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Une clause de règlement des différends par étapes n’empêche pas le recours à l’arbitrage, selon la Cour d’appel de l’Ontario

1 octobre 2025

Dans l’affaire J.P. Thomson Architects Ltd. v. Greater Essex County District School Board (l’« affaire Thomson v. Essex School Board »), la Cour d’appel de l’Ontario (la « CAO ») a conclu qu’une clause de règlement des différends par étapes n’empêchait pas le recours à l’arbitrage alors que les étapes préalables à un tel recours n’avaient pas été menées à bien selon le délai prévu à la clause en question.

Cette décision démontre l’approche raisonnable sur le plan commercial que les tribunaux adoptent à l’égard des clauses de règlement des différends par étapes et souligne que les arbitres, plutôt que les tribunaux, seront généralement autorisés à décider s’ils ont compétence relativement à un différend qui tombe dans le champ d’application d’une clause d’arbitrage.

Contexte

Aux termes d’une clause de règlement des différends par étapes ou multiétape, les parties sont tenues de passer par certaines étapes, telles que la négociation ou la médiation, avant de recourir à l’arbitrage. Or, une question courante qu’ont les parties à des différends est de savoir si elles peuvent entreprendre une procédure d’arbitrage lorsque les étapes préalables ne sont pas terminées.

Dans l’affaire Thomson v. Essex School Board, J.P. Thomson Architects Ltd. (« Thomson ») – soit l’appelante dans le cadre de la procédure d’appel – avait conclu des contrats avec le Greater Essex County District School Board (le « conseil scolaire »). Ces contrats comprenaient une clause de règlement des différends « par étapes » (la « clause »), laquelle prévoyait ce qui suit :

  • tout différend non résolu par les parties dans les 30 jours suivant la survenance de celui-ci est soumis à la médiation à la demande de l’une ou l’autre des parties;
  • si le différend n’a pas été réglé par médiation dans les 30 jours suivant le choix du médiateur, ce différend est réglé et tranché par arbitrage contraignant.

En se fondant sur la clause, Thomson a demandé une médiation à l’égard de différends liés à des lettres envoyées par le conseil scolaire au cours des 15 mois précédant.

Le conseil scolaire a refusé de nommer un médiateur, affirmant que le délai de 30 jours pour demander une médiation était expiré. Thomson a ensuite émis un avis d’arbitrage, que le conseil scolaire a aussi refusé de reconnaître pour la même raison.

Thomson a demandé à la Cour supérieure de justice de l’Ontario, en vertu du paragraphe 10(1) de la Loi de 1991 sur l’arbitrage, de rendre une ordonnance nommant un arbitre. La juge saisie de la demande l’a rejetée, notant que la clause exigeait que Thomson ait entrepris la médiation dans les 30 jours suivant la survenance du différend.

Décision de la CAO

La CAO a accueilli à l’unanimité l’appel de Thomson. Elle a souligné que les clauses de règlement des différends doivent être lues à la lumière de leur objet et du contexte commercial dans lequel elles s’inscrivent, et non pas d’un point de vue technique. Ainsi, le délai de 30 jours prévu dans la clause pour demander une médiation devait être interprété comme une période minimale pour la négociation, et non comme un délai immuable.

La CAO a souligné qu’une interprétation stricte d’une clause de règlement des différends selon laquelle une partie ne pourrait plus faire appliquer une telle clause si elle ne l’utilisait pas selon un cadre précis serait incompatible avec :

  • le libellé et la structure de la clause, laquelle envisageait clairement un processus par étapes;
  • la réalité commerciale des contrats à long terme, puisqu’un différend peut survenir après un certain temps;
  • l’objectif de favoriser un règlement consensuel.

La CAO a également réaffirmé le principe de compétence-compétence, selon lequel les arbitres devraient déterminer leur propre compétence aux termes d’une clause d’arbitrage en première instance. Selon la CAO, la juge saisie de la demande avait commis une erreur en effectuant une analyse factuelle pour déterminer si les différends soulevés par Thomson tombaient dans le champ d’application de la clause. Il appartient à l’arbitre de trancher ces questions.

La CAO a ordonné aux parties de procéder à la médiation dans les 60 jours, après quoi Thomson pouvait recourir à l’arbitrage.

Conclusion

Cette décision de la CAO témoigne de la préférence des tribunaux de l’Ontario d’empêcher des parties de chercher à éviter une procédure d’arbitrage en se fondant sur une interprétation technique des clauses de règlement des différends par étapes. En rejetant l’interprétation faite par la juge de première instance, la CAO a préservé l’objet de la clause et a veillé à ce que le droit de recours à l’arbitrage ne soit pas perdu. Elle a également souligné la compétence des arbitres, et non des tribunaux, pour décider si un différend tombe dans le champ d’application d’une clause d’arbitrage.

Bien que cette affaire confirme que le choix d’entreprendre une procédure d’arbitrage sera généralement respecté, les parties à un contrat devraient déterminer s’il est nécessaire d’inclure à ce dernier une clause de règlement des différends par étapes, étant donné qu’une telle clause peut retarder le règlement ou semer la confusion quant au moment ou à la façon dont les parties peuvent recourir aux mécanismes de règlement des différends prévus. Lorsqu’il y a une volonté de négocier ou d’entreprendre une médiation, les parties peuvent toujours convenir de le faire peu importe où elles en sont dans la procédure de règlement.

Pour en savoir davantage, communiquez avec l’un des auteurs du présent bulletin ou un autre membre de notre groupe Arbitrage.

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