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Projet de loi 109 : Le Québec cherche à réglementer la découvrabilité du contenu francophone sur les plateformes numériques

4 juin 2025

Le 21 mai 2025, le gouvernement du Québec a déposé à l’Assemblée nationale le projet de loi 109 intitulé Loi affirmant la souveraineté culturelle du Québec et édictant la Loi sur la découvrabilité des contenus culturels francophones dans l’environnement numérique (le « Projet de loi »).

Le Projet de loi découle d’une consultation publique lancée par le ministre de la Culture et des Communications du Québec (le « ministre ») portant sur la découvrabilité des contenus francophones. Si ce Projet de loi est adopté, il édicterait la Loi sur la découvrabilité des contenus culturels francophones dans l’environnement numérique (la « Loi »), laquelle vise à favoriser la découvrabilité des contenus audios et audiovisuels d’expression originale de langue française en ligne, ainsi que l’accès à de tels contenus en ligne.

Survol des principales obligations

Dans sa forme actuelle, la Loi s’appliquerait généralement aux plateformes numériques offrant des services en ligne de visionnement de contenu audiovisuel ou d’écoute de contenu audio (ci-après, les « plateformes numériques »), ainsi qu’aux fabricants de téléviseurs intelligents et d’appareils connectés (ci-après, les « fabricants »). Voici cinq éléments clés du Projet de loi qui auraient d’importantes répercussions auprès de telles plateformes et de tels fabricants exerçant des activités au Québec :

  1. Enregistrement : Toute plateforme numérique répondant à certains critères (lesquels seraient déterminés par règlement) serait tenue de s’enregistrer auprès du ministre. De plus, le ministre disposerait de vastes pouvoirs qui l’habiliteraient à « exiger tout document ou tout renseignement permettant de déterminer si une plateforme numérique doit s’enregistrer ». Le ministre pourrait également procéder à l’enregistrement d’une plateforme numérique, sous réserve d’un préavis de 30 jours.
  2. Langue par défaut : Les plateformes numériques et les fabricants seraient tenus de faire en sorte que, par défaut, l’interface de la plateforme numérique, du téléviseur ou de l’appareil connecté soit en français, selon les conditions déterminées par règlement du gouvernement du Québec.
  3. Quotas relatifs aux contenus francophones : La Loi conférerait au gouvernement du Québec le pouvoir de prendre des règlements précisant la quantité ou la proportion de contenu culturel d’expression originale de langue française et de contenu disponible dans une version française qui doit être offerte par les plateformes numériques. Elle lui conférerait également le pouvoir d’établir les critères permettant de déterminer ce qui constitue du contenu culturel d’expression originale de langue française. 
  4. Obligations en matière de découvrabilité : Le gouvernement du Québec disposerait de vastes pouvoirs relativement à la prise de règlements en matière de découvrabilité de contenus francophones, notamment en ce qui a trait à la recommandation, à la mise en valeur et à l’affichage de ces contenus. De plus, les plateformes numériques et les fabricants seraient tenus de s’assurer de l’accessibilité de certaines plateformes qui respectent les critères de présence et de découvrabilité de contenu culturel d’expression originale de langue française établis par le gouvernement du Québec. 
  5. Application : Le ministre disposerait de vastes pouvoirs d’application de la Loi, y compris le pouvoir de mener des inspections et des enquêtes, de rendre des ordonnances et d’imposer des sanctions administratives pécuniaires. En particulier, le ministre serait également habilité à conclure une entente avec une plateforme numérique afin de prévoir des « mesures de substitution » aux obligations prévues à la Loi, lesquelles mesures permettraient « d’atteindre les objectifs de la [Loi] de manière au moins équivalente. » Bien que les critères relatifs aux mesures de substitution doivent être établis par règlement, le ministre a indiqué que des investissements dans des productions québécoises pourraient constituer une mesure de substitution, parmi d’autres options.

Autres considérations

Le Projet de loi se fonde sur la préservation et la promotion de la langue française et de la culture québécoise. En plus d’édicter la Loi, le Projet de loi modifierait la Charte des droits et libertés de la personne du Québec (la « Charte ») en vue d’y inscrire un nouveau droit, soit le droit « à la découvrabilité des contenus culturels d’expression originale de langue française et à l’accès à de tels contenus ». Les personnes dont les droits prévus par la Charte sont atteints peuvent obtenir non seulement la cessation de l’atteinte, mais aussi des dommages-intérêts, y compris des dommages-intérêts punitifs dans certains cas.

Habituellement, la radiodiffusion au Canada est régie par la loi fédérale intitulée Loi sur la radiodiffusion, laquelle a été modifiée en 2023 par la Loi sur la diffusion continue en ligne (anciennement connue sous le nom de « projet de loi C-11 ») afin de réglementer plus particulièrement les services de diffusion continue en ligne. Pour en savoir davantage à ce sujet, consultez notre Bulletin Blakes intitulé Le Parlement adopte le projet de loi C-11 visant à modifier la Loi sur la radiodiffusion (Canada). Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (« CRTC »), soit l’organisme chargé de réglementer et de superviser la radiodiffusion au Canada, veille à la mise en œuvre de la Loi sur la diffusion continue en ligne par la tenue d’une série de consultations et d’audiences publiques, y compris des audiences publiques portant sur la promotion et la découvrabilité des contenus canadiens. 

Bien que le gouvernement du Québec ait adopté la position selon laquelle il a la compétence de réglementer la culture et le contenu de langue française dans la province, il n’existe aucun précédent judiciaire clair confirmant que cette compétence s’applique également aux plateformes numériques, ce qui soulève des questions quant à la constitutionnalité du Projet de loi. Si ce dernier était adopté, les obligations qui en découleraient ne s’appliqueraient qu’au Québec. Cependant, les sociétés de diffusion de contenu en ligne exerçant leurs activités à l’échelle du Canada devront tenir compte des exigences de conformité prévues au régime fédéral ainsi qu’au régime provincial.

Prochaines étapes

Le Projet de loi n’en est qu’aux premières étapes de son cheminement et doit faire l’objet de consultations en commission et de lectures supplémentaires avant d’être adopté. La session actuelle de l’Assemblée nationale prend fin le vendredi 6 juin 2025 et les travaux parlementaires reprendront seulement à la mi-septembre, ce qui pourrait retarder l’évolution du Projet de loi. Cependant, le ministre a indiqué dans les médias que le Projet de loi avait jusqu’à présent reçu un appui unanime. Comme il s’agit d’un gouvernement majoritaire à l’Assemblée nationale, l’adoption du Projet de loi ne devrait pas faire face à une opposition considérable. Le gouvernement du Québec a indiqué qu’une fois le Projet de loi adopté, il envisage de prendre des règlements qui clarifieraient bon nombre d’éléments importants relativement à la portée de la Loi, ainsi qu’aux obligations prévues à cette dernière. 

Pour en savoir davantage, communiquez avec les auteurs ou un autre membre de nos groupes Technologie ou Communications.

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