Information générale
En juin 2025, un groupe d’organismes de conservation, présidé par The Nature Conservancy, a publié de nouvelles normes de pratique à adhésion volontaire pour les projets de conversion de dette, intitulé Practice Standards for Debt Conversion Projects for Nature, Resilience, and People (en anglais) (collectivement, les « normes de pratique »).
Les normes de pratique sont établies dans la foulée des travaux annoncés lors de la COP16 par une coalition formée des organismes The Nature Conservancy, Conservation International, The Pew Charitable Trusts, Re:wild, Wildlife Conservation Society et Fonds mondial pour la nature aux États-Unis. Cette coalition vise à débloquer jusqu’à 100 G$ US pour financer les projets de conservation liés au climat et à la biodiversité par une augmentation des conversions de dette souveraine en engagements de conservation, tel que présenté ci-après.
Le présent bulletin présente un aperçu des projets de conversion de dette pour la nature (les « projets de conversion de dette ») et un résumé des normes de pratique.
Contexte
Les projets de conversion de dette ont attiré l’attention à l’échelle internationale suivant le succès récent de deux projets de grande envergure.
Le premier de ces projets, réalisé en 2021 au Belize, prévoyait une conversion de la dette à hauteur de 364 M$ US, ce qui a permis au Belize de réduire sa dette souveraine de 12 % de son PIB en échange d’un engagement contraignant à protéger 30 % de son territoire océanique, entre autres mesures.
Le second de ces projets, réalisé en 2024 en El Salvador, consistait à refinancer plus de 1 G$ US de la dette souveraine existante et à affecter la quasi-totalité des économies estimées à 352 M$ US aux projets de conservation ciblant le fleuve Lempa. À ce jour, il s’agit du plus important projet de conversion de dette, tant sur le plan du montant de la dette convertie que sur celui de l’engagement de financement de conservation.
Les projets de conversion de dette permettent aux pays n’ayant pas une note de crédit de qualité d’accéder aux marchés des capitaux internationaux par l’émission de titres de créance assortis d’une note de crédit plus élevée, généralement grâce à des facteurs de rehaussement du crédit comme une assurance contre le risque politique ou le cautionnement de partenaires financiers.
En émettant des titres de créance assortis d’une note rehaussée, ces pays sont en mesure de générer des économies de l’une des trois façons suivantes :
- par la réduction de l’encours de la dette existante au moyen du rachat des titres de créance existants moyennant un escompte;
- par le refinancement de la dette à un taux d’intérêt inférieur;
- par l’émission de nouveaux titres de créance à des taux inférieurs à ceux du marché.
Les économies réalisées par cette émission sont ensuite réinvesties dans des projets de conservation et de résilience climatique, comme la conservation des territoires océaniques du Belize.
Il est important de noter que ces instruments de refinancement de la dette sont liés à des engagements de conservation contraignants assortis de résultats et d’objectifs mesurables, ce qui garantit que ces projets auront un impact visible sur les efforts mondiaux en matière de protection environnementale.
Normes de pratique
Les normes de pratique relèvent cinq facteurs interreliés qui doivent être abordés dans toutes les opérations de conversion de dette souveraine. Ensemble, ces éléments visent à faire en sorte que les projets de conversion de dette produisent des résultats durables en matière de conservation et de résilience climatique tout en maintenant la responsabilité financière et en protégeant les intérêts des collectivités.
Normes de pratique concernant la nature, la résilience et les personnes
Les normes de pratique concernant la nature, la résilience et les personnes sont axées sur la définition des engagements qui constituent le fondement du projet. Les gouvernements, en collaboration avec des partenaires chevronnés en matière de conservation, doivent élaborer conjointement des objectifs ambitieux et juridiquement contraignants qui intègrent des priorités en matière de conservation, de climat et de collectivités. L’objectif est de faire en sorte que le projet produise des résultats mesurables, harmonisés avec les stratégies nationales et conformes aux cadres internationaux comme l’Accord de Paris, les contributions déterminées au niveau national et le Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal.
Les engagements doivent être précis, réalisables dans un délai déterminé et appuyés par des jalons clairs et des indicateurs de rendement mesurables qui permettent de surveiller et de vérifier l’avancement. Ils doivent également être ambitieux, ce qui signifie que la barre doit être fixée plus haute que celle dont le pays serait en mesure d’atteindre sans le projet de conversion de dette et les avantages financiers connexes. L’intégration des enjeux d’équité sociale est tout aussi importante; les parties prenantes concernées doivent être mobilisées de manière significative dès les premières étapes. Les normes préconisent une approche fondée sur les droits et l’adoption de mesures de protection environnementale et sociale pour veiller à ce que les gains en matière de conservation ne se fassent pas au détriment du bien-être de la collectivité.
Normes de pratique en matière de gouvernance et d’exploitation
Les normes de pratique en matière de gouvernance et d’exploitation décrivent la façon dont les mécanismes institutionnels et opérationnels doivent être structurés pour assurer la transparence, la responsabilité et l’efficacité de la prise de décisions. Au cœur de cette stratégie se trouve la création d’une fiducie de conservation indépendante chargée de la gestion et du décaissement pour le volet financement du projet de conservation. Cette fiducie ne doit avoir aucun lien de dépendance avec le gouvernement et doit respecter les normes fiduciaires et de gouvernance reconnues, avec une représentation multipartite et une surveillance indépendante.
Ces normes de pratique soulignent également l’importance de faire en sorte qu’un promoteur de projet expérimenté guide et coordonne les différents acteurs engagés dans le projet. Les promoteurs expérimentés sont essentiels pour établir des liens entre les différentes parties participant au processus de structure financière et pour négocier des ententes de projet, ainsi que pour inviter des rehausseurs de crédit et des organisateurs à participer au projet.
