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ACVM : mise à jour des obligations d’information liée au changement climatique

4 novembre 2022

CONTEXTE

Comme nous l’avons mentionné dans notre Bulletin Blakes d’octobre 2021 intitulé Les ACVM lancent une consultation sur les obligations d’information liée au changement climatique, le 18 octobre 2021, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (les « ACVM ») ont publié un avis de consultation concernant le projet de Règlement 51-107 sur l’information liée aux questions climatiques et l’instruction générale y afférente (collectivement, le « projet de règlement »), lesquels imposeraient des obligations d’information spécifiques sur les questions climatiques à la plupart des sociétés ouvertes au Canada. Le projet de règlement reprend en grande partie les normes d’information établies par le Groupe de travail sur la divulgation de l’information financière relative aux changements climatiques (le « cadre du GIFCC »).

Depuis la publication du projet de règlement et la fin de la période de consultation, laquelle a par ailleurs été prolongée de 30 jours, le 16 février 2022, d’importants développements se sont produits à l’échelle internationale en ce qui a trait à l’information liée au changement climatique. Plus particulièrement, le 21 mars 2022, la Securities and Exchange Commission (la « SEC ») des États-Unis a publié un projet visant à modifier certains règlements sur l’information liée au changement climatique (le « projet de la SEC »). Puis, le 31 mars 2022, l’International Sustainability Standards Board (l’« ISSB »), un organisme de normalisation des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (les facteurs « ESG ») établi par l’International Financial Reporting Standards (IFRS) Foundation, a publié deux projets de normes internationales portant sur l’information liée aux facteurs ESG, soit : (i) IFRS S1 – Obligations générales en matière d’informations financières liées à la durabilité; et (ii) IFRS S2 – Informations à fournir en lien avec les changements climatiques (collectivement, les « projets de l’ISSB »).

Le projet de la SEC, dans sa version actuelle, ne devrait pas avoir d’incidence pour la grande majorité des sociétés ouvertes canadiennes, puisqu’il s’applique uniquement aux émetteurs américains nationaux, ainsi qu’aux émetteurs privés étrangers qui ne font pas de déclarations par le biais du régime d’information multinational. De même, les projets de l’ISSB ne visent pas à lier les sociétés ouvertes canadiennes, mais plutôt à servir de point de repère général en vue de favoriser l’uniformité des normes applicables à l’information liée au changement climatique dans les différents territoires. Quoi qu’il en soit, le projet de la SEC et les projets de l’ISSB constituent deux des cadres les plus influents au chapitre de la divulgation de l’information liée au changement climatique et les sociétés ouvertes canadiennes devraient, selon nous, s’en inspirer lorsqu’elles élaborent leur information liée au changement climatique. D’ailleurs, en réponse à ces nouveaux développements, le 12 octobre 2022, les ACVM ont fourni une mise à jour du projet de règlement (la « mise à jour des ACVM »).

MISE À JOUR DES ACVM

Les ACVM ont indiqué qu’elles « suivent de près les travaux menés à l’international », dont le projet de la SEC et les projets de l’ISSB, « pour en déterminer l’incidence sur le projet de règlement ». Les ACVM ont notamment souligné que même si le projet de la SEC et les projets de l’ISSB sont fondés, comme le projet de règlement, sur le cadre du GIFCC, il existe des « différences de fond » entre les trois projets, lesquelles font toujours l’objet d’une analyse par les ACVM.

Une lettre de commentaires des ACVM (la « lettre de commentaires ») publiée le 25 juillet 2022 en réponse à la publication des projets de l’ISSB nous permet d’entrevoir comment les ACVM pourraient s’ajuster à ces développements dans le cadre du projet de règlement. Dans la lettre de commentaires, les ACVM soulignent « les progrès accomplis par l’ISSB relativement à l’élaboration de paramètres de base établis à l’échelle mondiale » pour l’information à fournir sur la durabilité et précisent que les projets de l’ISSB constituent « une importante avancée » à cet égard. Toutefois, les ACVM ont également relevé quatre aspects des projets de l’ISSB qui, selon elles, pourraient être améliorés :

i. Primauté de l’information liée au changement climatique

Aux termes des projets de l’ISSB, les émetteurs doivent communiquer de l’information importante sur « les risques et les possibilités liés à la durabilité ». Les ACVM ont exprimé des inquiétudes en ce qui a trait à l’utilisation, dans les projets de l’ISSB, de l’expression « liés à la durabilité » (plutôt que l’expression plus ciblée « liée au changement climatique » utilisée dans le projet de règlement). Selon les ACVM, les projets de l’ISSB visent ainsi un éventail d’activités beaucoup trop large. Or, une telle approche pourrait avoir l’effet non prévu de réduire l’importance des aspects liés au changement climatique dans l’information à fournir et donc porter atteinte à l’objectif de primauté de l’information liée au changement climatique de l’ISSB. Par conséquent, les ACVM recommandent à l’ISSB d’examiner l’interaction entre les projets de l’ISSB et les normes applicables à la communication de l’information sur des sujets précis et d’accorder la priorité à la finalisation des aspects des projets de l’ISSB traitant précisément des questions liées au changement climatique.

