Introduction
L’arbitrage constitue un mécanisme intrinsèquement souple permettant aux parties, d’un commun accord, de créer un processus sur mesure qui est adapté à leurs préférences et à leur situation. Cependant, des erreurs de rédaction donnent souvent lieu à des différends portant sur des éléments fondamentaux de la convention d’arbitrage. Une rédaction claire et minutieuse est essentielle pour s’assurer que les parties tirent les avantages attendus du processus de règlement des différends et pour éviter les différends coûteux et chronophages portant sur l’interprétation d’une convention d’arbitrage.
Le présent bulletin examine les caractéristiques essentielles des conventions d’arbitrage et présente des situations où les tribunaux canadiens ont dû intervenir en raison d’une rédaction imprécise.
Portée
La portée de la convention d’arbitrage détermine les différends qui doivent être soumis à l’arbitrage. Elle peut être large et couvrir, par exemple, « tous les différends […] concernant la présente entente ou tout ce qui s’y rapporte ». En revanche, la convention peut avoir une portée plus restreinte et ne viser que certaines questions spécifiques, comme une entente sur un budget ou certains différends portant sur des paiements.
Il est essentiel de rédiger la convention d’arbitrage avec précision afin d’en assurer la clarté et de prévoir ce qui est couvert par celle-ci et ce qui ne l’est pas. Il est encore plus important de rédiger la convention avec précision lorsque les parties peuvent présenter plusieurs réclamations relativement à une même entente. C’est souvent le cas dans le cadre de différends postérieurs à une fusion et acquisition, où diverses questions doivent être résolues par un expert ou par d’autres moyens. L’entente devrait être examinée dans son ensemble afin de déterminer si les procédures de règlement des différends ont été correctement rédigées.
Siège
Un aspect important, souvent négligé, des conventions d’arbitrage est le fait que le « siège » d’un arbitrage est un concept différent de celui de l’emplacement physique des séances d’arbitrage et qu’il peut donc être différent.
Le « siège » de l’arbitrage détermine le droit procédural qui s’appliquera à l’arbitrage, notamment en ce qui concerne le contrôle et la modification des sentences arbitrales. Il n’est pas rare que les conventions d’arbitrage précisent un siège d’arbitrage se trouvant à un endroit différent de celui où l’arbitrage aura lieu. Au Canada, l’arbitrage est régi par diverses lois provinciales, souvent similaires.
Par exemple, dans l’affaire HZPC Americas Corp v. Skye View Farms Ltd., la convention d’arbitrage prévoyait que le siège de l’arbitrage était l’Ontario, sauf entente contraire entre les parties. Afin de réduire au minimum leurs coûts, les parties ont convenu que l’arbitrage devrait avoir lieu à l’Île-du-Prince-Édouard. L’appelante a fait valoir que, en procédant ainsi, cela écartait la présomption que le droit ontarien s’appliquait à l’arbitrage et que le droit de l’Île-du-Prince-Édouard devait s’appliquer. La Cour a exprimé son désaccord. Le fait que les parties se soient entendues sur l’emplacement physique de l’arbitrage à l’Île-du-Prince-Édouard n’a pas remplacé leur choix selon lequel le droit ontarien régit la convention d’arbitrage. La Cour a indiqué que [TRADUCTION] « l’endroit où a lieu l’arbitrage ne constitue pas le siège de l’arbitrage, à moins, bien entendu, que les parties y consentent, ce qui n’est pas le cas. »
Droit applicable
On pourrait supposer qu’une convention d’arbitrage prévue dans une entente principale sera assujettie au même droit que celui qui s’applique à l’entente principale, mais ce n’est pas toujours le cas, notamment lorsque les parties proviennent de différents territoires provinciaux ou internationaux, ou lorsque le siège de l’arbitrage se trouve dans un territoire différent de celui du droit applicable de l’entente principale.
Par exemple, dans l’affaire Johnston v. Octaform Inc., une convention d’arbitrage prévue dans un contrat de travail précisait que le droit du Nevada régissait l’entente. De plus, les parties avaient désigné la Colombie-Britannique comme siège de l’arbitrage. À juste titre, l’arbitre a appliqué le droit du Nevada afin de déterminer la validité, l’effet et l’interprétation du contrat de travail entre les parties, et le droit de la Colombie-Britannique en ce qui a trait aux questions propres à l’arbitrage, y compris la portée de la compétence arbitrale. La Cour suprême de la Colombie-Britannique a confirmé cette décision.
Choix de l’institution d’arbitrage
Il existe aujourd’hui de nombreuses institutions d’arbitrage auxquelles les parties peuvent avoir recours pour administrer leur arbitrage. Il est essentiel que les parties tiennent compte des règles de procédure des diverses institutions avant d’en choisir une. Les coûts, la procédure et les règles de procédure, notamment en ce qui concerne la surveillance des décideurs, varient d’une institution à l’autre. Les parties devraient examiner attentivement ces critères afin de déterminer quelle institution convient le mieux pour régler les différends futurs.
