Voici le 31e numéro de l’Infolettre sur les régimes de retraite de Blakes. La présente infolettre donne un aperçu des faits récents en jurisprudence qui ont une incidence sur les régimes de retraite. Veuillez noter cependant qu’elle ne vise pas à constituer un avis juridique.
Pour obtenir de plus amples renseignements ou pour discuter de la façon dont l’un ou l’autre aspect de ces faits récents pourrait avoir des répercussions sur votre situation, communiquez avec un membre du groupe Régimes de retraite, avantages sociaux et rémunération des hauts dirigeants.
DANS CE NUMÉRO
DROIT DE LA FAMILLE
DÉSIGNATION DE BÉNÉFICIAIRES
ADMINISTRATION D’UN RÉGIME DE RETRAITE
FAILLITE
ORDONNANCE DE PRÉSERVATION
DROIT DE LA FAMILLE
Greenwood v Greenwood, 2021 SKQB 161
Doris Greenwood (la « demanderesse ») était l’épouse de Stanley Greenwood jusqu’au moment de leur divorce en 1980. En 1981, la demanderesse a obtenu une ordonnance judiciaire lui donnant droit à une partie des prestations de retraite de M. Greenwood aux termes du régime l’employeur de celui-ci, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (l’« employeur »), qu’elle ne pourrait commencer à toucher qu’au moment du départ à la retraite de M. Greenwood. En 1982, M. Greenwood s’est remarié avec Colette Greenwood et, en 1987, celui-ci a pris sa retraite. L’ordonnance judiciaire a été modifiée en 1990 afin de permettre à la demanderesse de toucher 25,56 % du montant brut des prestations de retraite versées à M. Greenwood. Au décès de M. Greenwood, Colette Greenwood a commencé à recevoir un versement mensuel de prestations de survivant provenant du régime de M. Greenwood. La demanderesse s’est alors adressée à la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan (la « Cour ») et lui a demandé de rendre une ordonnance selon laquelle elle avait droit à 45 % des prestations de survivant versées à Colette Greenwood. La demanderesse soutenait qu’il fallait interpréter le terme « prestations de retraite » dans l’ordonnance judiciaire de 1981 comme comprenant tous les droits futurs et conditionnels pouvant possiblement découler du régime de retraite, y compris les prestations de décès et de survivant. Si la Cour acceptait cette interprétation, la demanderesse demandait alors à la Cour de rendre une ordonnance visant l’exécution de ses droits contre Colette Greenwood et/ou l’employeur, directement.
La Cour a rejeté la position de la demanderesse pour deux motifs. D’abord, l’ordonnance de 1981 avait été modifiée en 1990 afin donner droit à la demanderesse à une partie des prestations de retraite touchées par M. Greenwood. Lorsque M. Greenwood est décédé, le versement des prestations de retraite a pris fin. Ensuite, l’argument avancé par la demanderesse était fondé sur la législation et les principes relatifs au patrimoine familial en vigueur à l’heure actuelle, plutôt que sur l’intention qui pouvait être dégagée de l’ordonnance rendue en 1981. La Cour a expliqué qu’une ordonnance doit être interprétée selon l’état du droit au moment où elle a été rendue. Or, en 1981, en Saskatchewan, le terme « pension benefits » ne comprenait pas les prestations de survivant. La Cour a ajouté que même de nos jours, le principe selon lequel le droit à pension inclurait les prestations de survivant aux fins de la distribution du patrimoine familial ne va pas de soi.
Greenwood v Greenwood, 2021 SKQB 161 (en anglais seulement)
Havaris v Canada (Attorney General), 2021 FCA 124
Mme Havaris (la « demanderesse ») cherchait à faire annuler une décision de la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale (la « DA du TSS ») qui rejetait l’appel d’une décision rendue en première instance par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (la « DG du TSS »). Dans la décision de la division générale, la demande de prestations de survivant du Régime de pensions du Canada (le « RPC ») présentée par la demanderesse avait été rejetée par la DG du TSS, qui avait déterminé qu’au moment pertinent, la demanderesse n’entretenait pas une relation conjugale avec le cotisant décédé.
Dans le cadre d’une procédure antérieure devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario, il avait été déterminé que la demanderesse entretenait une relation conjugale avec le cotisant. Cette procédure consistait en une demande de soutien en vertu de la Loi portant réforme du droit des successions (la « LPRDS »). La demanderesse soutenait maintenant que la doctrine de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée devait s’appliquer en l’espèce de manière à empêcher la DG du TSS de déterminer à nouveau si la demanderesse entretenait une relation conjugale avec le cotisant.
La Cour d’appel fédérale a statué que la doctrine de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée ne s’appliquait pas, et que ni la DA du TSS ni la DG du TSS n’étaient liées par la détermination de la Cour supérieure de justice de l’Ontario. Cette doctrine s’applique lorsqu’il s’agit d’empêcher une partie de soumettre à nouveau les mêmes questions à un autre juge. Trois conditions doivent alors être réunies : la question a été tranchée dans le cadre d’une instance antérieure; les mêmes parties ou des cointéressés participaient à cette instance; et la décision antérieure était finale.
Si la Cour d’appel fédérale a rejeté l’appel de la demanderesse, c’est que, selon elle, la première des conditions ci-dessus n’était pas remplie puisque la définition du terme « conjoint » n’est pas la même dans la LPRDS et le RPC. En outre, selon la Cour d’appel fédérale, la deuxième condition n’était pas remplie non plus puisque le ministre de l’Emploi et du Développement social n’était pas partie à l’instance devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario et ne pouvait pas non plus être considéré comme étant un « cointéressé » de l’épouse du défunt.
