La Cour supérieure de justice de l’Ontario (la « CSJO ») a récemment refusé d’accorder une autorisation d’interjeter appel relative à une sentence arbitrale, ce qui confirme que les tribunaux ne remettront pas en question une sentence arbitrale « définitive et exécutoire ». Cette décision laisse entendre qu’une intention claire, dans une convention d’arbitrage, d’interdire les appels sera respectée par les tribunaux.
Faits et décision
Dans l’affaire 2501373 Ontario Inc. et al. v. Selfe et al. (l’« affaire Selfe ») (en anglais seulement), un trio de parties a demandé l’autorisation d’interjeter appel d’une sentence arbitrale relativement à des différends découlant d’une convention d’achat d’actions (la « CAA ») signée en 2020, y compris le paiement du solde du prix d’achat après la clôture de l’achat d’actions, l’exécution des obligations contractuelles des parties aux termes de la CAA et le licenciement d’une des parties. En août 2023, l’arbitre a rendu une sentence accordant des dommages-intérêts de près de 770 000 $ CA à certaines parties.
En vertu de la législation sur l’arbitrage en Ontario, une partie peut demander l’autorisation d’interjeter appel d’une sentence arbitrale sur des questions de droit si la convention d’arbitrage des parties ne comporte aucune disposition en matière d’appel sur de telles questions. Sinon, la convention d’arbitrage doit prévoir expressément que les parties peuvent interjeter appel sur des questions de droit ou sur des questions mixtes de fait et de droit. Les parties succombantes ont demandé l’autorisation d’interjeter appel de la sentence en vertu du paragraphe 45(1) de la Loi de 1991 sur l’arbitrage de l’Ontario (la « Loi sur l’arbitrage »), soulevant des questions de droit. La CAA a rejeté la demande d’autorisation d’appel, en fondant sa décision sur deux motifs principaux.
Premièrement, la CSJO a conclu que les parties avaient renoncé aux appels sur des questions de droit aux termes de la convention d’arbitrage dans la CAA. Plus précisément, cette convention prévoyait que [TRADUCTION] « la décision de l’arbitre est définitive et lie les parties, et elle ne peut faire l’objet d’un appel ni sur une question de droit ni sur une question mixte de fait et de droit ». La CSJO a statué que l’intention des parties d’exclure les appels sur des questions de droit était claire, non seulement en raison de la deuxième moitié de la phrase dans la convention d’arbitrage, mais également en raison de la mention que la décision de l’arbitre serait définitive et exécutoire. Notamment, la CSJO a ajouté que cette mention aurait suffi, en soi, pour exprimer l’intention d’exclure un droit d’appel.
Sur un point connexe, les parties succombantes ont fait valoir que l’arbitrage n’avait pas été mené aux termes de la convention d’arbitrage de la CAA, mais plutôt aux termes des modalités de nomination convenues entre les parties et l’arbitre, ce qui, selon elles, n’avait pas pour effet d’écarter les droits d’appel. La CSJO a exprimé son désaccord, soulignant que, bien que certaines conditions de la convention d’arbitrage dans la CAA aient été modifiées par les modalités de nomination, celles-ci ne remplaçaient pas la convention d’arbitrage. Étant donné que la compétence de l’arbitre découle de la convention d’arbitrage dans la CAA, les modalités de cette convention d’arbitrage conservent leur effet, à moins d’être expressément modifiées par les modalités de nomination.
Deuxièmement, la CSJO a soutenu que les parties succombantes n’avaient pas non plus relevé une question de droit susceptible d’être tranchée, ce qui constitue une exigence pour accorder l’autorisation d’appel. La CSJO a noté que l’intervention judiciaire dans les arbitrages commerciaux est l’exception, et non la règle, et elle a renvoyé à la jurisprudence de la Cour suprême du Canada selon laquelle les tribunaux doivent faire preuve de prudence « avant d’isoler une question de droit dans un litige portant sur l’interprétation contractuelle », ce qui est un exercice intrinsèquement axé sur les faits.
Principaux points à retenir
La décision rendue dans l’affaire Selfe renforce des principes bien établis de déférence dans les procédures d’arbitrage commercial :
- Les clauses d’arbitrage stipulant explicitement que les décisions sont « définitives et exécutoires » et « non susceptibles d’appel » peuvent constituer des outils efficaces pour empêcher l’examen en appel des sentences arbitrales.
- La modification des aspects procéduraux d’une convention d’arbitrage dans les modalités de nomination d’un arbitre n’aura pas préséance sur la convention d’arbitrage dans son ensemble.
- Les tribunaux hésiteront à trouver des questions de droit pouvant être isolées dans les questions d’interprétation contractuelle, étant donné qu’il s’agit d’un exercice axé sur les faits.
Bien que l’issue de l’arbitrage ait été largement dictée par l’article 45 de la Loi sur l’arbitrage, les mêmes principes s’appliqueront probablement en Colombie-Britannique puisque l’article 59 de la loi de la Colombie-Britannique intitulée Arbitration Act, SBC 2020, c 2, permet également aux parties de se soustraire par contrat à la capacité d’interjeter appel d’une sentence arbitrale sur une question de droit. Toutefois, en Alberta, le paragraphe 44(2) de la loi de l’Alberta intitulée Arbitration Act, RSA 2000, c A-43, permet à une partie d’interjeter appel d’une sentence sur une question de droit, avec la permission du tribunal, même si la convention d’arbitrage stipule qu’un appel sur une question de droit n’est pas permis. Comme toujours, il est essentiel d’examiner la législation pertinente sur l’arbitrage au moment d’évaluer les droits procéduraux et de fond éventuels liés à la contestation des sentences arbitrales.
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