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Le Tribunal de commerce international des États-Unis se prononce sur la légalité des tarifs douaniers

3 juin 2025

Le 28 mai 2025, le Tribunal de commerce international des États-Unis (le « Tribunal »), soit un tribunal fédéral américain spécialisé dans les lois sur les douanes et le commerce international, a publié la première décision anticipée sur la légalité des tarifs douaniers mis en place par le président Trump. Dans une décision unanime, les trois juges de la formation du Tribunal ont déterminé que le président Trump n’avait pas l’autorité de mettre en place l’ensemble des tarifs douaniers imposés au Canada, au Mexique et à la Chine en vue d’influencer l’afflux allégué de drogues illicites et de criminalité en provenance de ces pays, ainsi que les tarifs douaniers universels et les contre-mesures tarifaires imposés dans le cadre de la politique du « Jour de la libération » (Liberation Day) du président Trump.

Aux termes de la décision du Tribunal, les décrets-lois pris relativement aux tarifs douaniers en question seraient nuls et leur application serait interdite en permanence. Or, peu de temps après, la Cour d’appel des États-Unis pour le circuit fédéral (la « Cour d’appel ») a suspendu cette décision jusqu’à nouvel ordre. En date des présentes, les tarifs douaniers contestés demeurent en place. D’autres tarifs douaniers, notamment ceux à l’égard des importations d’acier et d’aluminium en provenance du Canada, n’étaient pas visés par la demande portée devant le Tribunal et restent également en vigueur.

Dans ce bulletin, nous faisons un survol des développements clés relatifs aux tarifs douaniers et des prochaines étapes probables à la suite de la décision du Tribunal.

Contexte

Depuis sa réélection, le président Trump a pris une série de décrets-lois imposant des tarifs douaniers sur diverses importations à destination des États-Unis. Deux catégories de tarifs douaniers étaient en cause devant le Tribunal : (i) les tarifs douaniers imposés au Canada, au Mexique et à la Chine en réponse à l’incapacité alléguée de ces pays de freiner l’afflux de drogues illicites et de criminalité vers les États-Unis (les « tarifs relatifs au trafic »); et (ii) des tarifs douaniers de base « universels » qui imposaient un tarif de base au reste du monde (les « tarifs universels »), ainsi que des contre-mesures tarifaires supplémentaires qui variaient selon les pays en fonction de leur relation commerciale avec les États-Unis (les « contre-mesures tarifaires »).

Le paragraphe I (8) de la Constitution des États-Unis accorde au Congrès le pouvoir de « lever et percevoir les taxes, impôts, tarifs, droits et accises. Comme le président Trump a imposé les tarifs douaniers au moyen d’un décret-loi, la légalité de ces tarifs dépend de la question de savoir si une loi du Congrès lui accorde l’autorité nécessaire à cette fin. Les décrets-lois invoquent principalement les pouvoirs conférés au président des États-Unis par la loi intitulée International Emergency Economic Powers Act (l’« IEEPA »). Promulguée en 1977, l’IEEPA autorise le président à prendre des mesures en vue de « contrer une menace inusitée et extraordinaire » lorsqu’une urgence nationale est déclarée en lien avec cette menace. De telles mesures peuvent comprendre la réglementation des importations.

Dans un nombre croissant de poursuites, des demandeurs privés et des États contestent la légalité des tarifs douaniers et cherchent à obtenir un jugement déclaratoire selon lequel l’imposition de ces tarifs va au-delà de l’autorité du président qui est prévue à l’IEEPA, ainsi qu’une injonction empêchant l’application de ceux-ci.

Décision du Tribunal

Dans le cadre d’instances intentées par des demandeurs, dont des entreprises privées et des États, le Tribunal a tranché en faveur des demandeurs, invalidant les tarifs douaniers en cause.

Dans sa décision, le Tribunal a d’abord souligné deux principes clés permettant de déterminer si l’IEEPA autorise les tarifs. Premièrement, comme la Constitution des États-Unis habilite le Congrès à imposer des taxes, une loi qui accorde au président un pouvoir illimité au chapitre de l’établissement de tarifs serait inconstitutionnelle. Deuxièmement, l’IEEPA a été promulguée en vue de limiter les pouvoirs d’urgence du président dans des circonstances autres que des situations de guerre, par opposition aux pouvoirs dont il disposait en vertu de la législation antérieure à l’IEEPA. Bien que l’IEEPA continue d’autoriser certains pouvoirs d’urgence présidentiels en temps de paix, ces pouvoirs sont assujettis à d’importantes limites.

En ce qui concerne les tarifs relatifs au trafic, le Tribunal a statué qu’ils ne satisfaisaient pas à l’exigence prévue à l’IEEPA selon laquelle ils devaient viser à « contrer une menace inusitée et extraordinaire » constituant une urgence nationale. Bien que le gouvernement ait fait valoir que la validité de la déclaration d’urgence du président était une question politique non justiciable, le Tribunal a estimé qu’il devait déterminer uniquement si les tarifs étaient mis en place pour « contrer » la menace, et non si la menace existait. À cet égard, le Tribunal a conclu que les tarifs relatifs au trafic ne satisfaisaient pas à cette exigence, car, au lieu d’atteindre d’eux-mêmes leurs objectifs déclarés, ils créaient un effet de levier en vue de l’atteinte de ces objectifs. Selon le Tribunal, si le fait de « contrer » une menace peut correspondre à « imposer un fardeau jusqu’à ce que quelqu’un d’autre contre la menace », alors les pouvoirs d’urgence présidentiels s’étendraient au-delà de ce que le Congrès avait prévu avec l’IEEPA.

Pour ce qui est des tarifs universels et des contre-mesures tarifaires, le Tribunal a statué que le pouvoir accordé au président en vertu de l’IEEPA au chapitre de la réglementation de l’importation ne comprenait pas l’imposition de tarifs en vue de corriger un déficit de la balance des paiements. Dans sa décision, le Tribunal a souligné que le Congrès avait limité ce pouvoir en vertu d’une loi qui n’est pas une loi d’urgence. Étant donné que les décrets-lois justifiaient la mise en place des tarifs universels et des contre-mesures tarifaires à titre de mesures réparatrices pour les déficits de la balance des paiements avec d’autres pays, ils dépassaient les pouvoirs présidentiels qui étaient prévus à l’IEEPA. 

Par conséquent, le Tribunal a rendu un jugement sommaire en faveur des demandeurs, en statuant que les tarifs en cause, soit les tarifs sur le trafic, les tarifs universels et les contre-mesures tarifaires, étaient nuls. Il a interdit en permanence au gouvernement des États-Unis de les appliquer.

Appel et suspension

Le gouvernement fédéral américain a réagi rapidement à la décision du Tribunal en interjetant appel de cette dernière auprès de la Cour d’appel des États-Unis pour le circuit fédéral. Il a également demandé une ordonnance de suspension à l’égard de la décision du Tribunal jusqu’à l’issue de l’appel, ainsi qu’un sursis administratif en vue de lui permettre de continuer d’appliquer les tarifs douaniers dans l’intervalle. Le 29 mai 2025, la Cour d’appel a suspendu la décision du Tribunal jusqu’à nouvel ordre. Les développements dans cette affaire risquent de se multiplier rapidement, tout comme les complexités auxquelles devront faire face les entités qui tentent de comprendre leurs obligations.

 

Pour en savoir davantage, communiquez avec l’auteur du présent bulletin ou un autre membre de nos groupes Litige et règlement des différends ou Commerce international.

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