Havaris v Canada (Attorney General), 2021 FCA 124 (en anglais seulement)
Roubinchtein v Ontario (CEO of FSRA), 2021 ONFST 10
Louiza Roubinchtein (la « demanderesse ») a interjeté appel de la décision du surintendant des services financiers de l’Ontario (le « surintendant ») d’émettre un Avis d’intention de refuser de rendre une ordonnance (un « avis d’intention »). La demanderesse avait présenté une demande de prestations de décès au conjoint aux termes du régime de retraite de Jeffrey Thomas (le « défunt ») après le décès de celui-ci. L’administrateur du régime avait alors déterminé que la demanderesse n’était pas admissible aux prestations de décès au conjoint. La demanderesse a ensuite demandé au surintendant d’ordonner à l’administrateur du régime de lui verser les prestations en question. Le surintendant a par la suite émis son avis d’intention.
Le Tribunal des services financiers (le « Tribunal ») a rejeté la demande de prestations de décès au conjoint de la demanderesse. L’article 48 de la Loi sur les régimes de retraite (Ontario) (la « LRR ») prévoit le versement de prestations de décès avant la retraite à un « conjoint survivant » qui ne vivait pas séparé de corps du participant défunt à la date du décès du participant. Le paragraphe 1(1) de la LRR définit le « conjoint survivant » comme étant toute personne qui était le conjoint d’un participant immédiatement avant le décès de ce dernier. Ce même paragraphe définit le terme « conjoint » comme étant l’une ou l’autre de deux personnes qui, selon le cas, a) sont mariées ensemble; b) ne sont pas mariées ensemble et qui vivent ensemble dans une union conjugale (i) soit de façon continue depuis au moins trois ans, (ii) soit dans une relation d’une certaine permanence, si elles sont les parents d’un enfant comme il est énoncé à l’article 4 de la Loi portant réforme du droit de l’enfance. Or, la demanderesse et le défunt n’étaient pas légalement mariés et n’avaient pas non plus d’enfant. La demanderesse devait donc démontrer qu’elle et le défunt vivaient ensemble dans une union conjugale de façon continue depuis au moins trois ans, ce qu’elle n’a pas réussi à faire. En effet, la demanderesse et le défunt avaient chacun leur propre appartement. Bien qu’ils aient passé du temps chez l’un et l’autre, il n’existait aucune preuve objective qu’ils avaient vécu ensemble, même de façon intermittente. La demanderesse n’avait pas non plus réussi à présenter une preuve objective que le défunt et elle vivaient dans une relation conjugale avant le décès de celui-ci.
Roubinchtein v Ontario (CEO of FSRA), 2021 ONFST 10 (en anglais seulement)
Meloche v Meloche, 2021 ONCA 640
M. Meloche (le « demandeur ») interjetait appel d’une décision rendue par un juge saisi de requêtes en première instance qui avait statué que lorsque les prestations de retraite du conjoint d’un participant retraité sont divisées à la source aux fins du droit de la famille, les parties ne peuvent convenir, le tribunal ne peut ordonner et un arbitre ne peut décider que le partage des prestations se poursuive au bénéfice de la succession du conjoint non participant pendant le reste de la vie du conjoint participant retraité. La Cour d’appel de l’Ontario (la « CAON ») n’a pas été d’accord avec l’interprétation de la législation par le juge de première instance relativement à la question en litige. La CAON a plutôt conclu que rien dans la LRR, la Loi sur le droit de la famille (Ontario) et les Questions de droit de la famille, Règl. de l'Ont. 287/11 n’empêchait les parties de convenir, un tribunal d’ordonner ou un arbitre de décider de poursuivre le versement des prestations de retraite partagées à la succession d’un non participant décédé pendant le reste de la vie du conjoint participant.
Meloche v Meloche, 2021 ONCA 640 (en anglais seulement)
Lecompte v. Paroyan, 2021 ONSC 6333
Mme Lecompte (la « demanderesse ») a déposé une requête en avril 2020 en vertu du paragraphe 25(19) des Règles en matière de droit de la famille afin de faire augmenter le paiement d’égalisation que M. Paroyan (l’« intimé ») devait lui verser aux termes d’une ordonnance définitive datée du 17 avril 2009. La demanderesse a fait valoir que le montant du paiement d’égalisation avait été mal calculé en raison d’un chiffre erroné fourni par l’administrateur du régime à l’évaluateur de la rente, de sorte que l’évaluateur avait surévalué la valeur du régime de retraite de la demanderesse.
La Cour supérieure de justice de l’Ontario (la « Cour ») a établi qu’elle avait la compétence requise en vertu du paragraphe 25(19) des Règles en matière de droit de la famille pour modifier l’ordonnance si le document final contenait des erreurs techniques causées par l’inadvertance ou un défaut d’attention des conseillers juridiques ou des parties, ou en présence d’une erreur qui annulait la communauté d’intention des parties. La Cour a conclu qu’aucune preuve ne permettait de croire que des erreurs techniques avaient été causées par inadvertance ou un défaut d’attention dans la rédaction de l’ordonnance définitive. Elle a également conclu que la preuve présentée n’allait pas dans le sens des allégations de la demanderesse selon lesquelles l’administrateur du régime avait fourni des renseignements erronés à l’évaluateur de la rente et qu’en réalité ce sont les conseillers juridiques de la demanderesse qui avaient fourni la documentation directement à l’évaluateur. Les parties avaient négocié un accord fondé sur la valeur actuarielle de leur rente respective et convenu que la demanderesse achèterait la part de l’intimé dans la résidence familiale et que le paiement dû à l’intimé serait réduit d’environ 40 000 $ CA afin de tenir compte de la valeur du paiement d’égalisation, ce qui correspondait à l’intention commune des parties. La Cour a statué que l’intimé n’avait joué aucun rôle dans le calcul de la rente de la demanderesse et qu’il n’aurait peut-être pas accepté ces modalités s’il avait su que son paiement d’égalisation s’établirait à au moins 51 000 $ CA. La Cour a rejeté la requête de la demanderesse.
