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Un tribunal de l’Alberta annule des décisions ministérielles liées aux redevances sur les sables bitumineux

Par Gina Murray et Ashley Allan (Summer Law Student)
13 août 2025

Dans le cadre du contrôle judiciaire dont faisait l’objet l’affaire Imperial Oil Resources Limited v. Alberta (Minister of Energy) (en anglais seulement), la Cour du Banc du Roi de l’Alberta (la « Cour ») a annulé plusieurs décisions (les « décisions ») rendues par le directeur du règlement des différends (Director of Dispute Resolution) d’Alberta Energy (le « directeur »), un délégué du ministre provincial de l’Énergie. Ces décisions portaient sur les coûts engagés par le propriétaire d’un projet de sables bitumineux et sur le traitement de ces coûts aux termes du régime de redevances de l’Alberta sur les sables bitumineux (le « régime RSB »).

Le jugement rendu dans l’affaire Imperial Oil Resources démontre une fois de plus que les acteurs administratifs peuvent être tenus responsables des décisions qu’ils rendent dans le contexte du régime RSB lorsque celles-ci sont déraisonnables ou inéquitables sur le plan procédural. Pour en savoir plus sur d’autres affaires témoignant de cette tendance judiciaire émergente, consultez nos Bulletins Blakes de mars 2019, Alberta Court Overturns Ministerial Decision on Oil Sands Cost Recovery (en anglais seulement) et de novembre 2023, La Cour d’appel de l’Alberta confirme l’annulation d’une décision ministérielle en vertu du régime de redevances albertain.

Contexte

Imperial Oil Resources Limited (« Imperial ») a contesté plusieurs décisions rendues par le directeur, dans lesquelles ce dernier rejetait certaines réclamations demandées par Imperial en lien avec l’un de ses projets. Le régime RSB permet le recouvrement de certains montants, mais uniquement pour les coûts expressément autorisés, fondamentaux ou approuvés par le ministre, lesquels doivent être étayés par des documents justificatifs adéquats et ne pas être expressément exclus. Les décisions de refus rendues par le directeur se rapportaient à l’évaluation de plusieurs coûts présentée par Imperial dans ses réclamations, concernant notamment la répartition des coûts centralisés liés à la main-d’œuvre, les dépenses liées aux technologies de l’information, à la recherche et au développement ainsi que les honoraires versés aux termes de contrats conclus avec des tiers.

Imperial a fait valoir qu’aux termes du régime RSB, le processus d’audit d’Alberta Energy et les décisions qui en ont suivi étaient à la fois inéquitables sur le plan procédural et déraisonnables quant au mérite du dossier. La Cour devait trancher à savoir si, d’une part, les décisions du directeur de rejeter certaines réclamations étaient justifiables et si, d’autre part, les décisions prises à la suite de l’audit interprétaient raisonnablement le cadre réglementaire établit dans l’objectif de trouver un juste équilibre entre la participation de la Couronne aux produits découlant des projets d’exploitation de sables bitumineux et les incitatifs à l’investissement offerts dans ce secteur d’activités.

Décision

Dans cette affaire, Alberta Energy a refusé l’équivalent de 77 M$ CA en demandes de déductions pour des dépenses engagées par Imperial entre 2009 et 2012. Imperial a allégué que les processus d’audit et de règlement des différends n’étaient pas équitables sur le plan procédural puisque deux audits avaient fait l’objet d’une fin prématurée, deux autres audits s’étaient appuyés sur des données extrapolées dans un contexte où le directeur avait donné des motifs différents de ceux des auditeurs pour rejeter les déductions demandées. 

Imperial a obtenu gain de cause sur plusieurs des questions clés. La Cour a réaffirmé que la norme de contrôle applicable à ce genre d’affaires est celle de la décision raisonnable et que l’obligation d’équité envers Imperial dans le cadre du processus de règlement des différends est peu exigeante. Elle a toutefois noté que, malgré le faible niveau d’équité procédurale requis, Alberta Energy n’a pas le droit de contourner les droits procéduraux des exploitants de ressources.

La Cour s’est référée au cadre établi dans l’affaire Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov pour évaluer le caractère raisonnable des décisions du directeur relatives à la répartition de certains coûts d’entreprise, comme les coûts liés à l’approvisionnement, à la main-d’œuvre, à la recherche et à la technologie. En s’appuyant sur ce cadre, la Cour a déterminé que :

  • Le directeur a enfreint le faible niveau d’exigence en matière d’équité procédurale qui s’appliquait au traitement des demandes d’Imperial lorsqu’il s’est fondé sur de nouveaux motifs pour refuser les déductions demandées, et ce, sans donner une réelle occasion de répondre à Imperial.
  • Les décisions du directeur étaient déraisonnables, car elles n’étaient pas adéquatement motivées, elles appliquaient mal les définitions réglementaires ou elles ne tenaient pas compte des éléments de preuve pertinents.
  • Le directeur a déraisonnablement rejeté l’utilisation de longue date par Imperial d’un plan de répartition des coûts aux fins de ventilation, lequel plan avait déjà été accepté par le comité d’examen des différends de l’Alberta (Dispute Review Committee). La Cour a conclu que cela était contraire aux attentes raisonnables des parties.
  • Il faut faire preuve de déférence envers la décision du directeur d’exclure de son examen les documents (non partagés aux auditeurs) fournis par Imperial à l’appui de ses revendications selon lesquelles certains rôles étaient fondamentaux. La Cour a conclu qu’il s’agissait d’une application raisonnable de la règle qui défend au directeur de demander ou de prendre en compte des renseignements supplémentaires dans l’examen des réclamations qui lui sont soumises. 

Conclusion 

Cette affaire renforce, pour les agents administratifs du régime RSB, l’importance d’adopter un raisonnement transparent, rationnel et procéduralement équitable dans leur processus décisionnel. Bien qu’en vertu de la norme du caractère raisonnable, les tribunaux soient tenus à la déférence face aux décisions du directeur, la Cour rappelle qu’il ne s’agit pas d’entériner aveuglément toutes les décisions de ce dernier. Cela est d’autant plus important lorsque les décideurs administratifs échouent dans leur appréciation du cadre réglementaire ou des observations des parties. La décision rappelle aussi aux promoteurs de projets d’exploitation de sables bitumineux que le libellé impératif d’une loi sera interprété de façon stricte et que le défaut de fournir des documents justificatifs complets pendant la phase d’audit empêchera le directeur de procéder à leur examen, peu importe la pertinence potentielle de ces documents ou le bien-fondé des déductions demandées.

Pour en savoir davantage, communiquez avec l’une des auteures du présent bulletin ou un autre membre de notre groupe Litige et règlement des différends

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