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Les sociétés d’acquisition à vocation spécifique : une tendance récente pour s’introduire en bourse

27 mai 2021
Je suis très enthousiaste à l’idée de ce que l’avenir réserve aux SAVS et de ce que le secteur pourra faire au cours des prochaines années.
Norbert Knutel, associé du groupe Marchés des capitaux
Balado disponible en anglais avec retranscription en français ci-dessous.

Créées dans les années 1990, les sociétés d’acquisition à vocation spécifique (« SAVS ») se sont taillé récemment une solide place en tant que véhicule d’investissement pour l’introduction en bourse. Dans cet épisode de notre balado, Norbert Knutel et Jill Davis, associés chez Blakes, jettent la lumière sur les SAVS et expliquent ce qui en font des solutions de rechange de plus en plus répandues par rapport aux premiers appels publics à l’épargne (« PAPE ») traditionnels.
 

Retranscription

Mathieu : Bonjour, je m’appelle Mathieu Rompré.
Yula : Et je m’appelle Yula Economopoulos. Voici le balado Continuité de Blakes.
Mathieu : Aujourd’hui, nous allons discuter de l’acronyme à quatre lettres le plus répandu sur Bay Street et dans le secteur des fusions et acquisitions.
Yula : C’est vrai. Les SAVS, ou sociétés d’acquisition à vocation spécifique, sont devenues un sujet d’actualité ces derniers temps.
Mathieu : Pour analyser ce sujet plus en profondeur, nous avons avec nous aujourd’hui Norbert Knutel et Jill Davis, tous deux des associés du groupe Marchés de capitaux de Blakes.
[musique]
Mathieu : Jill, je crois comprendre que les SAVS sont devenues un instrument d’investissement très répandu et ont permis de réunir des montants records en 2020 et jusqu’à présent en 2021. Pouvez-vous nous en parler davantage?
Jill : Bien sûr. Donc, une SAVS est une autre façon pour une société fermée de devenir une société ouverte et de faire en sorte que ses actions soient négociées à la Bourse de Toronto ou à un autre marché boursier. Les SAVS viennent essentiellement renverser le modèle traditionnel du PAPE. Normalement, lorsqu’une société fermée souhaite s’introduire en bourse, elle fait tous les préparatifs avec une banque d’investissement pour devenir une société ouverte. Ensuite, la banque d’investissement commercialise les actions de la société et cherche des investisseurs pour les acheter. Dans le cas d’une SAVS, le processus est entamé par un groupe d’investisseurs. Ainsi, les investisseurs se rassemblent d’abord et réunissent des capitaux. C’est pourquoi les SAVS sont souvent appelées des sociétés de mise en commun sans droit de regard (en anglais, blind pool ou blank cheque companies). Ces investisseurs savent qu’ils veulent investir dans une société, mais ils ne l’ont pas encore trouvée. Donc, ils effectuent un appel public à l’épargne avec cette réserve de capitaux, et ensuite ils cherchent une société à combiner avec leur SAVS cotée en bourse, et c’est de cette façon que cette société cible devient alors une société ouverte.
Mathieu : Pourquoi pensez-vous que les investisseurs et les sociétés préféreraient les SAVS aux PAPE traditionnels?
Jill : Les investisseurs institutionnels aiment bien les SAVS parce qu’ils investissent dans le PAPE de cette dernière et obtiennent à la fois des actions et des bons de souscription. Les actions sont rachetables. Donc, au moment de l’acquisition admissible, si l’investisseur n’aime pas la société qui fait l’objet de l’acquisition, il peut récupérer son investissement en demandant le rachat de ce dernier. Mais, ensuite, il lui reste des bons de souscription qui se négocient séparément des actions. L’investisseur a donc des options additionnelles à cet égard. Il peut les exercer immédiatement, et ainsi gagner un peu d’argent, ou les conserver et, à la suite de l’acquisition admissible, les exercer pour acquérir des actions de la société résultante.

Pour les fondateurs de SAVS, il s’agit d’une excellente option, car ils y investissent généralement environ 20 % du capital et, si l’acquisition admissible a lieu, ils peuvent obtenir un très bon rendement sur un capital à risque peu élevé. De plus, les sociétés elles-mêmes aiment bien les SAVS. Dans le cas d’un PAPE traditionnel, elles doivent consacrer beaucoup de temps et d’argent à la préparation de l’opération, pour ensuite s’en remettre aux caprices du marché et à la capacité des banques d’investissement à commercialiser leurs titres. En revanche, lorsqu’il s’agit d’une SAVS, ce sont les investisseurs qui approchent la société avec des capitaux. La société n’a alors qu’à négocier les conditions commerciales de l’opération.
Mathieu : Avez-vous constaté de nouvelles structures dans des opérations récentes au Canada ou aux États-Unis?
Jill : Oui, plusieurs structures novatrices tentent de résoudre le problème du processus de l’acquisition admissible. C’est à cette étape que surviennent en grande partie les difficultés et les risques liés aux SAVS. C’est assez simple de les former, mais il peut être difficile de mener à bien l’acquisition admissible. Si un certain nombre d’investisseurs demandent le rachat de leur investissement, il se peut que le montant du capital restant ne soit pas aussi élevé que celui qui avait été prévu pour la réalisation de l’acquisition.

