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Droit de la concurrence et investissements étrangers dans un contexte de mesures tarifaires et de tensions commerciales

8 mai 2025

Le contexte économique actuel pourrait bien induire des changements dans les normes et les tendances relatives aux examens réalisés en vertu de la Loi sur la concurrence et de la Loi sur Investissement Canada) (la « LIC »).

Les parties à une fusion devraient commencer à élaborer bien à l’avance leur opération, conscientes de la possibilité que cette dernière fasse l’objet d’examens en vertu de la Loi sur la concurrence et de la LIC. Elles pourraient, entre autres, vouloir procéder assez tôt à l’analyse des marchés pertinents, de la concurrence et des facteurs géopolitiques, en tenant compte des développements engendrés par les tensions commerciales en cours. Il serait par ailleurs judicieux pour les sociétés qui font des affaires au Canada de veiller à ce que leurs stratégies en matière de conformité réglementaire demeurent à jour, au fur et à mesure que la situation évolue.

Principales considérations liées au droit canadien de la concurrence

En vertu de la Loi sur la concurrence, les fusions font l’objet d’un examen afin de déterminer si elles sont susceptibles d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence. Jusqu’ici, la nationalité des parties à une fusion n’était pas un facteur pertinent dans le cadre d’un tel examen. De plus, la présence ou l’arrivée de concurrents étrangers sur le marché canadien était vue comme favorisant une concurrence encore plus vigoureuse. Cela pourrait toutefois changer à l’avenir en fonction de l’imposition de tarifs douaniers et d’autres mesures commerciales. Les examens réalisés pourraient de surcroît être plus longs que d’ordinaire.

Les mesures tarifaires pourraient réduire le nombre de concurrents dans un marché 

Les tarifs douaniers imposés sur les marchandises importées au Canada pourraient faire en sorte que les concurrents étrangers réduisent ou cessent leurs exportations vers le Canada, ce qui augmenterait les niveaux de concentration. Le Bureau de la concurrence du Canada (le « Bureau ») devra notamment réfléchir aux questions suivantes : 

  • Combien de temps les tarifs douaniers devraient-ils demeurer en vigueur?
  • Quelles sont les répercussions probables des tarifs douaniers imposés par les autres pays?
  • Les concurrents canadiens seront-ils enclins à vendre plus de produits à l’intérieur du Canada?

Aux répercussions de ces éventuels changements dans les mouvements commerciaux s’ajoutent celles des modifications récentes apportées aux dispositions sur les fusions de la Loi sur la concurrence, qui comprennent maintenant une présomption selon laquelle une fusion est réputée anticoncurrentielle si des seuils précis de part de marché et de concentration sont atteints (consultez le Bulletin Blakes intitulé Examen des fusions : Survol des modifications à la Loi sur la concurrence et des mises à jour des lignes directrices sur les fusions).

Point clé à retenir : Les analyses effectuées par les parties à une fusion devraient tenir compte des éventuelles répercussions des mesures commerciales qui ont été prises ou qui pourraient l’être. Les parties devraient également porter une grande attention à la manière dont elles rendent compte de ces répercussions possibles dans les documents qu’elles produisent dans le cours normal de leurs activités, puisqu’elles pourraient devoir soumettre ces documents dans le cadre d’un examen.

Le fait de promouvoir l’achat de produits canadiens pourrait modifier les préférences des clients 

Si les entreprises et consommateurs canadiens décidaient de privilégier les produits canadiens, notamment en restreignant leur approvisionnement aux fournisseurs canadiens, l’éventail des solutions de rechange pourrait être réduit, les parts de marché pourraient changer et les fusions pourraient faire l’objet d’une surveillance accrue.

Point clé à retenir  Les parties à une fusion devraient s’attendre à ce que le Bureau évalue la mesure dans laquelle des concurrents étrangers devraient être inclus dans le paysage concurrentiel, compte tenu des enjeux commerciaux actuels.

Une attention encore plus grande sera accordée aux décisions prises par les parties concernant les prix 

Du fait des tarifs douaniers et des tensions commerciales, les parties à une fusion devraient s’attendre à ce que le Bureau scrute davantage leurs décisions en matière de prix et leur conduite connexe, y compris dans des contextes autres que celui de l’opération de fusion.

