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Section V : Marchés publics

Faire affaire au Canada


Les organisations qui lancent des processus d’approvisionnement concurrentiels au Canada ou qui cherchent des occasions d’affaires en y participant doivent comprendre certains principes de base sur la façon dont le droit des marchés publics au Canada se différencie de celui d’autres pays.

Le texte qui suit résume le droit des marchés publics s’appliquant à l’ensemble des provinces et des territoires de common law au Canada, c’est-à-dire toutes les provinces et tous les territoires, à l’exception du Québec. Bien que certains principes de common law s’appliquent au Québec, d’autres règles particulières prévues par la loi régissent également la tenue de processus d’approvisionnement concurrentiels et la passation de marchés avec le gouvernement. Pour obtenir de plus amples renseignements à ce sujet, veuillez consulter notre publication intitulée Faire affaire au Québec.

1. Cadre juridique des marchés publics

Au Canada, le droit applicable aux processus d’approvisionnement ou d’appels d’offres concurrentiels évolue depuis 1981 et est entièrement fondé sur la common law. Autrement dit, les processus d’appels d’offres concurrentiels ne sont régis par aucune mesure législative. Le droit canadien est en quelque sorte unique du fait que ses processus d’approvisionnement concurrentiels créent deux contrats : (i) le dossier d’appel d’offres qui établit les « règles » s’appliquant jusqu’à ce que le processus d’approvisionnement concurrentiel soit terminé, et (ii) le contrat de fond conclu entre l’autorité acheteuse et les soumissionnaires retenus. Ce cadre contractuel s’applique tant au secteur public qu’au secteur privé lorsqu’il est question de lancer un processus d’approvisionnement concurrentiel ou d’y répondre.

Dans le secteur public, une série d’accords commerciaux et de lignes directrices gouvernementales régissant les pratiques d’approvisionnement des entités gouvernementales et quasi gouvernementales s’ajoute à ce cadre juridique contractuel. Ces accords et lignes directrices servent généralement à établir dans quelles circonstances une entité du secteur public doit tenir un processus d’approvisionnement concurrentiel pour faire l’acquisition de biens et de services, et à définir certains principes qui s’appliquent aux processus d’approvisionnement. Vous trouverez de plus amples détails sur ces obligations de gouvernance ci‑dessous.

1.1 - Jurisprudence

Certains arrêts majeurs de la Cour suprême du Canada (« CSC ») ont actuellement une incidence sur le droit relatif à l’approvisionnement concurrentiel, notamment les suivants :

  • Dans le cadre de la première et principale affaire, La Reine (Ont.) c. Ron Engineering & Eastern Construction (Eastern) Ltd., la CSC a, pour la première fois, procédé à l’analyse du « contrat A » et du « contrat B ». Selon la cour, le contrat A se forme lorsqu’un soumissionnaire présente une soumission en réponse à un appel d’offres ou à un document semblable, alors que le contrat B représente l’entente à intervenir entre l’autorité acheteuse et le soumissionnaire retenu. Cette affaire a créé le cadre juridique permettant de faire évoluer le droit des marchés publics au Canada.
  • Dans l’affaire M.J.B. Enterprises Ltd. c. Construction de Défense (1951) Ltée (« MJB »), la CSC a statué qu’un contrat A ne peut être conclu qu’entre une autorité acheteuse et des soumissionnaires conformes, c’est-à-dire qu’une autorité acheteuse ne doit, aux termes du contrat A, accepter que les soumissions conformes, et seuls les soumissionnaires conformes peuvent intenter des recours judiciaires découlant du processus d’approvisionnement contre une autorité acheteuse. De plus, la CSC a reconnu et convenu que les autorités acheteuses ont le pouvoir d’adopter une vision plus « nuancée » des coûts et qu’elles ne sont donc pas tenues par principe de n’accepter que les soumissions conformes les plus basses.
  • La troisième affaire, Martel Building Ltd. c. Canada (« Martel »), confirme qu’il existe une obligation de traiter tous les soumissionnaires conformes de façon juste et équitable, mais toujours en tenant compte des modalités du contrat A énoncées dans les documents d’approvisionnement concurrentiel soit, en l’occurrence, un appel d’offres. En outre, la CSC a conclu que les exigences liées à l’approvisionnement concurrentiel lorsqu’un contrat A est formé ne sont pas négociables, que les autorités acheteuses ont le droit de se réserver certains privilèges et d’imposer des conditions, et qu’aucune obligation de diligence ne s’applique à la préparation des documents d’approvisionnement concurrentiel.
  • Dans la dernière et plus récente cause majeure rendue en 2010, l’affaire Tercon Contractors Ltd. c. Colombie-Britannique (« Tercon »), la CSC a refusé de rendre exécutoire une clause de renonciation relativement à des dommages-intérêts découlant de la rupture d’un contrat A. Dans cette affaire, la CSC devait choisir entre deux principes qui s’opposent à savoir l’obligation implicite d’« équité » dans le processus d’approvisionnement et le principe voulant que les tribunaux devraient rendre exécutoire des clauses contractuelles valides. Dans ce conflit conceptuel opposant le droit de conclure des contrats à la politique de droit public visant à protéger l’intégrité de l’équité dans les processus d’approvisionnement concurrentiels, il semble que l’obligation d’équité l’ait emporté. Deux autres questions importantes ont été réglées ou abordées dans l’affaire Tercon. Tout d’abord, la CSC a laissé la porte ouverte à la négociation dans le cadre d’un processus d’approvisionnement concurrentiel, à condition que l’information pertinente soit divulguée et que la nature fondamentale du contrat B demeure inchangée. Par ailleurs, la CSC a mentionné brièvement que d’autres recours en droit administratif s’offraient aux soumissionnaires mécontents, renforçant ainsi l’idée qu’il est possible de demander un contrôle judiciaire afin de contester les processus d’approvisionnement dans le secteur public.

