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Protection de l’opération : Tendances récentes liées aux conventions de blocage dans les F&A au Canada

17 septembre 2025

Le nombre d’opérations de transformation en société fermée surpasse le nombre de premiers appels publics à l’épargne au Canada depuis le début de l’année 2023. Comme nous l’avons mentionné dans notre bulletin intitulé Essor des F&A par transformation en société fermée, une partie importante de ces opérations, particulièrement celles qui ont été menées par des promoteurs de capital-investissement, comprenaient une composante de participation « par roulement » en équité. La prévalence de ces opérations a donné lieu à une nouvelle tendance des porteurs de titres par roulement et des sociétés cibles à insister pour ajouter aux conventions de vote de soutien (ou conventions de blocage) et aux conventions définitives d’opération une clause prévoyant que ces parties sont libres d’envisager d’autres propositions d’acquisition.

Qu’est-ce qu’une convention de blocage?

Les conventions de blocages sont courantes dans les opérations de F&A de sociétés ouvertes canadiennes. Elles servent à augmenter la certitude d’une opération en obtenant l’engagement des porteurs de titres ayant conclu la convention de blocage qu’ils exerceront les droits de vote rattachés à leurs titres, sous réserve de certaines conditions, pour appuyer l’opération de transformation en société fermée. Les conventions de blocage sont habituellement conclues avec les administrateurs et dirigeants de la société cible, simultanément avec la signature de la convention définitive de l’opération et juste avant l’annonce de l’opération. Elles sont aussi parfois conclues avec les porteurs de titres importants de cette même société.

Les statistiques sur les opérations récentes démontrent ce qui suit :

  • 96 % des opérations comprenaient des conventions de blocage;*
  • 50 % des opérations comprenaient des conventions de blocage avec des porteurs de titres autres que les administrateurs et dirigeants de la société cible;**
  • en moyenne, 25 % des titres de la société cible étaient visés par des conventions de blocage, ce pourcentage grimpant à 50 % ou plus dans le cas de 11 % des opérations.*

Il existe un principe bien établi en vertu de la législation en valeurs mobilières canadienne voulant qu’un porteur de titres et l’acquéreur ne soient pas réputés agir « conjointement ou de concert » simplement parce qu’ils ont conclu une convention de blocage. Par conséquent, les porteurs de titres qui ont conclu une telle convention ont généralement le droit d’exercer leur droit de vote à l’égard de toute proposition devant être approuvée à la majorité des actionnaires minoritaires en vertu de la législation en valeurs mobilières canadienne, en présumant qu’il n’y a pas d’autres arrangements, par exemple dans le cas d’un porteur de titres qui est une personne apparentée et reçoit une contrepartie différente (comme une composante de participation « par roulement ») ou un « avantage accessoire ». 

En outre, les conventions de blocage limitent généralement la disposition de titres par leur porteur et comprennent des dispositions de non‑sollicitation (no shop), lesquelles empêchent le porteur de titres de faire de la sollicitation, de participer à des discussions ou de prendre toute autre mesure liée à une opération concurrente ou appuyant une telle opération.

Conventions de blocage révocables et irrévocables

Les conventions de blocage peuvent généralement être « irrévocables » ou « révocables ».

Dans le cadre d’une vraie convention de blocage dite irrévocable, le porteur de titres accepte d’exercer ses droits de vote pour appuyer l’opération envisagée (ou de déposer ses titres en réponse à l’offre), et de s’opposer à toute autre opération, pendant une période définie, même si une proposition supérieure est présentée et que la convention définitive de l’opération est résiliée en raison de cette proposition supérieure. Par opposition, dans le cas d’une convention de blocage révocable, la convention de blocage prend fin automatiquement, au minimum, si la convention définitive de l’opération est résiliée; le porteur de titres est alors libre d’exercer ses droits de vote pour appuyer une proposition plus généreuse (ou de déposer ses titres en réponse à une autre offre). Dans certains cas, le porteur de titres a également le droit de mettre fin à la convention de blocage s’il établit qu’une autre opération est supérieure.

