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Hausse marquée des litiges – Partie II : Composer avec les retards

8 mai 2020
Nous constatons une augmentation importante de l’intérêt porté aux procédures écrites devant les tribunaux, les téléconférences et les vidéoconférences, ainsi qu’un élargissement des types d’instances pouvant être tenues à distance.
Max Shapiro, associé du groupe Litige et règlement des différends de Blakes

Balado disponible en anglais avec retranscription en français ci-dessous. 

Alors que les entreprises s’efforcent de s’adapter à la nouvelle normalité et s’affairent à rouvrir graduellement leurs portes, les tribunaux et les plaideurs sont confrontés à leur propre lot de défis, devant faire du rattrapage et organiser des audiences virtuelles. Dans ce nouvel épisode de notre balado, les plaideurs Max Shapiro et Alyssa Duke de Blakes donnent un aperçu de ce que cela signifie pour vous.

Retranscription

Mathieu : Bonjour, je m’appelle Mathieu Rompré.
 
Peggy : Et je m’appelle Peggy Moss. Vous écoutez le cinquième épisode de la séance de clavardage vidéo Continuité de Blakes.
 
Mathieu : De la quoi? Non. Non, non. Il s’agit d’un balado. Vous savez, l’émission que nous animons depuis près de deux mois maintenant?
 
Peggy : Tu n’es pas au courant? Tout se fait par vidéo maintenant. Même les tribunaux tiennent des audiences à distance. Du coup, je me pose une question; crois-tu qu’il y ait une certaine souplesse pour le port de la robe?
 
Mathieu : Tu veux dire comme les robes de chambre?
 
Peggy : Oui! Passons! Le moment est sans doute bien choisi pour rappeler aux auditeurs que ce balado ne constitue pas un avis juridique.
 
Mathieu : Ni ne contient des conseils sur la mode, au cas où quelqu’un se le demandait.
 
Peggy : Max Shapiro, associé du groupe Litige chez Blakes, se joint à nous à l’instant. Max, je crois comprendre que les tribunaux ont clairement fait savoir qu’ils étaient prêts à reprendre du service. Comment est-ce que cela va se passer?
 
Max : On se dirige assurément vers une réouverture prochaine des tribunaux. On semble faire valoir que la période de suspension initiale des activités et d’ajustement dans les services a déjà été très longue.
 
Par exemple, si votre audience était non urgente et qu’elle devait avoir lieu à la fin du mois de mars, en avril ou, maintenant, en mai, il y a de bonnes chances qu’elle ait été reportée. Et si vous aviez besoin de déposer un document au greffe, il y a fort à parier que vous ne pouviez plus le faire en personne. Certains tribunaux ont été en mesure de maintenir des activités « plus normales » – je pense par exemple à certains tribunaux de commerce plus petits et plus spécialisés – n’empêche que depuis la suspension initiale des activités et, maintenant, même si les tribunaux parlent de rouvrir leurs portes, nous constatons une augmentation importante de l’intérêt porté aux procédures écrites devant les tribunaux, les téléconférences et les vidéoconférences, ainsi qu’un élargissement des types d’instances pouvant être tenues à distance.
 
Les tribunaux ont tout de même signalé qu’ils insistaient sur l’importance de ne pas étirer inutilement les choses et de garder les choses simples, et ont encouragé les parties à régler leurs différends hors cour, si possible. Ils feront preuve de moins de tolérance envers les différends qui ne permettront pas de résoudre l’affaire et envers les parties qui jouent un jeu. La réalité, c’est que les tribunaux sont aux prises avec d’importants retards dans le traitement des affaires en raison de la suspension de leurs activités à la suite des déclarations d’urgence.
 
Il y a également lieu de souligner qu’il était toujours possible de déposer de nouvelles requêtes. Des dépôts ont donc continué d’arriver régulièrement, et les parties les faisaient généralement par voie électronique. Bref, la nouvelle normalité évolue de jour en jour. Les tribunaux s’adaptent d’une semaine à l’autre et doivent maintenant rattraper les retards accumulés tout en essayant de traiter efficacement les nouvelles affaires.
 
Mathieu : Max, en parlant de ces retards, certains clients ont-ils exprimé leur inquiétude quant à la possibilité de ne pas obtenir une audience en temps opportun?
 
