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La Cour suprême du Canada clarifie la procédure d’autorisation d’une action collective

2 octobre 2019

Le 20 septembre 2019, la Cour suprême du Canada (la « CSC ») a clarifié plusieurs questions procédurales relatives à l’autorisation d’une action collective en rendant sa décision dans l’affaire Pioneer Corp. c. Godfrey. Faisant suite à une trilogie de décisions historiques rendues il y a six ans qui ont permis aux acheteurs indirects d’intenter des poursuites pour fixation des prix en vertu de la Loi sur la concurrence, cet arrêt confirme qu’un demandeur peut avoir recours à une procédure d’action collective lorsque celui-ci peut potentiellement démontrer les dommages subis par de tels acheteurs, même si la méthode présentée à l’étape de l’autorisation ne permet pas d’établir que chaque membre du groupe a subi des dommages.

PRINCIPAUX POINTS À RETENIR

  • L’arrêt de la CSC réitère le critère de preuve relativement peu élevé pour obtenir l’autorisation d’une action collective en matière de concurrence au Canada, car le demandeur et son expert n’ont pas besoin d’établir, à l’étape de l’autorisation, une méthode permettant de démontrer que chaque membre du groupe a subi une perte ou des dommages.
  • Toutefois, il incombe toujours au demandeur d’établir la responsabilité lors du procès, y compris le fait que chaque membre du groupe a subi des dommages. Le tribunal ne peut ordonner l’octroi de dommages-intérêts globaux contre les défendeurs qu’une fois que les demandeurs ont pu établir que chaque membre du groupe (ou d’un sous-groupe) a subi des dommages.
  • La CSC confirme qu’un groupe peut inclure les acheteurs indirects de produits vendus par des fabricants qui ne se sont pas livrés à la fixation des prix (les « acheteurs sous parapluie »).
  • La CSC confirme également que le délai de prescription pour intenter une action collective commence seulement lorsque le demandeur a découvert ou aurait dû découvrir l’existence du complot, sauf si les défendeurs sont condamnés au pénal, ce qui peut potentiellement exposer les entreprises à des périodes de responsabilité plus longues.
  • Finalement, la CSC ne modifie pas la possibilité de se prévaloir de recours de common law ou d’equity puisque la même conduite peut également donner lieu à une responsabilité en vertu de la Loi sur la concurrence.

CONTEXTE DE LA DÉCISION

Les actions collectives en matière de concurrence font généralement suite à des condamnations pour fixation des prix au Canada ou aux États-Unis. En 2009, le département de la Justice des États-Unis a reconnu publiquement qu’une enquête était menée concernant des pratiques de fixation des prix auxquelles s’adonneraient plusieurs fabricants de lecteurs de disques optiques (les « LDO »), et il a obtenu une première condamnation deux ans plus tard. Les demandeurs ont intenté une action collective en Colombie-Britannique en novembre 2010 pour obtenir des dommages-intérêts relativement à la vente de LDO ou de produits contenant des LDO en Colombie-Britannique de 2004 à 2010.

Le groupe visé par l’action collective projetée incluait tous les acheteurs directs de LDO, tels que les fabricants d’ordinateurs de table, les acheteurs indirects de LDO, y compris les utilisateurs finaux, et les acheteurs sous parapluie qui avaient acheté des produits contenant des LDO, mais pas auprès des parties soupçonnées d’avoir pris part au complot.

L’affaire a suivi son cours jusqu’à l’audition de la requête en autorisation en 2016, qui a été accueillie par le tribunal, y compris à l’égard des acheteurs sous parapluie.

DÉCISION DE LA COUR SUPRÊME DU CANADA

La CSC confirme la décision du tribunal d’instance inférieure.

Relativement à la question du préjudice à l’échelle du groupe, la CSC juge qu’à l’étape de l’autorisation, les demandeurs sont uniquement tenus d’avoir une méthode pouvant démontrer que les acheteurs directs et indirects ont payé des prix plus élevés (ou une « majoration ») sans avoir à démontrer que chaque membre du groupe a subi une perte. La preuve d’une perte subie par les membres individuels du groupe est une question qui appartient au juge du procès. Si, après la communication de la preuve et la tenue du procès, les demandeurs n’ont pas réussi à prouver qu’une partie ou la totalité des membres du groupe ont subi des pertes, le juge du procès peut rejeter l’action.

Quant aux autres moyens d’appel, la CSC confirme que le libellé de la Loi sur la concurrence n’empêche pas l’inclusion des acheteurs sous parapluie dans la définition du groupe, même si les fournisseurs de ces acheteurs ne se sont pas livrés au complot allégué. Par contre, la CSC reconnaît que la nécessité de démontrer un lien de causalité entre la conduite des défendeurs et toute perte subie par les acheteurs sous parapluie en raison des pratiques de gonflement des prix représente un lourd fardeau. Comme pour les autres membres du groupe, lors du procès, les demandeurs doivent prouver que chaque membre du groupe (ou d’un sous-groupe) a subi une perte.

La CSC confirme également que le délai de prescription pour intenter une action collective commence seulement lorsque le demandeur a découvert ou aurait dû découvrir le complot, sauf si les défendeurs sont déclarés coupables dans le cadre d’une poursuite criminelle, le délai de prescription recommençant alors à courir à la date du jugement définitif. Enfin, la CSC indique que la cause d’action particulière visant l’indemnisation de dommages découlant d’infractions criminelles à la Loi sur la concurrence n’écarte pas pour autant la possibilité de se prévaloir de recours de common law ou d’equity, notamment le délit de complot civil, qui peut permettre aux demandeurs de bénéficier de délais de prescription plus longs et d’autres redressements, comme les dommages-intérêts punitifs.

Pour toute question à ce sujet, n’hésitez pas à vous adresser à l’avocat de Blakes avec lequel vous communiquez habituellement ou à un membre des groupes Concurrence et Antitrust et Investissement étranger ou Litige et règlement des différends.