Les prix fixés par une partie en tenant compte des tarifs douaniers (ou les prix plus élevés qui persisteraient après la levée des tarifs) pourraient être réputés constituer des prix « excessifs » en vertu des dispositions sur l’abus de position dominante énoncées dans la Loi sur la concurrence. De plus, les parties qui collaborent dans le but de défendre leurs intérêts dans le contexte des mesures tarifaires pourraient voir leur conduite remise en question, surtout si elles échangent de l’information ou semblent agir de façon coordonnée (sauf dans le cas du lobbying). 

Point clé à retenir  Les entreprises devraient s’assurer que leurs programmes de conformité à la législation en matière de concurrence sont à jour et tiennent compte de l’incidence de la nouvelle conjoncture créée par les mesures tarifaires et les tensions commerciales.

Principales considérations liées aux examens des investissements étrangers

Même si le gouvernement du Canada continue de vouloir attirer des investissements étrangers, les développements récents pourraient faire en sorte que la charge de travail du personnel chargé d’administrer la LIC pourrait s’accroître, notamment par la réalisation d’examens plus pointus des investissements en provenance des États-Unis et des pays ayant peu d’antécédents en matière d’investissement au Canada. Les investisseurs devraient par ailleurs songer à bonifier leurs stratégies en matière de relations gouvernementales et de relations publiques étant donné le risque que les investissements deviennent de plus en plus politisés dans les circonstances actuelles.

Notons que le programme du Parti libéral du Canada, en fonction duquel Mark Carney a été élu au poste de premier ministre à la fin avril, prévoit le renforcement de la LIC en rendant un plus grand nombre d’opérations sujettes à examen et en ciblant les modèles d’opérations manipulatrices.

La surveillance des investissements pourrait être encore plus assidue

La coopération étroite et active sur le plan militaire et du partage de renseignements qui existe entre le Canada et ses alliés traditionnels, dont les États-Unis et le Royaume-Uni, a fait en sorte que les investissements provenant de tels pays étaient moins susceptibles de faire l’objet d’un examen relatif à la sécurité nationale. Bien que nous croyions que cette tendance va persister, le climat économique actuel soulève un certain doute, surtout dans la mesure où les opérations faisaient déjà l’objet d’une surveillance accrue (consultez notre guide intitulé Loi sur Investissement Canada : Une nouvelle ère pour l’examen des investissements étrangers).

Point clé à retenir : Les parties à une fusion devraient s’attendre à ce qu’un plus large éventail d’investissements par des non-Canadiens dans des entreprises canadiennes soient assujettis à une surveillance accrue, y compris à des exigences d’examen préalable à la clôture.

La « sécurité économique » constitue un nouveau facteur pris en considération lors d’examens relatifs à la sécurité nationale 

Le 5 mars 2025, le gouvernement du Canada a mis à jour les Lignes directrices sur l’examen relatif à la sécurité nationale des investissements en introduisant un nouveau facteur d’évaluation, à savoir « la mesure dans laquelle l’investissement pourrait porter atteinte à la sécurité économique du Canada en raison de l’intégration accrue des entreprises canadiennes à l’économie, ou à tout secteur de celle-ci, d’un État étranger » (consultez le Bulletin Blakes intitulé Le gouvernement canadien met à jour les Lignes directrices sur l’examen relatif à la sécurité nationale des investissements). 

Point clé à retenir : En reconnaissant explicitement la « sécurité économique » en tant que facteur à prendre en considération en lien avec les examens relatifs à la sécurité nationale, le gouvernement canadien signale que même les investissements de moindre envergure qui ont des répercussions économiques sur le Canada ou des collectivités canadiennes pourraient faire l’objet d’un examen plus approfondi.

Le ministre met en garde contre de possibles investissements étrangers opportunistes ou prédateurs 

Au moment de publier les lignes directrices, l’ancien ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie a prévenu que les conditions commerciales pourraient rendre les entreprises canadiennes plus vulnérables à des opérations d’investissement opportunistes ou prédatrices, lesquelles pourraient nuire aux intérêts du Canada, ce qui donne à penser que le gouvernement canadien est prêt à utiliser plus largement son pouvoir discrétionnaire au moment de réaliser ou non des examens.

Point clé à retenir : Dans le contexte économique actuel, les investissements étrangers visant des entreprises canadiennes feront vraisemblablement l’objet d’une surveillance accrue dans le but de déterminer si le comportement des investisseurs concernés est opportuniste ou prédateur.

Pour en savoir davantage au sujet de ces développements, communiquez avec un membre de nos groupes Concurrence et antitrust ou Investissement étranger.

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