Stalzer étaient encore mariés au décès de ce dernier.

La question en litige était la division des pensions des FAC respectives des parties, ainsi que la division des prestations de pension et de décès au titre du LAPP de M. Stalzer. Selon le juge de première instance, la législation autorisait la division des pensions des FAC des parties, et ce, malgré le décès de M. Stalzer. Bien que Mme Stalzer soutenait que sa pension des FAC n’était plus divisible car les FAC n’accorderaient pas une partie d’une pension à une personne décédée, le paragraphe 8(5) de la Loi sur le partage des prestations de retraite (la « LPPR ») prévoit qu’un montant ne pouvant être transféré en raison seulement du décès de l’ex-époux doit être versé à sa succession. De plus, la LPPR n’interdit pas la demande de la division des prestations de retraite de M. Stalzer aux termes du paragraphe 4(1) en raison du décès de M. Stalzer. L’article 6 du règlement connexe prévoit spécifiquement que l’ancien époux d’un participant décédé peut demander la division des prestations de retraite.

Étant donné que Mme Stalzer touchait des prestations de survivant de la pension des FAC de M. Stalzer et était en droit de toucher des prestations de survivant jusqu’à son décès ou jusqu’à ce qu’elle n’ait plus le droit d’en recevoir, le juge de première instance a souligné que les prestations de survivant reçues par Mme Stalzer devaient être prises en compte par le tribunal pour la division égale de la pension des FAC de M. Stalzer à la source. Cependant, Mme Stalzer devait produire davantage de preuves pour qu’une décision puisse être prise à l’égard du montant, y compris le montant mensuel brut de ses prestations de survivant, le montant des prestations de survivant qu’elle avait jusqu’alors reçues, ainsi qu’une estimation du montant des prestations de survivant qu’elle pouvait recevoir au cours de sa vie.

De plus, le juge de première instance a souligné que la répartition des prestations de décès prévues au LAPP était assujettie à des définitions obligatoires établies par la loi. Bien que Mme Stalzer soutenait que les prestations de décès devaient être considérées comme des biens matrimoniaux en raison du fait que M. Stalzer avait commencé à toucher des prestations de sa pension du LAPP alors que les parties étaient toujours mariées, Mme Stalzer vivait séparément de M. Stalzer au moment du décès de ce dernier, et ce, depuis au moins trois années consécutives. Mme Stalzer ne répondait donc pas à la définition de « pension partner(s) » survivante prévue au paragraphe 1(3) de l’Employment Pension Plans Act de l’Alberta ni aux modalités du LAPP en vigueur au décès de M. Stalzer. Par conséquent, le juge de première instance a statué que Mme Stalzer n’avait pas droit aux prestations de décès à titre d’épouse survivante, et que la valeur de rachat de la pension du LAPP de M. Stalzer ne pouvait lui être versée sous forme de pension. Bien que la somme de 127 055,22 $ CA ait été versée à la succession de M. Stalzer par le LAPP, la seule portion de la pension du LAPP de M. Stalzer reconnue comme étant divisible était le montant accumulé entre la date du mariage des parties et la date de leur séparation (soit la période d’accumulation conjointe ou Joint Accrual Period).

Le juge de première instance a ordonné à la succession de M. Stalzer de demander au LAPP le calcul de la valeur de rachat de la pension du LAPP de M. Stalzer pour la période d’accumulation conjointe, ainsi que le calcul de la valeur de rachat à laquelle Mme Stalzer avait droit pour cette même période. Le juge a également ordonné à la succession de M. Stalzer de payer à Mme Stalzer sa part de la valeur nette des prestations de décès, en tenant compte du fait que Mme Stalzer devait assumer sa part des incidences fiscales, les prestations de décès ayant déjà été versées à la succession.

Décision de la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta

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COTISATIONS DE L’EMPLOYEUR POUR LES EMPLOYÉS SYNDIQUÉS

Norfolk General Hospital v. Service Employees International Union, Local 1, 2019 CanLII 81794 (ON LA)

Selon les faits convenus, une employée à temps partiel (l’« employée ») de l’Hôpital général de Norfolk (l’« Hôpital »), qui était membre de la section locale 1 du Service Employees International Union (le « SEIU »), avait adhéré volontairement au régime de retraite Healthcare of Ontario Pension Plan (le « HOOPP »), dont l’Hôpital est un employeur participant. À sa retraite, l’employée avait commencé à toucher des prestations de retraite du HOOPP. Elle est ensuite revenue travailler à temps partiel à l’Hôpital, tout en continuant à toucher les prestations de retraite du HOOPP. À son retour au travail, elle n’a pas adhéré au HOOPP, et l’Hôpital n’a effectué aucune cotisation au HOOPP pour le compte de l’employée dans le cadre de ce second emploi.

La question en litige était l’interprétation différente de la convention collective par l’Hôpital et le SEIU. Aux termes de la convention collective, les employés à temps partiel doivent recevoir un montant équivalant à 14 % du taux horaire régulier en remplacement des avantages sociaux auxquels ils n’ont pas droit, soit les avantages de la santé et du bien-être, les régimes de protection du revenu et les congés payés. Malgré ce qui précède, tous les employés à temps partiel qui adhèrent volontairement au HOOPP et qui en sont membres touchent 10 % du taux horaire régulier au lieu de bénéficier d’avantages sociaux. Or, l’employée ne recevait que 10 % du taux horaire régulier au lieu d’avoir droit au régime d’avantages sociaux offert par l’Hôpital.

