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COVID-19 : Évolution des pratiques exemplaires dans le secteur de l’alimentation

21 mai 2020
Le secteur agroalimentaire et des produits alimentaires et embouteillés (le « secteur APAE ») a fait preuve de résilience et de créativité devant les défis sans précédent posés par la pandémie de COVID‑19. Les entreprises de ce secteur devront maintenant composer avec la phase transitionnelle; c’est-à-dire qu’elles devront appliquer les leçons tirées de la pandémie ainsi que l’expérience acquise pendant celle-ci afin de redéfinir leurs priorités opérationnelles et de les réorienter en fonction de leurs stratégies à long terme. Bien que la pandémie de COVID-19 ait agi comme un véritable moteur de changements, certaines des pratiques adoptées en raison de cet événement vont perdurer.

Au cours de cette prochaine phase de la pandémie, les entreprises du secteur APAE auront intérêt à faire ce qui suit :
 
  1. relever les lacunes et les faiblesses révélées par la pandémie, et s’employer à les corriger;
  2. évaluer comment les mesures de soutien gouvernementales peuvent les aider à passer à travers cette phase de transition;
  3. examiner les occasions procurées par cette expérience et définir de nouvelles pratiques exemplaires.

1.     VULNÉRABILITÉS DU SECTEUR APAE

La pandémie de COVID-19 a mis au jour certaines faiblesses des chaînes d’approvisionnement alimentaire.

  • Chaînes d’approvisionnement ayant une forte dépendance à la main d’œuvre : Les éclosions de COVID-19 dans les usines de transformation alimentaire ainsi que les pénuries de main-d’œuvre agricole liées à la fermeture des frontières ont révélé une vulnérabilité commune : le recours à des processus fortement dépendants de la main d’œuvre. Qui plus est, la sécurité des effectifs est le plus grand défi des usines de transformation. Les usines dont les systèmes dépendent le plus de la main d’œuvre, où les ouvriers sont obligés de travailler très près les uns des autres, sont à risque élevé. Les installations de transformation alimentaire ont pu mettre en œuvre rapidement des mesures qui ont permis à leurs processus de santé et sécurité déjà rigoureux de répondre au risque représenté par le nouveau virus. Toutefois, d’autres améliorations pourraient être nécessaires pour faire en sorte que ces usines puissent fonctionner le plus efficacement possible à l’avenir.
  • Dépendance concentrée : Le petit nombre d’installations de transformation fait en sorte que la fermeture d’une seule de ces installations en raison de la COVID-19 a pu avoir des répercussions profondes sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement. Les fermetures ainsi que l’efficacité limitée résultant des mesures de sécurité accrues dans les usines en exploitation ont entraîné une diminution importante des capacités de transformation et, par conséquent, une surabondance d’intrants agricoles et de bétail. Les blocages dans la chaîne d’approvisionnement ont fait monter considérablement les coûts pour les fermiers forcés d’entreposer, et même parfois de détruire, leurs récoltes ainsi que d’abriter et de nourrir le bétail pendant une plus longue période que prévu. Ces facteurs devraient se traduire par des prix plus élevés pour les consommateurs.
  • Dépendance envers les échanges commerciaux : L’importation et l’exportation de produits agricoles sont au cœur de notre système alimentaire actuel. Il est clair que les restrictions imposées aux points de passage de la frontière ainsi que les fermetures d’installations de transformation étrangères nuisent à la sécurité alimentaire. En plus du risque de ne pas recevoir les importations sur lesquelles nous comptons, la capacité de transformation réduite du secteur APAE canadien entraîne une augmentation du prix des importations du fait que les camions qui acheminent des produits américains au Canada et qui normalement sont chargés de produits canadiens pour les États-Unis s’en retournent vides à présent.  
  • Capacité d’adaptation de la chaîne d’approvisionnement alimentaire : Malgré des sources indiquant que l’approvisionnement alimentaire est solide au Canada, des goulots d’étranglement nuisant à la réception des intrants aux moments prévus ont entraîné des retards au niveau de la production et des pénuries chez les détaillants. L’approche « juste assez et juste à temps » privilégiée par tous les maillons de la chaîne d’approvisionnement alimentaire a permis aux coûts de demeurer bas. Cependant, cette approche ne laisse pas beaucoup de place à la résilience face aux énormes pressions exercées sur la chaîne d’approvisionnement et permet difficilement à celle-ci de s’adapter à l’évolution rapide de la demande.
  • Livraison et transport : Par suite de la pandémie de COVID-19, les Canadiens s’en remettent de plus en plus aux services de livraison de repas et d’épicerie. Au Canada, dans le secteur de l’alimentation, le commerce électronique a toujours connu des difficultés en raison des enjeux associés à la grandeur du territoire. Il est toutefois prévu que le recours aux livraisons à domicile est là pour durer. C’est l’occasion ou jamais d’améliorer certains systèmes connexes, comme l’entreposage frigorifique et la logistique de la chaîne du froid. L’agriculture verticale est présentée comme une solution de rechange pour réduire le transport et les intermédiaires dans la chaîne d’approvisionnement. Cependant, les coûts associés à l’éclairage artificiel et aux contrôles environnementaux peuvent être tout aussi importants et l’opportunité de mettre en place un tel système dans un pays aussi vaste que le Canada demeure incertaine.  

