Dans l’affaire récente Epix Developments Ltd. v. Bonnis Development Union Street Limited Partnership (l’« affaire Epix ») (en anglais), un tribunal en Colombie-Britannique s’est penché sur l’interprétation d’une nouvelle clause contractuelle composée à la suite de la résiliation d’une convention en raison d’une rupture répudiatoire dans le cadre d’une opération immobilière.
Contexte
Les demanderesses, Epix Developments Ltd. et Epix Main Street Limited Partnership (les « demanderesses »), et la défenderesse, Bonnis Development Union Street Limited (la « défenderesse »), ont conclu deux conventions aux termes desquelles les demanderesses ont cherché à acheter auprès de la défenderesse trois lots adjacents situés dans le quartier chinois de Vancouver et présentant un historique et un potentiel de développement importants (le « bien »).
En 2017, la défenderesse a demandé à la Ville de Vancouver (la « Ville ») de changer le zonage du bien pour celui d’« aménagement global » afin de permettre une utilisation mixte commerciale et résidentielle. La défenderesse a révisé et de nouveau soumis sa demande de changement de zonage à la fin de 2019. Vers novembre 2020, le personnel de la Ville a recommandé l’acceptation de la demande de changement de zonage, sous réserve du respect de certaines conditions par la défenderesse. La défenderesse a par la suite décidé de vendre le bien, plutôt que de compléter le processus de réaménagement.
Au cours des négociations qui ont débuté en mai 2021 entre les demanderesses et la défenderesse, la défenderesse a fourni des renseignements trompeurs, notamment des courriels laissant entendre que le zonage avait été « adopté », ce qui n’était pas le cas, et qu’elle s’attendait à recevoir un permis d’aménagement pourvu que les conditions et les éléments supplémentaires indiqués dans une lettre préalable de la Ville soient traités de façon satisfaisante.
Cette prétendue approbation du changement de zonage a rendu le bien intéressant pour les demanderesses et, en juillet 2021, les parties ont conclu la première convention visant l’achat et la vente du bien (la « convention d’achat »). Lorsque les demanderesses ont découvert que le changement de zonage n’avait pas encore eu lieu, les parties ont conclu une seconde convention en septembre 2021 (la « convention de modification » et, avec la convention d’achat, les « conventions »), qui faisait expressément de l’adoption du changement de zonage une condition préalable à la réalisation de l’opération. Un dépôt de 1,1 M$ CA (le « dépôt ») a également été versé par les demanderesses à leur avocat aux termes de la convention d’achat.
De l’automne 2021 à février 2022, les demanderesses ont fait part à la défenderesse de leurs préoccupations au sujet des exigences relatives au changement de zonage. Les demanderesses ont tenté à plusieurs reprises de communiquer avec la défenderesse, et celle-ci n’a pas réagi. En mars 2022, la défenderesse a indiqué qu’elle ne reporterait pas la date butoir de la convention (la « date butoir »), affirmant qu’elle avait travaillé diligemment et sans relâche pour remplir la condition préalable relative au changement de zonage, laissant sous-entendre que les demanderesses devraient clore l’opération sans que le changement de zonage ait été adopté. La défenderesse a alors expressément demandé aux demanderesses de l’aviser si elles comptaient procéder à la clôture au plus tard à la date butoir, à défaut de quoi la défenderesse considérerait que la convention aurait pris fin. Les demanderesses ont répondu qu’elles étaient prêtes, disposées et aptes à clore l’opération selon les modalités conclues entre les parties – en d’autres termes, en tenant compte de l’adoption du changement de zonage – ce qui a ensuite donné lieu au présent litige. Les parties ont réclamé le dépôt et divers dommages-intérêts.
La nouvelle clause
Afin d’aborder la nouvelle obligation de la défenderesse d’obtenir l’adoption du changement de zonage avant la réalisation de l’opération, la convention de modification prévoyait que la défenderesse « déploiera des efforts raisonnables et diligents sur le plan commercial » (commercially reasonable and diligent efforts) pour obtenir les approbations « à la date la plus rapprochée possible » (at the earliest possible date).
L’expression « efforts raisonnables sur le plan commercial » a déjà été interprétée par la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans l’affaire Sutter Hill Management Corporation v. Mpire Capital Corporation (en anglais) comme étant des « efforts qui semblent raisonnables du point de vue commercial » (efforts that would appear to be reasonable from a commercial perspective), selon un « jugement éclairé » (sound judgment). En soi, l’expression « efforts raisonnables sur le plan commercial » n’est pas la même chose que l’expression « de son mieux » (best efforts), qui est interprétée comme exigeant de « remuer ciel et terre » (no stoned [sic] [be] left unturned).
