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Développements importants concernant les exigences canadiennes en matière de transparence des sociétés

22 janvier 2024

Plusieurs territoires canadiens ont apporté d’importantes modifications à leurs exigences respectives en matière de transparence pour ce qui est de la communication de l’information sur les propriétaires véritables ultimes. Le présent bulletin contient des renseignements sur les principaux développements actuels en vertu de la législation fédérale sur les sociétés, les modifications à venir des exigences en matière de transparence des sociétés en Colombie-Britannique et les nouvelles exigences en matière de divulgation d’information au Québec.

Modifications aux exigences fédérales en matière de transparence des entreprises 

Comme nous l’avons souligné dans notre Bulletin Blakes de septembre 2022 intitulé Modifications prévues aux exigences en matière de transparence des entreprises en vigueur en Ontario et au Canada, des modifications à la Loi canadienne sur les sociétés par actions (la « LCSA ») ont été adoptées en juin 2022 qui, à leur entrée en vigueur, instaureront une nouvelle exigence selon laquelle les sociétés fermées assujetties à la LCSA seront tenues de transmettre à Corporations Canada certains renseignements contenus dans leur registre des particuliers ayant un contrôle important sur elles (les « PCI »). À l’époque, ces modifications avaient été décrites comme étant une autre étape visant à élargir les mesures fédérales prises à l’égard de la transparence des entreprises.

Le projet de loi C-42, Loi modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions et apportant des modifications corrélatives et connexes à d’autres lois (le « projet de loi C-42 ») a été introduit en mars 2023 en tant que mesure supplémentaire pour accroître la transparence des sociétés par actions constituées sous le régime fédéral. Ayant reçu la sanction royale le 2 novembre 2023, le projet de loi C-42 apportera, à son entrée en vigueur, des modifications supplémentaires à la LCSA aux termes desquelles certains renseignements concernant les PCI des sociétés assujetties à la LCSA qui ne sont pas exemptées seront rendus accessibles au public.

Toutes ces modifications sont entrées en vigueur le 22 janvier 2024.

Exigences en matière de dépôt de renseignements pour les sociétés assujetties à la LCSA 

À compter du 22 janvier 2024, toutes les sociétés assujetties à la LCSA sont tenues de déposer auprès de Corporations Canada certains renseignements au sujet des PCI au moins une fois par année. Ces renseignements doivent porter sur les PCI de la société, ou encore servir à confirmer que la société déposant les renseignements appartient à l’une des catégories de sociétés exclues des exigences relatives à la tenue d’un registre de PCI, y compris certaines sociétés publiques ou leurs filiales en propriété exclusive.

Dans le cadre de ce développement, Corporations Canada a publié un avis détaillant les nouvelles exigences en matière de dépôt de renseignements qui s’appliquent aux sociétés assujetties à la LCSA. En bref, toute société assujettie à la LCSA à laquelle s’appliquent les exigences relatives à la tenue d’un registre des PCI est tenue de déposer auprès de Corporations Canada les renseignements contenus dans son registre annuellement ainsi que dans les 15 jours suivant un changement dans son registre. De plus, toute société assujettie à la LCSA doit déposer ces renseignements (ou une confirmation de son exclusion de ces obligations de dépôt) au moment de sa constitution et dans les 30 jours suivant la fusion ou la prorogation de cette société en vertu de la LCSA.

Création d’un registre public pour les sociétés assujetties à la LCSA

Au nombre des modifications figurant au projet de loi C-42 qui sont entrées en vigueur le 22 janvier 2024, les renseignements suivants à l’égard des PCI de sociétés assujetties à la LCSA non exclues seront mis à la disposition du public sur le site Web de Corporations Canada :

  • le nom légal complet du PCI;
  • l’adresse aux fins de signification du PCI, si une telle adresse a été fournie;
  • l’adresse résidentielle du PCI, si une adresse distincte aux fins de signification n’a pas été fournie;
  • les dates auxquelles le particulier est devenu, et/ou a cessé d’être, un PCI, selon le cas; 
  • une description du contrôle important détenu par le PCI, notamment, s’il y a lieu, une description de leurs droits ou intérêts relativement aux actions de la société; 
  • tout autre renseignement pouvant être prescrit par règlement à l’avenir.

