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Callow et l’obligation d’exécution contractuelle honnête : Ce qu’il faut savoir

7 janvier 2021

Dans la décision qu’elle a rendue dans l’affaire C.M. Callow Inc. c. Zollinger, la Cour suprême du Canada (la « Cour ») a statué qu’un groupe d’associations de condominiums a manqué à son obligation d’exécution honnête d’un contrat envers un entrepreneur en entretien d’immeubles. Selon la Cour, le groupe a induit intentionnellement cet entrepreneur en erreur en l’amenant à croire qu’un contrat d’une durée de deux ans ne serait pas résilié hâtivement. Le présent bulletin résume cette décision, décrit les types de conduite qui risquent de donner lieu à un manquement à l’obligation d’exécution contractuelle honnête et offre des conseils pratiques pour la conduite de vos activités. Noter que cette décision a été rendue en fonction des principes applicables dans les provinces de common law au Canada.

QU’EST-CE QUE LA COUR A STATUÉ?

La Cour a réitéré que des parties à un contrat ne peuvent pas se mentir l’une à l’autre ni induire intentionnellement l’autre en erreur sur des questions directement liées à l’exécution du contrat. L’obligation d’exécuter un contrat honnêtement s’applique à tous les types de droits et d’obligations contractuels et les parties ne peuvent l’exclure complètement de leur contrat. Dans l’arrêt Callow, la Cour a confirmé que, outre un mensonge, des demi‑vérités, des silences ou une conduite donnée peuvent, en certaines circonstances, avoir pour effet d’« induire intentionnellement en erreur » la partie cocontractante. Un manquement à l’obligation d’exécution contractuelle honnête peut entraîner une réclamation en dommages-intérêts en sus des recours prévus au contrat.

QUELS TYPES DE CONDUITE CONSTITUENT UN MANQUEMENT À L’OBLIGATION D’EXÉCUTION CONTRACTUELLE HONNÊTE?

Conduite Manquement à l’obligation d’exécution contractuelle honnête?
Mensonges au sujet de l’exercice d’un droit contractuel ou de l’exécution d’une obligation contractuelle (« exécution du contrat »)  Oui, même si votre intention n’était pas d’amener le cocontractant à se fier à la fausse déclaration.
 
Omission de divulguer de l’information pertinente au sujet du contrat
 
Non, sauf s’il existe une obligation de divulgation distincte.
 
« Demi-vérité » : divulgation partielle de faits pertinents pour l’exécution du contrat Oui, si l’omission est trompeuse.
Omission de corriger une croyance erronée du cocontractant au sujet de l’exécution du contrat Uniquement si votre conduite a causé la croyance erronée, par exemple si vous avez fait une déclaration et que vous vous rendez compte plus tard que celle-ci était erronée ou est devenue erronée, et que vous ne l’avez pas corrigée.
Déclaration erronée involontaire ou sans le savoir au sujet du contrat Non, mais celle-ci pourrait engager votre responsabilité selon d’autres doctrines.
Mensonges ou conduite trompeuse avant la conclusion du contrat
 
Non, quoique ceux-ci pourraient engager votre responsabilité selon d’autres doctrines.
 
Mensonges ou conduite trompeuse au cours de l’exécution d’un contrat, sans que ceux-ci soient directement liés à l’exécution du contrat Non, la conduite trompeuse volontaire doit être directement liée à l’exécution des obligations prévues par le contrat, ou à l’exercice d’un droit aux termes du contrat; un lien temporel n’est pas suffisant.

QUELS SONT LES FAITS DE L’AFFAIRE CALLOW?

En 2012, C.M. Callow Inc. (« Callow ») a conclu un contrat d’entretien hivernal de deux ans et un contrat d’entretien estival d’un an avec un groupe d’associations de condominiums (« Baycrest »). Aux termes du contrat hivernal, Baycrest avait le droit de résilier le contrat pour quelque raison que ce soit en donnant un préavis écrit de dix jours à Callow.

Au début de 2013, Baycrest prend la décision de résilier le contrat hivernal conclu avec Callow mais n’en informe pas celle-ci immédiatement. En dépit de cette décision, tout au long de 2013, Callow et un membre du conseil de Baycrest tiennent des discussions au sujet du renouvellement du contrat hivernal après la durée initiale de deux ans. Au cours de l’été 2013, Baycrest accepte sans mot dire des travaux effectués gratuitement par Callow qui dépassaient ceux prévus dans le contrat d’entretien estival. En agissant de la sorte, Callow espérait inciter Baycrest à renouveler le contrat hivernal. En se fondant sur le comportement de Baycrest, Callow a cru qu’il obtiendrait probablement le renouvellement du contrat hivernal et que le contrat en cours ne serait pas résilié : une méprise dont Baycrest était au courant et que celle-ci n’a pas cherché à corriger. Étant donné que Callow croyait que son contrat n’était pas en péril et qu’il se poursuivrait au cours de sa deuxième année, il n’a pas présenté de soumissions en vue d’obtenir d’autres contrats d’entretien hivernal pour l’année suivante.  