Donc, nous avons constaté de nouvelles structures qui abordent ce problème. Au Canada, une SAVS offrait des unités agrafées, de sorte que les bons de souscription et les actions étaient attachés ensemble et qu’ils ne pouvaient être séparés qu’au moment de l’acquisition admissible. Donc, si l’investisseur demande le rachat de son investissement, il ne peut pas conserver les bons de souscription.

Nous avons constaté aussi un autre exemple intéressant, celui-ci aux États-Unis. Il s’agissait d’une structure qui ressemblait en quelque sorte à celle des unités agrafées, mais qui était assortie d’une plus grande souplesse. Le tiers des bons de souscription était rattaché à l’unité initiale, comme dans le cas d’une SAVS structurée de manière traditionnelle, où l’exercice des bons de souscription est distinct de la négociation des actions. Cependant, le restant des bons de souscription était retenu jusqu’au moment de l’acquisition admissible. Les investisseurs qui n’ont pas demandé le rachat de leur investissement ont pu ainsi se partager ce qui restait des deux tiers des bons de souscription, y compris la portion qui avait été retenue pour les investisseurs qui ont demandé le rachat de leur investissement.

Enfin, nous avons constaté une autre structure qui consiste à utiliser des contrats d’achat à terme. Dans de tels cas, des investisseurs qui sont généralement liés au fondateur de la SAVS conviennent, avant même de savoir ce à quoi pourrait ressembler l’acquisition admissible, d’investir un montant précis, peu importe. Donc, même si plusieurs investisseurs demandent le rachat de leur investissement au moment de l’acquisition, les fondateurs savent tout de même qu’il restera un certain montant du capital, ce qui leur donne un peu plus de certitude que l’acquisition aura lieu.
Yula : Norbert, les SAVS sont devenues plus courantes récemment, notamment en tant que moyen pour les sociétés de s’introduire en bourse. À quoi attribue-t-on ce phénomène?
Norbert : Je pense que la plus grande différence que nous avons constatée au cours des derniers 12 à 18 mois, c’est la compréhension accrue de ce qu’est une SAVS et des avantages qu’elle procure. Il y a quelques années, une société cible et les marchés auraient vu une SAVS et sa structure d’un mauvais œil. Mais je crois que maintenant, les gens comprennent que les SAVS présentent des avantages spécifiques dont les cibles peuvent tirer parti lorsqu’elles effectuent une opération avec une SAVS.

Du point de vue de la cible, l’avantage principal de réaliser une opération avec une SAVS serait la capacité de fixer un prix, soit la valeur de la société cible, plus tôt dans le processus que s’il s’agissait d’un PAPE habituel.

Un deuxième avantage serait celui de la rapidité d’accès au marché. La réalisation d’une opération avec une SAVS est un processus beaucoup plus rapide que celui d’un PAPE, notamment aux États-Unis. Il s’agit, concrètement, des deux principales raisons pour lesquelles les gens cherchent à réaliser une opération avec une SAVS.

Un troisième avantage serait celui de la force de l’équipe derrière la SAVS. Lorsque nous examinons les sociétés fermées qui souhaitent devenir des sociétés ouvertes, il y a parfois des lacunes au chapitre de l’expérience relative aux sociétés ouvertes, parfois des lacunes au niveau de la compétence et de l’expérience de la direction. L’avantage que procurent certaines SAVS à une société fermée cible, c’est que certains des fondateurs, le groupe des promoteurs, pourraient envisager de rester et de faire partie de la société résultante à la suite de l’acquisition admissible. Il s’agit en fait d’un autre avantage important lorsqu’une société cible cherche à devenir une société ouverte : en considérant diverses SAVS, elle peut tenir compte de la composition du groupe des promoteurs et des fondateurs, et de quelle manière ces promoteurs et fondateurs peuvent l’aider à réussir à la suite de l’acquisition admissible.
Yula : Quels conseils donneriez-vous aux groupes de promoteurs qui envisagent de réaliser un PAPE au moyen d’une SAVS, ainsi qu’aux sociétés qui envisagent de s’introduire en bourse par l’intermédiaire d’une SAVS?
Norbert : La structure d’une SAVS comporte des caractéristiques particulières qui doivent être prises en compte afin de déterminer si une opération avec une SAVS ou un PAPE au moyen d’une SAVS constitue la bonne voie à prendre pour ces groupes. Certaines des caractéristiques que nous examinons toujours plus en profondeur sont, par exemple, le droit de rachat, les dilutions, le délai accordé, ainsi que, depuis les 12 derniers mois environ, le recours à un PPSO, soit un placement privé dans les sociétés ouvertes, et lorsqu’une opération est envisagée, à quel moment cette conversation devrait-elle avoir lieu avec les différentes parties concernées.