Lecompte v. Paroyan, 2021 ONSC 6333 (en anglais seulement)
F (SL) v F (JT), 2021 NWTSC 32
JT (le « demandeur ») et SL (l’« intimée ») avaient été mariés pendant 18 ans. À la suite d’un procès en 2019, l’intimée s’était vu accorder un montant mensuel pour une durée indéterminée au titre d’une ordonnance alimentaire au profit d’un époux. En 2020, le demandeur a demandé qu’une modification soit apportée au montant de l’ordonnance alimentaire en vertu de la Loi sur le divorce en raison de circonstances s’apparentant à un changement important de sa situation. Celui-ci venait en effet de perdre son emploi auprès d’une grande institution financière, un an après le procès de 2019.
La Cour suprême des Territoires du Nord-Ouest (la « Cour ») a rejeté la demande. La Cour a déterminé que selon la norme de la prépondérance des probabilités, le demandeur ne s’était pas acquitté de son fardeau de prouver qu’un changement important avait modifié sa situation. Bien que le demandeur n’ait pas prévu qu’il pourrait perdre son emploi, la baisse marquée et quasi immédiate de ses revenus était attribuable à sa décision de choisir l’option de recevoir un paiement forfaitaire au titre de la retraite plutôt que l’option axée sur la protection du revenu, deux possibilités que lui avait offert son employeur au moment de la cessation d’emploi. L’option relative au paiement forfaitaire avait permis au demandeur de toucher un paiement immédiat ainsi qu’une rente réduite alors que l’option axée sur la protection du revenu aurait protégé son salaire de base pendant un an et ses gains sous forme de primes pendant deux ans. Le demandeur avait eu la possibilité de choisir un forfait de rémunération qui aurait protégé la majeure partie de ses revenus, et qui aurait augmenté ses chances de trouver un autre emploi grâce à un programme de recyclage. Mais celui-ci a choisi une option qui diminuait ces possibilités, réduisait ses revenus et lui permettait de prendre sa retraite à 55 ans. Il avait consacré des efforts minimes pour trouver un autre emploi. La Cour a conclu que la situation dans laquelle il se trouvait n’était pas une situation permanente qui découlait de circonstances hors de son contrôle, mais plutôt une situation qu’il avait créée de toutes pièces en faisant un choix délibéré.
F (SL) v F (JT), 2021 NWTSC 32 (en anglais seulement)
Ghent v. Busse, 2021 ONSC 3278
Mme Ghent (la « demanderesse ») et M. Busse (l’« intimé ») se sont mariés le 27 décembre 1986 et se sont séparés vers le 26 août 2009. Les parties ont conclu un accord de séparation en 2011 (l’« accord »), qui réglait notamment la question de l’égalisation. Dans le cadre des calculs relatifs à l’égalisation, les parties s’étaient fondées sur une valeur de la rente de l’intimée calculée en fonction d’un départ à la retraite à l’âge de 60 ans. Étant donné que l’intimé avait 55 ans quand il a pris sa retraite, la demanderesse a demandé que soit rendue une ordonnance lui donnant droit à la différence entre le paiement d’égalisation qu’elle avait reçu et le paiement d’égalisation qu’elle aurait reçu si l’âge réel de départ à la retraite, soit 55 ans, avait été utilisé dans l’accord.
La Cour supérieure de justice de l’Ontario (la « Cour ») a rejeté la demande de la demanderesse visant à obtenir un autre paiement au titre de l’égalisation. Pour ce faire, la Cour s’est appuyée sur le paragraphe 7(3) de la Loi sur le droit de la famille (Ontario), qui interdit la présentation d’une demande en vue de l’égalisation des biens familiaux nets deux ans après le jour où le mariage prend fin en vertu du divorce ou six ans après le jour où les conjoints se séparent. Or, la demande de la demanderesse avait été déposée en 2020. Étant donné que les parties s’étaient séparées en 2009 et avaient signé l’accord en 2011, la Cour a statué que la demande de la demanderesse était frappée de prescription.
L’intimé a également demandé une ordonnance visant à mettre fin à son obligation de verser à la demanderesse une pension alimentaire pour conjoint continue, ou au moins à réduire le montant de celle-ci, au motif qu’il lui est devenu difficile d’honorer ces obligations financières depuis son départ à la retraite. La Cour a rejeté la demande de l’intimé et a ordonné à celui-ci de continuer à verser la pension alimentaire du conjoint. Pour parvenir à cette décision, la Cour a souligné qu’elle n’était aucunement tenue d’accepter l’argument selon lequel le départ volontaire à la retraite de l’intimé lui donnait automatiquement le droit de faire modifier l’ordonnance alimentaire existante afin que son montant soit aligné sur son revenu de retraite. Étant donné que l’intimé connaissait ses obligations financières, dont une dette de plus de 150 000 $ CA envers son père, lorsqu’il a décidé de prendre sa retraite, la Cour a conclu que la décision de l’intimé de prendre sa retraite n’était ni raisonnable ni responsable dans les circonstances. De plus, la Cour a précisé que son examen de la capacité de l’intimé de payer la pension ne s’était pas limité à son revenu de retraite, mais pouvait comprendre une évaluation de sa capacité de tirer un revenu de l’emploi qu’il avait choisi de quitter ou de tout autre emploi après sa retraite. Étant donné que l’intimé possédait toujours des aptitudes artistiques et des compétences en enseignement qui lui permettraient de trouver d’autres sources de revenus et de corriger l’erreur qu’il avait faite en prenant sa retraite prématurément, la Cour a statué que la capacité de l’intimé de payer la pension alimentaire n’avait pas été compromise.
