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Normes d’information sur la durabilité : Nouveaux développements

9 avril 2024

Le 13 mars 2024, le Conseil canadien des normes d’information sur la durabilité (le « CCNID ») a lancé un processus de consultation au sujet de ses premières Normes canadiennes d’information sur la durabilité (« NCID »). Le CCNID a publié pour commentaires deux exposés-sondages sur la présentation d’informations liées aux facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance : NCID 1 – Obligations générales en matière d’informations financières liées à la durabilité (la « NCID 1 ») et NCID 2 – Informations à fournir en lien avec les changements climatiques (la « NCID 2 » et, avec la NCID 1, les « Normes proposées »).

Bien que l’application des Normes proposées, une fois finalisées, demeurera volontaire, ces dernières pourraient constituer une étape importante vers la divulgation obligatoire d’informations sur la durabilité et les changements climatiques par les sociétés ouvertes canadiennes. Leur publication suit de près l’adoption de règles définitives par la Securities and Exchange Commission des États-Unis (la « SEC ») le 6 mars 2024 visant à rehausser et à normaliser les informations liées aux changements climatiques fournies par les sociétés ouvertes aux États-Unis (les « règles définitives de la SEC »).

Simultanément à la publication des Normes proposées, le CCNID a également publié un document de consultation intitulé Critères de modification [en projet], lequel présente les critères dont il propose de tenir compte pour déterminer s’il convient d’apporter des modifications aux normes publiées précédemment par l’International Sustainability Standards Board (l’« ISSB »).

La période de consultation lancée par le CCNID à l’égard des Normes proposées prend fin le 10 juin 2024.

Les Normes proposées

Comme il est précisé dans le Bulletin Blakes de juillet 2023 intitulé L’ISSB publie des normes inaugurales s’appliquant à l’information liée aux facteurs ESG, le 26 juin 2023, l’ISSB a publié les deux normes inaugurales s’appliquant à l’information liée aux facteurs ESG : IFRS S1 – Obligations générales en matière d’informations financières liées à la durabilité (l’« IFRS S1 ») et IFRS S2 – Informations à fournir en lien avec les changements climatiques (l’« IFRS S2 » et, avec l’IFRS 1, les « normes ISSB »).

Les normes ISSB se fondent sur les recommandations du Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques et les intègrent de manière exhaustive.

Le CCNID a entamé ses activités en avril 2023. Son objectif est de promouvoir l’adoption de normes d’information en matière de durabilité au Canada. Pour élaborer les Normes proposées, le CCNID s’est fondé sur les normes ISSB en y apportant des modifications afin de tenir compte du contexte canadien.

La NCID 1 a pour objectif d’exiger que les entités visées fournissent des informations sur leurs possibilités et risques liés à la durabilité. Quant à elle, la NCID 2 a pour objectif d’exiger que les entités visées fournissent des informations sur leurs possibilités et risques liés aux changements climatiques, y compris les risques physiques et les risques de transition liés aux changements climatiques. Tant pour la NCID 1 que pour la NCID 2, les entités visées doivent fournir des informations sur les possibilités et risques liés aux changements climatiques dont on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’ils aient une incidence à court, moyen ou long terme sur leurs flux de trésorerie, leur accès à du financement ou à leur coût du capital.

Outre des modifications à la date d’entrée en vigueur et à l’allègement transitoire, la NCID 1 et la NCID 2 proposent d’adopter l’IFRS 1 et l’IFRS 2, respectivement, dans leur intégralité. Cela dit, le CCNID sollicite des commentaires sur certains éléments précis de la NCID 2.

Le CCNID reconnaît que certaines des exigences énoncées dans l’IFRS S2 suscitent des inquiétudes, en particulier pour ce qui est de l’analyse de scénarios et des émissions de GES du champ d’application 3 (c.-à-d. les émissions indirectes de GES produites dans la chaine de valeur d’une entité, tant en amont qu’en aval).