Le SEIU soutenait que l’employée devait toucher 14 % du taux horaire régulier en remplacement des avantages sociaux car, aux termes de la convention collective, un employé adhérant au HOOPP bénéficiait des cotisations de l’Hôpital au HOOPP pour son compte. Le SEIU soutenait par ailleurs que cette différence de pourcentage visait à empêcher la double rémunération des employés à temps partiel. En l’espèce, le SEIU a fait valoir que ce raisonnement ne s’appliquait plus aux employés qui n’adhéraient pas au HOOPP dans le cadre d’un second emploi pour l’Hôpital et pour lesquels l’Hôpital ne versait pas de cotisations de retraite. L’Hôpital soutenait pour sa part qu’il n’existait aucune référence explicite à de telles cotisations dans la convention collective. Dans le cas en question où l’employée touchait une pension, celle-ci adhérait de toute évidence au HOOPP conformément à la convention collective.

L’arbitre a souligné que si l’interprétation de l’Hôpital était juste, l’Hôpital ne versait aucun montant à l’employée pour remplacer les cotisations de l’employeur au régime de retraite de l’employée (soit la tranche de 4 % du montant équivalant à 14 % du taux horaire régulier remplaçant les avantages sociaux). L’Hôpital n’offrait donc à l’employée aucun droit et aucun avantage, sous la rubrique de « pension », pour remplacer cette tranche de 4 % perdue, ce qui ne pouvait pas être l’intention des parties. Selon l’arbitre, le libellé de la convention collective visait à exprimer en théorie la contribution de l’Hôpital au régime de retraite de l’adhérent. Ainsi, les employés à temps partiel qui n’adhèrent pas au HOOPP reçoivent un montant remplaçant la contribution de l’Hôpital (soit 4 % du taux horaire régulier), tandis que ceux qui y adhèrent ont droit aux cotisations de l’Hôpital à leur régime de retraite et renoncent au montant de remplacement.

Par conséquent, les employés à temps partiel de l’Hôpital qui n’adhèrent pas au HOOPP lorsqu’ils sont embauchés ou réembauchés ont droit à un paiement équivalant à 14 % du taux horaire régulier, et ce, même s’ils touchent déjà des prestations de retraite du HOOPP.

Sentence arbitrale de travail (Ontario)

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Commercial Print – Craft Limited v. Unifor, Local 51G, 2019 CanLII 79288 (ON LA)

Cette affaire porte sur la mise à pied de la presque totalité d’une unité de négociation et l’insolvabilité apparente de l’employeur. Selon la section locale 51G d’Unifor (le « syndicat »), Commercial Print-Craft Limited (l’« employeur ») avait manqué à son obligation de faire les cotisations nécessaires au régime de santé et de bien-être et au régime de retraite des employés concernés. Le syndicat soutenait également que l’employeur avait manqué à son obligation d’effectuer le paiement des montants dus au chapitre des indemnités de cessation d’emploi et/ou de préavis pour licenciement et des indemnités de congé annuel.

Dans le procès-verbal de transaction, le syndicat et l’employeur ont convenu des montants dus au chapitre des cotisations au régime de santé et de bien-être, des cotisations au régime de retraite, des indemnités de cessation d’emploi et des indemnités de congé annuel. Il a également été convenu que l’employeur effectuerait tous les paiements requis. Cependant, le syndicat soutenait que l’article 4 de la Loi de 2000 sur les normes d’emploi (la « LNE ») s’appliquait en l’espèce. Aux termes de cet article, si l’employeur est incapable de faire les paiements requis, l’employeur et toute société à dénomination numérique liée à ce dernier devaient alors être considérés comme un seul employeur aux fins de l’application de la LNE. Selon le syndicat, l’employeur et la société à dénomination numérique étaient solidairement responsables des montants dus.

Bien que l’arbitre ait ordonné à l’employeur d’effectuer tous les paiements mentionnés dans le procès-verbal de transaction, il a déterminé qu’il n’avait pas la compétence pour déclarer que l’employeur et la société à dénomination numérique liée à ce dernier devraient être traités comme un seul employeur aux fins de l’article 4 de la LNE. Il a donc renvoyé la question à la Commission des relations de travail de l’Ontario.

Sentence arbitrale de travail (Ontario)

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DÉLAIS DE PRESCRIPTION

Nelson v. Lavoie, 2019 ONCA 431

L’intimée, Mme Nelson, avait été dirigée vers des planificateurs financiers (les « Appelants ») pour que ces derniers élaborent un plan financier devant lui permettre de prendre une retraite anticipée de son emploi chez Hydro One. Mme Nelson devait établir un régime de retraite individuel (un « RRI ») et y transférer la valeur de rachat des prestations de retraite accumulées au cours de son emploi chez Hydro One. Les Appelants avaient conseillé à Mme Nelson de constituer une société, de démarrer une entreprise et de travailler pour cette dernière pendant au moins deux ans avant de prendre sa retraite. Si Mme Nelson menait à bien cette démarche, ses prestations seraient supérieures à celles qui lui auraient été versées dans le cadre du régime de retraite de Hydro One.

Après avoir mis sur pied son entreprise, Mme Nelson a demandé à l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») d’agréer son RRI. Le 16 octobre 2008, elle a reçu la confirmation de l’ARC voulant que le RRI était reconnu comme agréé à compter du 1er septembre 2008. Le 31 août 2008, elle a quitté son emploi chez Hydro One et, le 24 novembre 2008, elle a transféré à son RRI la valeur de rachat de son régime de retraite de Hydro One.