2.     TIRER PARTI DES MESURES DE SOUTIEN GOUVERNEMENTALES 

Le 5 mai 2020, le premier ministre Justin Trudeau a annoncé une aide de 252 M$ CA destinée aux agriculteurs et aux autres intervenants du secteur agroalimentaire. Les grands objectifs de ce programme comprennent un soutien financier pour les personnes touchées par la COVID-19, la redistribution des aliments et la protection des travailleurs dans les usines de transformation. Le soutien financier se divise en trois volets : (i) de l’aide pour les producteurs bovins et porcins qui élèvent un trop grand nombre d’animaux par rapport à la capacité de transformation; (ii) de l’aide pour les producteurs d’aliments afin de leur permettre de fournir des équipements de protection individuelle (« EPI ») aux travailleurs, d’adopter des protocoles sanitaires additionnels et d’augmenter leur capacité de transformation au pays; et (iii) la mise en œuvre d’un programme d’achat d’aliments excédentaires permettant au gouvernement d’acheter des produits excédentaires en vue de les redistribuer dans des régions où la sécurité alimentaire n’est pas assurée.

Le 14 mai 2020, le gouvernement fédéral a annoncé un soutien financier additionnel. Le Fonds pour des solutions d’affaires en agriculture et en alimentation (le « Fonds ») de 100 M$ CA a été lancé au nom de Financement agricole Canada (« FAC »). Auparavant, le gouvernement fédéral avait augmenté la capacité de prêt de FAC de 5 G$ CA afin d’aider les producteurs et les entreprises agroalimentaires à traverser la pandémie de COVID-19. L’accès au Fonds est offert à un vaste éventail d’entreprises, notamment les entreprises de production primaire, de technologie agricole, de fabrication, d’emballage et de distribution qui peuvent démontrer l’impact d’une perturbation inattendue de leurs activités, comme la perte d’un fournisseur clé, d’une installation ou d’employés ou de cadres essentiels. Chaque demande sera évaluée au mérite et un soutien maximal de 10 M$ CA pourra être accordé sous forme de dettes convertibles et d’autres solutions de financement souples.

La pandémie de COVID-19 a obligé les entreprises à réagir rapidement afin de réduire les interactions humaines. Il est plus important que jamais que celles-ci tirent parti des technologies permettant de limiter les contacts. Le 24 avril 2020, le gouvernement du Canada et le gouvernement de l’Ontario ont annoncé un investissement de 2,5 M$ CA axé sur le développement du commerce électronique dans le secteur agroalimentaire. Les entreprises admissibles du secteur de l’agro-industriel peuvent présenter une demande selon l’un ou l’autre des deux volets de financement suivants : (i) une subvention pour établir une entreprise électronique et une présence commerciale virtuelle; et (ii) une aide financière à frais partagés pouvant couvrir jusqu’à 90 % des coûts admissibles, pour un montant maximal de 75 000 $ CA, visant à aider les bénéficiaires à déployer des projets de commerce électronique à plus grande échelle.

3.     EXAMINER LES OCCASIONS D’AMÉLIORATION ET DÉFINIR DE NOUVELLES PRATIQUES EXEMPLAIRES

Peu importe que les entreprises du secteur APAE bénéficient d’une demande accrue ou qu’elles dépendent d’un soutien gouvernemental pour compenser des pertes de revenus, la prochaine phase de la pandémie est le moment idéal, pour chacune d’elles, d’évaluer leur solidité et d’examiner les occasions qui peuvent se présenter.