Une fois l’institution d’arbitrage choisie, il est également essentiel de désigner adéquatement cette institution dans la convention d’arbitrage. Trop souvent, les tribunaux sont appelés à interpréter des conventions d’arbitrage afin de déterminer quelle institution, mal désignée, est en fait censée superviser l’arbitrage, ce qui peut avoir de graves conséquences pour les parties.
Par exemple, dans l’affaire Peace River Hydro Partners c. Petrowest Corp., la Cour suprême du Canada a précisé, dans une remarque incidente, que « [u]ne convention d’arbitrage est considérée comme “non susceptible d’être exécutée” lorsque [TRADUCTION] “le processus arbitral ne peut être efficacement mis en œuvre” en raison d’un obstacle physique ou juridique indépendant de la volonté des parties ». La Cour suprême du Canada mentionne la dissolution ou l’inexistence de l’institution d’arbitrage choisie comme l’un des obstacles physiques rendant une convention d’arbitrage non susceptible d’être exécutée. Il est donc important d’être précis et exact lors du choix et de la désignation de l’institution afin d’éviter tout risque que la convention d’arbitrage soit déclarée inopérante.
Désignations d’arbitre
Le choix du nombre, des compétences et du processus de nomination du tribunal d’arbitrage dépendra de la nature, de la complexité et de la valeur des différends éventuels. En s’assurant de la clarté de la convention d’arbitrage sur ces questions, on peut éviter de se rendre inutilement devant le tribunal pour déterminer qui devrait être nommé. Cependant, le fait d’être trop contraignant au préalable quant aux compétences requises des arbitres pourrait avoir pour effet de limiter le choix d’arbitres acceptables et disponibles qui ne se trouvent pas en situation de conflit d’intérêts et que les parties peuvent choisir en cas de différend. Par conséquent, l’une des approches envisageables consiste à suivre l’exemple d’une organisation de confiance ayant adopté des règles institutionnelles qui permettent d’effectuer les nominations appropriées.
Par exemple, dans l’affaire Flatiron Constructors Canada Ltd. v. Saskatoon (City), la convention d’arbitrage précisait que les parties choisiraient un arbitre [TRADUCTION] « qualifié en fonction de sa profession », mais elle ne précisait pas le type de profession admissible. Les demanderesses ont désigné des avocats spécialisés dans le domaine de la construction, tandis que les défenderesses ont désigné deux juges à la retraite des tribunaux de la Saskatchewan. Les parties n’ont pas pu s’entendre et se sont adressées à la Cour. Cette dernière a modifié les indications fournies dans la convention afin que celles-ci exigent que les parties choisissent l’arbitre le mieux qualifié pour trancher la question en litige parmi les arbitres déjà désignés par les parties. La Cour a choisi les arbitres désignés par les demanderesses, favorisant l’expérience dans le type particulier de contrats de conception-construction en cause plutôt que l’expérience multidisciplinaire d’un ancien juge.
Clauses de règlement des différends par étapes
Dans les ententes des parties, on trouve souvent des clauses de règlement des différends par étapes qui obligent les parties à prendre des mesures afin d’éviter des procédures formelles de règlement des différends. Toute condition préliminaire obligatoire à l’arbitrage au moyen de procédures de règlement des différends par étapes doit être soigneusement adaptée afin de préciser clairement la nature obligatoire des étapes.
Par exemple, dans l’affaire J.P. Thomson Architects Ltd. v. Greater Essex County District School Board, l’entente contenait une clause de règlement des différends par étapes qui obligeait les parties à soumettre d’abord à la médiation tout différend qui ne pouvait pas être réglé dans les 30 jours. Le juge de première instance a statué que ce délai était une condition préalable stricte et que l’omission de demander la médiation dans les 30 jours suivant la survenance d’un différend excluait la possibilité d’un arbitrage subséquent. La Cour d’appel a privilégié une interprétation qui exigeait que les parties se livrent à la médiation pendant une période minimale de 30 jours plutôt qu’une interprétation qui prévoyait un délai de 30 jours pour soumettre un différend à la médiation. Par conséquent, les parties étaient toujours tenues de soumettre les différends à la médiation comme condition préalable à l’arbitrage, mais elles n’étaient pas tenues de le faire dans les 30 jours suivant la survenance d’un différend.
Étant donné l’incertitude et les problèmes de délai que peuvent soulever les clauses de règlement des différends par étapes, il doit y avoir de bonnes raisons d’inclure de telles dispositions dans une entente, compte tenu du fait que les parties peuvent toujours choisir de négocier ou de se livrer à la médiation à n’importe quelle étape du processus. Bien souvent, les parties en sont encore à un stade trop précoce dans leur compréhension de leurs affaires respectives pour qu’une médiation efficace puisse avoir lieu avant le début de l’arbitrage.
Conclusion
Afin d’éviter des négociations imprévues, il est recommandé aux parties d’examiner attentivement la rédaction des conventions d’arbitrage, dans le but d’atténuer les incertitudes et de fournir des réponses claires aux questions prévisibles.
Pour en savoir davantage, communiquez avec l’un des auteurs du présent bulletin ou un autre membre de notre groupe Arbitrage.
Ressources connexes
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