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La gestion et la rédaction des contrats à l’ère de la COVID-19

4 mai 2020

Alors que la pandémie de COVID-19 s’intensifie, les entreprises peuvent s’attendre à ce que leurs relations contractuelles clés soient perturbées de façon continue par une multitude de facteurs, dont les restrictions imposées par les gouvernements à l’égard de leurs activités, les fermetures temporaires, les interruptions de la chaîne d’approvisionnement, la pénurie de main-d’œuvre et les préoccupations concernant les liquidités. Les conséquences de la COVID-19 devraient continuer de se faire sentir bien au-delà de la reprise des activités commerciales, et elles auront une incidence sur les relations contractuelles futures.

Le présent bulletin traite des mesures concrètes que les participants au marché peuvent prendre, dans le cadre de leurs contrats existants, aux fins du contrôle des risques liés à la COVID-19. Il aborde également les questions à considérer au moment de négocier et de rédiger les nouveaux contrats dans la foulée de la pandémie.

ÉVALUATION DES CONTRATS EXISTANTS DANS LE CONTEXTE DE LA COVID-19

À mesure que la situation évolue, l’analyse suivante des contrats existants devra être réalisée à des intervalles réguliers afin qu’elle demeure à jour et applicable à la lumière des derniers développements. Compte tenu de l’évolution rapide des exigences et des recommandations des autorités gouvernementales, toute analyse des contrats existants et des plans pour aller de l’avant devra vraisemblablement aussi être adaptée.

  • Inventaire des contrats : Procédez à un inventaire des contrats existants (y compris toute modification, tout document connexe et toute entente verbale) pour cerner les contrats susceptibles d’être touchés par la pandémie en cours. Classez ensuite ces contrats par catégorie en fonction de leur degré d’importance (par exemple, selon la mesure dans laquelle ces contrats revêtent une importance critique pour les activités de l’entreprise ou correspondent à un seuil d’importance financière) de sorte que les contrats clés soient analysés de façon prioritaire.

  • Anticiper les conséquences de la COVID-19 : Anticipez l’ampleur de ces répercussions sur les contrats (par exemple, déterminez quelles parties auront de la difficulté à s’acquitter de leurs obligations et quelles situations pourraient donner lieu à une rupture de contrat).

  • Chaîne d’approvisionnement : S’il y a lieu, déterminez quels sous-traitants et fournisseurs clés seraient difficiles à remplacer et évaluez leurs vulnérabilités.

  • Révision des clauses principales : Examinez les clauses spécifiques du contrat qui pourraient être touchées par les circonstances actuelles ou qui pourraient être invoquées en raison de la situation, dont les suivantes :

    • Force majeure

    • Effet ou changement défavorable important

    • Événement extraordinaire (autre que la force majeure)

    • Urgence

    • Obligations et modalités de paiement

    • Cas de défaut et pénalités

    • Durée et renouvellement

    • Suspension et résiliation

    • Exclusivité

    • Garantie, indemnisation et limitations de la responsabilité

    • Exigences en matière de santé et de sécurité

    • Coopération

    • Obligations d’information

    • Continuité des activités

    • Modes de règlement des différends

    • Changement dans la législation

    • Obligations d’assurance

    • Dispositions en matière d’avis et principales dates relatives à ce qui précède

  • Envisager des recours : Évaluez quels sont les recours à votre disposition dans l’éventualité d’une inexécution des obligations ainsi que les mesures requises pour préserver les droits contractuels dans les délais prescrits, de même que tout autre droit qui peut être prévu par la loi.

  • Atténuer les risques : Cernez toutes les options possibles aux fins de l’atténuation des risques dans l’éventualité d’une inexécution des obligations. Déterminez si des mesures gouvernementales sont disponibles en tant qu’outils d’atténuation des risques.

  • Répartir les risques : Déterminez si de nouvelles négociations seront nécessaires pour répartir de nouveau les risques entre les parties.

  • Déterminer les prochaines étapes : Établissez une stratégie en vue des prochaines étapes, notamment en ciblant les mesures à prendre à court terme, ainsi que les solutions provisoires et les plans de relance et d’urgence à long terme.

  • Documenter : Consignez les répercussions de la pandémie de COVID-19 et des mesures gouvernementales en réponse à celle-ci sur vos contrats et, de façon plus générale, sur votre entreprise.

  • Communiquer et collaborer : Élaborez et mettez en œuvre un plan de communication et un protocole de déclaration auprès des parties prenantes clés pour favoriser la coopération à l’égard des stratégies en prévision des prochaines étapes, de même que la préservation des relations d’affaires et la gestion des écarts possibles.