Max : Un litige peut prendre des années à franchir toutes les étapes du système judiciaire. Le fait que les plaideurs se heurtent à des délais encore plus longs, de plusieurs mois parfois, soulève des préoccupations, c’est certain.
 
Cela dit, je crois bien que la plupart d’entre eux se montrent compréhensifs, sachant que ce n'est pas la faute de personne et que la situation est hors de leur contrôle. Pour le moment, les clients veulent surtout savoir comment régler leur différend le plus efficacement possible compte tenu des contraintes actuelles. Bien que les tribunaux aient l’intention, vous le savez, de reprendre graduellement du service et de fixer de nouvelles dates pour les instances qui ont été reportées, disons à partir du mois de juin, la façon de rattraper tout le retard accumulé n’est pas claire à beaucoup d’endroits. Les tribunaux semblent vouloir éviter un remaniement du genre « premier arrivé, premier servi », selon lequel la priorité serait accordée aux avocats qui auront demandé de remettre leurs affaires à l’horaire, au lieu de mettre au point un système géré de façon plus dynamique en fonction du type de litige et du type d’audience.
 
Nous nous attendons à un automne très occupé en 2020, puisque les plaideurs se préparent à la réouverture des tribunaux. Cela dit, Mathieu, on remarque trois principales réactions aux retards actuels dans le système judiciaire, comme vous dites. Certaines parties ont par exemple essayé de régler leurs différends sans avoir recours aux tribunaux. Ce qui explique la hausse évidente du nombre d’affaires dans le cadre desquelles les avocats des différentes parties ont engagé le dialogue en vue d’en arriver à un règlement ou encore la hausse du nombre de séances de médiation qui ont eu lieu hors cour et à distance. D’autres parties ont décidé d’attendre et de voir comment les choses allaient évoluer, en tentant de faire avancer leur dossier du mieux qu’elles pouvaient, compte tenu des contraintes actuelles. Et, enfin, certaines autres parties ont plutôt convenu d’opter pour un arbitrage hors cour en retenant les services d’un tiers arbitre pour résoudre leur différend.
 
Mathieu : Merci, Max. Le moment ne pourrait être mieux choisi pour joindre Alyssa Duke à notre conversation. Alyssa, vous vous spécialisez dans le règlement de différends en Alberta. Sauriez-vous nous décrire un peu comment les clients réagissent au sein de votre province aux retards dans le système judiciaire dont Max vient de nous parler?
 
Alyssa : Les clients et les conseillers juridiques n’ont pas le choix de revoir la manière dont ils abordent leurs différends en ce moment en raison des conditions économiques difficiles auxquelles nous sommes confrontés en Alberta à cause de la COVID, d’une part, et de la dégringolade du prix du pétrole, d’autre part. Les clients cherchent donc des moyens de régler leurs différends de la façon la plus efficace possible. En fait, en Alberta, les tribunaux encouragent même les plaideurs à faire office d’instances pour le règlement extrajudiciaire de différends.
 
Les parties à un litige devraient envisager trois principales options, selon moi. La première consiste à réévaluer les différentes propositions de règlement qu’elles ont sur la table, en tenant compte des conditions économiques actuelles. La deuxième est la médiation. Par exemple, la semaine dernière, j’ai assisté à une séance de médiation par visioconférence à un stade très précoce du traitement d’un dossier. Les parties en sont arrivées à un règlement avant même l’interrogatoire préalable. La médiation convenait donc tout à fait à cette affaire. La troisième option à envisager est l’arbitrage.
 
Peggy : Alyssa, quels types de conflits conviennent bien à l’arbitrage?
 
Alyssa : Dans leurs contrats, les parties consentent souvent à recourir à l’arbitrage en cas de conflits éventuels. Un litige déjà dans le système judiciaire peut par ailleurs migrer vers l’arbitrage en vue d’un règlement final. Si un arbitrage a lieu, les parties peuvent aussi accepter d’y transférer certaines requêtes interlocutoires ou questions isolées, qui seraient autrement examinées dans le cadre du litige, pour y être traitées plus rapidement qu’il le serait possible devant les tribunaux.
 
Peggy : Alyssa, quels peuvent être les avantages de recourir à un arbitrage?
 
