Le Charterted Institute of Arbitrators (le « CIArb ») a récemment publié une ligne directrice intitulée Guideline on the Use of AI in Arbitration (2025) (la « Ligne directrice ») afin de fournir de l’information utile sur la façon de tirer parti des possibilités croissantes de l’intelligence artificielle (« IA ») tout en atténuant certains des risques connexes.
La Ligne directrice est divisée en quatre parties et traite dans son ensemble de diverses considérations que les parties à des procédures d’arbitrage devraient prendre en compte lorsqu’elles ont recours à des outils et à des ressources d’IA. La Ligne directrice contient également un accord-type relatif à l’utilisation de l’IA dans le contexte d’un arbitrage ainsi que deux modèles d’ordonnances de procédure visant l’utilisation de l’IA.
Partie I : Avantages et risques associés à l’utilisation de l’IA dans le cadre d’un arbitrage
La Ligne directrice souligne le fait que les possibilités qu’offrent les outils d’IA pour améliorer l’efficacité, la qualité et l’accessibilité des procédures d’arbitrage se développent rapidement. L’IA peut soutenir un large éventail de tâches, notamment la recherche juridique, l’analyse de documents, la collecte de preuves, la transcription, la traduction et même la prédiction de l’issue d’une affaire donnée. L’utilisation de l’IA peut réduire les coûts et les retards liés à une procédure d’arbitrage, améliorer l’uniformité ou encore aider les parties qui manquent de ressources à présenter leur cause.
La Ligne directrice met néanmoins en évidence les risques sérieux sur le plan juridique, procédural et éthique que pose l’utilisation de l’IA dans le contexte de l’arbitrage. L’IA pourrait en effet compromettre la confidentialité et la sécurité des données ainsi que le caractère exécutoire des sentences arbitrales. L’utilisation de l’IA par les arbitres soulève des préoccupations supplémentaires quant aux biais, à la transparence et à l’imputabilité. La Ligne directrice fait ressortir l’importance de la surveillance humaine et des autres responsabilités des utilisateurs, particulièrement en ce qui concerne l’intégrité des décisions et le respect de l’application régulière de la loi. Elle souligne le risque constant que les réponses générées par l’IA contiennent de l’information inexacte à l’égard de sources universitaires, de la législation, de la jurisprudence et même de la preuve.
Compte tenu de l’évolution rapide de la réglementation et du recours accru aux outils numériques, la Ligne directrice fournit des éclaircissements aux parties et aux tribunaux pour les aider à évaluer la nature d’un outil d’IA utilisé, l’incidence de cette utilisation sur l’équité procédurale et sa compatibilité avec les règles et les lois applicables. Dans l’ensemble, bien que l’utilisation de cette technologie dans un contexte de procédures d’arbitrage présente des avantages considérables, elle devrait être transparente, proportionnée et conforme aux principes fondamentaux de justice, d’impartialité et d’indépendance.
Partie II : Recommandation générale concernant l’utilisation de l’IA lors d’un arbitrage
La Ligne directrice recommande aux parties et aux arbitres de procéder à une vérification diligente raisonnable des réponses qui ont été générées par des outils d’IA et qui sont susceptibles d’être utilisées dans le cadre d’un arbitrage. Pour effectuer une vérification diligente raisonnable, il est important de bien comprendre la fonction de l’outil utilisé, la conception technologique de cet outil et les données à inclure ou non dans les requêtes. Les utilisateurs éventuels sont en outre encouragés à comparer les avantages potentiels de l’IA aux risques y afférents sur le plan juridique et procédural, en particulier les risques qui touchent l’application régulière de la loi, la primauté du droit et l’intégrité de l’arbitrage.
Dans le contexte d’un arbitrage, les utilisateurs devraient également examiner les cadres juridiques et réglementaires régissant l’IA dans les territoires pertinents. Il est important de noter que, sauf entente expresse contraire écrite et sous réserve de toute règle obligatoire, l’utilisation d’outils d’IA ne dispense aucune partie ni aucun arbitre de ses devoirs et responsabilités dans le cadre du processus d’arbitrage.