En outre, la CSC a rendu quelques autres décisions clés dignes de mention. Dans l’affaire Design Services Ltd. c. Canada, elle a refusé de reconnaître une nouvelle cause d’action pour « négligence en matière de marchés publics » et, dans l’affaire Double N Earthmovers Ltd. c. Edmonton, elle a conclu qu’une autorité acheteuse peut renégocier un contrat sur lequel se fondait un processus d’approvisionnement concurrentiel après la signature du contrat B. Récemment, dans l’affaire Bhasin c. Hrynew, la CSC a confirmé les affaires MJB, Martel et Tercon, et a reconnu qu’une obligation d’agir de bonne foi sera en fait implicite dans un processus d’appel d’offres et qu’une entreprise a l’obligation de traiter les soumissions équitablement.

Bien qu’il ne s’agisse pas d’une affaire de la CSC, la récente décision de la Cour fédérale dans l’affaire Rapiscan Systems, Inc. c. Canada (Procureur général), qui a été confirmée par la Cour d’appel fédérale, a établi que même lorsqu’elles utilisent des formats plus souples, les institutions publiques doivent suivre les règles de procédures établies ou faire l’objet de contestations juridiques au terme desquelles des décisions injustes concernant l’attribution des contrats pourraient être invalidées à la suite d’un examen judiciaire.

La jurisprudence établit clairement une distinction entre les processus d’approvisionnement concurrentiels qui sont exécutoires (lorsqu’un contrat A est formé) et ceux qui ne visent pas à l’être (lorsqu’un contrat A n’est pas formé). Les tribunaux insistent pour que l’autorité acheteuse indique clairement son intention de former un contrat A dans ses documents d’approvisionnement concurrentiel.

1.2 - Gouvernance relative à l’approvisionnement

1.2.1 - Comprendre le cadre réglementaire régissant l’approvisionnement d’une organisation

Toute organisation du secteur public, ou toute entité financée en majeure partie par le gouvernement, doit connaître le « cadre réglementaire régissant l’approvisionnement » auquel elle doit se conformer. Chaque organisation du secteur public possède son propre cadre de gouvernance régissant l’approvisionnement et, afin de le comprendre, on doit se poser les questions suivantes :

Existe-t-il des lois sur les marchés publics qui s’appliquent à l’organisation? Par exemple, en Ontario, la Loi de 2010 sur la responsabilisation du secteur parapublic prescrit un cadre de gouvernance régissant l’approvisionnement pour les entités du secteur public.

Quel est le statut juridique de l’organisation et ce statut influence-t-il le cadre réglementaire régissant l’approvisionnement applicable? Par exemple, en Ontario, l’organisation est-elle un « organisme », un « ministère », un « organisme du secteur parapublic », un « organisme financé par des fonds publics », un « organisme désigné du secteur parapublic » ou un « conseil local »?

