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Audiences 2.0 : défis et solutions en litige commercial

12 juin 2020
Il y a un volume de causes qui ont été reportées qui est très important et, conséquemment, on peut s’attendre à des délais très longs pour se faire entendre au mérite. Il y a des méthodes alternatives qu'on peut envisager comme, par exemple, la médiation et l’arbitrage.
Francis Rouleau – associé au sein du groupe Litige et règlement des différends de Blakes
Le virage technologique amorcé par les tribunaux en réponse à la pandémie est un pas dans la bonne direction, mais entraîne son lot de défis. Les avocats Francis Rouleau et Ariane Bisaillon du groupe Litige et règlement des différends de Blakes discutent des répercussions de ce virage et proposent des pistes pour réduire les retards.

Retranscription

Mathieu : Bonjour! Je m’appelle Mathieu Rompré.

Catherine : Et moi, c’est Catherine Schwartz. Bienvenue à l’é-p-i-so-de...

Mathieu : Catherine t’as de la difficulté à lire une intro?

Catherine : Ben désolée Mathieu j’suis un peu en retard. Je pense que mon signal Wi-Fi est en dépression nerveuse, puis là ça fait quatre fois que je répare mon ordi. Alors, mon intro est comme euh… pas terminée.

Mathieu : Ben là! Y aurait fallu que tu me le dises avant ça! T’es au courant qu’on a d’autres manières de communiquer? Tu peux te servir du téléphone pour m’avertir! Faut faire preuve, Catherine, d’agilité technologique!

Catherine : Ah bon! Le buzz word!

Mathieu : Oh ben là si les tribunaux québécois sont capables, t’es capable aussi!

Catherine : Justement, on en parle tout de suite avec l’associé Francis Rouleau et l’avocate Ariane Bisaillon de l’équipe Litige et règlement des différends à Montréal.

Mathieu : Francis, la pandémie a forcé plusieurs organisations à se tourner vers la technologie, parfois assez rapidement. On sait que ça a été le cas des tribunaux. Peux-tu nous en parler?

Francis : Ben, écoute, depuis l’arrêté ministériel de la ministre de la Justice, le 15 mars dernier, on a connu bien entendu une situation sans précédent au niveau de la fermeture des tribunaux. C’est sûr que les tribunaux, suivant le format traditionnel, sont restés ouverts pour des affaires urgentes, notamment pour des injonctions des matières de soins. Par contre, on a vu une évolution rapide vers la tenue d’audiences virtuelles et on peut dire qu’on a remarqué que la chambre des actions collectives, entre autres, a mené de front cette initiative-là pour faire avancer, dans la mesure où les parties consentaient, certaines mesures interlocutoires, si on veut, dans le contexte d’actions collectives par le biais d’audiences virtuelles. Donc, on a vu nettement un progrès à cet égard là avec, dans mon expérience à moi, avec les actions collectives.

Catherine : On comprend qu’il y aura certainement une accumulation de travail une fois que les tribunaux pourront reprendre pleinement leur ouvrage. Ariane, est-ce qu’il y a des mesures à prendre si, par exemple, on travaille pour une entreprise qui anticipe un procès et qu’on veut faire avancer les choses?

Ariane : Certainement! Donc, Francis mentionnait tout à l’heure l’exemple des actions collectives qui ont continué à progresser rondement pendant la pandémie et une des explications de cette approche différente, c’est que dans les actions collectives il y a toujours un juge qui est chargé de la gestion particulière de l’instance et, donc, qui peut trancher là toutes les questions procédurales au fur et à mesure qu’elles se soulèvent et vraiment suivre de près la progression du dossier dans des litiges qui sont complexes, qui demandent une intervention plus régulière d’un juge. On peut envisager de demander au tribunal de nommer un juge de gestion particulière, même si on n’est pas dans un dossier d’action collective, ce qui permettra là d’avoir un seul interlocuteur qui connaît bien le dossier et qui s’assure qu’il progresse malgré la reprise partielle des activités judiciaires. C’est important aussi d’identifier les témoins au sein de la compagnie qui pourraient être appelés à témoigner. S’assurer que c’est pas des gens qui ont été mis à pied ou qui ont quitté dans le cadre d’une réduction d’effectifs et de retracer tous les documents, surtout dans la mesure où les gens travaillent à distance. Le processus de collecte de documents peut prendre plus de temps qu’à l’habitude et, finalement, de prioriser les demandes de documents qui devraient se formuler auprès de tiers là. Par exemple, dans des litiges où on doit obtenir une copie de dossiers médicaux ou des documents auprès d’agences gouvernementales. Tous ces processus-là sont ralentis à l’heure actuelle, donc mieux vaut les lancer dès que possible.

Mathieu : Avec tous ces changements et ces complications, est-ce qu’il y a d’autres méthodes à privilégier ou des pistes à considérer pour éviter d’avoir à attendre trop longtemps?

