Des modifications à la Loi sur la concurrence (la « Loi ») qui élargissent le régime d’accès privé (le « régime ») de cette dernière sont entrées en vigueur le 20 juin 2025 (les « modifications »). Aux termes des modifications : (i) de nouveaux comportements s’ajoutent à ceux déjà prévus au régime qui sont susceptibles de faire l’objet d’une demande d’accès privé devant le Tribunal de la concurrence (le « Tribunal »); (ii) le seuil permettant à une partie privée d’obtenir la permission du Tribunal de présenter une demande est réduit; et (iii) les demandeurs privés peuvent désormais obtenir une indemnisation pécuniaire pour un comportement qui contrevient aux dispositions civiles de la Loi. Il y a lieu de s’attendre à ce que ces modifications aient pour effet d’augmenter le nombre de litiges entre parties privées en matière de droit de la concurrence.
Contexte
Depuis longtemps, les parties privées peuvent, en vertu de la Loi, introduire des instances auprès des cours supérieures provinciales et de la Cour fédérale en vue d’obtenir des dommages-intérêts pour des infractions criminelles alléguées à la Loi, telles que la fixation de prix et le truquage d’offres. Dans la plupart des cas, ces instances sont introduites sous forme d’actions collectives, ou, dans une moindre mesure, par des concurrents fondant leur demande sur des allégations de publicité trompeuse criminelle. Ces actions ne sont pas visées par les modifications.
Aux termes du régime en vigueur avant le 20 juin 2025, les parties privées pouvaient, sous réserve de la permission du Tribunal, présenter une demande fondée sur des allégations de refus de vendre, de maintien des prix, d’exclusivité, de limitation du marché, de ventes liées et d’abus de position dominante, pourvu que le demandeur soit « directement et sensiblement gêné » dans son entreprise par le comportement allégué (en ce qui concerne le maintien des prix, le demandeur ne devait être que « directement gêné » en raison du comportement allégué). Lorsque le Tribunal tranche en faveur du demandeur, les recours possibles se limitent aux ordonnances d’interdiction et aux ordonnances correctives; dans le cas d’un abus de position dominante, le Tribunal peut également ordonner au défendeur de payer une sanction administrative pécuniaire (une « SAP ») au gouvernement fédéral uniquement.
À compter du 20 juin 2025, le régime est élargi relativement aux comportements qui contreviennent aux dispositions civiles de la Loi.
Modifications
Les modifications, lesquelles sont entrées en vigueur le 20 juin 2025, sont considérables.
Élargissement du champ d’application du régime
Le champ d’application du régime est élargi de manière à inclure tout accord susceptible d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence (article 90.1 de la Loi), peu importe que les personnes ayant conclu l’accord soient des concurrents, ainsi que la publicité trompeuse contrevenant aux dispositions civiles de la Loi (Partie VII.1), y compris l’indication de prix partiel, l’écoblanchiment et d’autres formes de pratiques commerciales trompeuses.
Assouplissement du critère juridique applicable à l’instruction des affaires
Pour qu’un demandeur privé puisse obtenir la permission du Tribunal de présenter une demande, il suffit que l’entreprise du demandeur soit directement et sensiblement gênée en partie (plutôt que dans son ensemble), à l’exception des allégations de maintien des prix pour lesquelles il n’est pas nécessaire d’établir une incidence importante. Il est également possible pour un demandeur d’obtenir la permission du Tribunal de présenter une demande si ce dernier est convaincu qu’il serait dans « l’intérêt public » d’accorder une telle permission. Dans les cas de la publicité trompeuse, l’intérêt public sera le seul critère que le Tribunal examinera pour déterminer s’il fait droit à une demande de permission de présenter une demande.
Indemnités pécuniaires
Dans les affaires concernant des comportements autres que la publicité trompeuse, les demandeurs qui obtiennent un jugement en leur faveur peuvent se voir attribuer une indemnité pécuniaire d’« une somme – ne pouvant excéder la valeur du bénéfice tiré du comportement visé par l’ordonnance – devant être répartie […] entre le demandeur et toute autre personne touchée par le comportement », en plus de pouvoir demander des mesures correctives et, pour certains comportements, des SAP. Dans les affaires en matière de publicité trompeuse, les demandeurs privés qui démontrent que les indications faisant l’objet des contestations étaient « fausses ou trompeuses sur un point important » peuvent obtenir « une somme […] ne pouvant excéder la somme totale payée au contrevenant pour [les produits visés par le comportement] », ainsi que des mesures correctives et des SAP.
Chevauchement de demandes
Des parties privées ne peuvent pas présenter une demande privée concernant des faits identiques à ceux faisant déjà l’objet d’une demande présentée par le Bureau de la concurrence (le « Bureau »). De même, si le Bureau a lancé une enquête à l’égard d’un comportement allégué, ou s’il a discontinué une telle enquête à la suite d’une entente conclue avec la personne visée par l’enquête, des parties privées ne peuvent pas présenter une demande privée concernant le comportement allégué en question.
De plus, si un demandeur privé obtient la permission de déposer une demande, mais se désiste de sa demande du fait qu’il a conclu un accord avec une autre partie, les parties doivent en faire signifier une copie au Bureau, lequel peut demander au Tribunal de modifier ou d’annuler l’accord. Les parties à une demande devraient donc non seulement considérer les répercussions concurrentielles que pourrait entrainer la conclusion d’un accord entre elles, quel qu’il soit, mais elles devraient aussi évaluer si elles seront en mesure de conclure l'accord envisagé avant que le Tribunal autorise la demande, sans quoi l'accord éventuellement conclu par elles sera assujetti à cette obligation de notification au Tribunal.
Points à retenir
- Conformité : Les entreprises auraient avantage à passer en revue et à mettre à jour leur programme de conformité au droit de la concurrence, particulièrement en ce qui a trait à la gamme d’activités visées par le champ d’application élargi du régime. Cet élargissement du champ d’application du régime, qui s’inscrit dans un contexte où de nombreuses dispositions de la Loi ont été modifiées de façon substantielle au cours des dernières années, vient ajouter un autre élément de risque.
- Préparation : Il y a lieu de s’attendre à une augmentation du nombre de litiges en droit de la concurrence. Par conséquent, il serait prudent pour les entreprises d’inclure dans leurs évaluations des risques la possibilité qu’elles soient visées par des demandes de parties privées, ainsi que les conséquences potentielles de telles demandes. Les entreprises devraient également garder à l’esprit qu’elles pourraient avoir la possibilité de présenter des demandes en tant que parties privées, plutôt que de déposer des plaintes auprès du Bureau ou d’intenter d’autres types actions en justice.
- Demandes collectives : Bien que les modifications à la Loi ne prévoient pas de procédures particulières pour les actions collectives, l’introduction d’une indemnisation pécuniaire pour toutes les personnes touchées par un comportement mis en cause pourrait faire en sorte que des demandes déposées en vertu du régime d’accès privé soient faites sous forme de demandes collectives, ce qui augmente les risques commerciaux liés aux comportements qui contreviendraient à la Loi.
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