L’organisation a-t-elle conclu un accord ou un protocole d’entente à des fins de financement avec les gouvernements fédéral et provinciaux? Cet accord ou ce protocole d’entente précise-t-il des obligations en matière d’approvisionnement?

L’organisation dispose-t-elle de politiques internes en matière d’approvisionnement qu’elle doit respecter?

L’organisation est-elle assujettie à certains accords commerciaux? Par exemple, figure‑t‑elle sur la liste des organisations assujetties à l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union Européenne ou à l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste?

De quelle façon les divers « systèmes de réglementation » applicables interagissent-ils entre eux pour réglementer l’organisation?

Existe-t-il des exigences devant être remplies afin d’être autorisé à participer au processus d’approvisionnement? Par exemple, au Québec, il peut être nécessaire d’obtenir l’autorisation de l’Autorité des marchés financiers afin de participer à certains processus d’approvisionnement.

Le cadre de gouvernance régissant l’approvisionnement d’une organisation dicte les circonstances dans lesquelles un processus d’approvisionnement concurrentiel ouvert doit ou ne doit pas être utilisé, les principes à appliquer à un processus concurrentiel mis en branle par l’organisation et la façon dont on réglera les différends liés au processus concurrentiel.

Vous trouverez de plus amples détails sur les accords commerciaux à l’article 3 du chapitre IV, « Les accords commerciaux internationaux ».

1.2.2 - Obligations en matière d’approvisionnement dans les accords commerciaux

Les exigences imposées par les divers accords commerciaux internationaux et nationaux constituent un facteur important qui prend de plus en plus d’ampleur dans le contexte des marchés publics canadiens. Il est relativement simple de faire un lien entre les accords commerciaux et les marchés publics : la réglementation des achats des secteurs public et parapublic favorisant considérablement l’élimination ou la gestion des barrières commerciales, il est tout à fait naturel que des règles régissant les marchés publics servent à assurer un accès ouvert et équitable aux contrats gouvernementaux. Toutes les entités gouvernementales ou du secteur public doivent donc s’assurer de bien cerner les accords commerciaux internationaux et nationaux ainsi que les exigences entourant le processus d’approvisionnement qui s’appliquent à leur situation. Voir l’article 3 du chapitre IV, « Les accords commerciaux internationaux ».

1.2.3 - Marchés publics fédéraux

Services publics et Approvisionnement Canada (« SPAC ») (anciennement Travaux publics et Services gouvernementaux Canada ou « TPSGC »), qui établit et met en œuvre les exigences propres aux marchés publics fédéraux, publie des modèles de contrats et d’appels d’offres à l’intention des divers ministères et organismes gouvernementaux fédéraux. Le Guide des approvisionnements, soit la politique d’approvisionnement du gouvernement fédéral, contient des dispositions qui dictent les circonstances dans lesquelles le gouvernement doit ou ne doit pas lancer un processus d’approvisionnement concurrentiel ouvert, les modalités et les conditions d’un processus d’approvisionnement type et la façon dont on réglera les différends avec le gouvernement fédéral.

La réglementation des processus d’approvisionnement du gouvernement fédéral se trouve largement influencée par une jurisprudence distincte découlant de décisions rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur (« TCCE »). On doit souligner que les affaires portées devant le TCCE et celles portées devant la cour fédérale à la suite d’appels de décisions du TCCE forment un autre ensemble ou « répertoire » de jurisprudence établissant le contexte juridique dans lequel se déroule le processus d’approvisionnement du gouvernement fédéral. Les droits d’un soumissionnaire dans le cadre de différends à l’égard de processus d’approvisionnement fédéraux seront grandement tributaires de ce répertoire de jurisprudence et les soumissionnaires pourront en appeler des décisions relatives à l’approvisionnement du gouvernement fédéral devant le TCCE, plutôt que d’intenter des poursuites au civil.

1.2.4 - Accord économique et commercial global (« AECG »)

L’AECG est un accord commercial international intervenu entre le Canada et l’Union européenne (« UE ») qui est provisoirement entré en vigueur le 21 septembre 2017. Dans l’AECG, le Canada et l’UE se sont engagés à appliquer la non-discrimination réciproque dans leurs activités d’approvisionnement. L’AECG permet aux fournisseurs du Canada et de l’UE de se livrer concurrence sur un large éventail de marchés publics du gouvernement central (fédéral), des gouvernements sous-centraux (provinciaux) et des organismes associés (municipalités, conseils scolaires, universités et autres), à l’exception des entités exclues qui sont énumérées à une annexe de l’AECG.