En février 2009, Mme Nelson a constaté que les paiements provenant de son RRI étaient inférieurs à ceux qu’elle avait prévus. En mai 2009, le comptable dont elle avait retenu les services pour sa société nouvellement constituée l’a informée que le RRI n’était peut-être pas conforme aux exigences réglementaires. Or, les Appelants ont assuré Mme Nelson que ce n’était pas le cas. Mme Nelson a tout de même retenu les services d’un avocat et d’un comptable, qui ont produit des avis indiquant que le RRI en question ne répondait pas aux exigences d’agrément prévues à la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR ») et qu’il était probable que l’ARC révoque l’agrément. Les Appelants ont affirmé à l’avocat de Mme Nelson que ce n’était pas vrai. Le 10 octobre 2010, l’avocat de Mme Nelson a communiqué avec l’ARC pour demander un examen de la conformité du RRI avec les exigences de la LIR. Dans sa réponse datée du 28 septembre 2011, l’ARC a confirmé que le RRI n’était pas conforme aux exigences de la LIR. Mme Nelson a intenté subséquemment une poursuite contre les Appelants.

En première instance, les Appelants ont soutenu que la demande de Mme Nelson était prescrite, car le délai de prescription devait commencer à courir à compter de la date à laquelle Mme Nelson avait reçu l’avis de son avocat au sujet de la non-conformité du RRI. Pour sa part, Mme Nelson a soutenu que le délai de prescription commençait à courir le 28 septembre 2011, soit la date à laquelle elle a reçu la confirmation de l’ARC au sujet de la conformité du RRI. Mme Nelson ne pouvait savoir que les Appelants lui fournissaient des conseils négligents avant de savoir avec certitude que le RRI n’était pas conforme aux exigences de la loi.

Le juge de première instance a statué qu’il était approprié, sur le plan juridique, que Mme Nelson attende l’avis de l’ARC avant d’intenter sa poursuite contre les Appelants, et que c’est en septembre 2011 que Mme Nelson a découvert les faits donnant naissance à sa réclamation. Par conséquent, son délai de prescription n’était pas expiré au moment où elle a intenté sa poursuite en juin 2012. La Cour d’appel a confirmé la décision de première instance.

Décision de la Cour d’appel de l’Ontario

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Hall et al v. Canadian National Railway, 2019 MBQB 125

Les demandeurs étaient tous d’anciens employés du défendeur, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (le « CN »), et des participants au régime de retraite administré par le CN (le « régime »). Les demandeurs ont démissionné volontairement de leur emploi auprès du CN à différentes dates entre le 12 février 2007 et le 23 septembre 2010, avant d’avoir atteint l’âge de 55 ans. Le régime permettait aux participants de prendre une retraite anticipée lorsque leur âge et leurs années de service totalisaient 85 ans. Le régime prévoyait également que ces participants avaient droit à un paiement intégral de la pension de retraite anticipée non réduite, ou à une pension différée, sous réserve du consentement du CN. Or, le 8 juin 2006, le CN avait avisé ses employés par écrit qu’il ne donnerait plus son consentement aux employés qui démissionnent avant l’âge de 55 ans.

Les demandeurs alléguaient qu’ils auraient eu droit à la valeur de rachat non réduite de leur pension ou à la valeur actualisée de celle-ci, n’eût été ce changement dans les pratiques du CN. Le 19 octobre 2011, les demandeurs ont intenté une action contre le CN pour obtenir un jugement déclaratoire ou, à titre subsidiaire, des dommages-intérêts. La déclaration initiale se fondait sur un manquement aux obligations fiduciaires qu’avait, selon les demandeurs, le CN envers eux en tant que bénéficiaires du régime. Ils affirmaient également que le CN, en raison des mesures qu’il avait prises, s’était injustement enrichi à leurs dépens. Ils ont par la suite déposé une requête en modification de leur déclaration afin d’inclure dans celle-ci diverses allégations fondées sur la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension et une allégation de manquement aux obligations contractuelles d’agir de bonne foi et avec honnêteté.

La juge des requêtes a conclu que les modifications proposées à la déclaration constituaient une tentative d’y ajouter de nouvelles causes d’action, et qu’il était donc nécessaire de déterminer si les délais de prescription applicables étaient expirés. Le délai de prescription pour un manquement aux obligations contractuelles est de six ans après la naissance de la cause d’action; c’est-à-dire, en l’espèce, différentes dates entre le 12 février 2013 et le 3 septembre 2016, six ans après la date du départ à la retraite de chaque demandeur. Par conséquent, la juge des requêtes a rejeté la requête en modification de la déclaration proposée à l’égard de tous les demandeurs, à l’exception d’un demandeur qui avait déposé la requête en modification avant la fin du délai de six ans après son départ à la retraite.

Décision de la Cour du Banc de la Reine du Manitoba

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DÉCLARATION INEXACTE FAITE PAR NÉGLIGENCE

Calder v. Alberta, 2019 ABCA 289

La Cour d’appel de l’Alberta a confirmé la décision de la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta concernant l’interprétation du paragraphe 2.1(b) de l’annexe 6 de la Public Sector Pension Plans Act (la « PSPPA ») ainsi que l’évaluation des dommages-intérêts découlant d’une déclaration inexacte faite par négligence relativement au droit à pension d’un participant à un régime de retraite.

Avant 1992, les fonctionnaires de l’Alberta qui étaient des cadres disposaient d’un seul régime de retraite. Par la suite, deux régimes de retraite distincts ont été créés en 1994. Le Public Service Management Closed Membership Pension Plan (le « régime fermé ») s’appliquait aux participants qui avaient quitté leur emploi de cadre avant le 1er août 1992. Quant au Management Employees Pension Plan (le « régime MEP »), il était destiné aux employés qui avaient continué d’occuper des fonctions de cadre après cette date.