  • Avoir un esprit pratique et créatif : L’application stricte des dispositions contractuelles ou l’exécution des recours juridiques ne constituent pas toujours la meilleure approche. Soyez souple et créatif pour préserver les relations à long terme et favoriser la collaboration.

NÉGOCIATION DE NOUVEAUX CONTRATS DANS LE CONTEXTE DE LA COVID-19

Les effets de la pandémie varient d’un secteur et d’une relation contractuelle à l’autre. La section suivante du présent bulletin met l’accent sur certaines dispositions contractuelles que les parties devront examiner plus en profondeur lorsque celles-ci concluront des contrats de prestation continue au cours de cette période de turbulences (notons que d’autres formes d’ententes, comme des conventions relatives à des acquisitions et à des placements, soulèveront des questions distinctes). Nous nous attendons à ce que certaines des considérations suivantes demeurent pertinentes pour la négociation des contrats même après la fin de la pandémie, alors que les parties s’appuieront sur leur expérience de la crise pour tenter de limiter les conséquences négatives d’un événement futur similaire.

  • Types de relation : Le contexte de la COVID-19 pourrait contraindre les parties à revoir la nature ou la structure de la relation contractuelle qu’elles envisageaient ou entretenaient auparavant. Les parties pourraient chercher à savoir si les risques d’exploitation peuvent être partagés plus équitablement si les intérêts en jeu de chaque partie sont plus importants, notamment au moyen d’une copropriété, d’un partenariat, d’une coentreprise ou, en particulier dans les secteurs de l’infrastructure et de la construction, d’un contrat « agile ». Lorsqu’il s’agit de contrats d’approvisionnement, les parties peuvent revoir leurs ententes d’exclusivité traditionnelles et, entre autres choses, y intégrer des exceptions particulières ou prévoir une plus grande souplesse dans leurs chaînes d’approvisionnement. Par exemple, lorsque des vulnérabilités dans la chaîne d’approvisionnement peuvent mettre en péril la capacité d’une partie d’exécuter ses obligations, l’autre partie voudra pouvoir se tourner vers une autre source d’approvisionnement.

  • Clauses relatives à la COVID-19 : Les parties devraient rédiger des clauses concernant les conséquences actuelles et futures de la pandémie sur l’exécution de leurs obligations respectives, puisque même une clause de force majeure soigneusement rédigée et détaillée ne pourrait vraisemblablement pas s’appliquer aux conséquences futures de la COVID-19, en raison notamment de la question de l’imprévisibilité. Les parties gagneraient à avoir une certitude quant à l’incidence potentielle de la COVID-19 et de mesures mises en place en réponse à la pandémie sur les obligations et les droits respectifs des parties. Par exemple, une partie pourrait chercher à exclure ou à limiter la responsabilité pouvant être associée à la pandémie, dont les dommages résultant de l’impossibilité d’exécution en raison des restrictions imposées par les gouvernements. L’autre partie pourrait résister à l’ajout de telles exclusions ou limitations de la responsabilité en faisant valoir que la charge liée à la pandémie doit être partagée entre les parties.

    Comme solution de rechange, certaines parties peuvent opter pour des clauses de coopération aux termes desquelles chaque partie convient de collaborer avec l’autre pour résoudre les perturbations contractuelles découlant de la pandémie. Dans de tels cas, les parties voudront établir judicieusement la norme de coopération, comme les efforts raisonnables ou les meilleurs efforts, décider de circonscrire ou non la coopération à certains domaines (par exemple, le lobbying ou les communications auprès des autorités de réglementation pourraient être exclus), et préciser les conséquences d’un manquement à cette obligation. En outre, les parties devraient également prendre en considération la mesure dans laquelle il sera prévu qu’elles atténuent les dommages et assument les coûts et les dépenses connexes.

  • Normes d’exécution : Il est possible que les fournisseurs de services soient réticents à s’engager à offrir les mêmes normes d’exécution et niveaux de service dont ils avaient convenu avant la pandémie. Les parties voudront se pencher sur la façon dont les défauts peuvent être corrigés et sur les mécanismes de pénalité ou de réduction pouvant être utilisés pour moduler l’exécution.

  • Durée : Au cours de cette période incertaine, il pourrait être approprié d’opter pour une durée initiale moins longue et de mettre davantage l’accent sur la capacité des parties de renouveler leur contrat en fonction de conditions et de modalités prédéterminées. Selon la nature de la relation d’affaires, les parties peuvent également envisager de déterminer des étapes clés aux fins du suivi de l’exécution graduelle. Une autre option serait d’accorder davantage de souplesse relativement aux délais prévus pour exécuter les obligations lorsque certaines conditions sont remplies.