Le cadre de gouvernance doit également comprendre des structures officielles telles que des groupes de travail interministériels et une unité de mise en œuvre de la surveillance chargée de coordonner les activités des ministères, des partenaires de conservation et des organismes de financement. Ces structures doivent avoir des mandats clairs et établir des protocoles de communication afin de préserver la confidentialité tout en favorisant l’efficacité de la collaboration. Les normes de pratique insistent sur l’importance de maintenir la capacité de gouvernance et l’expertise technique tout au long du cycle de vie du projet, en veillant à ce que la mise en œuvre demeure cohérente même pendant les transitions politiques.
Normes de pratique relatives aux opérations financières
Le succès de la conversion de la dette repose en grande partie sur la structure financière de l’opération. Les normes de pratique relatives aux opérations financières visent à assurer que l’opération procure un véritable avantage fiscal tout en créant un financement durable pour les activités de conservation et de résilience climatique. Habituellement, une partie des titres de créance d’État est rachetée ou refinancée à escompte et les économies qui en découlent sont remises à la fiducie de conservation. L’opération doit être conçue de façon à permettre des économies mesurables sur la valeur actualisée nette ou, à tout le moins, être neutre sur le plan des flux de trésorerie.
Les normes de pratique recommandent l’utilisation d’outils de rehaussement du crédit, comme le cautionnement ou l’assurance contre le risque politique, afin d’obtenir des modalités de refinancement favorables et d’élargir la participation des investisseurs. Un processus clair doit être suivi : l’évaluation de la dette admissible, la structuration du refinancement, le rehaussement du crédit et le cloisonnement des économies. La transparence est essentielle; il faut dévoiler clairement l’information sur les coûts antérieurs et postérieurs à la clôture et sur le processus de sélection concurrentielle des conseillers et des organisateurs pour les opérations. Il est important que le financement obtenu ne remplace pas les budgets de conservation actuels du gouvernement, mais qu’il s’y ajoute.
Normes de pratiques en matière de gestion des fiducies de conservation
La fiducie de conservation sert de mécanisme institutionnel pour recevoir, investir et décaisser les fonds obtenus grâce à la conversion de la dette. Aux termes des normes de pratique, la fiducie de conservation doit être juridiquement indépendante, gérée par des professionnels et pleinement conforme aux pratiques exemplaires internationales, comme celles établies par la Conservation Finance Alliance. La gouvernance doit être transparente et participative, avec un conseil multipartite, des politiques claires en matière de conflits d’intérêts et des procédures d’audit rigoureuses.
Les politiques de subvention de la fiducie doivent s’appliquer aux bénéficiaires de manière équivalente, qu’ils soient gouvernementaux ou non gouvernementaux, en accordant une attention particulière au soutien des organisations locales et autochtones qui pourraient se heurter à des obstacles sur le plan de la capacité d’accès au financement. La fiducie de conservation doit également être en mesure de mobiliser des ressources supplémentaires auprès de donateurs, de partenaires multilatéraux et d’investisseurs privés, tirant ainsi parti de l’opération initiale pour créer un financement à long terme pour les projets de conservation. Les politiques de gestion des investissements doivent concilier la nécessité de préserver le capital et les possibilités de croissance durable. Enfin, la fiducie de conservation doit maintenir des systèmes de gestion des risques environnementaux et sociaux afin de s’assurer que les projets financés ne causent pas de préjudices imprévus.
Normes de pratique concernant les mesures de protection sociale et les droits de la personne
Une surveillance et de l’information crédibles sont essentielles pour maintenir la confiance entre les parties prenantes et démontrer que les engagements sont respectés. Les normes de pratique concernant les mesures de protection sociale et les droits de la personne exigent l’établissement d’un solide cadre de surveillance, de déclaration et de vérification (« SDV ») qui englobe le rendement en matière d’environnement, de facteurs sociaux et de fiscalité. Ce cadre doit définir dès le départ les mesures, les données de référence, les sources de données, les responsabilités et le calendrier de présentation de l’information. Dans la mesure du possible, les mécanismes SDV doivent s’accorder avec les obligations nationales existantes en matière de communication de l’information, comme celles que prévoit l’Accord de Paris, afin d’éviter les doubles emplois et d’améliorer l’efficacité.
Conclusion
Les normes de pratique fournissent des lignes directrices utiles aux diverses parties qui souhaiteraient participer à des projets de conversion de dettes pour la nature, y compris les promoteurs, les investisseurs et les prêteurs. Bien que de tels projets ne soient pas de nature à convenir au Canada en raison de la note de crédit de qualité du pays, de plus en plus d’occasions de participer à ces projets se présentent à l’étranger.
Nous continuerons de vous tenir informés de l’évolution du financement durable de la conservation.
Pour en savoir davantage, communiquez avec l’un des auteurs du présent bulletin ou un membre de nos groupes Facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) et Services financiers.
Ressources connexes
Les communications de Blakes et de Classes affaires de Blakes sont publiées à titre informatif uniquement et ne constituent pas un avis juridique ni une opinion sur un quelconque sujet. Nous serons heureux de vous fournir d’autres renseignements ou des conseils sur des situations particulières si vous le souhaitez.
Pour obtenir l'autorisation de reproduire les articles, veuillez communiquer avec le service Marketing et relations avec les clients de Blakes par courriel à l'adresse [email protected].
© 2025 Blake, Cassels & Graydon S.E.N.C.R.L./s.r.l.