Le 11 août 2025, la Cour d’appel de la Saskatchewan (la « CAS ») a rendu une décision importante au sujet de l’article 33 de la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte »). Aux termes de cette disposition, communément appelée la « clause dérogatoire », le Parlement ou la législature d’une province peut adopter une loi dans laquelle il est expressément déclaré que celle-ci s’applique indépendamment de certains droits garantis par la Charte.
Dans l’affaire Saskatchewan (Minister of Education) v. UR Pride Centre for Sexuality and Gender Diversity (l’« affaire UR Pride »), la CAS a statué que même si l’article 33 permet à une loi de s’appliquer alors qu’elle porte atteinte à certains droits garantis par la Charte, les tribunaux supérieurs conservent néanmoins leur compétence pour déclarer que cette loi enfreint la Charte. La CAS a par ailleurs souligné qu’en vertu de l’article 33, les législatures ont le dernier mot, mais pas le seul mot, sur la question de l’atteinte aux droits garantis par la Charte. Selon elle, les tribunaux conservent un rôle important dans la promotion du dialogue démocratique sur les lois qui enfreignent les lois garanties par la Charte.
L’an prochain, la Cour suprême du Canada (la « CSC ») se prononcera enfin sur l’interprétation appropriée de l’article 33 dans le cadre d’un appel interjeté à l’égard d’un jugement rendu au Québec. La décision de la CAS dans l’affaire UR Pride figurera parmi les considérations clés de la CSC dans son examen de cette question.
Contexte et décision de la CAS
Dans l’affaire UR Pride, le litige résulte de modifications apportées à la Loi de 1995 sur l’éducation de la Saskatchewan. Aux termes de ces modifications, lorsqu’un élève demande que soient employés à l’école le nouveau prénom lié au genre ou la nouvelle identité de genre qu’il préfère, les enseignants et autres employés de l’école doivent s’abstenir de le faire à moins que le consentement du parent ou du tuteur de cet élève ait été obtenu préalablement. Le gouvernement de la Saskatchewan a invoqué l’article 33 de la Charte dans le libellé même des modifications, en déclarant que celles-ci s’appliquent « nonobstant les articles 2, 7 et 15 de la [Charte] ».
Un groupe de défense de l’intérêt public de la Saskatchewan a contesté la constitutionnalité des modifications. En réponse à cette contestation, le gouvernement de la Saskatchewan a soutenu que l’invocation de l’article 33 par l’Assemblée législative écartait la compétence des tribunaux à juger de la constitutionnalité des modifications – un argument que la Cour du Banc du Roi de la Saskatchewan a rejeté.
En appel, la majorité des juges de la CAS a conclu que les tribunaux conservent la compétence de déclarer que les modifications contreviennent à la Charte et ce, même lorsque la clause dérogatoire est invoquée. La CAS a statué que le libellé de l’article 33 ne modifie pas le contenu des droits garantis par la Charte, ni ce qui constitue une limite raisonnable à ceux-ci; il permet simplement à la loi de s’appliquer indépendamment des droits énoncés dans la Charte et place cette loi à l’abri de leur application. Rien dans le libellé de l’article 33 n’écarte la compétence inhérente des tribunaux de prononcer un jugement déclaratoire.
En analysant l’objet de l’article 33, la CAS a conclu que la clause dérogatoire favorise un exercice « soutenu et répété » de la responsabilité démocratique. Dans le cadre de ce processus, le rôle des tribunaux consiste à interpréter les droits et libertés garantis par la Charte. La CAS a souligné que « l’échange des points de vue » et le dialogue institutionnel entre les différents organes du gouvernement sont essentiels au processus démocratique. Le contrôle judiciaire, dont la possibilité de prononcer des jugements déclaratoires, fait partie de ce processus.
Bien que l’article 33 empêche les tribunaux de déclarer qu’une loi est nulle et sans effet parce qu’elle est incompatible avec la Charte, cela ne signifie pas que la loi en cause ne porte pas atteinte aux droits garantis par la Charte. Du point de vue de la CAS, malgré l’invocation de l’article 33 de la Charte, les jugements déclaratoires contribuent au fonctionnement de notre démocratie constitutionnelle en sensibilisant les citoyens et les législateurs aux cas où la législation limite les droits et libertés garantis par ladite Charte.
Arrêt attendu de la CSC
L’an prochain, la CSC entendra l’appel d’une décision rendue par la Cour d’appel du Québec (la « CAQ ») dans l’affaire Organisation mondiale sikhe du Canada c. Procureur général du Québec (l’ « appel Hak »). Dans cette décision, la CAQ a statué que l’article 33 met une loi entièrement à l’abri de toute forme de contrôle judiciaire, une conclusion contraire à celle de la CAS dans l’affaire UR Pride.
Un nombre record de 68 intervenants participeront à l’appel Hak. Étant donné que les gouvernements provinciaux du Canada ont de plus en plus recours à la clause dérogatoire, ou menacent de plus en plus de le faire, les directives de la CSC sur son interprétation seront particulièrement importantes.
Blakes a agi pour le compte de l’intervenante, la Société des plaideurs, dans le cadre de l’affaire UR Pride.
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