Le demandeur, M. Calder, appartenait à une troisième catégorie. Celui-ci avait été cadre de 1978 à 1986 et un participant réputé au régime fermé, avant d’effectuer un retour au travail et d’occuper de nouveau des fonctions de cadre en 1995. Aux termes de la PSPPA, les personnes qui reviennent travailler comme cadres sont des participants au régime fermé et au régime MEP, et sont assujetties à l’annexe 6 de la PSPPA. L’article 2.1 de l’annexe 6 prévoit que les prestations doivent être calculées en fonction du service ouvrant droit à pension avant la date de création, qui est établie dans la PSPPA comme étant le 1er août 1992. Toutefois, l’exception énoncée au paragraphe 2.1(b) prévoit que le service ouvrant droit à pension après la date de création peut être pris en compte dans le calcul des prestations. L’Alberta Pensions Services Corporation a fourni deux interprétations de cette disposition. L’interprétation de 2009 était permissive et favorable au retour des cadres comme M. Calder, permettant ainsi d’inclure tout salaire versé après le 1er août 1992 dans le calcul des prestations. Par contre, selon l’interprétation de 2012, les prestations devaient être calculées en fonction uniquement du salaire versé après le 1er août 1992, mais avant le 1er janvier 1994 (date à laquelle le régime initial a été divisé en deux pour former le régime fermé et le régime MEP). Les deux interprétations comprenaient un ajustement au coût de la vie.

Dans le cas de M. Calder, la différence entre les deux interprétations était très importante. En 2010, l’Alberta Pensions Services Corporation a assuré M. Calder que sa pension serait calculée en fonction de l’interprétation de 2009, ce qui correspondrait à des prestations mensuelles d’environ 8 000 $ CA. En s’appuyant sur cette information, M. Calder a décidé de prendre sa retraite en 2011 et il a commencé à recevoir ses prestations mensuelles. En 2014, l’Alberta Pensions Services Corporation a révisé le calcul des prestations mensuelles de M. Calder, qui sont passées de 8 000 $ CA à 2 000 $ CA environ, conformément à l’interprétation de 2012. M. Calder et son épouse ont donc intenté une action contre la province et l’Alberta Pensions Services Corporation.

Le juge de première instance s’est penché sur l’objectif de la PSPPA et a statué que l’interprétation juste était celle de 2012, décision qui a été confirmée en appel. L’intention derrière la PSPPA était de permettre la transition entre le régime de retraite unique garanti par le gouvernement et le régime fermé ainsi que le régime MEP, qui avaient une plus grande viabilité financière. Pour faciliter cette transition, la PSPPA devait traiter les droits à pension pour la période entre la fin de l’ancien régime et la création des deux nouveaux régimes, soit du 1er août 1992 au 1er janvier 1994. Par conséquent, il serait logique que le paragraphe 2.1(b) limite le salaire ouvrant droit à pension au salaire gagné au cours de cette période. De plus, l’interprétation de 2009 permettait un double traitement puisque le retraité pouvait profiter de l’avantage d’un salaire récent plus élevé tout en continuant de bénéficier d’un ajustement au coût de la vie à la hausse, dans l’hypothèse que le salaire avait été gagné avant 1992. Enfin, l’interprétation de 2009 donnerait lieu à des résultats absurdes : les anciens cadres qui reprenaient du service, comme M. Calder, toucheraient des prestations plus élevées que les cadres ayant travaillé pour la province sans interruption, puisque ceux-ci ne pourraient bénéficier de l’ajustement au coût de la vie.

Le juge de première instance a toutefois donné raison au demandeur quant à la question de la déclaration inexacte faite par négligence – une conclusion qui a été maintenue en appel. Le juge de première instance a analysé le critère permettant d’établir qu’une déclaration inexacte a été faite par négligence et a conclu que celui-ci avait été rempli en l’espèce. Il a donc jugé que M. Calder et son épouse s’étaient fiés raisonnablement et à leur détriment aux estimations de l’Alberta Pensions Services Corporation quant au droit à pension de M. Calder. Il a également conclu que des dommages découlaient de ces estimations inexactes. En raison de ces estimations et du fait que M. Calder et son épouse se sont fiés à celles-ci, le couple n’avait pas eu l’information exacte pour prendre des décisions éclairées. S’il avait obtenu des estimations exactes, M. Calder n’aurait peut-être pas pris les mêmes décisions quant à la date de son départ à la retraite et à la façon de gérer ses placements et ses dépenses pendant sa retraite.

Le juge de première instance a accordé à M. Calder des dommages-intérêts de 267 017 $ CA, qui ont été maintenus en appel. Ce quantum, qui incluait une majoration pour l’impôt, a été établi d’après un rapport actuariel qui supposait que M. Calder aurait continué de travailler à temps plein jusqu’à l’âge de 68 ans.

Décision de la Cour d’appel de l’Alberta

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FONDS DE GARANTIE DES PRESTATIONS DE RETRAITE

Archibald et. al. v. Ontario (CEO of FSRA), 2019 ONFST 16

Le Tribunal des services financiers (le « Tribunal ») a tranché : dans le contexte où un régime de retraite reçoit une distribution dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité à la suite d’une allocation provisoire d’un Fonds de garantie des prestations de retraite (un « FGPR »), l’allocation réelle au titre du FGPR devrait être calculée conformément à l’article 34 du Règlement 909 : Dispositions générales (le « Règlement ») pris en vertu de la Loi sur les régimes de retraite (Ontario) (la « LRR »).

Dans cette affaire, d’anciens employés de Nortel Networks Corporation (« Nortel ») avaient demandé une audience concernant un avis d’intention visant à faire approuver l’addenda relatif à l’indexation préparé par l’administrateur du régime de retraite, Morneau Shepell ltée. La principale question en cause était l’interprétation du paragraphe 86(4) de la LRR et de l’article 34 du Règlement.

