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Les ACVM suspendent leurs initiatives sur l’information liée au changement climatique et à la diversité

16 mai 2025

Le 23 avril 2025, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (les « ACVM ») ont annoncé qu’elles suspendaient les travaux qu’elles avaient entrepris pour élaborer ou renforcer certains règlements sur la communication de l’information liée au changement climatique et à la diversité visant les sociétés ouvertes au Canada. Cette décision suit une série de développements récents qui touchent les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (« ESG »), notamment le fait qu’un large éventail de législateurs, de chefs d’entreprise, d’agences de conseil en vote et d’investisseurs institutionnels aux États-Unis ont publiquement abandonné de nombreuses politiques et initiatives en matière de diversité, d’équité et d’inclusion (« DEI ») ou de durabilité. Mentionnons également le fait que la Securities and Exchange Commission (« SEC ») des États-Unis a décidé de ne plus appuyer la mise en œuvre de ses règles qui auraient obligé les sociétés ouvertes à divulguer les risques associés au changement climatique ainsi que leurs émissions de gaz à effet de serre.

Dans le présent bulletin, nous faisons un survol des obligations d’information relatives au changement climatique et à la diversité qui étaient à l’examen au Canada jusqu’à tout récemment. De plus, nous discutons de l’annonce récente des ACVM et présentons nos perspectives quant à l’avenir de la divulgation relative aux facteurs ESG au pays.

Contexte

Renforcement du régime de présentation de l’information liée au changement climatique et à la diversité au Canada

Obligations d’information relatives à la diversité

Au Canada, les « émetteurs non émergents » (c.-à-d. ceux dont les titres sont inscrits à la cote d’une bourse à grande capitalisation comme la Bourse de Toronto) sont tenus à certaines obligations d’information relatives à la diversité aux termes de l’Annexe 58-101A1 – Information concernant la gouvernance (l’« Annexe 58-101A1 »). Des obligations d’information relatives à la diversité s’appliquent également à toutes les sociétés ouvertes (c.-à-d. tant les « émetteurs émergents » que les « émetteurs non émergents ») constituées en vertu du régime de la Loi canadienne sur les sociétés par actions (la « LCSA »). L’Annexe 58-101A1 et la LCSA adoptent une approche « se conformer ou s’expliquer » à l’égard de ces obligations d’information. Selon cette approche, une société doit fournir les renseignements exigés sur les politiques qu’elle a mises en place en matière de diversité ou, si elle n’a pas mis en place de telles politiques, elle doit expliquer les raisons pour lesquelles elle ne l’a pas fait. Il convient de noter que les obligations d’information énoncées dans l’Annexe 58-101A1 concernent uniquement la représentation des femmes au sein des conseils d’administration et des équipes de haute direction, alors que la portée de celles établies dans la LCSA est plus vaste et s’étend aux Autochtones, aux personnes handicapées et aux personnes qui font partie des minorités visibles.

En avril 2023, les ACVM ont publié un avis et ont sollicité des commentaires sur deux propositions alternatives qui visaient à mettre à jour le régime de présentation de l’information sur la diversité établi dans l’Annexe 58-101A1 (les «  propositions de modification du régime sur la diversité »). Comme nous l’avons expliqué plus en détail dans le Bulletin Blakes intitulé Les ACVM présentent des changements possibles aux obligations d’information sur la diversité, les deux  propositions de modification du régime sur la diversité prônaient des approches différentes sur le plan normatif quant à la portée des obligations d’information au-delà de la représentation féminine. Alors qu’une des  propositions aurait exigé la déclaration de la représentation de cinq groupes désignés (les femmes, les Autochtones, les personnes issues de minorités visibles, les personnes handicapées et les personnes LGBTQ2I+), l’autre aurait permis aux sociétés assujetties de choisir elles-mêmes, en plus des femmes, les autres groupes sur lesquels fournir de l’information liée à la diversité.

Obligations d’information relatives au changement climatique

À l’exception de certaines exigences applicables à des secteurs d’activités spécifiques, les sociétés ne sont généralement pas tenues à des obligations d’information précises relativement au changement climatique au Canada. En octobre 2021, les ACVM ont proposé de remédier à cette situation et ont publié aux fins de commentaires le projet de Règlement 51-107 sur l’information liée aux questions climatiques (le « projet de règlement sur les questions climatiques »), lequel aurait imposé des obligations d’information précises relatives au changement climatique à la plupart des sociétés ouvertes au Canada. Le projet de règlement sur les questions climatiques était grandement aligné sur les normes d’information prescrites par le Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques, tout en comportant certaines différences notables. Parmi ces différences, notons l’approche « se conformer ou s’expliquer » adoptée à l’égard de l’information sur les émissions de gaz à effet de serre, ainsi que l’absence de l’obligation de fournir une analyse par scénario. Pour en savoir davantage sur le projet de règlement sur les questions climatiques, consultez le Bulletin Blakes intitulé Les ACVM lancent une consultation sur les obligations d’information liée au changement climatique.