Les modifications proposées dans le projet de loi C-42 prévoient une exception à la divulgation publique des renseignements de PCI pour les particuliers âgés de moins de 18 ans ou auxquels s’appliquent des circonstances additionnelles qui seront prescrites par règlement à l’avenir. De plus, si un PCI demande au directeur responsable de veiller à l’application de la LCSA (le « directeur ») que tout renseignement à son égard ne soit pas rendu accessible au public, le directeur peut ne pas rendre public le renseignement en question pour certaines raisons précisées au projet de loi C-42, notamment, mais sans s’y limiter, s’il a de bonnes raisons de croire que le fait de rendre ce renseignement accessible au public présente ou présenterait une menace sérieuse à la sécurité du PCI en question. 

Comme il est indiqué ci-dessus, les modifications prévoient qu’un PCI peut fournir une adresse aux fins de signification ainsi qu’une adresse résidentielle. Si les deux adresses sont fournies, seule l’adresse aux fins de signification sera rendue accessible au public. Par conséquent, de nombreux PCI pourraient souhaiter s’assurer qu’une adresse aux fins de signification sera incluse dans les documents déposés par la société concernée afin d’éviter la divulgation publique de leur adresse résidentielle.

Autres modifications

Les modifications à la LCSA prévoient l’augmentation des peines pour la non-conformité aux exigences relatives aux PCI. Notamment, la peine pour un administrateur ou un dirigeant ayant sciemment donné son autorisation, sa permission ou son acquiescement à la non-conformité de la société à ces exigences passe à une amende maximale de 1 M$ CA et/ou à un emprisonnement maximal de cinq ans, ce qui constitue une augmentation considérable par rapport à la peine précédente, soit une amende maximale de 200 000 $ CA et/ou d’un emprisonnement maximal de six mois.

Les modifications apportent également des changements additionnels aux exigences existantes, notamment les suivants :

  • les renseignements devant être collectés à l’égard des PCI doivent comprendre, entre autres, le (ou les) pays de citoyenneté de chaque PCI;
  • la mise à jour des renseignements sur les PCI peut être requise sur demande du directeur et à tout autre moment pouvant être prévu par règlement futur, et non seulement annuellement et lorsque la société a pris connaissance de changements à ces renseignements;
  • le directeur peut partager des renseignements avec les registres des entreprises provinciaux, ainsi qu’avec les ministères provinciaux desquels relève le droit des sociétés dans leurs provinces respectives;
  • le directeur peut refuser de délivrer un certificat de conformité et dissoudre une société lorsque celle-ci est en défaut de se conformer aux exigences relatives aux PCI;
  • des modifications corrélatives et connexes à d’autres lois fédérales.

Modifications à venir aux exigences en matière de transparence des entreprises en vigueur en Colombie-Britannique

De façon similaire aux modifications visant la LCSA, le gouvernement de la Colombie-Britannique a récemment adopté des modifications à la Business Corporations Act de la Colombie-Britannique (la « BCACB ») pour mettre en place un registre public et consultable de renseignements sur la propriété effective des sociétés. L’objectif déclaré de ces modifications est d’accroître la transparence des sociétés et de réduire l’utilisation des sociétés fermées de la Colombie-Britannique dans le cadre de stratagèmes criminels, y compris des stratagèmes de recyclage des produits de la criminalité.

Comme nous l’avions indiqué précédemment dans notre Bulletin Blakes d’avril 2020 intitulé BCBCA Amendments: Transparency Register to Track Significant Individuals (disponible en anglais seulement), les sociétés fermées de la Colombie-Britannique doivent actuellement tenir, à leur siège social, un registre des particuliers (significant individuals) exerçant un contrôle sur elles. À l’adoption du projet de loi intitulé Bill 20, Business Corporations Amendment Act, 2023 (le « projet de loi 20 ») en mai 2023, le gouvernement de la Colombie-Britannique a apporté des modifications additionnelles à la BCACB qui, à leur entrée en vigueur, exigeront que les sociétés fermées assujetties à cette loi fournissent au registraire de cette province des renseignements contenus dans leur registre de transparence au sujet des particuliers exerçant un contrôle sur elles. Certains de ces renseignements seront par ailleurs rendus accessibles au public.