Pour atténuer les difficultés financières des pensionnés de Nortel lors de la liquidation de cette société, Morneau Shepell a demandé et obtenu une allocation provisoire au titre du FGPR avant que ne soient calculés les actifs et les passifs du Nortel Networks Negotiated Pension Plan (régime de retraite des employés syndiqués) et du Nortel Networks Limited Managerial and Non-Negotiated Pension Plan (régime de retraite des cadres et des employés non syndiqués) (les « régimes de Nortel »). Étant donné que l’allocation provisoire au titre du FGPR était fondée sur des estimations, Morneau Shepell et le surintendant des services financiers de l’Ontario (le « surintendant ») se sont entendus sur la condition voulant que les montants excédentaires calculés conformément à l’article 34 du Règlement seraient retournés. Lorsque la distribution des dividendes aux termes de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (les « dividendes aux termes de la LACC ») a été effectuée, les régimes de Nortel ont reçu plus que ce qui avait été prévu par Morneau Shepell. Cette dernière a calculé l’allocation réelle au titre du FGPR et a effectué le rapprochement définitif.

Morneau Shepell a inclus les dividendes aux termes de la LACC qui ont été reçus par les régimes de Nortel dans le groupe des actifs disponibles aux fins du calcul de l’allocation au titre du FGPR, conformément à l’article 34 du Règlement. Selon le calcul, le remboursement total estimatif au FGPR s’élevait à 221 220 000 $ CA. Dans l’avis d’intention, le surintendant a indiqué qu’il approuvait ce calcul. Les demandeurs se sont opposés à cette approche et ont affirmé qu’une partie des dividendes aux termes de la LACC n’aurait pas dû être incluse dans le groupe des actifs disponibles pour acquitter les passifs des régimes de Nortel, car cette partie devait servir à payer pour l’indexation des prestations qui ne sont pas visées par le FGPR. Selon le calcul des demandeurs, les remboursements estimatifs auraient dû totaliser 121 618 000 $ CA, soit un écart de près de 100 M$ CA. De plus, les demandeurs ont soutenu que l’article 34 du Règlement ne s’appliquait plus, car cet article concerne les actifs existants à la date où le surintendant autorise un paiement au titre du FGPR, et non tout actif pouvant être recouvré par l’administrateur d’un régime après une telle ordonnance. Les droits du surintendant, conférés par la loi, lui permettaient plutôt d’obtenir un remboursement uniquement aux termes du paragraphe 86(4) de la LRR, ce qui limite le recouvrement par le surintendant aux montants garantis par le FGPR.

Le tribunal a rejeté les arguments des demandeurs, soulignant que l’objectif de la LRR et du Règlement est de protéger les droits des participants aux régimes de retraite. Le FGPR, conformément à l’objectif de la LRR et du Règlement, procure un dédommagement partiel aux participants pour les pertes découlant de l’insolvabilité d’une société. Les allocations sont limitées à ce qui est prévu par la LRR et le Règlement. L’interprétation de la LRR et du Règlement ne devrait pas être conflictuelle afin de s’assurer que tous les participants aux divers régimes de retraite puissent bénéficier de la protection du FGPR prévue, de façon à ne pas favoriser les participants à un régime particulier.

Le Tribunal a convenu que Morneau Shepell devait se fonder sur l’article 34 du Règlement pour calculer l’allocation et le remboursement au titre du FGPR. Cet article décrit la méthode de calcul des allocations au titre d’un FGPR. En réponse aux arguments des demandeurs, le Tribunal a noté que les dividendes aux termes de la LACC ne constituaient pas de « nouveaux actifs » acquis après l’allocation provisoire au titre du FGPR. Ces dividendes représentaient plutôt des actifs des régimes de Nortel qui étaient initialement des réclamations non quantifiées, lesquelles ont été évaluées et réalisées par la suite.

En outre, dans ces circonstances, il n’était pas nécessaire de s’appuyer sur le paragraphe 86(4) de la LRR. D’après l’article 34 du Règlement et les conditions convenues relatives à l’allocation provisoire au titre du FGPR, le surintendant avait le droit d’obtenir le remboursement au titre du FGPR. Le Tribunal a fait une mise en garde contre l’application des principes généraux de subrogation (élaborés dans le contexte des contrats d’indemnités privés) au paragraphe 86(4). Par exemple, contrairement au principe de common law de l’indemnisation complète, le droit de subrogation du surintendant s’applique une fois que le paiement du FGPR est autorisé par le surintendant, et il ne requiert pas que l’assuré soit entièrement indemnisé en premier lieu.

Finalement, le surintendant et Morneau Shepell n’ont pas manqué à un devoir fiduciaire qu’ils auraient pu avoir envers les demandeurs, puisqu’ils se sont acquittés de leurs obligations imposées par la loi et que l’approche qu’ils ont adoptée était conforme à la loi. En conclusion, le Tribunal a ordonné au surintendant (désormais directeur général de l’Autorité ontarienne de réglementation des services financiers) d’exécuter l’avis d’intention, qui approuve l’addenda relatif à l’indexation de Morneau Shepell, ce qui devrait donner lieu à un remboursement au FGPR.

Décision du Tribunal des services financiers (Ontario)

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VIOLATION D’UNE OBLIGATION FIDUCIAIRE

Trustees of the IWA v. Wade, 2019 BCSC 1085

Les demandeurs, fiduciaires du régime de retraite de l’industrie forestière de l’IWA (le « régime de retraite ») et du régime d’assurance-invalidité de longue durée de l’industrie forestière de l’IWA (le « régime d’ILD »), ont tenté d’obtenir un jugement contre le défendeur, M. Wade, qui aurait sciemment aidé la société R W Log Transport à violer une obligation fiduciaire. Les régimes de retraite et d’ILD versent des prestations aux travailleurs syndiqués de l’industrie forestière. Ces deux régimes sont financés conjointement par les employeurs et les employés. Les montants des cotisations sont calculés en fonction du nombre d’heures de travail admissibles des participants. Les employeurs participants sont tenus de soumettre des rapports de cotisations aux fins du calcul des cotisations.

