Sauter la navigation

Jeux en ligne en Ontario : La Cour d’appel de l’Ontario confirme l’accès aux liquidités mises en commun

20 novembre 2025

Dans l’affaire Reference re iGaming Ontario (décision disponible en anglais seulement), les juges majoritaires de la Cour d’appel de l’Ontario (la « CAO ») ont confirmé que les jeux et les paris sportifs en ligne dans le cadre desquels les utilisateurs participent à des activités avec des particuliers situés à l’extérieur du Canada (les « utilisateurs internationaux ») sont des activités légales en vertu du Code criminel fédéral. Cette décision partagée à quatre contre un découle d’un rare renvoi à la CAO par le gouvernement de l’Ontario.

Contexte

Bien que plusieurs types de jeux et d’activités connexes soient interdits en vertu du Code criminel, l’alinéa 207(1)a) de ce dernier prévoit une exception aux termes de laquelle un gouvernement provincial peut « mettre sur pied et exploiter une loterie dans la province ».

En s’appuyant sur cette exception, le gouvernement de l’Ontario a créé, en 2021, un modèle de jeu sur Internet qui est maintenant exploité par Jeux en ligne Ontario (« iGO »). iGO est un organisme gouvernemental provincial ayant pour mandat de diriger et de gérer les jeux en ligne en Ontario en concluant, avec des exploitants privés, des ententes en vertu desquelles ces exploitants offrent des jeux et des paris sportifs sur Internet pour le compte d’iGO (les « exploitants »). Ce système de jeu en ligne est régi par la Commission des alcools et des jeux de l’Ontario.

Les jeux couramment offerts par les exploitants sont ceux où les participants misent « contre la banque » (c.-à-d., l’exploitant, agissant à titre d’agent d’iGO), tels que la roulette, ou ceux où les participants misent contre d’autres joueurs (les « jeux entre pairs »), tels que le poker. Aux termes des relations contractuelles entre iGO et les exploitants, ces derniers sont tenus de veiller à ce que leurs sites ou applications de jeu ne soient accessibles qu’aux particuliers résidant en Ontario. Cette exigence a pour effet que, dans le cas des jeux entre pairs, tous les participants doivent être situés en Ontario. Il s’agit d’un système de liquidités « fermé » (closed liquidity), car tout le capital concerné se limite aux jeux et aux paris à l’intérieur du marché de l’Ontario.

Modèle proposé

Le gouvernement de l’Ontario a proposé un modèle de jeu en ligne qui permettrait aux utilisateurs en Ontario de participer à des jeux entre pairs auxquels participeraient également des utilisateurs internationaux. Il s’agirait d’un modèle de liquidités « mises en commun » (pooled liquidity), c’est-à-dire que le capital des utilisateurs en Ontario et internationaux serait regroupé pour accroître les liquidités.

Selon ce modèle, les utilisateurs en Ontario accéderaient aux jeux par l’intermédiaire des sites et des applications des exploitants, gérés par iGO, tandis que les utilisateurs internationaux utiliseraient des sites ou des applications dans leurs territoires respectifs. Les exploitants des sites ou des applications à l’étranger ne seraient pas des agents d’iGO et seraient assujettis à la législation de leur territoire. On s’attend à ce que le gouvernement de l’Ontario choisisse les exploitants internationaux (et les territoires connexes) dont les jeux en ligne seraient autorisés au sein du marché de l’Ontario. Bien que les détails de la façon exacte dont ce choix serait effectué n’aient pas été annoncés, le gouvernement de l’Ontario pourrait, selon le contexte, conclure des ententes avec des exploitants internationaux, ou encore avec des organismes de réglementation de jeux ou des gouvernements à l’étranger.

Décision de la CAO

La décision des juges majoritaires de la CAO se fonde sur l’interprétation de l’expression « mettre sur pied et exploiter une loterie dans la province » figurant à l’alinéa 207(1)a) du Code criminel.

Une question clé était de déterminer l’application en l’espèce d’un arrêt précédent de la Cour suprême du Canada (la « CSC ») selon lequel l’interprétation de l’expression « dans la province » dans l’alinéa 207(1)b) du Code criminel interdisait les loteries internationales. Selon les juges majoritaires, dont faisait partie le juge en chef de l’Ontario, l’arrêt de la CSC ne s’appliquait pas en l’espèce, compte tenu des différences factuelles et juridiques suffisantes.

Les juges majoritaires ont conclu qu’en vertu de l’alinéa 207(1)a) du Code criminel, le gouvernement de l’Ontario pouvait exploiter un système de loterie dans le cadre duquel les participants en Ontario peuvent interagir avec des utilisateurs internationaux. Leur conclusion se fondait sur les trois motifs suivants :

  1. L’alinéa 207(1)a) devrait être interprété largement, car, étant donné que les liens entre les systèmes de loterie provinciaux et internationaux n’y sont pas abordés, il ne les interdit pas expressément. Il n’a pas pour objet de circonscrire géographiquement les loteries provinciales, mais plutôt de veiller à ce que le gouvernement d’une province ne porte pas atteinte à la souveraineté d’autres provinces en y exploitant des systèmes de loterie sans le consentement de leur gouvernement.
  2. D’autres dispositions du Code criminel interdisent expressément les liens entre les systèmes de loterie provinciaux et internationaux (p. ex., les loteries sur les navires de croisière internationale). Or, une telle interdiction n’est pas prévue à l’alinéa 207(1)a).
  3. Les liens entre les systèmes de loterie provinciaux et internationaux sont conformes à l’objet de l’alinéa 207(1)a), qui consiste à éliminer les interdictions fédérales sur les systèmes de loterie et à laisser aux gouvernements provinciaux l’autorité de déterminer la meilleure façon de réglementer ces systèmes pour les résidents de leur province, ce qui comprend l’accès à des sites étrangers non réglementés pour les jeux entre pairs.

Selon la seule juge dissidente de la CAO, le modèle proposé par le gouvernement de l’Ontario ne tombe pas dans le champ d’application de l’exception prévue à l’alinéa 207(1)a) du Code criminel et est donc interdit, dans la mesure où (i) le modèle consiste en un système de loterie qui n’est ni dirigé ni géré par le gouvernement de l’Ontario; (ii) l’exception s’applique uniquement aux systèmes de loterie en Ontario; et (iii) le modèle comporte des éléments qui ne sont pas autorisés par la législation de l’Ontario (soit des lois de territoires à l’étranger).

Principaux points à retenir

Bien que cette décision puisse être portée en appel devant la CSC, elle ouvre la voie à l’élaboration par le gouvernement de l’Ontario d’un système par lequel des utilisateurs dans cette province pourraient participer à des jeux en ligne avec des utilisateurs internationaux. Si le gouvernement de l’Ontario décide de mettre en œuvre le modèle proposé, iGO devra établir des partenariats avec des gouvernements et des exploitants de jeux à l’étranger afin de pouvoir fournir cette fonctionnalité. Les exploitants qui ont des activités internationales existantes et qui souhaiteraient devenir admissibles au marché de l’Ontario devraient se préparer en conséquence.

Pour en savoir davantage, communiquez avec l’un des auteurs du présent bulletin ou un autre membre de notre groupe Jeux et paris.

Plus de ressources