Exigence en matière de dépôt pour les sociétés de la Colombie-Britannique

À leur entrée en vigueur, les modifications exigeront que les registres de transparence soient transmis au registraire de la Colombie-Britannique : 

  • par toute société existante, et ce, chaque année;
  • par toute société nouvellement constituée, et ce, dans les six mois suivant sa constitution;
  • dans les 15 jours suivant tout changement apporté au registre de transparence.

Les modifications proposées permettront également au registraire de jouer un rôle plus actif dans la vérification des renseignements sur les particuliers exerçant un contrôle sur les sociétés.

Création d’un registre public pour les sociétés de la Colombie-Britannique

En outre, aux termes du projet de loi 20, les renseignements suivants concernant les particuliers exerçant un contrôle sur les sociétés fermées assujetties à la BCACB seront rendus accessibles au public :

  • le nom complet et l’année de naissance du particulier; 
  • le fait que le particulier soit ou non un citoyen canadien ou un résident permanent du Canada;
  • si le particulier n’est ni citoyen canadien ni résident permanent du Canada, chaque pays ou État duquel le particulier est citoyen. 

Les modifications proposées exigeront également que les renseignements suivants à l’égard des particuliers exerçant un contrôle sur les sociétés assujetties à la BCACB soient recueillis par ces dernières et rendus accessibles au public à des fins de recherche et d’inspection par des fonctionnaires désignés dans certaines situations :

  • la date de naissance et la dernière adresse connue du particulier;
  • le fait que le particulier soit ou non un résident du Canada aux fins de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada);
  • le numéro d’assurance sociale du particulier, s’il y a lieu;
  • le numéro d’identification-impôt émis au particulier par l’Agence du revenu du Canada;
  • la date à laquelle le particulier est devenu ou a cessé d’être un particulier exerçant un contrôle sur la société;
  • une description du contrôle exercé par le particulier sur la société; 
  • une déclaration selon laquelle la société a déterminé que le particulier est incapable de gérer ses propres affaires, le cas échéant;
  • tout autre renseignement prescrit.

Les renseignements ci-dessus peuvent devoir être rendus accessibles aux fins de recherche et d’inspection dans différentes situations, notamment pour les besoins de l’impôt, pour les besoins de l’application de la loi, sur demande d’un responsable de l’application de la loi ou d’un fonctionnaire d’un ministère, à des fins réglementaires, aux termes d’ententes d’échange de renseignements conclues avec des registres équivalents dans d’autres territoires canadiens ou étrangers, ou en vertu de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (Canada).

Les modifications prévoient une exception à la divulgation publique des renseignements susmentionnés dans les cas où le particulier est âgé de moins de 19 ans ou a été désigné comme incapable de gérer ses propres affaires. De plus, si un particulier exerçant un contrôle sur une société demande au registraire de ne pas rendre accessible au public une partie ou la totalité de ses renseignements, le registraire peut choisir de ne pas divulguer ces renseignements au public s’il a de bonnes raisons de croire que le fait de rendre ces renseignements accessibles au public pourrait présenter une menace sérieuse à la sécurité, à la santé mentale ou à la santé physique du particulier en question ou des membres du ménage de ce dernier.

Régime d’information sur les bénéficiaires ultimes du Québec

Contrairement aux modifications apportées à la LCSA et à la BCACB, le gouvernement du Québec a choisi plutôt de modifier certaines dispositions de la Loi sur la publicité légale des entreprises (la « Loi »), laquelle régit le Registraire des entreprises du Québec (le « REQ ») et les personnes tenues de s’inscrire au registre des entreprises de la province (les « assujettis »), par suite de l’adoption du projet de loi no 78, Loi visant principalement à améliorer la transparence des entreprises (le « projet de loi 78 »). Aux termes de ces modifications, tout assujetti, quelle qu’en soit sa forme juridique ou sa gouvernance, sera tenu de divulguer certains renseignements au REQ. De plus, ces modifications permettront à l’ensemble du public d’accéder gratuitement aux renseignements sur les bénéficiaires ultimes des assujettis.

