Dans une décision récente, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique (la « CACB ») a apporté une importante clarification au sujet du délai dans lequel un appel peut être interjeté à l’égard d’une sentence arbitrale en vertu de la loi de la Colombie-Britannique intitulée Arbitration Act, SBC 2020, c 2 (la « Loi »). La CACB a déterminé que le délai prévu aux règles intitulées Court of Appeal Rules, BC Reg 120/2022 (les « Règles de la CACB »), selon lesquelles un appel incident doit être interjeté dans les 15 jours suivant la signification de l’avis d’appel, ne s’applique pas aux appels en vertu de la Loi. Par conséquent, l’appel et l’appel incident d’une sentence arbitrale doivent être interjetés dans les 30 jours suivant la délivrance de cette dernière.
Faits et décision
L’affaire Sinclair v. T.D.M.C. Holdings Ltd. (l’« affaire Sinclair ») concernait une sentence arbitrale rendue le 28 mai 2025. Les appelants ont déposé un avis d’appel et une demande d’autorisation d’appel relativement à cette sentence arbitrale le 27 juin 2025, soit peu avant l’expiration du délai de 30 jours prévu à ces fins en vertu de l’article 60 de la Loi.
Les intimés n’ont pas interjeté appel de la sentence arbitrale dans le délai de 30 jours prescrit, mais ils ont déposé un avis d’appel incident le 14 juillet 2025, soit à l’intérieur du délai de 15 jours prescrit par la règle 9 des Règles de la CACB. Ils ont ensuite déposé une demande d’autorisation d’appel le 13 août 2025.
Les appelants ont demandé à la CACB d’infirmer la demande d’autorisation d’appel des intimés, en soutenant que la CACB n’avait pas la compétence d’entendre un appel interjeté au-delà du délai prescrit de 30 jours. Quant à eux, les intimés ont fait valoir que le délai de 15 jours prévu aux Règles de la CACB s’appliquait également aux appels incidents, étant donné que la Loi ne les mentionne pas. Le juge siégeant en cabinet de la CACB a statué en faveur des intimés et a rejeté la demande présentée par les appelants en vue de faire infirmer la demande d’autorisation d’appel des intimés. Les appelants ont ensuite déposé une demande auprès d’une division de la CACB afin de faire modifier la décision rendue par le juge siégeant en cabinet.
La CACB s’est opposée à la décision rendue par le juge siégeant en cabinet et a infirmé la demande d’autorisation d’appel incident. Elle a confirmé que l’article 59 de la Loi constituait la seule source de sa compétence pour entendre une demande d’autorisation d’appel visant une sentence arbitrale et que, par conséquent, tout appel interjeté en vertu de cet article était assujetti au délai de 30 jours prévu à l’article 60 de cette loi.
De l’avis de la CACB, la seule interprétation défendable du terme « appel » figurant aux articles 59 et 60 de la Loi ne ferait aucune distinction entre un appel et un appel incident. La CACB a donc statué qu’elle n’avait pas la compétence d’allonger le délai de 30 jours prévu à la Loi.
Dans sa décision, la CACB a souligné que le fait d’éliminer le délai prolongé applicable au dépôt d’un avis d’appel incident pourrait donner lieu à un incitatif aux effets pervers : pour préserver leurs droits d’appel relativement à une sentence arbitrale, les parties auraient à interjeter appel même si elles n’envisageaient pas de le faire. Néanmoins, la CACB a conclu que ces considérations ne pouvaient l’emporter sur le libellé de la Loi et qu’elles ne pouvaient être traitées que par voie de modification législative.
Principaux points à retenir
La décision rendue dans l’affaire Sinclair confirme que le délai de 30 jours prévu à la Loi pour interjeter appel des sentences arbitrales s’applique également aux appels incidents, malgré ce qui est indiqué aux Règles de la CACB. La CACB n’a pas la compétence d’allonger le délai prescrit pour les appels, y compris les appels incidents. Les parties visées par une sentence arbitrale en Colombie-Britannique doivent garder à l’esprit qu’elles sont tenues d’interjeter appel dans un délai de 30 jours suivant la date à laquelle la sentence arbitrale est rendue afin de préserver leurs droits d’appel, dans l’éventualité où l’autre partie souhaiterait également interjeter appel de la décision.
Sur le plan procédural, la CACB a refusé de se prononcer sur la question de savoir s’il suffit simplement de déposer un avis d’appel (autorisation requise) dans les 30 jours de la délivrance d’une sentence arbitrale, ou s’il faut aussi déposer une demande d’autorisation d’appel à l’intérieur de ce même délai. Jusqu’à ce que ce point soit clarifié par la CACB, les parties visées par une sentence arbitrale auraient avantage à protéger leurs intérêts en déposant leur demande d’autorisation d’appel avant l’expiration du délai de 30 jours.
À la lumière de la décision rendue dans l’affaire Sinclair, il serait prudent également pour les parties à des arbitrages nationaux dans d’autres provinces canadiennes de prendre connaissance des délais applicables en matière d’appels.
Par exemple, le paragraphe 46(1) de l’Arbitration Act, RSA 2000, c A-43 de l’Alberta et le paragraphe 47(1) de la Loi de 1991 sur l’arbitrage, LO 1991, c 17 de l’Ontario prévoient que l’appel d’une sentence arbitrale doit être interjeté dans les 30 jours suivant la date à laquelle la sentence a été rendue. Comme c’est le cas pour la Loi, ni l’une ni l’autre de ces lois ne mentionne expressément les appels incidents. Compte tenu de la vaste interprétation qu’a faite la CACB du terme « appel » dans l’affaire Sinclair, les parties à un arbitrage en Alberta ou en Ontario devraient songer également à interjeter appel de la sentence arbitrale dans le délai de 30 jours afin de préserver leur droit d’interjeter appel ou d’interjeter un appel incident.
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