En septembre 2013, Baycrest résilie le contrat hivernal en donnant le préavis requis de 10 jours à Callow, qui a, par lasuite, poursuivi Baycrest pour rupture de contrat. La Cour a conclu que Baycrest avait manqué à son obligation d’exécution contractuelle honnête et a condamné celle-ci à verser des dommages-intérêts à Callow. La Cour a indiqué que si Baycrest avait été honnête, Callow aurait eu la possibilité de présenter des soumissions en vue d’obtenir un autre contrat pour la saison d’hiver à venir, ce qui lui aurait au moins procuré des profits équivalents à ceux prévus au contrat conclu avec Baycrest.

CELA SIGNIFIE-T-IL QUE SI MON ENTREPRISE DÉCIDE DE RÉSILIER UN CONTRAT, ELLE DOIT EN INFORMER IMMÉDIATEMENT LE COCONTRACTANT?

Non. La Cour a déclaré sans équivoque que l’obligation d’exécution contractuelle honnête n’est pas une obligation de divulgation. Cependant, si vous n’êtes pas obligé de divulguer immédiatement le fait que le contrat va être résilié, votre organisation doit éviter de faire de fausses déclarations au sujet de l’avenir de votre relation et d’induire votre cocontractant en erreur.

Par exemple, le fait de dire à votre cocontractant que le contrat ne sera pas résilié ou que celui-ci sera vraisemblablement prolongé est trompeur et peut constituer un manquement à l’obligation d’exécution honnête.

Vous devriez également être attentif aux conclusions que votre cocontractant pourrait tirer de votre conduite. Par exemple, si vous discutez avec lui des modalités d’un renouvellement possible du contrat, il pourrait être amené à en déduire erronément que le contrat va probablement se poursuivre. Dans de telles circonstances, vous devriez vous demander si vous avez l’obligation de corriger la méprise de votre cocontractant.

CONSEILS PRATIQUES POUR ÉVITER DE MANQUER À L’OBLIGATION D’EXÉCUTION HONNÊTE

L’arrêt Callow montre clairement que c’est à partir des faits spécifiques en cause que l’on détermine s’il y a eu manquement à l’obligation d’exécution honnête. Cependant, voici quelques pratiques exemplaires que vous pourriez envisager d’adopter :

  • Tous les membres de votre organisation devraient être sur la même longueur d’onde au sujet des questions liées aux contrats. Il est important que les communications avec les cocontractants soient coordonnées. Si votre entreprise a décidé de résilier un contrat avec un cocontractant et qu’un membre de votre organisation dit au cocontractant que le contrat devrait probablement se poursuivre, cela pourrait constituer un risque de manquement à l’obligation d’exécution honnête. Dans l’arrêt Callow, par exemple, une majorité des juges de la Cour ont statué que Baycrest avait manqué à son obligation d’exécution contractuelle honnête après avoir décidé de résilier le contrat puisqu’un de ses administrateurs avait laissé entendre à Callow que le contrat allait vraisemblablement être prolongé.

  • Si la résiliation d’un contrat est envisagée, toutes les communications concernant l’avenir de la relation contractuelle doivent être scrutées à la loupe. Vous n’êtes pas tenu de divulguer à votre cocontractant que vous envisagez de mettre fin à la relation contractuelle, et vous n’êtes pas non plus obligé de répondre à ses questions à ce sujet. Toutefois, si votre entreprise envisage de résilier un contrat, il pourrait être préférable d’éviter toute discussion sur l’avenir de la relation contractuelle tant qu’une décision n’a pas été prise.

  • Si les propos tenus par votre organisation, ou la conduite de celle-ci, ont induit votre cocontractant en erreur quant à l’avenir de la relation contractuelle, corrigez cette méprise le plus rapidement possible. Une correction rapide pourrait également permettre de réduire, voire éliminer, les dommages pouvant découler du manquement à l’obligation d’exécution honnête.

La Cour a entendu l’appel dans l’affaire Callow conjointement avec l’affaire Wastech Services Ltd. c. Greater Vancouver Sewerage and Drainage District, laquelle est toujours en délibéré. Cette affaire pourrait fournir à la Cour une autre occasion de préciser le droit portant sur l’exécution contractuelle honnête et sur le grand principe directeur de l’exécution de bonne foi des contrats. 

Dans cette affaire, les avocats de Blakes, Catherine Beagan Flood, Nicole Henderson et Christopher DiMatteo, ont agi pour le compte de l’intervenante, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante.

Pour en savoir davantage, communiquez avec :

Claude Marseille                                   514-982-5089
Christopher DiMatteo                          416-863-3342
Nicole Henderson                                 416-863-2399
Catherine Beagan Flood                      416-863-2269

ou un autre membre de notre groupe Litige et règlement des différends.