Francis : Bien c’est sûr qu’avec la suspension qu’on a connue, même s’il y a un retour à l’ouverture des tribunaux, il y a un volume de causes qui ont été reportées qui est très important et, conséquemment, on peut s’attendre à des délais très longs pour se faire entendre au mérite. Donc, il y a des méthodes alternatives qu’on peut envisager comme, par exemple, la médiation ou l’arbitrage. C’est sûr que dans le contexte de ces deux méthodes-là, il faut encore une fois, s’entendre avec la partie adverse. Par exemple, dans le contexte de l’arbitrage, habituellement l’arbitrage se tient lorsqu’il y a une clause d’arbitrage qui est prévue dans l’entente qui fait l’objet de la dispute. Ceci étant, je pense qu’il peut être dans l’intérêt de l’ensemble des parties de considérer ces méthodes alternatives là, quitte à s’assurer qu’on va préserver, comme Ariane l’a mentionné, des éléments de preuve qui sont importants dans la cause et, par ailleurs, pour s’assurer qu’on va avoir toujours une collaboration des témoins qui sont nécessaires aussi à l’audition au mérite. Par ailleurs, on comprend que la Cour supérieure du Québec aussi, par le truchement de deux juges qui ont été mandatés à cet effet-là, encourage les parties pour des causes de courte durée qui ont été remises et dont les dates, les nouvelles dates au fond n’ont pas été fixées encore, de privilégier ces méthodes-là pour, bien sûr, de leur côté tenter d’alléger le volume de causes qui ont été reportées et, d’autre part, pour assurer que les intérêts de la justice vont servir l’intérêt des parties qui, à défaut de considérer ces méthodes alternatives là, vont être appelées à attendre assez longtemps pour être entendues au mérite.

Catherine : Pour retourner à la question d’arbitrage Ariane, est-ce qu’il y a un moyen de le faciliter? Est-ce que certains dossiers s’y prêtent plus que d’autres?

Ariane : Je dirais que le moyen le plus évident de faciliter la tenue d’un arbitrage c’est évidemment de prévoir une clause d’arbitrage obligatoire dans les contrats commerciaux là qui nous lient avec nos partenaires. Ceci dit, une fois que le litige est né et qu’il n’y a pas de clause d’arbitrage, à ce moment-là, ben il faut s’entendre avec la partie adverse et c’est sûr que dans un contexte comme celui-là les parties des fois sont moins portées à s’entendre. Ceci dit, c’est un bon moment pour rappeler justement à son adversaire les avantages de l’arbitrage et, donc, dans les dossiers où la confidentialité serait particulièrement importante où, par exemple, on peut vouloir choisir un décideur qui a une expertise dans un secteur d’activités particulières ou une expertise technique particulière ou encore c’est important d’avoir une décision rapide, bien ce sont tous des facteurs qui militent en faveur de l’arbitrage. Parce que ça nous permet de choisir son décideur, de protéger la confidentialité et d’avoir un processus qui est sans appel et qui profite beaucoup plus rapidement là que devant les tribunaux usuels. Et je dirais quand les parties envisagent un arbitrage ces jours-ci, ça devient particulièrement important de tout de suite contacter les arbitres potentiels, s’assurer de leur disponibilité, de l’absence de conflit d’intérêts, parce qu’on voit déjà une recrudescence de l’arbitrage et il y a un nombre d’arbitres limité, du moins à Montréal là, qui sont aptes à jouer ce rôle-là.

Mathieu : Est-ce qu’on se dirige vers un appareil judiciaire moins accommodant, plus rigide en raison des retards engendrés par la pandémie? À quoi vous attendez-vous exactement?

Francis : Bien pour ma part, je pense qu’au contraire on assiste en ce moment à un appareil judiciaire qui se modernise. Il faut dire que même avant la pandémie, il y avait un projet pilote qui était mené de front par le juge Clément Samson de la Cour supérieure du Québec pour voir à ce virage technologique là pour la Cour supérieure du Québec. C’est un besoin, une nécessité, étant donné déjà un volume important de causes que les tribunaux sont appelés à trancher. Donc, non, je crois que la pandémie va servir de tremplin pour poursuivre ce virage d’audiences virtuelles là. On n’est pas rendu à des auditions virtuelles au fond, étant donné qu’il y a toujours des questions de crédibilité de témoins, qui sont importants à jauger pour le tribunal de première instance, mais ceci étant, pour plusieurs incidents qui peuvent se dérouler en cours d’instance, la nouvelle réalité va être celle des audiences virtuelles.

Ariane : Et j’ajouterais à la réponse de Francis, que s’il y aura certainement une plus grande flexibilité au niveau des moyens technologiques, on peut entrevoir là qu’au niveau des dates d’audience et des disponibilités de la Cour, tous les avocats et toutes les parties seront amenés à faire leur possible pour se rendre disponibles selon les dates qui seront offertes par la Cour, justement parce qu’on a tellement un grand volume de causes qui ont été reportées et qu’on désire rattraper le retard. Donc, en ce sens-là, ce sera d’autant plus important d’identifier les témoins à l’avance, de prendre connaissance aussi des politiques internes de la compagnie quant aux déplacements des témoins, s’il y en a qui doivent voyager pour témoigner et s’il est même possible pour ces employés-là de témoigner en Cour, pour tenter de résoudre toutes ces questions-là à l’avance, et possiblement de remplacer un témoignage oral par un témoignage écrit là pour contourner des difficultés de cet ordre-là.

Mathieu : Merci beaucoup, Francis Rouleau et merci, Ariane Bisaillon. Ce sera intéressant de voir comment les choses se développent au cours des prochains mois.

Catherine : Si ce podcast vous a été utile, partagez-le avec vos collègues et avec votre réseau et n’oubliez pas de nous suivre sur la plateforme de votre choix, que ce soit Apple Podcast, Spotify ou Google Balado.

Mathieu : Prenez soin de vous et à bientôt!
 

À propos du balado Volume d’affaires de Blakes

Notre balado Volume d’affaires (anciennement Continuité) se penche sur les répercussions que peut avoir l’évolution du cadre juridique canadien sur les entreprises, et ce, dans notre réalité « post-COVID-19 » et dans l’avenir. Des avocates et avocats de tous nos bureaux discutent des défis, des risques, des occasions, des développements juridiques et des politiques gouvernementales dont vous devriez avoir connaissance. Nous abordons par ailleurs divers sujets qui vous importent et qui sont liés à la responsabilité sociale, comme la diversité et l’inclusion.

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