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La Cour d’appel de l’Ontario confirme l’autorisation d’une action collective contre une plateforme d’échange de cryptomonnaies

30 mai 2025

Dans sa décision rendue récemment dans l’affaire Lochan v. Binance Holdings Limited (en anglais) (l’« affaire Binance »), la Cour d’appel de l’Ontario (la « CAO ») a confirmé l’autorisation d’une action collective intentée au nom d’investisseurs canadiens ayant acheté des cryptoactifs qui constituaient des instruments dérivés (la « décision »). Les demandeurs de l’action collective alléguaient que certaines sociétés de négociation de cryptomonnaies négociaient des valeurs mobilières sans être dûment inscrites et plaçaient des valeurs mobilières sans se conformer aux obligations applicables de prospectus, ce qui constitue des violations de diverses lois canadiennes sur les valeurs mobilières, y compris la Loi sur les valeurs mobilières de l’Ontario (la « LVMO ») (la « demande »).

Le tribunal de première instance avait déterminé que la demande satisfaisait aux exigences de la Loi de 1992 sur les recours collectifs de l’Ontario (la « LRC ») et avait autorisé l’action collective. En confirmant cette autorisation, la CAO a déterminé que la demande étayait suffisamment des causes d’action en common law et prévues par la loi. La CAO a confirmé également que la demande soulevait des questions communes, conformément à la LRC.

La décision fournit des indications aux investisseurs et aux conseillers quant aux exigences relatives à la négociation de cryptoactifs. De plus, elle jette la lumière sur certains risques juridiques associés à l’achat et à la vente de cryptoactifs et d’instruments dérivés connexes. La décision s’inscrit d’ailleurs dans une longue série de jugements concernant les parties. Dans notre Bulletin Blakes de décembre 2024 intitulé La Cour d’appel de l’Ontario confirme la nullité de la convention d’arbitrage d’une société de cryptoactifs, nous abordons notamment un jugement rendu antérieurement par la CAO au sujet de la convention d’arbitrage intervenue entre les parties.

Contexte

Binance Holdings Limited, Binance Canada Capital Markets Inc. et Binance Canada Holdings Ltd. (collectivement, « Binance »), une société constituée aux îles Caïmans, exploitaient une plateforme d’échange de cryptomonnaies au Canada où se négociaient des cryptomonnaies sous forme de contrats à terme, de contrats d’options et de jetons à effet de levier (leveraged tokens). Binance ne s’était pas inscrite auprès de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario en tant que société exerçant des activités commerciales qui consistent à effectuer des opérations sur valeurs mobilières. De plus, elle n’avait pas déposé de prospectus ni remis de prospectus aux acheteurs des dérivés sur cryptomonnaies qu’elle vendait sur son site Web. 

Les demandeurs soutenaient que les exigences relatives aux prospectus étaient essentielles au droit canadien des valeurs mobilières, car celles-ci permettent d’assurer que les faits pertinents se rapportant aux valeurs mobilières offertes sont divulgués complètement, fidèlement et clairement aux investisseurs. Ils soutenaient également que Binance avait vendu illégalement des valeurs mobilières aux membres du groupe de l’action collective. Plus spécifiquement, les demandeurs faisaient valoir que la vente de dérivés sur cryptomonnaies constituait un placement de valeurs mobilières sans prospectus auprès d’investisseurs canadiens, ce qui est contraire au droit canadien des valeurs mobilières. Les demandeurs alléguaient aussi que Binance avait activement, sciemment et frauduleusement dissimulé le fait qu’elle effectuait illégalement des opérations sur des titres au Canada. Les demandeurs faisaient valoir qu’ils avaient droit à divers recours, dont l’annulation des achats ou des dommages-intérêts. 

Le tribunal de première instance a autorisé l’action collective, en notant entre autres que le critère prévu à la LRC relativement à l’exigence d’une cause d’action fondée était « identique » à celui s’appliquant à la radiation d’une déclaration conformément aux Règles de procédures civiles de l’Ontario (c’est-à-dire, s’il est « évident et manifeste » que la déclaration ne révèle aucune cause d’action raisonnable). Le tribunal de première instance a conclu que la demande satisfaisait amplement à l’exigence d’une cause d’action fondée. Selon lui, en tenant les faits allégués dans la déclaration pour avérés, il n’était pas évident et manifeste que la demande ne révélait aucune cause d’action reconnue.

En appel, Binance soutenait que le tribunal de première instance avait eu tort de conclure que la demande révélait une cause d’action raisonnable et qu’elle soulevait des questions communes conformément à l’alinéa 5(1)c) de la LRC.

La décision

La CAO a rejeté l’appel et confirmé l’autorisation de l’action collective. Selon elle, la demande étayait suffisamment des causes d’action en common law et prévues par la loi. 

En ce qui concerne la cause d’action prévue par la loi, la CAO a souligné que les exigences relatives aux prospectus prévues à la LVMO étaient essentielles à la réalisation des objectifs de cette dernière. Notamment, elle a réitéré l’importance de l’obligation de déposer un prospectus aux fins de la protection du grand public, en soulignant par ailleurs l’importance des exigences relatives aux prospectus en lien avec des produits de cryptomonnaie. La CAO a donc conclu que les allégations de violations des exigences relatives aux prospectus qui sont prévues par la loi constituaient une cause d’action fondée.

La CAO a conclu également que les causes d’action en common law étaient fondées. Elle a déterminé notamment que l’omission de déposer un prospectus pouvait constituer une violation du droit conféré par la common law permettant à un acheteur d’annuler une opération pour cause d’illégalité.

Enfin, la CAO a déterminé que Binance n’avait identifié aucune erreur manifeste et déterminante dans la conclusion du tribunal de première instance selon laquelle la position des intimés voulant que les membres du groupe eussent conclu des contrats avec Binance (et non entre eux) reposait sur un certain fondement factuel. La CAO a conclu que les questions correctives pouvaient donc être abordées à l’échelle du groupe proposé. Par conséquent, la demande soulevait des questions communes, ce qui satisfaisait aux exigences de la LRC.

Conclusion

Comme les cryptoactifs constituent un secteur émergent de l’économie mondiale, les tribunaux canadiens ne font que commencer à aborder les questions qui sont soulevées par ces produits. Dans l’affaire Binance, la CAO a confirmé que les cryptomonnaies procurées auprès d’une plateforme d’échange de cryptomonnaies pouvaient constituer des instruments dérivés (c’est-à-dire des instruments financiers dont la valeur découle d’un actif sous-jacent ou est fondée sur la valeur d’un tel actif). De plus, la décision fournit des indications au sujet des circonstances dans lesquelles des investisseurs peuvent exercer des recours juridiques possibles par suite de l’achat de cryptoactifs n’ayant pas fait l’objet d’un prospectus.

Pour en savoir davantage à ce sujet, communiquez avec un membre de notre groupe Litige et règlement des différends.

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