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Les entreprises de produits et de services qui ont des effets nocifs sur la santé pourraient être poursuivies en Colombie-Britannique

22 mars 2024

Le 14 mars 2024, le gouvernement de la Colombie-Britannique a déposé le projet de loi 12 (le « projet de loi ») visant à faire adopter la Public Health Accountability and Cost Recovery Act (la « Loi »). Cette dernière a pour but d’habiliter le gouvernement à intenter des poursuites contre les entreprises qui vendent des produits ou des services ou en font la promotion afin de recouvrer les coûts en santé publique engagés lorsque ces produits ou services entrainent ou peuvent entrainer des effets nocifs sur la santé des gens, tels que la dépendance, l’utilisation problématique d’un produit ou la détérioration générale de la santé. D’après l’information fournie dans le communiqué du bureau du premier ministre de la Colombie-Britannique et lors de la conférence de presse qui ont suivi le dépôt du projet de loi, la Loi fournirait les outils nécessaires au gouvernement pour recouvrer les coûts en santé publique associés à la promotion, à la commercialisation et à la distribution de produits qui nuisent aux adultes et aux enfants dans la province. Le projet de loi devrait être débattu en deuxième lecture lorsque l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique se réunira de nouveau le 2 avril.

Dispositions clés

S’il est adopté dans sa forme actuelle, le projet de loi pourrait entrainer des conséquences importantes pour les entreprises – ainsi que pour leurs administrateurs et dirigeants – qui fournissent des biens et des services en Colombie-Britannique et ailleurs au Canada, ou qui l’ont fait dans le passé. Voici quelques points saillants du projet de loi : 

  • Établissement d’un droit pour le gouvernement de la Colombie-Britannique et le gouvernement fédéral de recouvrer les coûts en santé publique découlant de torts liés à la santé causés par un bien ou un service. Le projet de loi conférerait aux gouvernements du Canada et de la Colombie-Britannique le droit d’intenter des procédures contre toute personne qui cause ou contribue à causer un tort lié à la santé, ce qui comprend toute violation à une obligation ou à un devoir reconnu en common law ou en equity ou prévu par une loi, de même que tout délit ayant causé ou ayant contribué à causer une maladie, une blessure ou un décès. Les coûts en santé publique s’entendraient des dépenses gouvernementales engagées pour les programmes, les services et les prestations offerts en lien avec une maladie ou une blessure, y compris toute blessure ou maladie physique ou mentale, l’utilisation problématique d’un produit, une dépendance, la détérioration générale de la santé ou tout risque de maladie ou de blessure.
  • Responsabilité solidaire des administrateurs et des dirigeants. Non seulement une entreprise pourrait-elle faire l’objet d’une poursuite, mais aussi les administrateurs et les dirigeants de celle-ci, lesquels pourraient être tenus solidairement responsables avec l’entreprise, peu importe qu’une action en justice contre celle-ci soit intentée ou non pour le recouvrement des coûts en santé publique.
  • Effet rétroactif et absence de délai de prescription si l’action est intentée dans un délai de 15 ans. Le projet de loi prévoit que la Loi aura un effet rétroactif et qu’une action en justice pourra être intentée par le gouvernement de la Colombie-Britannique ou le gouvernement fédéral sans égard au moment auquel le tort lié à la santé a été causé. Il prévoit de plus qu’aucune action en justice engagée par le gouvernement de la Colombie-Britannique ou le gouvernement fédéral dans les 15 ans suivant l’entrée en vigueur de la Loi ou suivant la découverte de faits donnant naissance à une réclamation ne sera interdite en vertu de la Limitation Act de la Colombie-Britannique. Par ailleurs, un règlement conclu dans le cadre d’une procédure antérieure ne saurait constituer une défense.
  • Avantages importants sur le plan de la procédure accordés au gouvernement pour ce qui est de faire la preuve de sa réclamation. Le projet de loi comprend des présomptions en faveur du gouvernement ainsi que des dispositions en matière de preuve qui facilitent la tâche du gouvernement pour faire valoir sa réclamation. Par exemple, en vertu de la Loi, un ministre pourrait délivrer une attestation qui constituerait une preuve concluante des coûts en santé publique engagés ou qui le seront probablement.
  • Actions collectives. Le projet de loi prévoit que le gouvernement de la Colombie-Britannique pourrait présenter des demandes d’actions collectives visant à recouvrer des coûts en santé publique auprès d’entreprises au nom du gouvernement fédéral et de tous les gouvernements provinciaux et territoriaux du Canada.

Premières cibles du gouvernement

Dans son communiqué et lors de sa conférence de presse, le gouvernement de la Colombie-Britannique a indiqué les premières cibles du projet de loi. Plus précisément, le premier ministre a annoncé que la Loi permettrait au gouvernement de la Colombie-Britannique « de poursuivre les entreprises de médias sociaux pour les préjudices que leurs algorithmes causent aux gens, et surtout aux enfants ». Il convient de noter que le projet de loi, tel que rédigé, s’appliquerait à un bien plus large éventail de biens et de services. Dans son annonce, le gouvernement de la Colombie-Britannique a en effet laissé savoir que le projet de loi, s’il était adopté, aurait une plus vaste portée. Le bureau du premier ministre a déclaré que la Loi s’appliquerait entre autres aux entreprises fabriquant des produits dont on présume qu’ils créent une dépendance. La procureure générale de la Colombie-Britannique a ajouté qu’il s’agissait d’un instrument puissant dans la trousse à outils du gouvernement pour engager la responsabilité des entreprises partout au Canada.

Leçons à retenir

La Loi, si elle est adoptée dans sa forme actuelle, conférerait un nouveau droit d’agir en justice au gouvernement, lequel semble s’éloigner des nombreux principes fondamentaux du droit de la responsabilité délictuelle et entrainerait un élargissement sans précédent de la responsabilité à l’égard des dépenses publiques engagées en lien avec des produits ou des services passés, existants ou à venir qui, selon le gouvernement de la Colombie-Britannique, sont nocifs. Bien que les premières cibles semblent être les entreprises de médias sociaux, l’application de la Loi ne se limite pas à ces dernières. De fait, la Loi s’appliquerait à tous les biens et services susceptibles de causer ou de contribuer à causer une blessure ou une maladie, une détérioration de la santé, une consommation problématique, une dépendance, ou qui comportent un risque accru de préjudice. La Loi pourrait entrainer des répercussions considérables pour les entreprises des secteurs de la technologie, de l’alimentation, des boissons, de la santé, des produits pharmaceutiques, des jeux, des paris, de la fabrication et des ressources, entre autres.

Tel que mentionné ci-haut, le projet de loi doit être débattu en deuxième lecture lorsque l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique reprendra ses travaux le 2 avril. Nous surveillerons son évolution.

Si vous souhaitez discuter du projet de loi ou des conséquences de celui-ci, veuillez communiquer avec :


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