Sous réserve des seuils financiers et de certaines exceptions indiqués dans l’AECG, tous les produits sont visés par les dispositions sur l’approvisionnement tandis que seuls les services spécifiquement mentionnés le sont.

1.2.5 - Accord de continuité commerciale Canada-Royaume-Uni (« ACC Canada-Royaume-Uni »)

L’ACC Canada-Royaume-Uni est un accord commercial bilatéral intervenu entre le Canada et le Royaume-Uni, lequel a été signé le 9 décembre 2020 et est entré en vigueur le 1er avril 2021 après avoir été ratifié par les deux pays. Le Royaume-Uni a officiellement quitté l’UE le 31 janvier 2020 et, par conséquent, l’AECG a cessé de s’appliquer aux échanges commerciaux entre le Canada et le Royaume-Uni le 1er janvier 2021. L’ACC Canada-Royaume-Uni constitue un accord intérimaire qui préserve l’accès préférentiel du Canada au marché du Royaume-Uni, et vice versa, en reproduisant en grande partie les dispositions de l’AECG, en attendant la fin des négociations d’un accord de libre-échange plus exhaustif.

L’ACC Canada-Royaume-Uni incorpore par renvoi à l’AECG les obligations relatives aux marchés publics. Les deux accords sont donc extrêmement similaires sur ce front.

1.2.6 - Accord de libre-échange canadien (« ALEC »)

L’ALEC est un accord commercial national intervenu entre les provinces canadiennes, les territoires canadiens et le gouvernement fédéral qui est entré en vigueur le 1er juillet 2017. Il remplace l’Accord sur le commerce intérieur de 1995 (« ACI »). Bien que l’ALEC maintienne des principes relatifs aux marchés publics semblables à ceux figurant dans l’ACI, il comporte également certaines modifications importantes, qui visent à harmoniser les ententes commerciales nationales du Canada avec les traités internationaux qu’il a signés, comme l’AECG. Les entités couvertes par l’ALEC sont énumérées aux annexes à celui-ci, et la liste des entités couvertes de chaque province ou territoire est différente.

Sous réserve des seuils financiers et de certaines exceptions indiqués dans l’ALEC, tous les produits et services sont visés par les dispositions sur l’approvisionnement.

1.2.7 - Accord Canada-États-Unis-Mexique (« ACEUM »)

L’ACEUM est un accord de commerce international entre le Canada, les États-Unis et le Mexique qui a été signé le 30 novembre 2018 et qui remplace l’Accord de libre-échange nord-américain (« ALENA »). L’ACEUM est entré en vigueur le 1er juillet 2020, après avoir été ratifié par les trois pays signataires et après qu’une loi mettant en œuvre cet accord a été adoptée dans chacun de ces pays. Le Chapitre 13 de l’ACEUM, qui porte sur les marchés publics, s’applique uniquement aux États-Unis et au Mexique. Il ne s’applique pas au Canada. Les marchés publics entre le Canada et les États-Unis seront régis par l’Accord sur les marchés publics de l’OMC, tandis que les marchés publics entre le Canada et le Mexique seront régis par l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste.

1.2.8 - Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (« PTPGP »)

Le PTPGP est un accord de commerce international entre le Canada et dix autres pays dans la région de l’Asie-Pacifique : l’Australie, le Brunéi Darussalam, le Chili, le Japon, la Malaisie, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, le Pérou, Singapour et le Vietnam. Le PTPGP est entré en vigueur le 30 décembre 2018 au Canada, en Australie, au Japon, au Mexique, en Nouvelle-Zélande et à Singapour, et le 14 janvier 2019, il est entré en vigueur au Vietnam. Le PTPGP remplace le Partenariat transpacifique (« PTP »), qui a été signé le 4 février 2016, mais n’a jamais été ratifié. Il incorpore par renvoi la majorité des dispositions du PTP, à l’exception de certaines dispositions qui ont été suspendues.

