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Le Parlement adopte la Subvention salariale d’urgence du Canada

15 avril 2020

Le samedi 11 avril 2020, lors de séances inhabituelles de la Chambre des communes et du Sénat, le gouvernement du Canada a présenté un projet de loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) (la « LIR ») en vue de la mise en œuvre de la Subvention salariale d’urgence du Canada (la « SSUC »). Le projet de loi a été adopté par les deux chambres et a reçu la sanction royale le même jour.  

La SSUC offre une subvention maximale de 75 % aux employeurs admissibles à l’égard de la rémunération d’employés admissibles pendant une période de 12 semaines, susceptible d’être prolongée, à compter du 15 mars 2020.

La loi adoptée est généralement conforme aux annonces antérieures du gouvernement, à l’exception de quelques nouveaux détails importants.

D’abord, s’écartant nettement du traitement régulier des renseignements sur les contribuables, l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») peut rendre public le nom de toute personne ou société de personnes qui demande la SSUC. Par conséquent, avant de demander la SSUC, un employeur doit évaluer les répercussions que pourrait avoir la divulgation de son nom par l’ARC, notamment pour ce qui est de sa réputation et d’autres aspects liés à ses activités commerciales.

Deuxièmement, la loi précise comment la subvention s’applique aux groupes d’entités et fournit une latitude utile pour choisir le mode de calcul du revenu pour l’ensemble du groupe ou sur une base individuelle.

ENTITÉS ET EMPLOYÉS ADMISSIBLES

La SSUC est offerte aux « entités déterminées », lesquelles comprennent les sociétés qui ne sont pas exonérées de l’impôt, les particuliers, les organismes de bienfaisance enregistrés ou les organismes à but non lucratif (autres que les institutions publiques) et les sociétés de personnes formées d’entités déterminées. Contrairement à la subvention salariale temporaire de 10 %, qui avait d’abord été annoncée par le gouvernement fédéral le 18 mars 2020, les sociétés ouvertes, les sociétés non-résidentes du Canada ou contrôlées par des non-résidents du Canada, et les grandes sociétés privées sous contrôle canadien sont admissibles à la SSUC (pour autant qu’elles remplissent les critères d’admissibilité décrits ci-dessous).

Les institutions publiques, dont les municipalités et les gouvernements locaux, les sociétés d’État, les sociétés appartenant en propriété exclusive aux municipalités ainsi que les universités, les collèges, les écoles et les hôpitaux publics, ne sont pas admissibles.

Les employés dont la rémunération est admissible à la subvention (les « employés admissibles ») comprennent les particuliers qui sont à l’emploi d’une entité déterminée au Canada au cours d’une période d’admissibilité, sauf ceux qui sont sans rémunération de l’entité déterminée pour au moins 14 jours consécutifs durant cette période d’admissibilité. Ces employés pourraient être admissibles à la prestation canadienne d’urgence (la « PCU ») à l’égard de cette période.

PÉRIODES D’ADMISSIBILITÉ

Pour se prévaloir de la SSUC, une entité déterminée doit faire une demande auprès de l’ARC avant octobre 2020. Le particulier ayant la responsabilité principale des activités financières de l’entité doit attester que la demande est complète et exacte. Dans la plupart des cas, ce particulier sera, selon nous, le chef des finances. Voilà qui diffère de la plupart des autres documents fiscaux, qui peuvent habituellement être signés par toute personne autorisée par le contribuable.

Une entité déterminée peut demander la subvention à l’égard de trois périodes de quatre semaines (dans chaque cas, une « période de demande »), à compter du 15 mars 2020. La loi prévoit que des périodes de demande subséquentes, prenant fin au plus tard le 30 septembre 2020, pourraient être visées par règlement. Cela laisse entendre que le ministère des Finances entrevoit la possibilité que la subvention puisse s’appliquer à des périodes de demande tombant après la fin de la période initialement annoncée, soit après le 6 juin 2020.