Ghent v. Busse, 2021 ONSC 3278 (en anglais seulement)
Want v. Gauthier, 2021 ONSC 7595
Mme Want (la « demanderesse ») et M. Gauthier (l’« intimé ») se sont mariés le 28 février 1997 et se sont séparés le 1er avril 2014. Avant le début du procès, les parties avaient convenu que le paiement d’égalisation que l’intimé devait verser à la demanderesse serait fait au moyen de transferts provenant des prestations de retraite du gouvernement du Canada de l’intimé. Au procès, la demanderesse, qui recevait des prestations d’invalidité de longue durée depuis 2008, soit un revenu annuel de 30 000 $ CA, a demandé qu’une ordonnance additionnelle soit rendue afin qu’elle ait droit à une pension alimentaire fondée sur le revenu de retraite de l’intimé, divisé à la source. L’intimé, dont le revenu annuel excédait 250 000 $ CA et était tiré de sources variées, notamment des prestations de retraite représentant environ 70 000 $ CA par année, avançait que ses prestations de retraite ne devaient pas être prises en compte dans le calcul de la pension alimentaire puisqu’elles avaient déjà été incluses dans la division des biens familiaux nets.
La Cour supérieure de justice de l’Ontario (la « Cour ») s’est rangée du côté de la demanderesse et a déterminé qu’une partie du régime de retraite de l’intimé pouvait être utilisée au titre de la pension alimentaire et que le montant exact serait établi une fois que les transferts des prestations de retraite prendraient fin. La Cour a déclaré que la « double ponction », soit le fait de permettre à un conjoint bénéficiaire de tirer profit d’un régime de retraite à la fois à titre d’actif et à titre de source de revenus, est généralement injuste, particulièrement lorsque le conjoint bénéficiaire conserve l’actif et ne fait aucun effort raisonnable pour le convertir en revenu. Par conséquent, la Cour a statué qu’il est généralement préférable de se concentrer sur les actifs du conjoint payeur qui étaient exemptés de la division pour évaluer la capacité du conjoint de payer une pension. Toutefois, la Cour a précisé que la double ponction ne peut pas toujours être évitée et qu’elle peut être raisonnable dans certaines circonstances, particulièrement si le conjoint payeur a la capacité de payer, que le conjoint bénéficiaire a fait des efforts raisonnables pour utiliser les actifs ayant fait l’objet de l’égalisation comme source de revenus et que, malgré tout, les difficultés financières découlant du mariage ou de l’échec de celui-ci persistent. Étant donné, d’une part, la santé chancelante de la demanderesse et son besoin criant d’une pension alimentaire et, d’autre part, le revenu élevé de l’intimé, la Cour a conclu qu’une exception à la règle générale interdisant la double ponction était justifiée.
Want v. Gauthier, 2021 ONSC 7595 (en anglais seulement)
DÉSIGNATIONS DE BÉNÉFICIAIRE
Ray-Ellis v Goodtrack et al, 2021 ONSC 3102
Mme Ellis (la « demanderesse ») cherchait à obtenir une déclaration selon laquelle le produit du compte de retraite immobilisé (le « CRI ») détenu par Kirk Goodtrack (le « défunt ») et enregistré auprès de la banque du défunt lui soit immédiatement versé. La demanderesse s’appuyait sur une désignation de bénéficiaire pour le CRI, signée par le défunt en 1997 et dans laquelle elle était la bénéficiaire désignée (la « désignation de 1997 »). Or, la demande était contestée par les parents du défunt, William et Edith Goodtrack (les « parents »), qui étaient les bénéficiaires de la succession du défunt. Les parents s’appuyaient sur le fait que le défunt avait signé une nouvelle désignation de bénéficiaire le 29 septembre 2001 (la « désignation de 2001 ») après son divorce d’avec la demanderesse, nouvelle désignation qui révoquait du même coup la désignation de 1997. La banque du défunt détenait l’original de la désignation de 1997, mais uniquement une photocopie de la désignation de 2001.
La demanderesse a fait valoir que la désignation de 2001 était invalide puisqu’elle n’avait jamais été transmise à la banque du défunt, qu’elle ne figurait pas dans les dossiers de la banque et que les actions du défunt après la désignation de 1997 confirmaient qu’il n’avait pas l’intention de modifier la désignation de 1997. Toutefois, la demanderesse n’a pas contesté l’authenticité des signatures sur la désignation de 2001 ni allégué de fraude à l’égard de celle-ci.
La Cour supérieure de justice de l’Ontario (la « Cour ») a déterminé que la demanderesse n’avait pas accordé suffisamment d’importance à la désignation de 2001 et à l’incidence de celle-ci en vertu de la Loi portant réforme du droit des successions (la « LPRDS »). La désignation de 2001 constituait un « acte » visé par l’alinéa 51(1)a) de la LPRDS que le défunt avait signé. La demanderesse n’avait pas par ailleurs contesté l’authenticité de la désignation de 2001. La LPRDS n’exige pas que la désignation de bénéficiaire soit « enregistrée » ni même qu’elle soit transmise à l’institution bancaire. En outre, dans l’affaire RBC Life Insurance Company v. Monaco et al., 2010 ONSC 75, la Cour avait accepté la validité d’une photocopie d’une désignation modifiée comportant des numéros de police erronés.
La Cour a conclu que la désignation de 2001 révoquait la désignation de 1997 et a ordonné que le produit du CRI soit versé aux parents en tant que bénéficiaires désignés.
