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Centralisation des procédures canadiennes en insolvabilité

8 décembre 2022

L’insolvabilité commerciale peut toucher des parties prenantes situées dans de multiples territoires et détenant différents droits. Une tendance notable du droit canadien de l’insolvabilité qui se dégage depuis peu est le regroupement, ou la centralisation, des procédures en insolvabilité. Les tribunaux reconnaissent en effet de plus en plus que la restructuration efficace d’une entreprise insolvable peut dépendre du regroupement des réclamations des parties prenantes dans une procédure unique. Cette approche serait à privilégier même lorsqu’elle est incompatible avec les droits contractuels des parties, les lois applicables ou le régime fédéral du Canada en dehors du contexte de l’insolvabilité.

Dans le présent article, nous passons en revue certaines décisions récentes qui illustrent l’importance que les tribunaux d’insolvabilité canadiens continuent d’accorder à la centralisation des procédures.

1. Peace River Hydro Partners c. Petrowest Corp

L’exemple le plus notable de la tendance à la décentralisation des tribunaux canadiens lorsqu’il est question d’insolvabilité est la décision que la Cour suprême du Canada (la « CSC ») a rendue dans l’affaire Peace River Hydro. Dans cette affaire, un séquestre nommé par un tribunal avait tenté d’engager une procédure judiciaire contre certaines contreparties contractuelles du débiteur insolvable.

Or, les ententes contractuelles invoquées par le séquestre pour engager la procédure renfermaient de multiples clauses d’arbitrage. Les contreparties contractuelles ont alors cherché à invoquer ces clauses afin que soit suspendue la procédure judiciaire en faveur de l’arbitrage, conformément à la législation provinciale. De son côté, le séquestre a fait valoir que l’exécution des clauses d’arbitrage dans le contexte de la procédure de mise sous séquestre du débiteur serait non seulement coûteuse et inefficace, mais qu'elle compromettrait également l’intégrité de la procédure au détriment des parties prenantes du débiteur insolvable.  

Devant la tension existant entre les droits contractuels antérieurs à l’insolvabilité des parties et les objectifs du droit de l’insolvabilité, la CSC a priorisé le modèle de la procédure unique et autorisé la poursuite de l’action en justice malgré les clauses relatives à l’arbitrage obligatoire.

2. Mundo Media Ltd. (Re)

Les tribunaux ontariens sont parvenus à une conclusion similaire dans l’arrêt Mundo Media. Dans cette affaire, la Cour d’appel de l’Ontario a statué (dans le cadre d’une requête en autorisation d’interjeter appel) que la requête du séquestre en exécution du paiement de factures impayées faisant partie de la procédure de mise sous séquestre d’un débiteur insolvable pouvait aller de l’avant malgré l’existence d’une clause relative à l’arbitrage obligatoire exigeant la tenue d’une séance d’arbitrage à New York.

La Cour d’appel a expliqué que des mécanismes de règlement de différends contractuels antérieurs à l’insolvabilité doivent céder la place à une procédure d’insolvabilité unique et centralisée si l’exécution d’un tel mécanisme prévu dans un contrat pourrait nuire au déroulement efficace de la procédure d’insolvabilité.

3. MPX International Corporation (Re)

Dans l’affaire MPX, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a étendu la suspension d’une procédure en vertu de la LACC à plusieurs filiales étrangères internationales d’une société mère se trouvant sous la protection de la LACC. Cette approche a eu pour effet de regrouper les réclamations contre les débiteurs canadiens et leurs filiales situées à l’étranger dans la procédure canadienne en vertu de la LACC. Le fondement de cette décision était d’éviter l’instabilité qui aurait découlé de tentatives de réalisation et d’exécution non coordonnées dans des territoires étrangers au détriment de l’ensemble de la collectivité dans laquelle les débiteurs exerçaient leurs activités.

4. 1057863 B.C. Ltd. (Re)

Dans l’affaire 1057863 B.C. Ltd., la Cour suprême de la Colombie-Britannique (la « Cour suprême ») a approuvé un processus de médiation obligatoire visant à résoudre un différend considérable entre les débiteurs en vertu de la LACC et une importante partie prenante. Cette ordonnance a été rendue alors qu’il n’existait pas d’entente de médiation et que la partie prenante touchée avait soulevé des objections quant au processus de médiation en question. Pour parvenir à cette décision, la Cour suprême a souligné que la création d’une instance de médiation dans le contexte d’une procédure d’insolvabilité offrait la possibilité bien réelle de permettre la restructuration de la société insolvable et d’éviter des poursuites futures.  

5. Arrangement relatif à Bloom Lake (Re)

Enfin, dans une décision rendue l’an dernier dans l’affaire Bloom Lake, la Cour supérieure du Québec s’est penchée sur la question de savoir si elle pouvait entendre une requête visant la dissolution d’une société dont le siège social était situé à Terre-Neuve-et-Labrador dans le cadre d’une procédure en vertu de la LACC engagée au Québec. Exerçant le pouvoir discrétionnaire que lui confère la législation fédérale sur l’insolvabilité, elle a conclu qu’elle avait la compétence requise pour entendre la requête en vertu des objectifs visés par le droit de l’insolvabilité, lesquels favorisent le regroupement des questions concernant un débiteur insolvable dans une procédure unique.

Conclusion

Ces décisions démontrent que les tribunaux canadiens considèrent que le regroupement des différends portant sur l’insolvabilité est essentiel pour atteindre les objectifs des restructurations commerciales. Les parties engagées dans des procédures d’insolvabilité auraient donc intérêt à vérifier l’incidence de cette nouvelle tendance sur leurs droits, notamment leurs droits contractuels antérieurs à l’insolvabilité, tels que ceux-ci s’appliquent au règlement de différends.

Pour en savoir davantage, communiquez avec un membre de notre groupe Restructuration et insolvabilité.