Les dispositions du PTPGP en matière de marchés publics se fondent en grande partie sur l’Accord sur les marchés publics (« AMP ») de l’OMC. Le PTPGP vient toutefois consolider les règles prévues à l’AMP relativement à la non-discrimination, à la transparence et à l’équité en matière de procédure pour les activités visées. Les entités visées par le PTPGP, c’est-à-dire les entités du gouvernement central (soit le gouvernement fédéral) et des gouvernements sous-centraux (soit les gouvernements provinciaux et territoriaux), ainsi que les autres entités (telles que les sociétés d’État) sont indiquées dans les annexes de l’accord. La liste des entités visées varie d’une province et d’un territoire à l’autre.

Sous réserve des seuils financiers et de certaines exceptions prévues au PTPGP, tous les produits sont visés par les dispositions sur les marchés publics tandis que seuls les services spécifiquement mentionnés le sont.

1.2.9 - Stratégie d’approvisionnement en matière de défense

Le ministère de la Défense nationale et TPSGC ont lancé, au début de 2014, une stratégie d’approvisionnement en matière de défense (« SAMD »). La SAMD constituait un changement fondamental à l’approche du gouvernement quant à l’approvisionnement en matière de défense. Plus particulièrement, l’un des éléments clés de la SAMD consiste en la cotation et la pondération des « propositions de valeur » dans le cadre du processus d’évaluation des soumissions en fonction de la valeur de l’approvisionnement.

2. Questions que doivent se poser les organisations participant aux processus d’approvisionnement canadiens

Afin de mesurer l’étendue et la portée des droits et des risques juridiques qu’un processus concurrentiel représente pour elles, les organisations qui participent aux processus d’approvisionnement canadiens doivent se poser trois questions fondamentales.

2.1 - Quel régime de gouvernance relative à l’approvisionnement régit l’autorité acheteuse?

Cette question ne s’applique qu’aux entités du secteur public et parapublic, c’est-à-dire les entités qui tirent la majorité ou une partie importante de leur financement de sources publiques.

La réponse à cette question déterminera les obligations en matière d’approvisionnement qui lient l’autorité acheteuse, par exemple si celle‑ci doit tenir ou non un processus ouvert, équitable et transparent et dans quelles circonstances une entité peut obtenir des biens ou des services sans tenir de processus concurrentiel, en ayant notamment recours à un fournisseur unique ou exclusif.

Cela permettra également d’établir les options qui s’offrent à un soumissionnaire souhaitant contester le processus d’approvisionnement concurrentiel de l’autorité acheteuse, la décision de celle‑ci de tenir ou de ne pas tenir un processus d’approvisionnement concurrentiel ou tout autre point lié au processus d’approvisionnement.

2.2 - Le processus d’approvisionnement concurrentiel est-il exécutoire ou non exécutoire?

Tout processus d’approvisionnement, peu importe l’étiquette qui lui est accolée, doit tenir compte du droit canadien des marchés publics afin de déterminer si un contrat A, soit le contrat d’approvisionnement, a été valablement formé. Par conséquent, l’importance de l’étiquette accolée à un processus d’approvisionnement concurrentiel n’est pas aussi grande que la question de savoir si les documents d’approvisionnement concurrentiel contiennent une « preuve » de l’existence d’un contrat A. La formation d’un contrat A constitue une entente juridique exécutoire entre l’autorité acheteuse et le soumissionnaire qu’on appelle processus d’approvisionnement « exécutoire ».

Selon la jurisprudence, les éléments suivants confirment la formation d’un contrat A :
Les soumissions ou offres sont irrévocables pour une période définie.
Les soumissionnaires fournissent une garantie de soumission.

Un soumissionnaire ne peut que très peu modifier son offre après la date d’échéance de soumission.

Un contrat de biens et/ou de services rédigé en bonne et due forme se trouve en annexe des documents d’approvisionnement et le soumissionnaire retenu doit signer un contrat essentiellement identique.

Le prix, une fois soumis, est fixe et ne se négocie pas.

2.3 - Quels sont les droits d’un soumissionnaire participant à un processus d’approvisionnement exécutoire?

Lorsque le processus d’approvisionnement est exécutoire, c’est-à-dire qu’un contrat A est valablement formé, certains droits et certaines obligations se rapportant à l’autorité acheteuse et au soumissionnaire prennent effet.

2.3.1 - Obligation de divulgation complète

Une autorité acheteuse a l’obligation de divulguer à l’ensemble des soumissionnaires la nature du travail, toute préférence ou partialité, les critères d’évaluation, ainsi que les modalités et conditions du contrat faisant l’objet de l’appel d’offres.