Le CCNID souligne que l’analyse de scénarios constitue une méthode bien établie pour la planification stratégique, notamment à la lumière d’un nombre croissant d’incertitudes liées aux changements climatiques; il s’agit d’un outil qui aide les entités à explorer les situations futures possibles et à s’adapter en conséquence. Le CCNID reconnaît toutefois que bon nombre d’entités ne sont pas familières avec l’analyse de scénarios climatiques et pourraient ne pas avoir les ressources et les compétences nécessaires à la préparation des informations à fournir. Par conséquent, il cherche à savoir si un allègement transitoire ou des indications supplémentaires aideraient les préparateurs et les utilisateurs à réaliser plus efficacement de telles analyses dans le cadre de l’évaluation de la résilience climatique d’une entité.

De plus, le CCNID note que les émissions de GES du champ d’application 3 constituent une part importante des émissions totales de GES des entités et que de telles émissions fournissent des informations précieuses sur l’exposition de ces entités aux possibilités et aux risques liés aux changements climatiques dans leur chaine de valeur.

Or, bon nombre de commentateurs ont exprimé leurs préoccupations quant à l’incertitude relativement à la mesure des émissions de GES du champ d’application 3, en plus de mentionner les difficultés liées aux processus et à la capacité de présentation d’informations en même temps que les rapports financiers à usage général. À cet égard, le CCNID indique qu’il a pour objectif de trouver un juste équilibre entre ces préoccupations et le besoin urgent de s’attaquer aux risques liés aux changements climatiques. La NCID 2, telle que proposée, prévoit un allègement transitoire selon lequel une entité ne serait pas tenue de présenter ses émissions de GES du champ d’application 3 pour les deux premiers exercices pour lesquels elle applique cette norme. 

Le CCNID propose par ailleurs que la NCID 1 et la NCID 2, une fois finalisées, entrent en vigueur à la même date, soit le 1er janvier 2025. 

L’application de la NCID 1 et de la NCID 2 en leur version définitive demeurerait volontaire pour les sociétés canadiennes jusqu’à ce que ces normes soient imposées par les autorités compétentes (par exemple, au moyen de la publication d’un règlement à cet effet par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (les « ACVM »).

Nouveaux développements : règles définitives de la SEC

Le 6 mars 2024, la SEC a adopté des règles définitives en la matière, soit près de deux ans après la publication des projets de règles connexes (les « projets de règles »).

Un vaste processus de consultation a en effet été mené à l’égard des projets de règles. À la lumière des commentaires recueillis, le contenu des règles définitives s’écarte de celui des projets de règles et des normes ISSB à certains égards importants, notamment par la réduction des obligations d’information concernant les émissions de GES. Dans les règles définitives de la SEC, les obligations d’information concernant les émissions de GES du champ d’application 1 (c.-à-d. les émissions directes de GES qui émanent de sources que l’entité possède ou contrôle) et les émissions de GES du champ d’application 2 (c.-à-d. les émissions indirectes de GES attribuables à la production d’énergie achetée par une entité) s’appliquent uniquement aux grands émetteurs, tandis que les obligations d’information concernant les émissions de GES du champ d’application 3 ont été supprimées entièrement.

Il y a lieu de noter que les règles définitives de la SEC ne s’appliquent pas aux émetteurs canadiens qui participent au régime d’information multinational (« RIM »).

Enfin, comme prévu, les règles définitives de la SEC ont fait l’objet de multiples contestations judiciaires aux États-Unis, notamment une suspension administrative prononcée par la Fifth Court of Appeals le 15 mars 2024. L’issue de ces contestations judiciaires reste à voir et le sort des règles définitives de la SEC demeure donc incertain.

Réponse des ACVM

Immédiatement après l’annonce faite par le CCNID au sujet des Normes proposées et de la consultation y afférente, les ACVM ont publié un communiqué de presse dans lequel elles accueillaient le processus de consultation relatif à la NCID 1 et à la NCID 2.