  • Investir dans la technologie : avant la crise actuelle, tous les secteurs de l’économie misaient déjà sur l’automatisation et cette tendance devrait se poursuivre en accéléré. En effet, la pandémie de COVID-19 aura indiqué à de nombreuses entreprises les mesures à prendre pour prévoir et atténuer les effets de futures perturbations. Les entreprises du secteur APAE ont l’occasion de mettre en œuvre des stratégies technologiques pouvant soutenir les pratiques agricoles tout en diminuant l’élément humain dans les usines de transformation. La robotique et l’automatisation peuvent également aider à répondre aux enjeux propres à la gestion logistique, au transport, à la vente au détail et à la livraison des produits d’épicerie. Certes, les investissements en vue d’améliorer l’efficacité des processus comportent des coûts initiaux. Toutefois, la capacité de s’ajuster en fonction notamment de l’évolution rapide de la demande et des pénuries de main-d’œuvre dans un horizon temporel imprévisible pourrait se révéler très précieuse.
  • Améliorer le commerce direct avec les consommateurs : durant la pandémie, les consommateurs se sont montrés prêts à renoncer à la capacité de choisir eux-mêmes leurs fruits et légumes s’ils peuvent éviter un déplacement à l’extérieur de la maison. À long terme, toutefois, alors que le retour dans les épiceries redeviendra possible, la popularité du commerce direct avec les consommateurs devrait dépendre des innovations qui rivaliseront avec la commodité et la possibilité de choisir les produits que les magasins de détail offrent aux consommateurs. Les entreprises du secteur APAE qui songent à améliorer leur offre de vente directe aux consommateurs devraient être proactives et régler à l’avance les problèmes de livraison possibles, notamment en investissant dans les technologies de surveillance par capteurs et les casiers réfrigérés afin d’assurer la fraîcheur des aliments en cours de livraison aux consommateurs.  
  • Protocoles et normes de sécurité alimentaire : En ce qui concerne les commerces de détail et les services alimentaires, les craintes quant à la salubrité des aliments et à l’hygiène des employés et des clients seront exacerbées. Même si, avant la pandémie, le Canada appliquait déjà des normes élevées en matière de salubrité des aliments, les entreprises du secteur APAE auraient intérêt à bien connaître les nouvelles attentes du public au chapitre de la manutention des aliments. Les chaînes de restauration rapide ont déjà pris des mesures pour modifier leur modèle de services alimentaires en conséquence, par exemple en installant des panneaux plastifiés entre les tables et en s’assurant que la distance entre les clients et les employés est toujours d’au moins 1,5 mètre. Sur le front de la production alimentaire, la recherche d’emballages répondant aux préoccupations liées à la contamination tout en faisant la promotion de la durabilité pourrait être une occasion de s’attirer les faveurs des consommateurs.
  • Évolution du secteur « santé et bien-être » : Les consommateurs continuent de se préoccuper de leur santé pendant la crise actuelle. Toutefois, les types d’aliments santé qui ont leur préférence changent en raison de la tendance de plus en plus marquée pour la cuisine et les repas à la maison. Certains aliments santé et frais habituellement très courus dans le secteur des services de restauration, comme les asperges et les fruits de mer, le sont moins maintenant que les consommateurs doivent compter sur leurs propres talents de cuisinier. Plusieurs entreprises du secteur APAE investissent dans de nouvelles offres, telles que les produits d’origine végétale, qu’elles peuvent déployer rapidement pour combler la demande des consommateurs cherchant des sources de protéines abordables alors que l’approvisionnement en viandes connaît des difficultés.
  • Améliorer la résilience des systèmes alimentaires locaux : le système alimentaire mondial a évolué de telle sorte qu’un nombre relativement peu élevé de transformateurs se concentrent sur ce qu’ils peuvent produire à faibles coûts tandis que les produits pouvant être produits de façon plus efficiente ailleurs sont importés. La plupart du temps, ce système est très efficace et se traduit par des prix peu élevés et une variété accrue pour le consommateur. Cependant, en plus de montrer la fragilité de ce système, la pandémie de COVID-19 révèle que notre pays pourrait bénéficier d’une plus grande diversification ainsi que d’une certaine forme d’autosuffisance. Une entreprise à elle seule ne pourra revitaliser la production alimentaire régionale et locale. Les efforts coordonnés des gouvernements et du secteur seront nécessaires.
  • Collaboration et partenariats stratégiques : Des occasions de partenariat et d’investissement stratégiques pourraient se présenter. En effet, l’évolution des préférences et des attentes des consommateurs incite le secteur APAE à diversifier son offre, à perfectionner le commerce électronique, à optimiser les réseaux de distribution et à améliorer l’expérience des consommateurs. En collaborant avec des partenaires complémentaires, les entreprises du secteur APAE peuvent mettre l’accent sur l’efficience et les économies de coûts afin de soutenir leurs activités. Par contre, de telles collaborations exigeront un examen minutieux des questions liées au marché et à la réglementation, comme la conformité au droit de la concurrence et la responsabilité première relativement à la réglementation sur la sécurité alimentaire. 

CONCLUSION

Au début de la pandémie, les entreprises du secteur APAE devaient avant tout réagir et s’ajuster aux enjeux immédiats en tentant de limiter les risques sur divers fronts, soit ceux liés à la santé et à la sécurité, aux activités ainsi qu’aux profits et aux pertes. Il en allait, essentiellement, de leur survie. Aujourd’hui, il est temps pour elles de se préparer à la phase suivante. Les leçons tirées de l’expérience devront servir à réaligner les activités et les stratégies sur ce qui est devenu ou deviendra les prochaines pratiques exemplaires dans le secteur de l’alimentation.

Pour en savoir davantage, communiquez avec un membre de notre groupe Agroalimentaire et produits alimentaires et embouteillés.

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