ii. Gradation et échelonnement

Les ACVM ont également souligné les coûts et l’expertise nécessaires aux émetteurs pour se conformer à différents volets des projets de l’ISSB. Les émetteurs seraient tenus, par exemple, de procéder à des « analyses de scénarios » en vue d’évaluer la résilience de leurs plans stratégiques contre un éventail de scénarios climatiques, y compris le scénario 2 C. Ils seraient également tenus de communiquer leurs émissions de gaz à effet de serre (« GES ») du champ d’application 1 (toutes les émissions directes de GES qui émanent d’un émetteur), leurs émissions de GES du champ d’application 2 (toutes les émissions indirectes de GES attribuables à la consommation d’électricité, de chaleur ou de vapeur achetée par l’émetteur) et, sous réserve d’exceptions limitées, les émissions de GES du champ d’application 3 (toutes les émissions indirectes de GES émanant d’un émetteur, autres que les émissions du champ d’application 2 décrites ci-dessus). En comparaison, compte tenu des coûts associés à la préparation de cette information, ainsi que des préoccupations relatives à l’uniformité et à la comparabilité de l’information, le projet de règlement n’exige pas que les émetteurs procèdent à des analyses de scénarios, mais qu’ils utilisent plutôt une approche fondée sur le principe de « se conformer ou s’expliquer » à l’égard de la communication de l’information sur les émissions de GES.

Dans leur lettre de commentaires, les ACVM font valoir que l’inclusion d’éléments de gradation et d’échelonnement dans les projets de l’ISSB répondrait mieux aux besoins et aux capacités variables des émetteurs de toute taille et, du même coup, favoriserait l’adoption généralisée des normes de l’ISSB. Les ACVM recommandent notamment que les exigences relatives aux analyses de scénarios et à l’information sur les émissions de GES du champ d’application 3 soient échelonnées dans le temps ou introduites de façon non obligatoire au départ. En outre, les ACVM suggèrent que certaines des obligations d’information exigeant un grand volume de données prévues dans les projets de l’ISSB bénéficieraient d’une gradation et de meilleures lignes directrices quant à leur mise en œuvre afin de tenir compte du fait que les petits émetteurs n’ont peut-être pas les ressources et l’expertise nécessaires pour se conformer à ces obligations.

iii. Obligations d’information sectorielles

Les projets de l’ISSB comprennent un certain nombre d’obligations d’information sectorielles établies par le Sustainability Accounting Standards Board (le « SASB »). Dans leur lettre de commentaires, les ACVM ont indiqué que de telles obligations représenteraient des « défis importants » pour les émetteurs en raison du volume de données et de la nature hautement spécialisée de l’information à fournir. Par conséquent, les ACVM suggèrent que les normes sectorielles du SASB deviennent facultatives, pour le moment du moins. La position adoptée par les ACVM à l’égard de cette question est conforme au projet de règlement, lequel s’applique uniformément à tous les émetteurs concernés, peu importe le secteur dans lequel ils exercent leurs activités.

iv. Consensus international

Enfin, dans leur lettre de commentaires, les ACVM soulignent à quel point il est important que l’ISSB collabore avec les organismes de réglementation des valeurs mobilières à l’échelle internationale afin de favoriser l’uniformisation des obligations d’information liée au changement climatique. Dans ce contexte, les ACVM mettent en évidence d’« importantes différences » entre les projets de l’ISSB et le projet de la SEC et font valoir que des règlements disparates pourraient nuire à la capacité des émetteurs canadiens de livrer concurrence au sein des marchés financiers internationaux.

PROCHAINES ÉTAPES

Les ACVM avaient initialement indiqué que le 31 décembre 2022 était la date la plus proche à laquelle le projet de règlement allait entrer en vigueur. Bien que, dans leur mise à jour, les ACVM n’abordent pas la question du moment de l’entrée en vigueur, étant donné l’ampleur des développements à l’échelle internationale en ce qui a trait aux obligations d’information liée au changement climatique, ainsi que la quantité de lettres de commentaires que les ACVM ont reçues en réponse au projet de règlement (soit un total de 131 lettres), il est peu probable que le 31 décembre 2022 soit encore considéré comme la date de mise en œuvre la plus proche.

Nous nous attendons à ce que les ACVM continuent de peaufiner le projet de règlement afin d’atténuer les « différences de fond » dont elles font état dans leur mise à jour. Toutefois, les ACVM ayant souligné que la possibilité d’un consensus international jouerait un rôle dans leur processus décisionnel, nous croyons qu’elles s’emploieront à collaborer avec d’autres organismes de réglementation. Nous prévoyons tout particulièrement qu’en raison de l’influence marquée qu’exerce chacun des trois organismes de réglementation dans l’élaboration des normes relatives à l’information liée aux facteurs ESG, les ACVM travailleront en étroite collaboration avec la SEC et l’ISSB dans le but de mettre au point des « paramètres de base établis à l’échelle mondiale pour l’information à fournir sur la durabilité ».

Dans la mesure où des différences importantes demeureraient entre, d’une part, le projet de règlement et, d’autre part, les projets de l’ISSB et le projet de la SEC, les ACVM pourraient revoir certains aspects du projet de règlement, notamment l’absence d’exigences relatives aux analyses de scénarios et à la communication des émissions de GES du champ d’application 3. Cela dit, d’après la lettre de commentaires (laquelle, constatons-nous, a été publiée après l’expiration de la période de consultation sur le projet de règlement), il semblerait que les ACVM envisagent toujours ces questions conformément au libellé actuel du projet de règlement.

Nous continuerons de suivre les développements en ce qui concerne le projet de règlement, les projets de l’ISSB et le projet de la SEC.

Pour en savoir davantage, communiquez avec :

Pascal de Guise        +1-514-982-4119 
Jeff Bakker                +1-403-260-9682 
Michael Barrett         +1-403-260-9621
Kathleen Keilty          +1-604-631-3318
Matthew Merkley      +1-416-863-3328

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