Comme il est indiqué dans notre Bulletin Blakes de décembre 2020 intitulé Transparence des entreprises et nouveau régime d’information sur les bénéficiaires ultimes : le Québec va de l’avant, ces nouvelles obligations de divulgation ont pour but de lutter contre les paradis fiscaux, l’évasion fiscale, l’évitement fiscal abusif, les activités criminelles et la corruption. Elles placent le Québec au nombre des territoires les plus transparents avec le Royaume-Uni et la plupart des membres de l’Union européenne.

Exigences relatives aux dépôts auprès du REQ

Depuis le 31 mars 2023, tout assujetti est tenu de fournir au REQ les renseignements suivants à son égard (sous réserve de certaines exceptions) :

  • la liste de ses propriétaires véritables ultimes;
  • la date de naissance de chaque personne physique inscrite au registre des entreprises, qu’il s’agisse d’un administrateur, d’un dirigeant, d’un actionnaire ou d’un propriétaire véritable;
  • une pièce d’identité valide, émise par une autorité gouvernementale ou une entité qui relève d’un gouvernement, pour chaque administrateur;
  • l’adresse résidentielle et, s’il y a lieu, l’adresse professionnelle de chaque personne physique inscrite au registre des entreprises.

Pour les entités immatriculées auprès du REQ, ces renseignements doivent être fournis à ce dernier dans le cadre de leur déclaration de mise à jour annuelle devant être produite après le 30 mars 2023. Dans tous les autres cas, ces renseignements doivent être fournis au REQ dans le cadre de la production de la déclaration d’immatriculation ou de la déclaration initiale, ou dans les 30 jours suivant tout changement aux renseignements fournis par une entreprise immatriculée au REQ.

Conformité et application de la loi 

Les assujettis auraient avantage à se conformer dès que possible aux exigences prévues au projet de loi 78, étant donné que d’autres modifications qu’apporte ce dernier à la Loi viennent élargir les pouvoirs du REQ permettant à ce dernier de s’assurer de l’exactitude des renseignements déclarés, notamment au moyen d’un audit de l’immatriculation de l’assujetti. Bien que de tels audits aient toujours été possibles, ils n’étaient pas une mesure couramment utilisée avant l’adoption du projet de loi 78.

À la suite d’un tel audit, s’il est déterminé que certains renseignements sont erronés ou manquants, un avis de non-conformité sera émis à l’assujetti, lequel disposera de 60 jours pour rectifier la situation. Si l’assujetti n’apporte pas les corrections requises à son dossier, le REQ peut radier d’office l’immatriculation de l’assujetti ou imposer une amende à ce dernier. La radiation de l’immatriculation de l’assujetti aurait pour conséquence de paralyser les activités de l’assujetti au Québec, car elle entraînerait la radiation de tout autre enregistrement lié au numéro d’entreprise du Québec (« NEQ »), y compris, sans s’y limiter, l’enregistrement auprès de Revenu Québec et l’inscription à la CNESST.

Tendance croissante

Les développements présentés dans ce bulletin ne sont que les plus récents changements dans le domaine en évolution rapide de la transparence des sociétés au Canada. À l’exception de l’Alberta, des Territoires du Nord-Ouest, du Yukon et du Nunavut, tous les territoires de constitution au Canada ont adopté, sous une forme ou une autre, des exigences relatives à la transparence des sociétés. Il y a lieu de s’attendre à d’autres modifications et directives au fur et à mesure que les gouvernements fédéral et provinciaux établissent et mettent au point leurs approches respectives en la matière.

Pour en savoir davantage à ce sujet, n’hésitez pas à vous adresser en tout temps à l’avocat de Blakes avec lequel vous communiquez habituellement ou à un membre de notre groupe Droit commercial et des sociétés.