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Décisions portant sur des politiques de vaccination contre la COVID-19 au Canada

Par Sophie Lanteigne et Naomi Barney-Purdie (stagiaire)
8 décembre 2022

Nul ne peut douter que la pandémie a laissé une marque indélébile sur tous les lieux de travail, comme en témoignent les diverses mesures adoptées dans la foulée, telles que le télétravail, la filtration accrue de l’air, le port du masque, le lavage des mains et les politiques de vaccination. Ce sont notamment les politiques de vaccination contre la COVID-19 qui ont eu le plus grand impact sur le domaine du travail et de l’emploi au Canada au cours de la dernière décennie.

Dans cet article, nous faisons un survol des tendances relatives aux litiges dans le domaine du travail et de l’emploi qui découlent de ces politiques.

1. Décisions de Common Law

Les politiques de vaccination contre la COVID-19 ont fait l’objet d’un nombre important de sentences arbitrales de travail rendues dans les territoires canadiens de common law au cours de la dernière année. Bon nombre de syndicats ont contesté ces politiques en invoquant des violations présumées de conventions collectives, ainsi que des violations présumées de la législation applicable en matière de droits de la personne.

Or, dans plusieurs cas, des arbitres en droit du travail ont confirmé la validité des politiques de vaccination contre la COVID-19 en s’appuyant sur un critère de pondération au moment d’évaluer le caractère raisonnable des politiques visées. Généralement, ce critère de pondération tient compte de la nature du lieu de travail (p. ex., si les tâches des travailleurs se déroulent à l’intérieur, où les taux de transmission sont généralement plus élevés), de renseignements en matière de santé publique concernant l’efficacité des vaccins, ainsi que des mesures d’accommodement raisonnables visant les travailleurs non vaccinés.

Dans une sentence arbitrale de travail rendue en Ontario en janvier 2022, l’arbitre C. Michael Mitchell a conclu que la politique de vaccination contre la COVID-19 adoptée par Elexicon était raisonnable pour les employés travaillant à l’intérieur du lieu de travail, mais qu’elle était déraisonnable pour les employés travaillant exclusivement en télétravail. Il a également conclu qu’elle ne devrait s’appliquer ni aux employés qui travaillent exclusivement à l’extérieur ni aux employés pour lesquels des mesures d’accommodement raisonnables peuvent être prises à cet effet.

Plus récemment, les décisions rendues dans un petit nombre d’actions civiles portant sur le caractère raisonnable de politiques de vaccination contre la COVID-19 ont également confirmé le caractère exécutoire de ces politiques. Par exemple, dans l’une de ces actions, le tribunal a statué qu’un employé non syndiqué qui avait été placé en congé sans solde parce qu’il ne s’était pas conformé à la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur n’avait pas fait l’objet d’un congédiement déguisé. Dans une autre affaire qui fait actuellement l’objet d’une interdiction de publication, le tribunal a rendu une décision sur le caractère raisonnable d’une politique de vaccination contre la COVID-19 dans un lieu de travail du domaine des soins de la santé.

2. Les politiques au Québec

Au Québec, les affaires concernant les politiques de vaccination sont peu nombreuses. La tendance semble toutefois indiquer que les employeurs peuvent demander le statut vaccinal de leurs employés et exiger que ces derniers soient vaccinés dans certaines situations.

En novembre 2021, une première sentence arbitrale de travail a été rendue au Québec sur l’adoption d’une exigence de vaccination contre la COVID-19 par une société privée. L’arbitre a confirmé que l’employeur était en droit de demander à ses employés de divulguer leur statut vaccinal afin de se conformer aux exigences d’un client. L’arbitre a noté par ailleurs que même si une telle demande portait atteinte au droit à la vie privée prévu à la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, elle était justifiée au regard de l’ordre public.

En juillet 2022, la Cour supérieure du Québec a confirmé la constitutionnalité de la législation décrétant obligatoire la vaccination dans le transport maritime, aérien et ferroviaire. Elle a reconnu que même si cette exigence portait atteinte aux droits à la liberté et à la sécurité qui sont prévus à la Charte canadienne des droits et libertés, elle était néanmoins justifiable dans le cadre d’une société libre et démocratique.

Les employeurs au Québec qui doivent mettre en œuvre des politiques de vaccination, ou qui souhaitent le faire, devraient continuer de surveiller les décisions que rendront les tribunaux québécois à l’avenir en la matière pour éclairer leurs démarches.

3. Déterminer la nécessité des politiques de vaccination

Alors que la pandémie continue d’évoluer, nous commençons à observer de subtils changements dans les propos portant sur les politiques de vaccination contre la COVID-19 dans le domaine de l’arbitrage en droit du travail en Ontario. Dans une sentence arbitrale rendue en juin 2022, l’arbitre Marilyn A. Nairn a déterminé que la politique de vaccination de FCA Canada, laquelle imposait une vaccination à deux doses, n’était pas raisonnable en raison de l’efficacité décroissante des programmes de vaccination à deux doses durant la période de la pandémie où le variant Omicron était dominant. Il reste à voir si d’autres décisions fondées sur un tel raisonnement seront rendues. Il s’agit néanmoins d’un rappel important que la nécessité de politiques de vaccination sera sans doute portée à changer avec le temps.

Conclusion

Bien qu’il soit impossible de prédire combien de temps encore les lieux de travail continueront d’être touchés par la pandémie de COVID-19, la tendance dominante au Canada demeure en faveur des politiques de vaccination. Cependant, l’utilité de ces politiques semble être en décroissance, et leur élimination pourrait bientôt devenir la norme. Dans l’intervalle, les politiques de vaccination demeurent une réalité, et il y a lieu de s’attendre à ce que d’autres arbitrages en droit du travail portant sur ces politiques aient lieu. Il reste à voir comment les sentences arbitrales en la matière se répercuteront sur le lieu de travail à long terme.

Pour en savoir davantage, communiquez avec un membre de notre groupe Travail et emploi.