Événements subséquents

À la suite de leur publication, les propositions de modification du régime sur la diversité et le projet de règlement sur les questions climatiques ont fait l’objet de périodes de consultation publique au cours desquelles les ACVM ont reçu de nombreux commentaires exprimant divers points de vue divergents. Par la suite, les ACVM ont publié certaines déclarations, ce qui indiquait qu’elles continuaient sur leur élan et faisaient progresser le projet de règlement sur les questions climatiques dans le contexte de l’évolution rapide des cadres entourant la divulgation de l’information sur la durabilité. Plus récemment, en décembre 2024, à la suite de la publication par le Conseil canadien des normes d’information sur la durabilité de ses premières normes canadiennes d’information sur la durabilité (les « normes du CCNID »), les ACVM ont fait savoir qu’elles avaient toujours l’intention de publier une version révisée du projet de règlement sur les questions climatiques aux fins de consultation publique (pour en savoir davantage, consultez le Bulletin Blakes intitulé Publication des toutes premières Normes canadiennes d’information sur la durabilité). De même, dans leur Revue de l’année 2023-2024 publiée en juillet 2024, les ACVM ont indiqué qu’elles continuaient de travailler à la publication de modifications définitives au régime de présentation de l’information sur la diversité (consultez le Bulletin Blakes intitulé Pas de pause estivale pour les ACVM – Développements en droit des valeurs mobilières pour de plus amples renseignements).

Plus récemment toutefois, un certain nombre de groupes influents ont opéré un revirement important, particulièrement aux États-Unis, en abandonnant un éventail de programmes et de politiques liés aux facteurs ESG. Notamment, depuis  qu’il est entré en fonction, en janvier 2025,  le Président américain Donald Trump a publié une série de décrets visant à éliminer les programmes de DEI au sein de l’ensemble de l’appareil gouvernemental fédéral américain et d’autres ayant des conséquences sur le secteur privé. Par la suite, plusieurs sociétés de premier plan ont fait l’objet de poursuites et d’enquêtes relativement à leurs initiatives en matière de DEI. De plus, de nombreuses sociétés ont annoncé publiquement qu’elles mettaient fin ou réduisaient leurs pratiques en matière de DEI, ou encore modifiaient la façon dont elles en divulguent l’information à l’externe. Institutional Shareholder Services, une importante société de services-conseils en vote, a également annoncé qu’elle suspendait indéfiniment la prise en compte des facteurs de diversité raciale, ethnique et de genre dans ses recommandations de vote relativement à l’élection des administrateurs d’émetteurs établis aux États-Unis. De plus, en mars 2025, en raison de la forte contestation de groupes d’intervenants, la SEC a décidé de ne plus appuyer la mise en œuvre de règles qui auraient obligé les sociétés ouvertes à divulguer les risques associés au changement climatique ainsi que leurs émissions de gaz à effet de serre.

Compte tenu de ces derniers événements, et étant donné les récentes annonces sur les tarifs douaniers et l’incertitude économique qui en résulte pour de nombreux secteurs d’activités clés au Canada, les ACVM ont été confrontées à la décision d’aller de l’avant ou non avec les propositions de modification du régime sur la diversité et le projet de règlement sur les questions climatiques.  En raison non seulement du contexte économique et géopolitique mondial qui a « connu des bouleversements rapides et majeurs », mais aussi des « préoccupations grandissantes au chapitre de la concurrence pour les émetteurs canadiens », les ACVM ont ultimement décidé de suspendre tous les travaux en lien avec ces projets. Elles ont toutefois fait savoir qu’elles « entend[ai]ent revenir sur les deux projets […] au cours des prochaines années », souhaitant à court terme se concentrer sur des initiatives destinées à améliorer « la compétitivité, l’efficience et la résilience » des marchés canadiens. Parmi ces initiatives, notons les décisions générales coordonnées annoncées récemment par les ACVM et dont il est question dans le Bulletin Blakes intitulé Les ACVM annoncent des mesures destinées à renforcer la compétitivité des marchés canadiens, ainsi que les efforts déployés par celles-ci pour lutter contre les déclarations trompeuses, comme, vraisemblablement, l’écoblanchiment. Pour en savoir davantage sur certains des enjeux qui retiennent particulièrement l’attention des ACVM à l’heure actuelle, consultez notre Bulletin Blakes intitulé Commentaires des ACVM sur l’information fournie par les émetteurs assujettis au sujet de l’IA et du changement climatique.

Prochaines étapes

Les progrès réalisés par les ACVM au cours des dernières années en vue de mettre à jour le régime de présentation de l’information sur les facteurs ESG applicables aux sociétés ouvertes canadiennes ont été freinés par des divergences d’opinions entre les membres des ACVM sur les initiatives en matière de DEI et les initiatives liées à la durabilité, ainsi que par la nécessité de prendre en compte les impacts des développements internationaux parallèles en cours. Jusqu'à ce qu'un certain degré de convergence soit atteint à l’égard de ces questions, ce qui semble peu probable à court terme compte tenu notamment des répercussions des événements au sud de la frontière, on ne s’attend pas à ce que les ACVM continuent de travailler sur les propositions de modification du régime sur la diversité et le projet de règlement sur les questions climatiques.

Entre-temps, les sociétés ouvertes visées continuent d’être assujetties aux obligations d’information relatives à la diversité prévues à l’Annexe 58-101A1 et à la LCSA, comme il est mentionné précédemment. Les sociétés ouvertes restent également tenues à l’obligation de déclarer les risques importants qui sont associés à leurs activités, lesquels, pour de nombreux émetteurs, peuvent comprendre des risques liés au climat. Il reste à voir si les sociétés ouvertes dont les activités sont principalement axées sur le marché canadien continueront de se conformer volontairement à un ou à plusieurs des nombreux cadres existants entourant la communication de renseignements relatifs au climat, dont les normes du CCNID, dans un contexte où divers investisseurs canadiens et autres parties prenantes continuent d’exercer des pressions à ce titre.

Pour en savoir davantage, communiquez avec l’un des auteurs du présent bulletin ou un autre membre de notre groupe Marchés des capitaux.

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