Dans l’affaire Epix, une question subsistait, à savoir ce que l’inclusion des expressions « efforts diligents » et « à la date la plus rapprochée possible » a ajouté aux obligations de la défenderesse de remplir les conditions préalables aux termes des conventions. Ni les demanderesses ni la défenderesse n’ont été en mesure de fournir des précédents où la convention en question utilisait l’expression « efforts raisonnables et diligents sur le plan commercial » pour remplir certaines conditions « à la date la plus rapprochée possible ».
Le juge de première instance a statué que l’analyse doit refléter l’ensemble des termes utilisés, y compris l’expression « à la date la plus rapprochée possible », indiquant que les parties ont choisi d’inclure les expressions « efforts diligents » et « à la date la plus rapprochée possible » dans la clause spécifique qui établit la norme non seulement pour le degré d’effort requis de la part de la défenderesse pour remplir les conditions préalables, mais également pour la rapidité avec laquelle ces tâches devraient être accomplies. Le juge de première instance a statué que le choix d’inclure les deux expressions doit avoir un sens, et que celles-ci ne peuvent pas être simplement ignorées ou considérées comme « excédentaires ». Toutefois, le juge de première instance n’était pas non plus convaincu que, dans les circonstances de l’espèce, il était approprié d’assimiler « efforts diligents » à « de son mieux ».
Dans son interprétation de l’expression « efforts diligents », le juge de première instance a conclu que le sens ordinaire du terme « diligent » englobe la notion d’être prudent, consciencieux et attentif, et incorpore un sentiment de persévérance ou d’effort constant. Le juge de première instance a interprété l’expression « à la date la plus rapprochée possible » comme évoquant la notion de viser à terminer le plus tôt possible, reconnaissant qu’il pourrait y avoir des forces externes à l’œuvre. Par conséquent, le juge de première instance a statué qu’il était dans l’intérêt des deux parties de conclure l’opération rapidement et que ce qui avait été négocié était un site qui était presque « prêt à aménager », voire entièrement prêt. Les deux faits nécessitaient des travaux et une collaboration plus poussés de la part des parties, même si elles n’avaient pas le contrôle ultime sur les décisions de la Ville et sur les échéanciers.
Par conséquent, le juge de première instance a conclu, à la lumière du libellé précis de la clause, compte tenu du contexte des conventions dans leur ensemble et des circonstances de l’espèce, que les parties avaient l’intention que la défenderesse déploie des efforts prudents, consciencieux et persistants pour faire ce qui semblait raisonnable du point de vue commercial afin d’obtenir l’adoption du changement de zonage et la délivrance du permis d’aménagement, ou du moins une lettre préalable, à la date la plus rapprochée possible. De l’avis du juge de première instance, cette norme n’oblige pas la partie ayant l’obligation à prendre des mesures qui seraient déraisonnables sur le plan commercial, en fonction de son jugement commercial avisé, mais l’oblige à trouver des moyens de continuer d’avancer de façon constante.
La décision
Les conventions prévoyaient expressément qu’en cas de manquement d’une partie à son obligation de réaliser l’opération conformément aux modalités des conventions, la partie non défaillante a droit au dépôt, majoré de tous les intérêts cumulés. Les conventions prévoyaient également de limiter les recours de la défenderesse uniquement à la remise du dépôt (plus les intérêts); toutefois, si les demanderesses sont déclarées non défaillantes, elles ont droit au remboursement du dépôt (plus les intérêts) sans préjudice de leur droit à des recours supplémentaires.
Le juge de première instance a conclu que la défenderesse avait manqué à ses obligations contractuelles, ce qui donnait le droit aux demanderesses de résilier les conventions, et que les demanderesses avaient contractuellement droit au remboursement du dépôt, majoré des intérêts, ainsi qu’à des dommages-intérêts pour rupture de contrat.
Points à retenir
- La norme relative aux « efforts raisonnables sur le plan commercial » peut être interprétée comme exigeant des efforts plus rigoureux ou accrus si l’expression est de nouveau modifiée dans une convention, de sorte que toute modification de cette norme doit être faite avec prudence.
- La norme relative aux efforts décrite dans une convention visant à remplir une obligation sera déterminée en tenant compte de la totalité du contexte de la description de la norme et de toutes les circonstances entourant les mesures prises pour remplir l’obligation.
Pour en savoir davantage sur ce sujet, communiquez avec les auteurs du présent bulletin ou un membre de notre groupe Immobilier commercial.
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