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Un tribunal canadien confirme la primauté des gains en efficience dans l’examen des fusions

26 août 2021

Dans une récente décision, le Tribunal de la concurrence du Canada (le « Tribunal ») a confirmé que la détermination de l’importance des gains en efficience découlant d’une fusion constitue l’objectif premier des examens de fusions au Canada, y compris dans le contexte d’injonctions provisoires.

Le 29 juin 2021, le commissaire de la concurrence (le « commissaire ») a demandé une ordonnance « provisoire provisoire » afin d’empêcher la clôture de la fusion de Secure Energy Services Inc. (« Secure ») et de Tervita Corporation. La demande visant à bloquer la fusion a été rejetée aussi bien par le Tribunal que par la Cour d’appel fédérale, et la clôture de l’opération a eu lieu comme prévu le 2 juillet.

Dans le cadre d’une demande ultérieure, entendue le 4 août, le commissaire a cherché à faire annuler la fusion, à empêcher l’intégration ou à obliger Secure à détenir séparément certains actifs. Cette demande a été rejetée par le Tribunal le 16 août 2021 dans une décision rendue publique le 23 août.

En résumé, le Tribunal a conclu que le bénéfice tiré de l’opération par les parties fusionnantes et les gains en efficience pour l’économie canadienne étaient quantifiés, évidents et non spéculatifs, et que, par ailleurs, aucune preuve d’un préjudice quelconque pour les clients et les consommateurs par suite de la fusion n’avait été faite.

Le Tribunal a noté ce qui suit :

Le commissaire n’a fait aucun effort afin d’expliquer au Tribunal, même de façon très sommaire, comment tous ses éléments de preuve doivent être interprétés pour que le Tribunal puisse avoir au moins un certain aperçu de la façon dont on peut comparer le préjudice provisoire qu’il allègue avec le préjudice que Secure a mis en évidence de son côté.

Par ailleurs, Secure a :

fourni une preuve évidente et non spéculative quant à l’étendue générale du préjudice qu’elle subirait si l’ordonnance demandée par le commissaire était accordée.


POURQUOI LES GAINS EN EFFICIENCE SONT-ILS SI IMPORTANTS?

Les gains en efficience découlant d’une fusion demeurent le principal objectif des entreprises qui cherchent à réduire leurs coûts et à accroître la rapidité des innovations grâce aux collaborations, comme les fusions. Ceci est particulièrement vrai alors que de nombreux secteurs sont en restructuration et cherchent à s’adapter à l’évolution de la donne à l’échelle mondiale et nationale. 

Tant le Parlement, lorsqu’il a modifié la Loi sur la concurrence (la « Loi ») en 2009, que la Cour suprême du Canada, dans la décision qu’elle a rendue en 2015 dans l’affaire Tervita, ont établi clairement que les gains en efficience découlant d’une fusion sont un aspect essentiel du processus d’examen des fusions au Canada, et même l’objectif premier de l’examen des fusions par le Bureau de la concurrence (le « Bureau ») (consultez également Promoting Innovation and Efficiency by Streamlining Competition Reviews et Canada’s Efficiency Defence: Why Ignoring Section 96 Does More Harm Than Good for Economic Efficiency and Innovation (en anglais seulement)).
 
Le Bureau a néanmoins cherché à minimiser l’importance des gains en efficience dans le contexte de l’examen des fusions en critiquant la défense des gains en efficience dans un article et des exposés (Populisme, intérêt public et concurrence et Renforcer la concurrence : Innovation, collaboration et transparence) et en proposant un modèle d’accord sur les délais pour les examens de fusions comportant des gains en efficience, qui a pour effet d’empêcher la réalisation rapide d’une fusion génératrice de gains en efficience. En effet, le modèle d’accord sur les délais ajoute un délai additionnel de trois à six mois au processus d’examen des fusions et entraîne des coûts importants pour les parties fusionnantes. Jusqu’à maintenant, il n’existe qu’un seul exemple public de parties fusionnantes ayant adopté le modèle d’accord sur les délais.

Le passage le plus important de la décision du 16 août précise que lorsqu’une partie a invoqué des gains en efficience découlant de la fusion dans le cadre du processus d’examen, le commissaire doit fournir certains renseignements au moyen d’une demande en vertu de l’article 104 de la Loi s’il veut obtenir une injonction pour contrer les allégations de gains en efficience :

… le commissaire devrait être en mesure de fournir au moins des estimations approximatives, étayées par des preuves, de (i) l’éventail des effets sur les prix susceptibles de résulter de la fusion; (ii) la gamme des élasticités plausibles; (iii) des pertes sèches; et (iv), s’il y a lieu, de la mesure dans laquelle des effets autres que sur les prix sont susceptibles de résulter de la fusion. Ceci est particulièrement vrai lorsque, comme dans le cas présent, le Bureau dispose d’une grande quantité de renseignements provenant d’affaires antérieures sur lesquels il peut s’appuyer. Si le commissaire a besoin d’un délai additionnel pour préparer ses estimations approximatives, il peut demander l’ordonnance provisoire prévue à l’article 100 de la Loi.


POUR LES ENTREPRISESENIR PRINCIPAUX POINTS À RETENIR POUR LES ENTREPRISES

La décision du 16 août établit clairement que les gains en efficience constituent l’élément le plus important des examens de fusions, ce qui devrait inciter encore plus tant les parties fusionnantes que le Bureau à prioriser l’analyse des gains en efficience dès le début du processus d’examen des fusions. 

En outre, la décision remet en question l’utilité du modèle d’accord sur les délais, qui doit permettre au Bureau de disposer d’encore plus de temps que les délais prévus par la loi applicable pour évaluer et possiblement approuver une opération en se fondant sur les gains en efficience.

Dans sa décision du 1er juillet, le Tribunal a également suggéré que la procédure relative aux demandes de renseignements suivie par le Bureau pourrait être simplifiée et mieux ciblée afin de permettre à ce dernier de consacrer suffisamment de temps aux questions les plus importantes :

Une autre partie de la solution pourrait être de réduire la quantité de renseignements requis dans une demande de renseignements supplémentaires (« DRS ») et devant ensuite être analysés dans un très court délai.
Les parties à une fusion devraient fournir une preuve évidente des gains en efficience qu’elles sont susceptibles de tirer d’une fusion et souligner l’importance d’une clôture rapide de l’opération, s’il y a lieu. 

À l’avenir, le Bureau devra simplifier sa procédure relative aux demandes de renseignements et procéder plus rapidement à l’analyse des gains en efficience découlant d’une fusion.

Pour toute question concernant le présent bulletin, n’hésitez pas à vous adresser à l’avocat de Blakes avec lequel vous communiquez habituellement ou à un membre de nos groupes Concurrence et antitrust et Investissement étranger.