Ray-Ellis v Goodtrack et al, 2021 ONSC 3102 (en anglais seulement)
Mak (Estate) v Mak, 2021 ONSC 4415
La famille Mak était formée de deux parents, Yiu-Loi Mak (le « père ») et Tai-Kiu Mak (la « mère »), et de leurs quatre fils, Raymond, Eddie, Steve (les « plaignants ») et Kenny (le « défendeur »). Après le décès du père en 2002, le défendeur a vécu avec la mère dans la résidence familiale. La mère est devenue dépendante du défendeur pour se rendre à ses rendez-vous et s’occuper de ses opérations bancaires. En juillet 2007, la mère a désigné le défendeur à titre de bénéficiaire de son FERR. Le testament de la mère prévoyait un partage égal de la succession entre les quatre frères. En mars 2012, la mère a reçu un diagnostic de démence et elle est décédée en novembre 2015. Les plaignants ont contesté une série de mesures au bénéfice du défendeur prises du vivant de la mère, dont la désignation de bénéficiaire du FERR de celle-ci. Selon les plaignants, la désignation du défendeur à titre de bénéficiaire désigné créait une fiducie résultoire.
Les plaignants se sont fondés sur la décision rendue dans l’affaire Calmusky v Calmusky, 2020 ONSC 1506 (la « décision Calmusky ») pour faire valoir que la présomption de fiducie résultoire s’applique à une désignation de bénéficiaire. La décision Calmusky s’appuyait sur une remarque incidente tirée de l’affaire McConomy-Wood v McConomy, [2009] OJ No 741, dans laquelle la Cour supérieure de justice de l’Ontario (la « Cour ») a statué qu’il ne faisait aucun doute que la désignation de bénéficiaire aux termes d’un FRR (fonds de revenu de retraite) était faite en vue de la détention en fiducie du produit du FRR au profit des bénéficiaires d’une succession.
La Cour a rejeté les arguments des plaignants voulant que la doctrine de la fiducie résultoire s’applique aux désignations de bénéficiaire. La Cour a cité le jugement rendu dans l’affaire Pecore c. Pecore, 2007 CSC 17, arrêt déterminant sur la question des fiducies résultoires, qui établit que la présomption de fiducie résultoire s’applique aux dons entre vifs. La Cour a précisé que la désignation de bénéficiaire n’est pas un don entre vifs. Elle a également souligné un commentaire décisif dans la décision Calmusky, soit qu’il n’est habituellement pas nécessaire de déterminer la véritable intention à l’origine d’une désignation de bénéficiaire. La Cour a statué que la présomption de fiducie résultoire ne s’applique donc pas à une désignation de bénéficiaire relative à un FERR et que, comme dans le cas de la présomption d’abus d’influence, c’est la partie qui conteste la désignation de bénéficiaire qui a le fardeau de démontrer que l’intention du défunt (ou de la défunte, en l’espèce) était que la désignation soit au bénéfice de la succession.
Mak (Estate) v Mak, 2021 ONSC 4415 (en anglais seulement)
ADMINISTRATION D’UN RÉGIME DE RETRAITE
Brousseau v La Cité Collégiale et al, 2021 ONSC 2676
Serge Brousseau (le « demandeur ») était vice-président aux ressources humaines à La Cité Collégiale (la « défenderesse »). Tous les employés de la défenderesse étaient tenus de cotiser aux régimes de retraite de celle-ci. Le premier de ces régimes est le régime de retraite de base pour la majorité des employés de la défenderesse, tandis que le deuxième est un régime supplémentaire de retraite pour les employés de la haute direction qui touchent un salaire élevé. Le régime supplémentaire de retraite renfermait des modalités plus avantageuses que le régime de retraite de base. Le demandeur alléguait que la défenderesse avait manqué à une entente verbale conclue en 2004 selon laquelle elle aurait convenu de payer tous les coûts associés au transfert de ses régimes de retraite auprès de précédents employeurs au régime de retraite de base et au régime supplémentaire de retraite. Le demandeur alléguait également que la défenderesse avait convenu que si le transfert des régimes de retraite auprès d’employeurs précédents au régime supplémentaire de retraite n’était pas possible, celle-ci établirait un fond qui lui assurerait de recevoir une somme correspondant à la pension de retraite qu’il aurait touchée si le transfert avait été possible. La défenderesse a admis qu’elle avait accepté de payer les coûts associés au transfert des années de service ouvrant droit à pension que le demandeur avait accumulées auprès d’employeurs précédents au régime de retraite de base, mais pas au régime supplémentaire de retraite. Enfin, le demandeur alléguait qu’une employée de la défenderesse lui avait fait des déclarations inexactes par négligence quant au montant de son revenu de pension mensuel, qu’il s’était fié à ces déclarations pour prendre une retraite anticipée et avait subi des pertes financières en conséquence.
La Cour supérieure de justice de l’Ontario (la « Cour ») a déterminé que le demandeur n’avait pas établi, selon la balance des probabilités, que la défenderesse avait accepté de payer les coûts associés au transfert de ses années de service ouvrant droit à pension auprès d’employeurs précédents au régime supplémentaire de retraite, ni que cette dernière avait convenu d’établir un fond qui lui assurerait de recevoir une somme correspondant à la pension de retraite qu’il aurait touchée si le transfert avait été possible. Selon la preuve présentée, le régime supplémentaire de retraite interdisait le transfert d’années de service accumulées auprès d’employeurs précédents, et le demandeur était au courant de cette restriction. Par conséquent, le demandeur ne pouvait raisonnablement s’attendre à ce que ses prestations de pension acquises auprès d’employeurs précédents soient transférées au régime supplémentaire de retraite. La Cour a également conclu qu’il était hautement improbable que la défenderesse convienne verbalement de la création d’un fonds d'un montant non spécifié en vue de compléter son revenu de retraite sans déterminer au préalable les coûts réels que cela représenterait. Enfin, la Cour a statué que la défenderesse s’était entièrement acquittée de son obligation relative au transfert des prestations de retraite du demandeur auprès des employeurs précédents de celui-ci au régime de retraite de base lorsqu’elle a versé au demandeur une somme de 170 000 $ CA en 2010.