La deuxième partie de notre conversation avec les fondateurs et les promoteurs de SAVS qui cherchent à réunir des fonds consiste simplement à les aider à comprendre le processus lui-même d’une SAVS, qui comprend d’abord la collecte de capitaux, puis l’acquisition admissible. Nous aimons habituellement prendre le temps de discuter de la deuxième étape du processus avec les fondateurs et les promoteurs, pour les aider à comprendre le processus et les démarches qui devront être entreprises afin que la SAVS puisse mener à bien l’opération. En rapport avec cela, il y a le travail qui doit être fait et l’équipe qui doit être mise en place pour accomplir cette deuxième partie. Donc, il est important que cette discussion ait lieu tôt dans le processus. Elle permet non seulement de définir les attentes des fondateurs de la SAVS, mais aussi de mettre en place les personnes au sein de la SAVS qui seront nécessaires à la réalisation de cette deuxième étape du cycle de vie de la SAVS.

Pour ce qui est des cibles, je crois que la deuxième partie de la conversation consiste habituellement à les aider non seulement à bien comprendre la structure d’une SAVS, mais aussi à comprendre les diverses SAVS avec lesquelles nous sommes en discussion, car ce ne sont pas toutes les SAVS qui sont identiques.

Par exemple, certains groupes de promoteurs souhaitent réaliser une opération et continuer de faire partie de la société, tandis que d’autres sont généralement plus intéressés à demeurer des fondateurs de SAVS, ce qui signifie qu’ils participeraient à l’acquisition admissible, mais n’auraient pas l’intention de rester au sein de la société résultante en tant que membres du conseil d’administration ou de la direction après l’acquisition admissible.
Yula : Selon vous, qu’est-ce que l’avenir réserve aux SAVS du secteur? Y a-t-il des risques que les investisseurs ou d’autres intervenants devraient connaître?
Norbert : Je suis très enthousiaste à l’idée de ce que l’avenir réserve aux SAVS et de ce que le secteur pourra faire au cours des prochaines années. Je pense que la qualité exceptionnelle des équipes qui sont arrivées sur le marché témoigne du type d’opération que les SAVS vont effectuer dans les prochaines années. Comme nous l’avons mentionné, la raison d’être des SAVS est de mener des sociétés fermées de grande qualité vers les marchés des capitaux. Ce que nous trouvons intéressant, c’est le type d’entreprise, le type de cible que les SAVS cherchent.

Au Canada, il est intéressant de constater que les SAVS canadiennes étaient autrefois considérées comme des SAVS du secteur du cannabis, c’est-à-dire qu’une grande partie des acquisitions admissibles étaient effectuées dans le secteur du cannabis. Maintenant, les SAVS canadiennes explorent d’autres secteurs, d’autres cibles, et c’est ce qui est intéressant dans le secteur.
Par exemple, Bespoke Capital Acquisition Corp., une SAVS canadienne qui a réuni plus de 300 M$ CA dans le cadre de son PAPE, est en voie de réaliser son acquisition admissible, laquelle vise une entreprise de vin à Napa et à Sonoma.

De façon similaire, la SAVS Canaccord vient de réaliser l’acquisition de Taiga, une entreprise qui fabrique des véhicules récréatifs électriques. Donc, les différents types d’entreprises qui arrivent dans le marché, voilà ce qui est fascinant à propos des SAVS.
Mathieu : Norbert et Jill, merci d’avoir partagé avec nous ces perspectives intéressantes et utiles.
Les auditeurs qui souhaitent obtenir de plus amples renseignements sur ce sujet ou tout autre sujet peuvent visiter notre site Web à l’adresse blakes.com.
Yula : D’ici la prochaine fois, prenez soin de vous et restez en sécurité.

À propos du balado Volume d’affaires de Blakes

Notre balado Volume d’affaires (anciennement Continuité) se penche sur les répercussions que peut avoir l’évolution du cadre juridique canadien sur les entreprises, et ce, dans notre réalité « post-COVID-19 » et dans l’avenir. Des avocates et avocats de tous nos bureaux discutent des défis, des risques, des occasions, des développements juridiques et des politiques gouvernementales dont vous devriez avoir connaissance. Nous abordons par ailleurs divers sujets qui vous importent et qui sont liés à la responsabilité sociale, comme la diversité et l’inclusion.

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