Partie III : Utilisation de l’IA par les parties dans le cadre d’un arbitrage
La Ligne directrice aborde notamment quatre aspects clés qui doivent être pris en compte lorsque les parties ont l’intention d’utiliser l’IA dans le cadre d’un arbitrage :
- Pouvoirs de l’arbitre en matière de procédure : La Ligne directrice affirme que les arbitres disposent de vastes pouvoirs leur permettant de régir l’utilisation de l’IA dans le cadre d’un arbitrage, notamment de donner des directives et de prendre des décisions à cet égard ou encore de nommer des experts pour aider les parties à mieux comprendre les technologies de l’IA. Bien que les parties puissent utiliser des outils d’IA en privé, les arbitres peuvent exiger des parties qu’elles le déclarent lorsque l’IA a une incidence sur l’intégrité du processus. Les arbitres sont invités à documenter les décisions prises relatives à l’utilisation de l’IA dans les ordonnances de procédure et à traiter les questions non résolues dans la sentence finale.
- Autonomie des parties : Les parties conservent leur autonomie pour ce qui est de s’entendre concernant le recours à l’IA et la façon dont celle-ci peut être utilisée, notamment si elles veulent identifier des outils particuliers ou fixer des limites spécifiques. Lorsqu’une convention d’arbitrage est muette à ce sujet, les arbitres devraient soulever la question tôt dans le processus afin de permettre aux parties d’exprimer leur point de vue.
- Décisions sur l’utilisation de l’IA et recevabilité des contenus générés par l’IA : En cas de désaccord, les arbitres peuvent rendre une décision sur l’utilisation de l’IA en fonction des circonstances générales d’une affaire. Ils devraient ainsi évaluer les avantages sur le plan des coûts et de l’efficacité par rapport aux risques au chapitre de l’équité, de la qualité de la preuve, de la confidentialité et de la conformité juridique. Les décisions devraient de surcroît tenir compte de la nature de l’outil d’IA, y compris le biais, la qualité des données et les liens entre le contenu généré par machine et le dossier d’arbitrage. Les arbitres devraient s’appuyer sur les lois applicables, notamment les règles en matière de protection de la vie privée et de cybersécurité ainsi que les règles institutionnelles, lesquelles pourraient avoir une incidence sur le caractère exécutoire d’une sentence.
- Obligations d’information : Des déclarations relatives à l’utilisation de l’IA peuvent être exigées lorsque cette utilisation a une incidence sur la preuve, la prise de décision ou la délégation de fonctions. Les arbitres peuvent exiger des parties, des témoins ou des experts qu’ils fournissent de l’information sur le type d’IA utilisé, le moment auquel l’IA a été utilisée et la portée de cette utilisation. Ces obligations d’information s’appliquent généralement de façon continue; toutefois, des enjeux de confidentialité ou encore des restrictions légales pourraient devoir être pris en compte. Le défaut d’effectuer les déclarations requises peut donner lieu à une enquête, à des recours procéduraux ou à des conséquences financières.
Partie IV : Utilisation de l’IA par les arbitres
Les arbitres peuvent recourir à des outils d’IA pour les aider à examiner les documents soumis par des parties, à la condition qu’ils ne délèguent pas la prise de décisions dans une affaire à ces outils. Peu importe qu’un arbitre ait utilisé ou non l’IA pour en arriver à ses conclusions dans une affaire donnée et, le cas échéant, peu importe la façon dont il l’a fait, celui-ci est entièrement responsable de l’issue de l’affaire en question.
Les arbitres devraient discuter de l’utilisation de l’IA avec les parties et s’abstenir de l’utiliser si les parties s’y opposent.
Points à retenir
Voici quelques thèmes centraux de la Ligne directrice :
- La question de savoir si un outil d’IA donné peut être utilisé et, si oui, dans quelle mesure il peut l’être, est laissée à la discrétion des parties et de l’arbitre.
- La notion de transparence à l’égard de l’utilisation de l’IA est essentielle à la légitimité des procédures d’arbitrage et à l’issue de celles-ci.
- Le domaine de l’IA est nouveau et évolue rapidement; ce qui est considéré comme une pratique exemplaire à un moment donné peut changer par la suite en raison des progrès de l’IA ou de l’introduction de lois relatives à l’utilisation de l’IA.
Pour en savoir davantage, communiquez avec l’un des auteurs du présent bulletin ou un autre membre de notre groupe Arbitrage.
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