En mars 2012, R W Log Transport a conclu une convention collective avec la section locale 1‑1937 du Syndicat des Métallos, et en mai 2012, R W Log Transport a conclu des conventions de participation pour le régime de retraite et le régime d’ILD. Au nom de R W Log Transport, M. Wade a signé ces conventions ainsi qu’un engagement envers le conseil fiduciaire du régime de retraite relativement au versement des cotisations dans le régime de retraite. Ce dernier était régi par la Pension Benefits Standards Act de la Colombie-Britannique, qui prévoit que les cotisations devant être versées dans un régime de retraite doivent faire l’objet d’une fiducie réputée et que les employeurs doivent s’assurer que les cotisations à un régime de retraite sont détenues séparément des actifs appartenant à l’employeur. Le régime d’ILD prévoyait expressément que toutes les cotisations sont réputées détenues en fiducie par l’employeur participant.

R W Log Transport a commencé à éprouver des difficultés financières et a cessé ses activités en novembre 2014. À la date de cette cessation, la société cumulait des dettes importantes, y compris envers les fiduciaires demandeurs. M. Wade a été l’âme dirigeante de la société de 2007 à novembre 2014. Il a éprouvé des problèmes de santé en 2014 et a réduit drastiquement sa participation dans R W Log Transport, mais il est demeuré responsable de la gestion et du contrôle de l’entreprise. En octobre 2014, les fiduciaires des régimes de retraite et d’ILD ont informé M. Wade qu’ils n’avaient reçu ni les rapports de cotisations ni les cotisations de janvier à septembre 2014, et qu’ils pourraient intenter une action en justice si les cotisations n’étaient pas versées au plus tard le 4 novembre 2014. Les fiduciaires ont établi les montants des cotisations pour la période visée à l’aide d’un calcul des heures réputées travaillées et ont intenté une action en justice pour recouvrer ces montants.

Dans le cours des procédures, les fiduciaires ont demandé à M. Wade de leur fournir des registres afin d’effectuer une vérification des heures, mais, dans une déclaration assermentée, M. Wade a indiqué qu’il n’avait aucun registre en sa possession. M. Wade a témoigné que son bureau avait été détruit le 19 novembre 2014 et qu’aucun document n’avait pu être récupéré. R W Log Transport n’a présenté aucune défense et les demandeurs ont obtenu, en juillet 2015, un jugement leur accordant 17 519,64 $ CA.

Dans son analyse des questions relatives à la violation d’une obligation fiduciaire, la Cour suprême de la Colombie-Britannique (la « Cour ») a étudié l’arrêt clé portant sur l’aide à commettre une violation d’une obligation fiduciaire : Air Canada c. M & L Travel Ltd., [1993] 3 RCS 787. Selon cet arrêt, deux façons permettent de déterminer si un tiers à une fiducie peut être tenu personnellement responsable de la violation d’une obligation fiduciaire envers les bénéficiaires de celle-ci :

  1. Si le tiers a reçu et géré en connaissance de cause des biens en fiducie, ou s’il a sciemment aidé les fiduciaires à commettre la violation malhonnête et frauduleuse d’une obligation fiduciaire.
  2. Les actions des fiduciaires sont examinées pour établir si la violation de l’obligation fiduciaire était frauduleuse et malhonnête. De plus, pour que le tiers soit tenu personnellement responsable, il doit avoir « à la fois la connaissance de fait de l’existence de la fiducie et la connaissance de fait du caractère répréhensible du manquement à la fiducie ».

La Cour a statué que R W Log Transport a violé son obligation en tant que fiduciaire à l’égard des cotisations aux régimes de retraite et d’ILD. R W Log Transport a omis de déposer les cotisations aux régimes dans un compte distinct et a plutôt détenu ces fonds dans un compte de gestion générale, seul compte bancaire de la société. Les fonds détenus dans le compte étaient insuffisants et, lorsque R W Log Transport a éprouvé des difficultés financières, l’argent qui aurait dû être mis de côté aux fins des cotisations a servi à payer les charges d’exploitation. La cour a également jugé que la violation de l’obligation fiduciaire était frauduleuse et malhonnête, car R W Log Transport a omis d’ouvrir un compte bancaire distinct pour y verser les cotisations. Ces actions ont causé un préjudice au régime de retraite et au régime d’ILD en raison du risque de défaut de verser les cotisations, de même qu’aux employés syndiqués en raison du risque de défaut de leur fournir les prestations accordées par les régimes.

En outre, des éléments de preuve démontraient que M. Wade avait connaissance de l’obligation de R W Log Transport de verser les cotisations, ainsi que de la violation de l’obligation fiduciaire par R W Log Transport. Quoi qu’il en soit, la Cour a jugé que M. Wade avait délibérément fermé les yeux sur la violation de l’obligation fiduciaire. Par conséquent, elle a conclu qu’il avait sciemment et directement participé à la violation de l’obligation fiduciaire, qu’il savait que celle-ci était frauduleuse et malhonnête, et qu’il était personnellement responsable de cette violation. La Cour a accepté d’utiliser les calculs des cotisations réputées effectuées par les demandeurs, puisque M. Wade n’avait pas présenté de documents contraires et avait omis de présenter une défense dans le cadre de l’action initiale ayant abouti à un jugement par défaut relativement aux montants réputés.

La Cour a jugé que M. Wade a engagé sa responsabilité personnelle en ayant sciemment aidé R W Log Transport à violer ses obligations fiduciaires. Il a été tenu responsable de payer la somme demandée de 16 529,95 $ CA.