  • Tarification et modalités de paiement : En cette période d’incertitude, l’établissement des prix pourrait se révéler particulièrement difficile. Alors que les coûts d’exploitation augmentent, les fournisseurs pourraient songer à refiler aux clients la facture de ces charges supplémentaires. Les contrats à prix fixe pourraient être moins appropriés ou pourraient requérir d’autres exclusions. Les modalités de paiement devraient aussi être examinées, notamment les délais pour les paiements, les circonstances déclenchant une suspension des paiements et les pénalités pour les retards de paiement.

  • Résiliation : Les parties devraient envisager de réviser toutes les conditions de base relatives à la résiliation d’un contrat, dont la question de savoir si une partie pourrait disposer ou non d’un droit à la résiliation pour des raisons de commodité, ainsi que les événements donnant lieu à un défaut, les délais alloués pour donner un avis et les délais de correction.

  • Suspensions temporaires : Si des perturbations ou des interruptions sont susceptibles de survenir, les parties pourraient envisager de délimiter les conditions permettant une suspension temporaire de la prestation au lieu d’une résiliation du contrat, avec les conséquences qui en résultent. Par exemple, les parties pourraient décider que le seul remède dans une telle situation est de libérer l’autre partie de ses obligations correspondantes.

  • Mécanismes relatifs aux modifications : Reconnaissant qu’une approche souple sera nécessaire pour remédier à tout écart par rapport aux plans initiaux, les parties pourraient opter pour une procédure détaillée de modification plutôt que de s’attendre à ce que les parties conviennent d’une solution ultérieurement.

  • Droits d’audit : Les parties devront déterminer si les mécanismes d’audit exigeant un accès physique sont adéquats dans l’environnement de travail actuel et, dans la négative, les parties devront s’entendre sur des solutions de rechange.

  • Engagements des employés clés : Il est conseillé aux fournisseurs de services de revoir les engagements à l’égard de certaines personnes précises dans un contexte où les absences d’employés seront plus fréquentes. Aussi, les bénéficiaires de ces services voudront s’assurer que les processus de transfert des connaissances fonctionnent adéquatement. Cet aspect sera particulièrement pertinent dans le secteur des contrats de TI où il est courant d’inclure des clauses relatives au personnel clé.

  • Règlement des différends : Dans la foulée de la pandémie, il est possible que les parties souhaitent déterminer si d’autres modes de règlement des différends (comme des processus internes de révision des différends, des décisions d’experts, la médiation ou l’arbitrage) seraient préférables à des instances judiciaires. Cela est particulièrement vrai dans le cadre de contrats à long terme où les différends doivent être résolus rapidement pour ne pas nuire à l’exécution du contrat.

  • Risque d’insolvabilité : Les parties pourraient aussi juger qu’elles devraient disposer de clauses leur permettant d’évaluer la viabilité financière de leurs cocontractants, notamment au moyen de rapports financiers réguliers, d’un maintien de ratios financiers ou de garanties de la société mère.

  • Continuité des activités et reprise après la crise : Toutes les parties devraient s’attendre à faire l’objet d’un examen plus approfondi en ce qui a trait à leur planification de la continuité et de la reprise des activités après une catastrophe, notamment les mesures de prévention des maladies ainsi que de santé et de sécurité en milieu de travail. Elles devront évaluer judicieusement ces obligations d’information alors qu’il devient de plus en plus important d’avoir des feuilles de route détaillées concernant la pandémie. Dans certains cas, il serait approprié de souscrire à une couverture d’assurance supplémentaire.

  • Force majeure : Les clauses de force majeure devront être soigneusement révisées. En particulier, les parties devraient réviser les libellés portant sur les urgences sanitaires et les pandémies, ainsi qu’énoncer en détail les conséquences d’un événement de force majeure, en ce qui concerne notamment toutes les questions abordées ci-dessus. Les droits de résiliation dans un cas de force majeure prolongée, de même que les répercussions qui en découlent, devraient également être examinés en profondeur.

  • Clauses d’imprévisibilité (hardship: Les parties pourraient également songer à intégrer une clause d’imprévisibilité (hardship) leur permettant de renégocier le contrat si l’équilibre de celui-ci devait fondamentalement changer et faire en sorte d’imposer un fardeau excessif à l’une des parties au contrat. Dans un tel cas, les conditions préalables au déclenchement de l’application de la clause devront être rédigées avec soin et précision.

Si vous avez des questions sur les enjeux abordés ci-dessus ou besoin d’aide dans la gestion de vos contrats futurs ou existants, communiquez avec un membre de notre groupe Droit commercial et des sociétés.

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