La Cour a également déterminé que le demandeur n’avait pas réussi à prouver que la défenderesse lui avait fait des déclarations inexactes par négligence quant au montant du revenu de pension qu’il recevrait quand il prendrait sa retraite. Celui-ci n’a pas non plus réussi à prouver qu’il s’était fié, de façon raisonnable, aux déclarations inexactes par négligence d’une employée de la défenderesse Le demandeur en savait plus au sujet du régime supplémentaire de retraite que l’employée de la défenderesse et, en outre, il avait prévu de prendre sa retraite avant même que l’employée lui fournisse une estimation inexacte.
Brousseau c. La Cité Collégiale et al, 2021 ONSC 2676
Ontario Public Service Employees Union (Gallina) v Ontario (Children, Community and Social Services), 2021 CanLII 58426 (ON GSB)
Louie Gallina (le « plaignant ») a déposé un grief auprès de la Commission de règlement des griefs de l’Ontario (la « Commission ») le 19 septembre 2015 en se fondant sur l’article 22.16 d’une convention collective. L’employeur du plaignant (l’« employeur ») avait retenu des fonds représentant 18 mois en 1993 et 1994 au titre de cotisations au régime de retraite. Toutefois, les sommes retenues n’ont jamais été remises ni créditées au compte du plaignant. L’article 22.1 de la convention collective stipule que les griefs doivent être tranchés le plus rapidement possible, tandis que l’article 22.2 prévoit que le plaignant dispose de 30 jours une fois que les circonstances donnant naissance à la plainte se sont produites ou auraient raisonnablement dû être portées à son attention. Le plaignant a soutenu que puisqu’il était au courant que l’employeur avait retenu le montant de ses cotisations de retraite, il était raisonnable de sa part de présumer que l’employeur avait remis les sommes ainsi retenues en temps voulu. L’employeur a fait valoir de son côté que l’administrateur du régime de retraite émettait des relevés annuels à tous les membres et que le plaignant aurait dû constater bien avant 2015 qu’aucune cotisation de retraite n’avait été versée dans son compte pendant 18 mois en 1993 et 1994.
La Commission s’est rangée du côté du plaignant et a statué que le grief avait été déposé dans les délais établis à l’article 22.2 de la convention collective. Jusqu’en 2015, le plaignant ignorait qu’il avait des motifs de déposer un grief. Les relevés annuels qu’il avait reçus ne précisaient pas les périodes pour lesquelles aucune cotisation de retraite n’avait été reçue. Le problème n’aurait pu être découvert qu’au moyen d’une analyse détaillée des renseignements figurant dans les relevés. Le plaignant n’a appris qu’en 2015 que la période sans cotisation de retraite résultait du défaut de l’employeur de remettre les fonds que celui-ci avait retenus et il a déposé son grief dans les 30 jours suivants. La Commission a également statué que l’employeur a l’obligation de s’assurer que les sommes exactes sont remises et créditées, car autrement, le fardeau imposé au plaignant serait injuste.
Ontario Public Service Employees Union (Gallina) v Ontario (Children, Community and Social Services), 2021 CanLII 58426 (ON GSB) (en anglais seulement)
Lauzier v. Ontario (CEO of FSRA), 2021 ONFST 17
Dans un avis d’intention daté du 3 septembre 2020, le directeur général de l’Autorité ontarienne de réglementation des services financiers (l’« intimé ») avait informé M. Lauzier (le « demandeur ») de son refus de rendre une ordonnance à l’égard du régime de retraite d’Accor Hotels (le « régime »). L’intimé était d’avis que les allégations du demandeur selon lesquelles les prestations de retraite de celui-ci avaient été incorrectement calculées étaient sans fondement et que les conditions relatives au prononcé d’une ordonnance en vertu de l’article 87 de la LRR (Ontario) n’étaient pas satisfaites. Le 6 juillet 2021, le demandeur a remis à l’intimé et à l’administrateur du régime (l’« administrateur ») quatre séries de questions posées par écrit. L’intimé et l’administrateur ont répondu aux quatre séries de questions, et, le 1er septembre 2021, le demandeur a déposé un avis de motion aux termes de la règle 19.03 des Règles de pratique et de procédure pour les instances devant le Tribunal des services financiers dans lequel il demandait que soit ordonné à l’intimé et à l’administrateur de fournir des réponses complètes et adéquates aux diverses séries de questions posées par écrit.
Le Tribunal des services financiers (le « Tribunal ») a accueilli en partie la motion du demandeur. Il a été ordonné à l’administrateur de fournir au demandeur et à l’intimé une explication du calcul des prestations du demandeur aux termes du régime de façon suffisamment détaillée pour permettre au demandeur de comprendre le mode de calcul utilisé. Bien que le Tribunal ait reconnu le bien-fondé de la demande du demandeur visant à obtenir des détails sur le calcul de son droit à pension, le Tribunal a déterminé que les autres séries de questions posées par écrit, qui portaient sur l’analyse du régime par l’administrateur en fonction de différentes hypothèses et de différents arguments juridiques, ne constituaient pas le sujet approprié d’une série de questions posées par écrit.
Lauzier v. Ontario (CEO of FSRA), 2021 ONFST 18 (en anglais seulement)
International Association of Machinists and Aerospace Workers; International Association of Machinists and Aerospace Workers Local Lodge 1542 v. Arnprior Aerospace Inc., 2021 CanLII 115298 (ON LRB)
L’Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale (la « demanderesse ») a déposé une demande d’ordonnance provisoire en vertu de l’article 98 de la Loi sur les relations de travail (la « Loi ») en vue d’empêcher Arnprior Aerospace Inc. (l’« intimé ») de modifier unilatéralement son régime de retraite à prestations déterminées (le « régime PD ») pour en faire un régime à cotisations déterminées (un « régime CD ») avant l’issue d’une plainte pour pratique déloyale en vertu de l’article 96. Dans cette plainte, le demandeur soutenait que l’intimé avait enfreint la Loi en nuisant à sa capacité de représenter les membres et en négociant directement avec les employés de l’unité de négociation.