Alyssa : L’arbitrage est un processus très flexible. Il peut être adapté en fonction du différend à résoudre. Il est d’ailleurs en grande partie dicté par les parties. Surtout lorsque des conseillers juridiques chevronnés présentent à l’arbitre une recommandation commune qui tient compte des délais, des protocoles d’enquête préalable limités, de l’échange de dossiers et des dates limites pour les rapports d’experts. Les parties peuvent grandement s’engager dans le processus d’arbitrage. Elles peuvent notamment choisir un ou des arbitres qui possèdent l’expérience requise dans le domaine pertinent. Avec l’approbation de l’arbitre, les conseillers juridiques peuvent accepter de procéder par visioconférence.
 
Peggy : Justement, en ce qui a trait aux visioconférences, quels sont les avantages et les inconvénients, le cas échéant, de procéder de cette façon?
 
Alyssa : Je crois qu’un des avantages indéniables est la rapidité d’exécution. À cause des mesures de distanciation sociale et de la fermeture des bureaux, la visioconférence permet aux témoins de participer à des audiences depuis le confort de leur maison. La visioconférence convient très bien aux différends qui s’articulent principalement autour d’une seule question de droit, pour lesquels il y a peu de documents à examiner et peu de témoins à rencontrer. Il est par ailleurs possible de soumettre un témoignage par écrit sous forme de déclarations de témoins, de sorte que les témoins ne sont plus nécessairement obligés de venir passer des heures à la barre. Le témoin peut faire sa déposition, être contre-interrogé, et tout cela par visioconférence.
 
Pour ce qui est des inconvénients, une visioconférence n’est pas idéale, lorsqu’il y a de nombreux témoins et plus d’un demi-million de dossiers, surtout si le différend comporte un grand nombre de documents. Il est difficile de mettre tout le monde sur la même longueur d’onde, littéralement, quand on a des milliers et des milliers de dossiers à passer au crible. Aussi, si la crédibilité d’un témoin est mise en doute, généralement, il vaut mieux le faire témoigner en personne. Quant aux contre-interrogatoires, tout est une question de rythme et de contrôle, et il peut être plus difficile de maintenir ce rythme et ce contrôle lorsque le témoin ne se tient pas en personne devant vous.
 
Peggy : Oui, en effet. Y a-t-il d’autres choses que les clients devraient prendre en considération lorsqu’ils envisagent de recourir à l’arbitrage?
 
Alyssa : Habituellement, les arbitrages sont privés et confidentiels. Si, pour des raisons liées à la réputation ou d’autres considérations commerciales, un client souhaite qu’un différend soit entièrement traité en privé et ne soit pas connu du public, l’arbitrage est une excellente solution. Il permet également aux parties d’établir l’ordre dans lequel les questions seront examinées. Bref, c’est un processus très flexible en soi. Dans cette nouvelle normalité où nous voulons être aussi efficients que possible, les arbitrages permettent de l’être.
 
Peggy : Très bien. Alyssa, merci beaucoup d’avoir pris le temps de nous parler, et bonne chance. Je sais que vous êtes très occupée. Alyssa Duke et Max Shapiro sont associés chez Blakes. Ils nous parlaient depuis leur domicile respectif à Calgary et à Toronto. Voilà qui met fin au cinquième épisode de notre balado Continuité.
 
Mathieu : Merci de votre attention. Si vous avez manqué la première partie de notre série sur la hausse marquée des litiges, vous pouvez écouter l’épisode 4 sur Apple Podcasts, Spotify ou Google Podcasts.
 
Peggy : D’ici la prochaine fois, prenez soin de vous et restez en sécurité.

À propos du balado Volume d’affaires de Blakes

Notre balado Volume d’affaires (anciennement Continuité) se penche sur les répercussions que peut avoir l’évolution du cadre juridique canadien sur les entreprises, et ce, dans notre réalité « post-COVID-19 » et dans l’avenir. Des avocates et avocats de tous nos bureaux discutent des défis, des risques, des occasions, des développements juridiques et des politiques gouvernementales dont vous devriez avoir connaissance. Nous abordons par ailleurs divers sujets qui vous importent et qui sont liés à la responsabilité sociale, comme la diversité et l’inclusion.

Si vous souhaitez en entendre davantage sur un sujet en particulier, adressez-vous à notre équipe Communications à [email protected].

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