Décision de la Cour suprême de la Colombie-Britannique

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INTERPRÉTATION DES CLAUSES D’UN RÉGIME DE RETRAITE

Austin v. Bell Canada, 2019 ONSC 4757

Le demandeur était un pensionné qui avait travaillé chez Bell Canada. Il a présenté une double requête, demandant l’autorisation d’une action collective proposée, au nom de retraités de Bell Canada se trouvant dans une situation similaire à la sienne, ainsi qu’un jugement sommaire statuant que Bell Canada n’avait pas bien calculé, en 2017, l’augmentation du coût de la vie pour tous les pensionnés. La Cour supérieure de justice de l’Ontario (la « Cour ») a autorisé la demande d’action collective. Elle a conclu que les causes d’action (rupture de contrat et manquements aux obligations fiduciaires) ont été plaidées adéquatement, qu’il existait un groupe identifiable de deux personnes ou plus, que des questions communes étaient soulevées pour chaque cause d’action, que des économies dans l’administration de la justice résulteraient de l’action collective et que le demandeur était un représentant adéquat.

La Cour a ensuite rejeté l’action collective autorisée par voie de jugement sommaire. Le différend entre les parties portait sur l’interprétation des clauses relatives au régime de retraite qui établissaient le montant de l’indexation de la pension pour 2017 et les années subséquentes. Selon l’interprétation du demandeur, l’indexation serait de 2 % pour 2017, alors que les défendeurs étaient d’avis que les clauses établissaient une indexation de 1 %.

La Cour a statué que le différend découlait d’un problème de ponctuation. La place d’une virgule dans la clause litigieuse donnait lieu à deux interprétations possibles. Selon l’interprétation des défendeurs, le gestionnaire du régime de retraite devait calculer de manière indépendante le pourcentage annuel d’augmentation, conformément au régime. Tandis que selon le demandeur, la clause prévoyait que les défendeurs devaient utiliser le pourcentage annuel d’augmentation fixé par Statistique Canada. Cependant, lorsque la Cour a étudié le régime dans son ensemble, il est devenu clair que seule l’interprétation des défendeurs donnait un sens aux autres dispositions de calcul connexes du régime. Appliquant la doctrine de l’interprétation des contrats pour éviter que des stipulations perdent leur effet et leur sens, la Cour a opté pour l’interprétation des défendeurs et a rendu un jugement sommaire en leur faveur, rejetant ainsi l’action collective.

Décision de la Cour supérieure de justice de l’Ontario

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AVANTAGES RELATIFS À LA SANTÉ ET AU BIEN-ÊTRE

Revolution Environmental Solutions LP (Terrapure Environmental) v. United Steel, Paper and Forestry, Rubber, Manufacturing, Energy, Allied Industrial and Service Workers International Union, Local 2009, 2019 CanLII 88163 (BC LRB)

La section locale 2009 du Syndicat international des travailleurs unis de la métallurgie, du papier et de la foresterie, du caoutchouc, de la fabrication, de l’énergie, des services et industries connexes (le « syndicat ») a déposé une plainte de pratiques déloyales de travail contre Revolution Environmental Solutions LP (Terrapure Environmental) (l’« employeur »), alléguant une violation de l’article 45 du Labour Relations Code (le « Code ») relativement à des modifications au régime d’avantages sociaux offert par l’employeur. L’article 45 du Code contient des dispositions sur le gel qui interdisent à un employeur de changer le taux de rémunération d’un employé ou de modifier une autre modalité ou condition d’emploi tant que 12 mois ne se sont pas écoulés depuis l’accréditation du syndicat par le Labour Relations Board (le « conseil ») ou tant qu’une convention collective n’a pas été conclue, selon la première de ces éventualités à survenir.

En décembre 2018, l’employeur a informé les employés de son bureau de Delta, en Colombie-Britannique, que des modifications touchant les employés non syndiqués seraient apportées au régime d’avantages sociaux dans le but d’harmoniser les régimes d’avantages sociaux à l’échelle du Canada. Pendant les mois de janvier et de février 2019, l’employeur a tenu des séances d’information et a envoyé des courriels aux employés afin de leur expliquer les modifications. Si les modifications prévoyaient une baisse, de 8 à 5 %, des cotisations de l’Employeur au REER, le nouveau régime d’avantages sociaux bonifiait cependant certains avantages relatifs à la santé et au bien-être (et prévoyait notamment l’ajout d’un compte de gestion des dépenses santé, d’une assurance contre les maladies graves et d’un régime flexible pour les employés bénéficiant d’une autre couverture). Le syndicat a été accrédité en février 2019 et les modifications au régime d’avantages sociaux ont été mises en œuvre peu après, le 1er mars 2019.

Le syndicat soutenait que l’employeur avait contrevenu à l’article 45 du Code en apportant des modifications au régime d’avantages sociaux pendant la période de gel obligatoire. Il avançait que les modifications n’auraient pas dû s’appliquer aux employés nouvellement syndiqués, qu’il n’était pas urgent de modifier les avantages sociaux et que les modifications avaient ébranlé le statu quo à l'amorce des négociations. L’employeur prétendait quant à lui que les modifications s’inscrivaient dans l’exception relative au maintien du statu quo étant donné qu’elles avaient été enclenchées et annoncées aux employés bien avant la demande d’accréditation du syndicat. Qui plus est, les modifications au régime d’avantages sociaux ne constituaient pas une modification des conditions d’emploi, car le nouveau régime était raisonnablement comparable au régime existant.

Le Conseil a tranché en faveur de l’employeur et a souligné que l’article 45 du Code ne vise pas à empêcher un employeur de donner effet à des décisions fermes qui ont été prises avant l’accréditation, mais qui ne sont mises en application qu’après celle‑ci. L’employeur avait pris la décision de mettre en œuvre le nouveau régime d’avantages sociaux et expliqué les modifications à ses employés plusieurs mois avant la demande d’accréditation du syndicat. Le Conseil a en outre souligné que l’employeur souhaitait manifestement que le régime s’applique à tous les employés, à l’exception de ceux qui étaient déjà syndiqués au moment de l’annonce des modifications, que les employés de Delta avaient été informés que le nouveau régime d’avantages sociaux s’appliquerait dans tous les emplacements, à part ceux qui étaient déjà syndiqués, et que pour satisfaire au critère du maintien du statu quo, l’employeur n’est pas tenu de démontrer un besoin pressant ou urgent de mettre en œuvre une modification.