La Commission des relations de travail de l’Ontario (la « Commission ») a accueilli la demande. Elle a déterminé que la position du demandeur dans la plainte déposée par celui-ci en vertu de l’article 96 se défendait quant à l’interprétation de la convention collective et à l’historique des négociations entre les parties. De plus, la Commission a souligné que pourrait être invoqué le fait que l’intimé a refusé de négocier une question d’importance cruciale, ce qui constitue un rejet du statut juridique du syndicat et, par le fait même, une ingérence dans la représentation des employés. Même si la Commission se doutait bien que la stratégie de l’intimé était dictée par la prudence dans les circonstances, elle a conclu que le fait d’accorder le recours provisoire permettrait de protéger le statut du demandeur en tant qu’agent négociateur exclusif sans nuire réellement à l’intimé si celui-ci devait retarder la mise en œuvre du régime CD. Ainsi, il a été ordonné à l’intimé de cesser sur-le-champ de prendre des mesures en vue de la modification du régime PD en attendant la décision de la Commission à l’égard de la plainte pour pratique déloyale.
International Association of Machinists and Aerospace Workers; International Association of Machinists and Aerospace Workers Local Lodge 1542 v. Arnprior Aerospace Inc., 2021 CanLII 115298 (ON LRB) (en anglais seulement)
Monteiro v. Ontario (CEO of FSRA), 2021 ONFST 20
De septembre 1980 à juin 1989 (les « années de service alléguées »), M. Monteiro (le « demandeur ») était à l’emploi, à titre d’enseignant à temps partiel, du Conseil scolaire de Toronto, lequel fait partie du Conseil scolaire de la Communauté urbaine de Toronto qui, à son tour, à la suite de plusieurs regroupements, est devenu le Toronto District School Board (le « TDSB ») en 1999. Avant la période des années de service alléguées, le demandeur avait brièvement été un participant au Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario (le « régime ») et avait accumulé 16,5 jours de service ouvrant droit à pension. Après avoir changé d’employeur, cependant, cette brève participation au régime est devenue inactive et le dossier du participant n’a pas été mis à jour pour refléter sa nouvelle adresse. Par conséquent, le Conseil du régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario (l’« administrateur ») a traité le demandeur comme un participant inactif jusqu’en septembre 2003, lorsque celui-ci a obtenu un brevet d’enseignement de l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario et est redevenu un participant actif du régime.
Dans le cadre de son témoignage, le demandeur a indiqué que, de 1980 à 2003, il croyait être un participant au régime ou, encore, qu’il était confus au sujet de sa participation. Toutefois, avant 2006, le demandeur n’a jamais cherché à obtenir des éclaircissements auprès de l’administrateur ou de ses employeurs à cet égard. De plus, outre la brève période de 16,5 jours en 1978, avant 2003, le demandeur n’a jamais effectué les cotisations de l’employé requises au régime, et aucune cotisation de l’employeur n’a été soumise au régime pour le compte du demandeur par les employeurs du demandeur. L’administrateur a donc tenu pour acquis que le demandeur n’était pas un participant actif au régime pour ce qui est de la période des années de service alléguées, ou alors qu’il n’était tout simplement pas admissible à une telle participation.
En réponse à un avis d’intention daté du 29 mars 2021, dans lequel le directeur général de l’Autorité ontarienne de réglementation des services financiers (l’« intimé ») informait le demandeur qu’il refusait de rendre une ordonnance en vertu de l’article 87 de la LRR (Ontario) à l’égard du régime, le demandeur a déposé une demande d’audience devant le Tribunal des services financiers de l’Ontario (le « Tribunal »). Le demandeur a ainsi demandé au Tribunal de rendre une ordonnance précisant que l’administrateur avait contrevenu aux dispositions du régime et/ou de la LRR (Ontario) en refusant de reconnaître que son emploi pendant la période des années de service alléguées le rendait admissible à une participation au régime et au service ouvrant droit à pension ainsi qu’en omettant de communiquer avec lui de 1980 à 2003.
Le Tribunal a rejeté la demande et ordonné à l’intimé de donner suite à l’avis d’intention. Après un examen des dispositions applicables au régime dans la Teachers’ Superannuation Act, le Tribunal a déterminé que l’administrateur devait et pouvait créditer des années de service uniquement en cas d’admissibilité, c’est-à-dire lorsqu’une « preuve de qualifications pédagogiques » a été dûment déposée auprès de l’administrateur. Pendant la période des années de service alléguées, le régime précisait clairement que pour être considérée comme un « enseignant qualifié », une personne devait détenir un brevet d’enseignement ou une attestation de compétences du ministre de l’Éducation, ou être une personne à l’égard de qui le ministre avait remis un permis d’enseignement à un conseil scolaire. Étant donné que le demandeur n’a pas obtenu son brevet d’enseignement avant 2003 et que la preuve ne permettait pas de croire que des permis d’enseignement lui avaient été accordés à l’égard des années de service alléguées, le Tribunal a conclu que le demandeur n’a pas démontré, selon la balance des probabilités, qu’il détenait des droits aux termes du régime.