Cela signifie qu’une autorité acheteuse doit divulguer l’information concernant le contrat faisant l’objet de l’appel d’offres qui pourrait influencer un soumissionnaire quant à sa décision de soumettre une offre et quant à la fixation de son prix.

Une autorité acheteuse doit divulguer tous les critères d’évaluation auxquels elle aura recours pour évaluer les soumissions, y compris la pondération relative de chacun de ces critères.

2.3.2 - Devoir d’équité et de bonne foi

Les tribunaux canadiens imposent depuis toujours une obligation implicite d’équité fondée sur le principe selon lequel l’intégrité des processus d’approvisionnement concurrentiels doit être protégée par les tribunaux. Ce principe s’applique tant au secteur public qu’au secteur privé.

D’un point de vue pratique, cela signifie ce qui suit :

Tous les soumissionnaires ont droit au même accès à l’information au cours d’un processus d’approvisionnement, ce qui signifie que l’autorité acheteuse ne peut pas choisir de cacher des renseignements à certains soumissionnaires.

L’autorité acheteuse doit mener un processus d’évaluation transparent conforme aux règles établies au préalable dans les documents d’approvisionnement.

L’autorité acheteuse doit éviter les conflits d’intérêts, les avantages indus ou la partialité durant le processus.

L’autorité acheteuse doit rejeter les soumissions non conformes, c’est-à-dire les soumissions qui ne respectent pas toutes les exigences des documents d’approvisionnement.

L’autorité acheteuse doit adjuger le contrat à l’auteur de la soumission retenue, soit la soumission conforme ayant obtenu la note la plus élevée tout en offrant le prix le plus bas.

2.4 - Conformité avec les dispositions du gouvernement fédéral en matière d’intégrité

Les organisations qui s’intéressent à la vente de biens et de services au gouvernement fédéral ou celles ayant des contrats existants avec celui‑ci devraient connaître les faits nouveaux liés à l’« intégrité » du processus d’approvisionnement. La politique du gouvernement fédéral en matière d’approvisionnement comprend des dispositions visant à s’assurer que le gouvernement fédéral ne fait affaire qu’avec des entreprises et des particuliers qui agissent avec intégrité. Les entreprises ou les particuliers qui présentent des soumissions pour des contrats du gouvernement fédéral doivent être conscients des exigences de divulgation énoncées dans les dispositions d’intégrité ou ils risquent de voir leur soumission déclarée inadéquate ou leur contrat résilié.

Un soumissionnaire qui répond à un processus d’approvisionnement du gouvernement fédéral doit fournir certaines attestations à son sujet et au sujet de ses « sociétés affiliées », qui comprennent généralement diverses entités apparentées et divers particuliers, ainsi que les membres de son conseil. Les soumissionnaires doivent fournir des attestations relativement à certaines condamnations au criminel et activités de lobbying des soumissionnaires, de leurs sociétés affiliées et des membres de leur conseil d’administration. En outre, les soumissionnaires, y compris les administrateurs des sociétés qui présentent les soumissions, doivent consentir à la vérification de leur casier judiciaire. Toute information ou preuve de condamnation d’un soumissionnaire ou d’un membre de son conseil, surtout relativement à de la fraude ou à de la corruption, peut empêcher ce soumissionnaire d’obtenir un contrat du gouvernement fédéral pendant 10 ans.

Les dispositions d’intégrité ont fait l’objet d’un examen et de modifications au cours des dernières années. Les mises à jour ont entraîné un resserrement des exigences de divulgation afin de tenir compte de l’intransigeance du gouvernement fédéral à l’égard de la corruption dans les affaires gouvernementales. Des changements ont été apportés en juillet 2015 visant la mise en œuvre d’un « régime d’intégrité », qui remplace le « cadre d’intégrité » adopté en 2012. Le nouveau régime d’intégrité élimine la radiation automatique qui existait en vertu du cadre d’intégrité, pour des actions de sociétés affiliées, et permet également de réduire la période de radiation de 10 ans à cinq ans pour les sociétés qui prennent les mesures correctives appropriées. Des modifications supplémentaires ont été apportées en avril 2016, lesquelles introduisent une nouvelle exigence de fournir des certifications relativement à certaines accusations au criminel et déclarations de culpabilité à l’étranger et mettent en place une détermination d’inadmissibilité automatique de 10 ans en cas de certification erronée ou trompeuse. En mars 2018, le gouvernement fédéral a annoncé l’amélioration de la Politique d’inadmissibilité et de suspension du Régime d’intégrité, notamment une plus grande souplesse dans le cadre des décisions de radiation, l’accroissement du nombre de déclencheurs pouvant mener à une radiation, l’étude de solutions de rechange pour atténuer davantage les risques liés au fait de faire affaire avec le crime organisé et l’élargissement de la portée de l’éthique des affaires visée par le Régime d’intégrité. Bien que ce régime amélioré devait entrer en vigueur au début de 2019, sa prise d’effet est encore attendue.

