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Le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada conclut à un droit limité au déréférencement en vertu de la LPRPDE

23 octobre 2025

Le 27 août 2025, le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada (le « Commissariat ») a publié son rapport contenant ses conclusions relativement à son enquête visant à déterminer si Google LLC (« Google ») a contrevenu à la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (la « LPRPDE ») en incluant dans les résultats des liens vers des articles en ligne dépassés et trompeurs au sujet d’une personne précise lorsque le nom de celle-ci était recherché à l’aide du moteur de recherche de Google, malgré une demande de cette personne de faire déréférencer les résultats. Plus particulièrement, l’enquête visait à déterminer si Google, ce faisant, recueillait, utilisait ou communiquait des renseignements personnels qu’à des fins qu’une personne raisonnable estimerait acceptables dans les circonstances conformément au paragraphe 5(3) de la LPRPDE.

Dans cette affaire, la personne avait demandé à Google de déréférencer les résultats de recherche en ligne qui contenaient des articles en ligne dépassés à son sujet. Ces articles portaient sur une accusation criminelle qui a été suspendue au début de la procédure; or, bon nombre de ces articles n’avaient pas été mis à jour pour indiquer que l’accusation avait été suspendue. La personne a allégué que le fait que ces articles soient affichés lorsque son nom était recherché sur Google lui a causé des préjudices, comme des agressions physiques, la perte de possibilités d’emploi et une stigmatisation sociale.

Le Commissariat a conclu qu’il existe de rares circonstances dans lesquelles une personne raisonnable estimerait qu’il est inacceptable qu’un moteur de recherche fournisse, en réponse à une recherche effectuée en entrant le nom de la personne, du contenu présentant des renseignements personnels sur celle-ci, et que de telles circonstances comprennent des cas où les résultats de la recherche causent, ou sont susceptibles de causer, un préjudice grave à cette personne qui l’emporte sur l’intérêt public associé à la diffusion des documents. À la suite de cette conclusion, le Commissariat a établi un droit au déréférencement en vertu de la LPRPDE.

Dans le présent bulletin, nous discutons de la disposition relative aux fins acceptables comprise dans la LPRPDE (qui établit le fondement du droit au déréférencement en vertu de la LPRPDE), du rapport du Commissariat et des incidences de ce nouveau droit pour les entreprises.

Disposition relative aux fins acceptables comprise dans la LPRPDE

Le paragraphe 5(3) de la LPRPDE indique qu’une « organisation ne peut recueillir, utiliser ou communiquer des renseignements personnels qu’à des fins qu’une personne raisonnable estimerait acceptables dans les circonstances ». Il s’agit d’une exigence générale à laquelle le consentement de la personne ne peut remédier. Comme la Cour d’appel fédérale l’a récemment confirmé, cette restriction vise à établir un équilibre entre le droit à la vie privée des particuliers et le besoin d’une entreprise de traiter des renseignements personnels.

Un document d’orientation antérieur du Commissariat décrit l’approche de la Cour fédérale du Canada (la « Cour fédérale ») pour évaluer si la fin visée par une organisation en matière de traitement des renseignements personnels est conforme au paragraphe 5(3) de la LPRPDE, ce qui comprend un examen souple de divers facteurs, notamment le caractère sensible des renseignements personnels en question, si la fin représente un besoin ou un intérêt commercial légitime, s’il existe des moyens portant moins atteinte à la vie privée qui permettent d’atteindre la même fin et si l’atteinte à la vie privée est proportionnelle aux avantages obtenus. Néanmoins, la Cour fédérale a invariablement souligné que les facteurs à prendre en considération dans une affaire donnée peuvent varier.

Rapport de conclusions du Commissariat

Lorsqu’il a évalué si Google s’était conformée au paragraphe 5(3) de la LPRPDE, le Commissariat a établi que, dans le contexte d’une demande de déréférencement, les facteurs à prendre en considération étaient la question de savoir si l’atteinte à la vie privée avait entraîné ou était susceptible d’entraîner un préjudice grave pour la personne et si ce préjudice l’emportait sur l’intérêt public à pouvoir accéder aux articles en effectuant une recherche au moyen du nom de la personne.

Le Commissariat a déterminé que la disponibilité des résultats de la recherche en réponse à une recherche faite avec le nom de la personne a causé un préjudice grave à la sécurité et à la dignité de la personne.

Le Commissariat s’est ensuite demandé s’il y avait un intérêt du public à continuer d’afficher les résultats d’une recherche effectuée au moyen du nom de la personne à l’aide du moteur de recherche de Google.

Le Commissariat s’est expressément fondé sur les interprétations du droit à l’effacement en vertu du Règlement général sur la protection des données (le « RGPD ») de l’Union européenne et du droit au déréférencement en vertu de l’article 28.1 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé du Québec pour déterminer que les facteurs non exhaustifs suivants devraient être pris en compte dans l’évaluation de l’intérêt public à rendre l’information disponible au moyen d’une recherche en ligne effectuée avec le nom de la personne :

  • si l’individu est une personnalité publique (p. ex., le titulaire d’une charge publique, une personnalité politique ou une personnalité du monde des affaires);
  • si les renseignements se rapportent à la vie privée d’un individu par opposition à sa vie professionnelle ou active;
  • si les renseignements concernent un individu majeur plutôt qu’un individu mineur;
  • si les renseignements portent sur une accusation criminelle qui a entraîné une déclaration de culpabilité ou sur une accusation qui a été suspendue en raison de retards dans la procédure criminelle;
  • si les renseignements sont exacts et à jour;
  • si la capacité de lier les renseignements à l’individu est appropriée et nécessaire à l’examen par le public d’une affaire qui fait actuellement l’objet d’une controverse ou d’un débat;
  • la période qui s’est écoulée depuis la publication des renseignements et la demande de déréférencement.

Le Commissariat a tenu compte de ces facteurs à la lumière de la plainte et a conclu que l’intérêt du public à pouvoir trouver les articles en question en se fondant sur une recherche au moyen du nom de la personne est limité (tout en notant que les articles resteraient toujours disponibles et accessibles au moyen d’autres termes de recherche). Ainsi, le Commissariat a conclu que le préjudice grave causé à la sécurité et à la dignité de la personne l’emportait sur l’intérêt du public à pouvoir trouver les articles en question en effectuant une recherche au moyen du nom de la personne et que, par conséquent, le fait de fournir des liens vers ces articles en réponse à une recherche effectuée au moyen du nom de la personne contrevenait au paragraphe 5(3) de la LPRPDE.

Le Commissariat a recommandé à Google de déréférencer les articles en question, ce que Google n’a pas accepté de faire.

Répercussions

Cette décision ne crée pas un droit absolu pour les personnes de demander que leurs renseignements personnels soient déréférencés des moteurs de recherche en ligne dans tous les cas, mais indique plutôt que lorsqu’il existe un risque important de préjudice pour une personne qui l’emporte sur l’intérêt du public à ce que les renseignements soient disponibles, le Commissariat s’attend à ce qu’une organisation procède au déréférencement du nom de la personne du moteur de recherche et lui recommande de le faire afin de se conformer à la disposition relative aux fins acceptables comprise dans la LPRPDE.

La décision reflète également la volonté du Commissariat d’interpréter les dispositions existantes de la LPRPDE en s’alignant davantage sur des lois plus récentes et plus complètes en matière de protection de la vie privée, comme le RGPD et les lois sur la protection de la vie privée du Québec, malgré l’absence de réforme législative.

Pour en savoir davantage, communiquez avec l’une des auteures du présent bulletin ou un autre membre de notre groupe Protection de la vie privée et des données.

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