Le Tribunal a également statué que l’omission de l’administrateur de communiquer avec le demandeur, lequel était alors considéré comme un membre inactif comptant 16,5 jours au titre des années de service entre 1980 et 2003, n’était pas déraisonnable étant donné que le régime comptait plus de 60 000 membres. Le Tribunal a indiqué que le demandeur savait (ou aurait dû savoir), du fait de son emploi, de ses interactions avec d’autres enseignants et de sa brève expérience en tant que participant au régime en 1978, qu’une participation au régime s’accompagnait obligatoirement de la retenue de cotisations sur le salaire des employés, et que de telles déductions n’avaient pas été pratiquées sur son salaire entre 1980 et 2003. Le Tribunal a donc conclu que puisque le demandeur ne s’était pas informé de façon proactive au sujet de sa participation au régime de retraite auprès de ses employeurs et de l’administrateur, le demandeur était en grande partie responsable de sa situation. Le Tribunal a également statué qu’il n’existait aucun motif raisonnable ou probable de croire que l’administrateur avait enfreint le régime ou la LRR (Ontario) en ne communiquant pas avec le demandeur au cours des 23 années en cause.
Monteiro v. Ontario (CEO of FSRA), 2021 ONFST 20 (en anglais seulement)
FAILLITE
Anthony Capital Corporation (Re), 2021 NLSC 91
Les fiduciaires d’un régime de retraite à l’intention des cadres à l’emploi d’Anthony Capital Corporation (les « demandeurs ») ont demandé qu’une ordonnance soit rendue afin d’obliger la banque à débloquer des fonds détenus en fiducie par les avocats de cette dernière. Ces fonds provenaient de la vente de prêts hypothécaires par la banque relativement à deux biens appartenant auparavant à Anthony Capital Corporation (« ACC »). Le 14 janvier 2019, ACC a fait faillite aux termes de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (la « LFI »). À la date de la faillite, ACC devait une somme d’environ 571 900 $ CA au régime de retraite.
Les demandeurs ont fait valoir que les fonds destinés au régime de retraite étaient protégés par une fiducie de common law et que, par conséquent, ceux-ci ne faisaient pas partie des biens d’ACC en vertu de l’alinéa 67(1)a) de la LFI. Cette affirmation n’a pas convaincu le juge, les demandeurs n’ayant pas établi la certitude quant à la matière du fait que les sommes qui constituaient la matière de la fiducie ne pouvaient être rattachées aux biens hypothéqués.
Par ailleurs, les demandeurs ont soutenu que les sommes dues au régime de retraite au titre des coûts normaux et des paiements spéciaux avaient un rang de priorité supérieure aux termes de l’article 81.5 de la LFI. Cette affirmation a été partiellement acceptée par la Cour suprême de Terre-Neuve-et-Labrador, qui a statué que le rang de priorité supérieure accordé à l’article 85.1 de la LFI ne vise que les coûts normaux, et non les paiements spéciaux.
Enfin, les demandeurs ont fait valoir que toute somme due au régime de retraite qui n’était pas visée par l’article 85.1 de la LFI constituait une créance valide et garantie contre les actifs d’ACC en vertu de la Pension Benefits Act (Terre-Neuve-et-Labrador) (la « PBA »). Cette affirmation n’a pas été acceptée au motif que l’administrateur du régime de retraite n’était pas un créancier garanti pour l’application de la LFI. La garantie accordée par le paragraphe 32(4) de la PBA ne survit pas en cas de faillite.
Anthony Capital Corporation (Re), 2021 NLSC 91 (en anglais seulement)
ORDONNANCES DE PRÉSERVATION
Pasquill v. British Columbia (Securities Commission), 2021 BCCA 424
Le 16 mars 2015, la Commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique (la « Commission ») rendait une décision contre M. Pasquill (l’« appelant ») interdisant à celui-ci de participer à des opérations sur les marchés des capitaux et lui ordonnant de payer à la Commission une somme totalisant 36,7 M$ CA. Dans le cadre d’une série de modifications ultérieurement apportées à la Securities Act (la « Loi ») en mars 2020, la Court Order Enforcement Act (la « COEA ») a été modifiée de manière à préciser qu’une exemption de l’application d’un bref d’exécution visant des biens dans un régime enregistré ne s’applique plus aux brefs d’exécution découlant d’une ordonnance prononcée en vertu de la Loi. Par conséquent, le 27 mars 2020, la Commission a prononcé une ordonnance de préservation à l’égard du fonds de revenu viager (le « FRV ») de l’appelant, lequel était entièrement constitué de prestations de retraite. L’appelant a porté l’ordonnance de préservation en appel en se fondant sur les dispositions de la Pension Benefits Standards Act et du Pension Benefits Standards Regulation (collectivement, la législation sur les normes applicables aux prestations de retraite de la Colombie-Britannique, ou la « LNPR de la C.-B. »), qui exemptait les prestations de fonds de retraite des procédures d’exécution, de saisie ou de saisie-arrêt. Le 7 novembre 2020, la Commission a rejeté le recours de l’appelant cherchant à faire révoquer l’ordonnance de préservation. L’appelant a ultérieurement porté cette décision en appel devant la Cour d’appel de la Colombie-Britannique (la « Cour »).
La Cour a autorisé l’appel et annulé l’ordonnance de préservation au motif que la Commission n’avait pas la compétence requise pour rendre une telle ordonnance. La Cour a déterminé que les fonds dans le FRV de l’appelant avaient été gelés aux fins de la procédure d’exécution et que l’ordonnance de préservation faisait partie d’un bref d’exécution. De plus, en interprétant la législation conformément aux principes interprétatifs modernes, la Cour a conclu que la LNPR de la C.-B. avait préséance sur la version modifiée de la COEA. Étant donné que la LNPR de la C.-B. n’avait pas été modifiée dans le même sens en 2020 afin de refléter les modifications apportées à la Loi, la Cour a statué que la législation doit être interprétée comme signifiant que la Commission n’avait pas le pouvoir de faire exécuter des jugements contre des régimes découlant de fonds de retraite.
Pasquill v. British Columbia (Securities Commission), 2021 BCCA 424 (en anglais seulement)
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