3. Question que doivent se poser les organisations menant des processus d’approvisionnement concurrentiels au Canada

Les organisations qui tiennent des processus d’approvisionnement au Canada doivent répondre à trois questions fondamentales avant de lancer un processus d’approvisionnement.

3.1 - Quelles sont les obligations de l’organisation en matière d’approvisionnement interne?

Dans le cas des entités du secteur public et parapublic, comprendre les obligations de l’organisation en matière d’approvisionnement signifie connaître le cadre de gouvernance régissant l’approvisionnement applicable. Voir l’article 2 du chapitre V, « Questions que doivent se poser les organisations participant aux processus d’approvisionnement canadiens ». Le cadre de gouvernance régissant l’approvisionnement déterminera les obligations en matière d’approvisionnement qui lient l’autorité acheteuse, par exemple si celle‑ci doit tenir ou non un processus ouvert, équitable et transparent et dans quelles circonstances une entité peut obtenir des biens ou des services sans tenir de processus concurrentiel, en ayant notamment recours à un fournisseur unique ou exclusif.

Dans le cas des entités du secteur privé, comprendre les obligations de l’organisation en matière d’approvisionnement signifie connaître toutes les politiques ou lignes directrices internes précisant dans quelles circonstances un processus d’approvisionnement concurrentiel ouvert est exigé, ou est recommandé, et décrivant les modalités d’application du processus même.

3.2 - L’organisation souhaite-t-elle tenir un processus d’approvisionnement concurrentiel exécutoire ou non exécutoire?

Tel qu’il est décrit au paragraphe 2.2 du chapitre V, « Le processus d’approvisionnement concurrentiel est‑il exécutoire ou non exécutoire? », tout processus d’approvisionnement doit tenir compte du droit des marchés publics canadien afin de déterminer si un contrat A, soit le contrat d’approvisionnement, a été valablement formé ou non. Comme la formation d’un contrat A donne lieu à une entente juridique exécutoire entre l’autorité acheteuse et le soumissionnaire, l’autorité acheteuse devrait déterminer, avant de publier les documents d’approvisionnement, si elle a l’intention de créer un processus exécutoire ou non exécutoire.

3.3 - Quelles exigences les autorités acheteuses doivent-elles remplir dans le cadre d’un processus d’approvisionnement exécutoire?

Lorsqu’il s’agit d’un processus d’approvisionnement exécutoire, les tribunaux canadiens ont imposé certaines modalités et conditions applicables au processus que les autorités acheteuses, tant du secteur public que du secteur privé, doivent connaître et respecter :
Les autorités acheteuses doivent respecter en tout temps les modalités et conditions du contrat A et elles ne peuvent accepter d’offres non conformes, même les plus alléchantes.

Les autorités acheteuses doivent traiter tous les soumissionnaires conformes de façon équitable et de bonne foi, notamment au cours de l’évaluation de la soumission d’un soumissionnaire.

Les autorités acheteuses ne peuvent prendre leur décision finale d’accepter ou de rejeter des soumissions en se fondant sur des critères qui ne sont pas divulgués dans les modalités et conditions des documents d’approvisionnement.

La loi autorise les autorités acheteuses à créer les modalités et conditions du contrat A, soit le dossier d’appel d’offres, comme elles l’entendent. Par conséquent, les clauses de réserve qui confèrent à l’autorité acheteuse des droits discrétionnaires seront reconnues comme étant pleinement exécutoires et, si leur libellé est adéquat, permettront aux autorités acheteuses de se réserver le droit d’adjuger les contrats aux auteurs de soumissions dont le prix n’est pas nécessairement le plus bas ou de n’adjuger aucun contrat.