Pour être admissibles à la première période de demande (soit du 15 mars au 11 avril 2020), les entités déterminées doivent avoir subi une baisse d’au moins 15 % de leur revenu admissible en mars 2020 par rapport au revenu gagné pendant l’une de deux périodes de référence, soit le mois de mars 2019 ou la moyenne de janvier et février 2020. Quant aux deux périodes de demande subséquentes de quatre semaines, les entités déterminées doivent soit avoir été admissibles à la période de demande immédiatement précédente, soit démontrer que leur revenu a baissé de 30 % par rapport au même mois (avril ou mai) en 2019 ou à la moyenne de janvier et février 2020.

La période de référence de janvier et février 2020 est offerte pour permettre aux entreprises à croissance rapide, qui ne pourraient pas nécessairement démontrer la baisse de revenu requise si leur revenu était calculé d’une année à l’autre, de bénéficier de la SSUC. Si une entité choisit d’utiliser les mois de janvier et février 2020 comme période de référence, elle doit le faire à l’égard des trois périodes de demande de quatre semaines. L’application d’un pourcentage de référence plus bas (15 %) pour la perte de revenu en mars 2020 vise à refléter le fait que la plupart des entreprises n’ont commencé à ressentir les effets de la pandémie qu’à compter de la mi-mars.

CALCUL DU REVENU

Le revenu d’une entité aux fins d’établir l’admissibilité de celle-ci à une période de demande (son « revenu admissible ») s’entend des rentrées de sommes d’argent et autres contreparties reçues ou à recevoir dans le cours des activités normales de l’entité, à l’exclusion des postes extraordinaires, des sommes dérivées d’une personne ou société de personnes avec qui l’entité déterminée a un lien de dépendance, et des sommes reçues au titre de la SSUC. Ce revenu doit être établi conformément aux pratiques comptables habituelles de l’entité. Toutefois, une entité peut faire le choix d’établir son revenu selon la méthode de la comptabilité de caisse, pour autant que cette méthode est utilisée de façon uniforme aux fins de la subvention. Ce test peut créer de l’incertitude quant à son application à différentes situations factuelles. Il est à espérer que l’ARC fournira plus de précisions à cet égard.

Dans le cas des organismes de bienfaisance enregistrés, le revenu admissible comprend le revenu provenant d’activités complémentaires, les dons et d’autres sommes reçues dans le cours normal de ses activités. Pour d’autres entités exonérées de l’impôt, le revenu admissible comprend les frais à titre de cotisation et les autres sommes reçues dans le cours normal de ses activités. Les organismes de bienfaisance et les organismes à but non lucratif peuvent choisir d’exclure de leur revenu admissible le financement provenant d’un gouvernement.

En ce qui a trait à l’établissement du revenu d’une entité déterminée qui fait partie d’un groupe d’entités, il s’agit d’abord pour celle-ci de tenir compte uniquement de son propre revenu. Si l’entité déterminée fait partie d’un groupe d’entités déterminées qui prépare normalement des états financiers consolidés, elle peut établir son revenu admissible séparément dans la mesure où chaque membre du groupe établit son revenu admissible sur cette base. Les groupes affiliés d’entités déterminées ont le choix d’établir leur revenu sur une base consolidée conformément aux pratiques comptables applicables. Cette latitude peut procurer un réel avantage aux groupes d’entités qui structurent leurs affaires en ayant recours à de multiples sociétés filiales pour leurs différents secteurs d’activités plutôt qu’à des divisions au sein de la même personne morale.

La loi comprend une règle anti-évitement visant les opérations ou séries d’opérations réalisées (ou omises) et dont l’un des « objets principaux » est la réduction du revenu admissible à l’égard d’une période admissible. Lorsque la règle anti-évitement s’applique, l’entité déterminée est passible d’une pénalité correspondant généralement à 25 % du montant de la subvention demandée pour la période applicable (en plus d’être tenue de rembourser la subvention).

