Contexte
En juin 2023, la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) (la « LCPE ») a été modifiée afin de reconnaître le droit à un environnement sain (le « droit à un environnement sain ») et d’exiger l’élaboration d’un cadre de mise en œuvre décrivant la façon dont ce droit serait appliqué dans l’administration de la LCPE.
À la suite de la consultation publique sur l’ébauche du cadre de mise en œuvre ainsi que le document de discussion connexe, Environnement et Changement climatique Canada (« ECCC ») et Santé Canada (« SC ») ont publié la version définitive du Cadre de mise en œuvre du droit à un environnement sain dans le cadre de la LCPE en juillet 2025 (le « cadre »). Le rapport intitulé Ce que nous avons entendu, qui résume les commentaires reçus du public et des parties intéressées, a été publié au même moment que la version définitive du cadre.
Le cadre définit la manière dont la LCPE sera administrée par le gouvernement du Canada en vue de s’acquitter de son obligation de respecter, de protéger et de faire appliquer le droit à un environnement sain. Il est important de noter que ce droit s’applique uniquement dans le cadre de la LCPE et qu’il ne s’étend pas aux autres lois fédérales ou aux lois provinciales.
Aperçu du cadre
Le cadre aborde le droit à un environnement sain sous deux angles clés, soit les éléments fondamentaux et procéduraux du droit.
- Les éléments fondamentaux affirment le droit de chaque individu de vivre dans un environnement protégé contre les substances nocives, les polluants et les déchets, où les mesures prises contribuent à un air et une eau propres et sains, un climat durable et des écosystèmes et une biodiversité en santé.
- Les éléments procéduraux comprennent l’accès à l’information, la participation à la prise de décisions ainsi que les mécanismes de responsabilité, qui permettent aux populations touchées, aux peuples autochtones et aux entités assujetties aux règlements de collaborer de manière significative aux processus en vertu de la LCPE.
Le cadre intègre également les principes de justice environnementale, d’équité intergénérationnelle et de non-régression afin de guider les obligations des décideurs de la LCPE.
Il convient cependant de noter que le droit à un environnement sain est assujetti à des limites raisonnables. Le cadre décrit cinq catégories de facteurs qui guident les décideurs de la LCPE pour établir quand et comment ces limites peuvent s’appliquer, soit les facteurs scientifiques, environnementaux, sanitaires, sociaux et économiques. Tous les facteurs ne seront pas pertinents à chaque décision prise en vertu de la LCPE.
Le droit à un environnement sain n’a pas encore été interprété par un tribunal, mais il a récemment été mentionné par un intervenant devant la Environmental Appeals Board de l’Alberta (la « commission ») dans l’affaire Prestie et al. v Director, Regulatory Assurance Division, South, Alberta Environment and Protected Areas (en anglais seulement). La commission ne s’y est toutefois pas particulièrement attardée, puisqu’il ne faisait pas partie de la question principale à l’étude. Cette affaire donne néanmoins à penser que le droit à un environnement sain pourrait être de plus en plus mentionné dans les procédures réglementaires et judiciaires alors que les parties intéressées mettent son application à l’épreuve.
Répercussions possibles et considérations commerciales
1. Période de transition progressive aux fins de la mise en œuvre
Le cadre prévoit une période de transition progressive pour permettre à ECCC et SC d’intégrer le droit à un environnement sain dans l’administration de la LCPE. Bien qu’aucun échéancier ferme ne soit précisé, les promoteurs de projets en cours ou futurs régis par la LCPE devraient être prêts à démontrer comment leurs activités tiennent compte de ce droit et du cadre, qui peuvent être modifiés pendant et après la période de transition aux fins de la mise en œuvre.
Afin d’accroître la transparence et la responsabilisation dans la mise en œuvre du cadre, un portail sur le droit à un environnement sain (le « portail ») a été établi dans le Registre de la LCPE en tant que plateforme d’accès unique pour l’information sur les mesures, les décisions et les occasions de participation du public en lien avec la LCPE. Grâce au portail, les membres du public peuvent communiquer avec les responsables des programmes et les décideurs pertinents de la LCPE, accéder à des renseignements sur les recours et l’application de la LCPE, suivre les mesures prises en vertu de la LCPE puis la façon dont ce droit est examiné, en plus d’avoir la possibilité de donner des commentaires et de participer au processus décisionnel.
2. Examen plus approfondi des projets et permis
Comme les décisions prises en vertu de la LCPE intègrent de plus en plus le droit à un environnement sain et ses principes directeurs, les promoteurs peuvent s’attendre à un examen plus approfondi des projets, des permis et des substances réglementées. Les décideurs peuvent exiger des preuves démontrant que les facteurs environnementaux, sanitaires et sociaux ont été évalués et que la participation du public a été prise en compte. Ce changement pourrait élargir l’évaluation réglementaire au-delà de la conformité technique pour adopter une approche plus large fondée sur des principes.
3. Augmentation de la transparence et de la mobilisation des Autochtones
Les éléments procéduraux du cadre mettent l’accent sur la participation du public et la mobilisation des Autochtones. Les promoteurs devraient consulter de façon précoce et appropriée sur le plan culturel les groupes et communautés autochtones touchés. La documentation détaillée des activités de mobilisation et des réponses aux préoccupations soulevées seront essentielles pour démontrer le respect du droit à un environnement sain. Le portail permettra également au public d’examiner les décisions et la façon dont ce droit a été pris en compte, ce qui augmentera les attentes en matière de transparence.
4. Possibilité de litige et de contrôle judiciaire
Bien que le droit à un environnement sain ne crée pas une nouvelle cause d’action constitutionnelle ou juridique distincte, il peut être invoqué dans le cadre de révisions judiciaires ou d’appels réglementaires. Les plaideurs pourraient faire valoir que les décisions prises en vertu de la LCPE n’ont pas tenu compte adéquatement de ce droit ou ont mal appliqué l’évaluation des « limites raisonnables ». Au fil du temps, ces contestations pourraient contribuer à façonner la portée de l’application du droit à un environnement sain dans le contexte de la législation canadienne sur l’environnement.
5. Obligations d’information accrues
Les promoteurs peuvent s’attendre à devoir communiquer des mesures environnementales, sanitaires et sociales dans des formats accessibles afin d’assurer la transparence associée au droit à un environnement sain. Cela comprend les données soumises aux termes des programmes de la LCPE et l’information accessible au public par l’intermédiaire du portail.
6. Surveillance et mises à jour continues
ECCC et SC rendront compte chaque année des progrès réalisés dans la mise en œuvre du droit à un environnement sain au moyen du rapport annuel sur la LCPE. Les entreprises devraient surveiller les mises à jour du cadre et des directives connexes afin de comprendre comment les nouveaux indicateurs ou outils de communication de l’information peuvent influer sur les approbations et les renouvellements des projets ou encore sur les mesures d’application de la loi.
Pour en savoir davantage à ce sujet, communiquez avec un des auteurs ou un autre membre de nos groupes Environnement ou Litige et règlement des différends.