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Un tribunal précise les cas où les marchés publics ne peuvent pas faire l’objet d’un recours aux termes d’accords commerciaux

20 novembre 2025

Dans l’affaire Peer Ledger Inc. c. Monnaie royale canadienne (l’« affaire Peer »), le Tribunal canadien du commerce extérieur (le « Tribunal ») a conclu qu’un marché public ne relevait pas de sa compétence parce que celui-ci était visé par l’exception relative « à la vente ou à la revente dans le commerce » énoncée dans l’Accord de libre-échange canadien (l’« ALEC »). L’application ou non de cette exception repose toujours sur les faits; cela dit, les institutions fédérales peuvent s’appuyer sur l’exception relative « à la vente ou à la revente dans le commerce » lorsque les biens ou les services achetés visés par le marché public seront utilisés par utilisateurs finaux autres que l’entité contractante pour leurs propres besoins, sont associés à des produits vendus à des fins lucratives à des clients payants et se rapportent à une activité commerciale sur le marché.

Contexte

L’affaire Peer concerne une plainte au sujet d’un appel d’offres publié par la Monnaie royale canadienne (la « Monnaie »), société d’État fédérale, concernant l’acquisition d’une solution de logiciel-service permettant d’assurer le suivi de la provenance de divers produits en or, y compris les lingots. Après avoir été informé que sa proposition n’avait pas été retenue, le plaignant a déposé une plainte auprès du Tribunal au motif que le marché public était couvert par l’ALEC.

L’article 504 de l’ALEC définit la portée des marchés publics couverts par cet accord commercial, notamment « un marché passé pour les besoins des pouvoirs publics [visant] un produit, un service, ou [une] combinaison des deux, qui ne sont pas acquis pour être vendus ou revendus dans le commerce ni pour servir à la production ou à la fourniture d’un produit ou d’un service destiné à la vente ou à la revente dans le commerce » (le gras a été ajouté par les auteurs du présent bulletin). Ce concept est communément appelé « l’exception relative à la vente ou à la revente dans le commerce » de l’ALEC. Des exceptions essentiellement similaires se trouvent dans d’autres accords commerciaux internationaux auxquels le Canada est partie.

La Monnaie a affirmé que le marché public concerné par la plainte tombait dans le champ d’application de cette exception. La Monnaie a fait valoir qu’il ne s’agissait pas d’un « marché couvert » aux termes de l’ALEC et que, par conséquent, ce marché ne relevait pas de la compétence du Tribunal. Elle a demandé la délivrance d’une ordonnance rejetant la plainte.

Décision du tribunal

Le Tribunal a accueilli la requête et a conclu que le marché public ne relevait pas de sa compétence. Il a confirmé que l’article 504 de l’ALEC sert à « exclure » de sa compétence un petit sous-ensemble de marchés publics passés par des institutions fédérales, à savoir ceux « qui sont passés à des fins commerciales ». Le Tribunal a donné des exemples de cas où un marché public peut être conclu à des « fins commerciales », notamment lorsque les biens et les services :

  • sont destinés à être acquis ou utilisés par un utilisateur final différent pour ses propres intérêts et objectifs, par opposition à ceux de l’institution fédérale;
  • sont utilisés pour la production ou la fourniture d’autres biens et services destinés à la vente commerciale ou à la revente à des tiers;
  • sont associés à des activités dans lesquelles l’entité contractante exerce une activité commerciale sur le marché, manifestement à des fins lucratives pour son propre compte, qui peut ne pas relever exclusivement du gouvernement.

Cela dit, le Tribunal a souligné que les biens et les services achetés « dans le cadre de la fourniture de biens, de services et de programmes de livraison, dans l’intérêt public » ne peuvent constituer une fin commerciale.

Après examen des faits de l’affaire, le Tribunal a accepté la preuve soumise par la Monnaie et a conclu que la solution de logiciel-service visée par le marché public « fait partie de l’offre de produits commerciaux de la Monnaie et qu’elle est destinée à être associée aux produits d’investissement vendus par la Monnaie à des fins lucratives ». Le Tribunal a comparé la solution de logiciel-service en question à la garantie d’un fabricant pour un produit de consommation, qui ne fait pas partie du produit physique, mais qui est « liée à ce produit de telle sorte qu’elle fait partie du produit commercial offert à la vente ». Pour rendre sa décision, le Tribunal a noté l’importance accordée au fait que le produit visé par le marché public allait être « offert et vendu » à des « clients payants ».

Principaux points à retenir

La décision rendue dans l’affaire Peer vient donner des éclaircissements quant aux éléments à surveiller pour conclure qu’un marché public est destiné à des fins commerciales et est donc plus susceptible d’être exempté des exigences en matière de marchés publics énoncées dans les accords commerciaux nationaux et internationaux et de recours devant le Tribunal. De tels marchés publics sont notamment ceux dans le cadre desquels le bien ou le service visé sera utilisé par des utilisateurs finaux autres que l’entité contractante, sera vendu à des fins lucratives ou encore sera vendu à des clients de manière indépendante, et que ce marché public ressemble dans l’ensemble à une activité sur le secteur privé.

Cette décision confirme par ailleurs que les autorités responsables de l’approvisionnement fédéral qui ont l’intention de s’appuyer sur l’exception relative à la vente ou à la revente dans le commerce devraient recueillir des éléments de preuve clairs indiquant que le marché public en cause est destiné à des fins commerciales, et devraient s’attendre à ce que le Tribunal examine attentivement ces éléments de preuve dans son analyse.

Les avocats de Blakes ont agi à titre de coconseillers de la partie requérante.

Pour en savoir davantage, communiquez avec l’un des auteurs du présent bulletin ou un autre membre de nos groupes Marchés publics ou Litige et règlement des différends.

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