Le Conseil a conclu que les modifications au régime d’avantages sociaux n’ébranlaient pas le statu quo et ne visaient pas à pénaliser les employés qui se joignaient au syndicat. Ainsi, l’employeur n’a pas contrevenu aux dispositions sur le gel contenues dans l’article 45.

Décision du Conseil des normes de travail de la Colombie-Britannique

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EXERCICE D’OPTIONS D’ACHAT D’ACTIONS

Fuller v. Aphria, 2019 ONSC 3778

Le demandeur, M. Fuller, et sa société personnelle, JPF Komon Kaisha Inc. (« JPF »), réclamaient des dommages-intérêts au défendeur, Aphria Inc. (« Aphria »), en raison du refus d’Aphria d’autoriser JPF à exercer 200 000 options d’achat d’actions conformément à la convention d’options d’achat d’actions intervenue entre les parties.

M. Fuller avait décidé de se lancer dans une entreprise commerciale dans le domaine du cannabis thérapeutique avec MM. Cacciavillani et Carvini et avait été nommé chef de la direction de Pure Natures Wellness Inc. (« PNW »), société remplacée par Aphria. Alors que PNW travaillait à la réalisation d’un placement privé et à la mise en œuvre d’une prise de contrôle inversée en vue de devenir une société inscrite à la cote de la Bourse de croissance TSX, MM. Cacciavillani et Carvini ont informé M. Fuller qu’ils ne souhaitaient plus que celui‑ci agisse à titre de chef de la direction de la société.

M. Fuller a conclu une convention de consultation et une convention d’options d’achat d’actions datées du 2 juin 2014 avec la société. La convention de consultation prévoyait que, pendant une durée de deux ans (soit jusqu’au 2 juin 2016), M. Fuller fournirait des services de consultation à PNW par l’entremise de JPF, notamment afin d’aider PNW à obtenir sa licence définitive lui permettant de distribuer et de vendre du cannabis thérapeutique (la « licence définitive ») et de l’assister dans diverses tâches relatives à la prise de contrôle inversée. JPF recevrait en contrepartie une rémunération d’environ 590 000 $ CA ainsi que 200 000 options d’achat d’actions ordinaires de PNW/Aphria.

Les options devaient être émises dès la réception de la licence définitive et devaient expirer cinq ans après la réalisation de la prise de contrôle inversée. Elles étaient par ailleurs assujetties aux modalités et conditions de tout régime d’options établi par le nouvel émetteur (c’est-à-dire l’entité cotée en bourse issue de la prise de contrôle inversée). La convention d’options d’achat d’actions stipulait que M. Fuller avait reçu des options d’achat d’actions ordinaires d’Aphria aux termes du régime d’options d’achat d’actions d’Aphria et que les options étaient soumises aux modalités et conditions de ce régime.

Le 1er décembre 2014, les actionnaires ont approuvé la prise de contrôle inversée ainsi que le régime d’options d’achat d’actions incitatif d’Aphria (le « régime »). Le régime prévoyait que chaque option acquise par un participant cesserait de pouvoir être exercée à la date d’expiration initiale de l’option ou six mois après la date de cessation d’emploi du participant, selon la première de ces éventualités à survenir.

Le 2 décembre 2014, Aphria a obtenu sa licence définitive, et les options ont été acquises à cette date conformément à la convention de consultation. La convention de consultation a pris fin le 2 juin 2016, au terme de sa durée de deux ans. Le 6 décembre 2017, M. Fuller a remis à Aphria un formulaire de choix signé afin d’exercer ses options d’achat d’actions. Aphria a informé M. Fuller qu’elle n’acceptait pas l’exercice de ses options, car son droit d’exercice était expiré depuis le 2 décembre 2016, conformément aux conditions du régime.

M. Fuller a fait valoir qu’il s’agissait d’une violation de contrat et a soutenu qu’il ressortait clairement, à la lecture de la convention de consultation, de la convention d’options d’achat d’actions et du régime, que les parties souhaitaient que les options soient attribuées sur une période de cinq ans. M. Fuller était d’avis que les options avaient été acquises le 2 décembre 2014 et pouvaient donc être exercées jusqu’au 2 décembre 2019. Aphria soutenait pour sa part que l’interprétation appropriée, à la lecture conjointe des trois documents, était que les options étaient soumises aux conditions du régime et que celui‑ci prévoyait clairement que les options devaient expirer six mois après la fin de la convention de consultation, soit le 2 décembre 2016.

Le juge de première instance a rejeté la demande de M. Fuller et de JPF en soulignant que la convention de consultation, la convention d’options d’achat d’actions et le régime devaient être considérés conjointement, car il s’agissait d’instruments interreliés qui devaient être interprétés les uns par rapport aux autres. Le juge de première instance a également souligné qu’une simple lecture de la convention de consultation suffisait à faire ressortir clairement que les parties souhaitaient assujettir les conditions des options au futur régime d’options d’Aphria. Même si la date d’expiration des options était le 2 juin 2019 (telle qu’elle est indiquée dans la convention d’options d’achat d’actions), la date d’exercice tombait à la date d’expiration ou six mois après la date de fin de la convention de consultation, selon la première de ces éventualités à survenir, comme il est prévu dans le régime. Ainsi, les options avaient expiré six mois après la fin de la convention de consultation, et M. Fuller ne les avait pas exercées à l’intérieur de ce délai de six mois.

Décision de la Cour d’appel de l’Ontario

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