MONTANT ET TRAITEMENT DE LA SUBVENTION

Les montants versés aux termes de la SSUC sont réputés donner lieu à un paiement en trop au titre de l’impôt sur le revenu à payer de l’entité déterminée en vertu de la LIR. En général, le montant du paiement en trop est une subvention salariale hebdomadaire, comme il est décrit ci-dessous. En outre, en ce qui a trait aux employés en congé avec solde, le paiement en trop comprend également le remboursement des cotisations de l’employeur en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi, du Régime de pensions du Canada et de certains régimes provinciaux de pensions, et en application de la Loi sur l’assurance parentale (Québec). Le paiement en trop est remboursable à tout moment pendant l’année d’imposition. Les sommes reçues au titre de la subvention salariale temporaire de 10 % ainsi que les sommes touchées par les employés admissibles au titre de prestations pour le travail partagé visées à la Loi sur l’assurance-emploi seront portées en diminution du montant du paiement en trop.

Le montant de la subvention salariale hebdomadaire à l’égard de chaque employé admissible sans lien de dépendance avec l’entité déterminée pendant la période d’admissibilité correspond à la plus élevée des sommes suivantes :

  1. 75 % de la rémunération versée, jusqu’à concurrence d’une prestation maximale de 847 $ CA par semaine;

  2. le moindre de a) la rémunération versée, b) 75 % de la rémunération admissible hebdomadaire moyenne versée à l’employé pendant la période allant du 1er janvier au 15 mars 2020 (soit la rémunération de base de l’employé), et c) 847 $ CA.

En général, en ce qui concerne les employés dont la rémunération hebdomadaire est la même avant et après le début de la crise de la COVID-19, le montant de la subvention correspond à 75 % de la rémunération admissible versée à l’employé pour la semaine en question, jusqu’à concurrence de 847 $ CA par employé et par semaine. En ce qui concerne les employés dont la rémunération a diminué depuis le début de la crise de la COVID-19, la formule prévoit que la subvention peut aller jusqu’à 100 % de la rémunération admissible versée à l’employé pour la semaine, sous réserve de la subvention maximale de 847 $ CA par employé et par semaine.

Il est également possible de demander une subvention à l’égard de la rémunération admissible versée à des employés ayant un lien de dépendance. Toutefois, dans un tel cas, la subvention hebdomadaire correspond au moindre des montants suivants : (i) le montant réel de la rémunération admissible versée pour la semaine en question, et (ii) 75 % de la rémunération de base de l’employé, dans chaque cas jusqu’à concurrence de 847 $ CA par employé et par semaine.

Si un employé admissible est, pour une semaine, à l’emploi de deux entités ou plus ayant entre elles un lien de dépendance, le montant total pouvant être demandé par les entités à l’égard de cet employé ne peut excéder le montant qui serait autrement déterminé si toute la rémunération admissible de l’employé était payée par une seule entité.
Le ministère des Finances continue de déclarer dans ses communiqués qu’il s’attend à ce que les employeurs fassent au moins tous les efforts possibles pour ramener les salaires des employés aux niveaux d’avant la crise. Toutefois, la loi est muette à cet égard.

La rémunération admissible comprend presque toutes les sommes versées au titre de la rémunération d’emploi, mais elle ne comprend pas les allocations de retraite ni les avantages liés aux options d’achat d’actions. En outre, la rémunération admissible ne comprend pas non plus (i) toute somme dont on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’elle soit restituée à l’entité déterminée, à une personne ayant un lien de dépendance avec l’entité déterminée, ou à une personne conformément aux instructions de l’entité déterminée, ni (ii) toute somme qui excède la rémunération de base de l’employé admissible s’il est raisonnable de s’attendre à ce que, après la période d’admissibilité, l’employé admissible reçoive une rémunération inférieure à sa rémunération de base, et si l’un des objets principaux de l’arrangement est d’augmenter le montant de la subvention salariale.

Le montant du paiement en trop de la SSUC réputé est inclus dans le revenu de l’entité déterminée pour l’application de la LIR (à titre d’aide reçue d’un gouvernement) alors qu’une telle inclusion devrait normalement être compensée par une déduction au titre des frais afférents à l’emploi correspondants engagés.

Pour en savoir davantage, n’hésitez pas à vous adresser à l’avocat de Blakes avec lequel vous communiquez habituellement ou à un membre de notre groupe Fiscalité.

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