Les vraies conventions de blocage irrévocables sont rares dans le marché canadien des F&A de sociétés ouvertes. De plus, même lorsque la convention de blocage ne prendrait pas automatiquement fin à la résiliation de la convention définitive de l’opération, le porteur de titres qui a conclu une convention de blocage aurait tout de même le droit d’y mettre fin dans certaines circonstances, par exemple en cas de manquement ou de déclaration trompeuse de la part de l’acquéreur, de diminution de la contrepartie ou de défaut de réaliser l’opération avant la date limite prévue dans la convention définitive de l’opération (ces mêmes droits de résiliation font souvent partie des conventions de blocage révocables). 

Récentes tendances dans les conventions de blocage visant les porteurs de titre comportant une participation « par roulement »

Les conventions de blocage contiennent généralement des dispositions de non-sollicitation similaires aux restrictions imposées au conseil d’administration de la société cible dans la convention définitive de l’opération; cependant, contrairement au conseil d’administration de la société cible, qui peut généralement se prévaloir de la clause de retrait par devoir fiduciaire prévue dans ce type de convention, les porteurs de titres qui ont conclu une convention de blocage, y compris ceux assujettis à des conventions révocables, ne sont généralement pas autorisés, en qualité de porteurs de titres, à profiter d’autres propositions d’acquisition potentiellement supérieures. Ces restrictions aux termes de la convention peuvent donc dissuader les offres concurrentes et affaiblir les clauses de retrait par devoir fiduciaire qui se trouvent généralement dans la convention définitive de l’opération. 

Cela est particulièrement vrai dans le contexte des opérations par roulement, puisqu’un initiateur concurrent n’est pas en mesure, dans le cadre de sa proposition, de communiquer avec les porteurs de titres avec participation par roulement et de confirmer leur appui, notamment en ce qui a trait aux conditions de roulement potentielles. Sans savoir si ces porteurs de titres donneraient leur appui à la proposition de l’initiateur concurrent, le comité spécial peut être réticent à appuyer cette autre proposition qui pourrait par ailleurs constituer une offre supérieure, dans la mesure où il devrait composer avec un plus grand degré d’incertitude si les porteurs de titres avec participation par roulement n’approuvaient pas la proposition de l’initiateur concurrent, y compris, s’il y a lieu, toute condition de roulement potentiellement offerte.

La récente augmentation du nombre de transformations en société fermée comprenant une composante de participation par roulement au Canada a ranimé l’intérêt porté à ce type d’opération. En réaction, les sociétés cibles et les porteurs de titres avec participation par roulement souhaitent maintenant disposer d’une certaine flexibilité dans les contrats afin de leur permettre de communiquer avec le comité spécial au sujet des propositions. Plus particulièrement, bon nombre de récentes conventions de blocage révocables conclues par des porteurs de titres avec participation par roulement contenaient des dispositions leur permettant, dans les situations où le comité spécial constaterait qu’une autre proposition constitue ou pourrait raisonnablement constituer une proposition supérieure, de demander des renseignements précis sur cette autre proposition et, lorsque cela s’applique, d’entamer des discussions avec le comité spécial relativement à l’autre proposition et de participer à de telles discussions, notamment pour ce qui est des conditions de la participation par roulement. Dans ces récentes opérations, les conventions définitives d’opération prévoyaient des dispositions correspondantes permettant à la société cible de lancer des discussions avec les porteurs de titres avec participation par roulement au sujet d’une autre proposition et de leur donner des renseignements à ce sujet.

Ces nouveaux développements rappellent que, même si, intuitivement, la pertinence de conclure une convention de blocage peut être évaluée uniquement du point de vue des porteurs de titres visés et de l’acquéreur, les administrateurs de la société cible ainsi que les conseillers juridiques et fiscaux de celle-ci devraient étudier judicieusement l’ensemble des enjeux liés aux conditions précises comprises dans les conventions de blocage proposées afin de déterminer si les administrateurs pourront exercer adéquatement leurs devoirs fiduciaires et si un bon équilibre sera obtenu pour ce qui est des mesures de protection de l’opération.

Pour en savoir davantage, communiquez avec l’un des auteurs du présent bulletin ou un autre membre de notre groupe F&A de sociétés ouvertes.

*Ces statistiques se trouvent dans l’étude de l’ABA intitulée 2024 Canada Public Target M&A Deal Points Study.

**Ces statistiques se trouvent dans l’Étude de Blakes sur les F&A de sociétés ouvertes. Pour obtenir une copie de cette étude, veuillez communiquer avec nous par courriel.

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