Dans ce communiqué, le président des ACVM, Stan Magidson, exprime l’intérêt qu’ont les ACVM pour les commentaires que recevra le CCNID et encourage fortement les parties intéressées à participer activement au processus de consultation en faisant part au CCNID de leurs points de vue sur les Normes proposées et les questions précises soulevées. M. Magidson a souligné par ailleurs que ces commentaires pourraient éclairer les changements à apporter au projet de règlement proposé par les ACVM sur l’information liée aux changements climatiques (le « projet de règlement ») (voir le Bulletin Blakes de novembre 2021 intitulé Les ACVM lancent une consultation sur les obligations d’information liée au changement climatique et le Bulletin Blakes de novembre 2022 intitulé ACVM : mise à jour des obligations d’information liée au changement climatique).

Les ACVM ont également souligné qu’elles « demeurent déterminées à établir des obligations d’information utiles à l’évaluation des risques importants liés aux changements climatiques et qui visent à réduire la fragmentation du marché et à favoriser l’efficience des marchés des capitaux, en tenant compte des besoins et des capacités des émetteurs de toute taille ». Elles ont indiqué de surcroît qu’elles continuent de suivre les nouveaux développements à l’international dans ce domaine, en mentionnant spécifiquement l’adoption des règles définitives de la SEC.

Les ACVM ont noté qu’elles prendront en considération la version définitive des normes du CCNID, mais qu’elles comptent adopter seulement les dispositions requises pour appuyer la présentation d’information liée aux changements climatiques. Cela suggère qu’elles pourraient envisager d’adopter uniquement la NCID 2, ce qui cadrerait avec l’approche prise dans les règles définitives de la SEC.

Dans la même veine que l’appel aux commentaires lancé par le CCNID au sujet de la NCID 2, les ACVM ont également indiqué dans leur communiqué qu’au moment de la publication de la version révisée du projet de règlement, elles chercheront à obtenir des commentaires sur le champ d’application de ce dernier, ainsi que sur le temps ou les indications supplémentaires qui pourraient être nécessaires aux émetteurs assujettis pour se conformer à certaines obligations d’information. Cela donne à penser que les ACVM envisageraient possiblement d’établir des obligations d’information différentes, du moins pour les émetteurs émergents et non émergents, mais qu’elles envisageraient peut-être aussi de procéder à une stratification plus poussée.

Enfin, les ACVM ont déclaré qu’elles entendent solliciter des commentaires sur la version révisée du projet de règlement après la publication des normes définitives du CCNID. Par conséquent, nous ne prévoyons pas que le processus de consultation mené par les ACVM ait lieu avant le premier trimestre de 2025 ou que les ACVM publient la version définitive de leur règlement sur l’information avant 2026.

Conclusion

En publiant les Normes proposées et en lançant le processus de consultation y afférent, le CCNID semble chercher à établir un juste équilibre entre, d’une part, les préoccupations qui ont été soulevées au sujet des normes ISSB en proposant des modifications pertinentes qui tiennent compte de l’intérêt public canadien et, d’autre part, les avantages de la normalisation des exigences dans l’ensemble des juridictions qui découlent de l’alignement avec les normes ISSB en tant que base de référence mondiale.

Étant donné que les ACVM ont le même objectif de veiller à ce que les normes d’information soient adaptées aux besoins des marchés des capitaux canadiens, il sera intéressant de voir si les normes définitives du CCNID conviendront à cet égard aux ACVM.

Il reste à voir aussi comment les ACVM concilieront leur intérêt pour l’harmonisation des exigences canadiennes avec la base de référence mondiale, comme les normes ISSB, et l’exigence relative à la communication des informations quelque peu réduite prévue dans les règles définitives de la SEC.

Nous continuerons à suivre de près les développements relatifs aux Normes proposées et au projet de règlement. Nous publierons des mises à jour lorsque des faits nouveaux importants seront annoncés.

Pour en savoir davantage, communiquez avec :


ou un autre membre de notre groupe Gouvernance.