Dans l’arrêt Pasquill v. British Columbia (Securities Commission), la Cour d’appel de la Colombie-Britannique (la « CACB ») a confirmé que la Commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique (la « Commission ») pouvait modifier ses actes de procédure en application des recours en recouvrement rétroactif prévus par la loi qui ont été introduits en 2020, sans être limitée par le délai de prescription de six ans prévu au paragraphe 159(1) de la Securities Act de la Colombie-Britannique (la « Loi »).
Cette décision confirme la portée des pouvoirs de recouvrement accrus de la Commission en vertu de la partie 18.1 de la Loi. Elle précise également que les modifications fondées sur les mêmes paramètres factuels que ceux des réclamations antérieures ne seront pas traitées comme de « nouvelles causes d’action » pour les besoins de la prescription.
Contexte
En 2015, la Commission a ordonné à Earle Pasquill de payer 36,7 M$ CA en raison du stratagème frauduleux auquel il s’adonnait, dont 21,7 M$ CA en restitution en vertu de l’alinéa 161(1)(g) de la Loi. Pratiquement toute la dette demeure impayée.
Afin de recouvrer des actifs, la Commission a intenté une action civile en 2018 (l’« action en recouvrement ») visant des biens d’une valeur de plus de 17 M$ CA que M. Pasquill avait transférés à son épouse, Vicki Pasquill, et à l’entreprise de celle‑ci, Vicker Holdings Ltd. (les « appelants »). Les allégations étaient fondées sur la réception en connaissance de cause, l’enrichissement injustifié, le transfert frauduleux et la préférence frauduleuse.
En 2020, l’assemblée législative a adopté la partie 18.1 de la Loi, donnant à la Commission des pouvoirs accrus pour récupérer les « biens pouvant faire l’objet d’une réclamation » (claimable property) qui ont été transférés à des membres de la famille ou à des tiers. Les dispositions ont un effet expressément rétroactif et s’appliquent même aux transferts et aux ordonnances antérieurs à la promulgation.
En 2021, les appelants ont demandé la radiation des actes de procédure. La Cour suprême de la Colombie-Britannique a radié la plupart des revendications initiales, mais a autorisé la Commission à présenter un nouveau plaidoyer en vertu de la partie 18.1. En mars 2023, la Commission a modifié sa demande en conséquence. Les appelants ont porté la décision de la Cour suprême en appel auprès de la CACB.
Motifs
En appel, les appelants ont fait valoir que les modifications établissaient une « nouvelle cause d’action », équivalant à l’introduction d’une nouvelle instance, et qu’elles étaient donc frappées de prescription selon la limite de six ans prévue au paragraphe 159(1) de la Loi. Ils ont souligné que les réclamations antérieures avaient été [TRADUCTION] « radiées intégralement » et décrites comme étant [TRADUCTION] « radicalement viciées, à bien des égards, notamment sur les plans de la compétence, de la qualité pour agir et de la possibilité temporelle ».
La CACB a rejeté cet argument, soulignant que les parties devaient lire l’ordonnance de radiation de l’acte de procédure de la Cour suprême dans son intégralité et en tenant compte du contexte. L’ordonnance prévoyait expressément que la Commission présenterait un nouveau plaidoyer en vertu de la partie 18.1 et n’a donc pas fermé la porte à l’action en recouvrement.
Fait important, la CACB a conclu que le critère de prescription se fonde sur la continuité factuelle et non sur la théorie juridique. Elle a confirmé qu’une nouvelle cause d’action n’est pas introduite si la modification mène à une autre demande de réparation fondée sur les mêmes faits déjà étayés ou si elle conduit à des conclusions juridiques différentes tirées des mêmes faits.
La Commission avait déjà présenté les principaux faits : la responsabilité de M. Pasquill, les transferts à son épouse et à l’entreprise de celle-ci et les moyens pris par la Commission pour recouvrer ces actifs. Les modifications ne font que reformuler ces faits selon le cadre législatif de 2020, avec des précisions supplémentaires qui, comme l’a reconnu la CACB, sont usuelles dans les cas de procédures complexes de fraude et de recouvrement.
Ainsi, la CACB a confirmé que le paragraphe 159(1) n’empêchait pas la Commission de présenter sa réclamation. Les modifications ne constituaient pas une « nouvelle cause d’action », mais plutôt une continuation des mêmes paramètres factuels.
Points à retenir
- Les recours en recouvrement en vertu de la partie 18.1 de la Loi peuvent s’appliquer rétroactivement aux membres de la famille et aux bénéficiaires des produits de la fraude, même en cas d’échec des réclamations antérieures en equity.
- Les familles, les conjoints et les sociétés à actionnariat restreint de personnes physiques visées par des sanctions en matière de valeurs mobilières sont maintenant à la portée de la Commission.
- Un plaidoyer selon lequel un acte de procédure modifié constitue une « nouvelle » réclamation déjà frappée de prescription ne sera vraisemblablement pas retenu si les faits qui en sont le fondement sont les mêmes que ceux de la réclamation initiale.
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