Sauter la navigation

Été 2019 : le point sur les réformes en matière de lobbying, de financement électoral et de conflits d’intérêts

Par Alexis Levine et Ayah Al-Sharari (étudiante en droit)
24 juillet 2019

D’importantes modifications réglementaires et législatives ont été apportées récemment aux régimes de lobbying et de conflits d’intérêts au fédéral, ainsi qu’en Colombie-Britannique et au Québec.

ENREGISTREMENT AU REGISTRE DES LOBBYISTES FÉDÉRAL

Une décision rendue récemment aurait possiblement pour effet d’élargir le champ d’application de l’enregistrement en vertu de la Loi sur le lobbying (Canada) (la « Loi »). L’ancienne commissaire au lobbying, Karen Shepherd, avait décidé de ne pas enquêter sur l’allégation selon laquelle le prince Shah Karim Al Hussaini, connu sous le nom d’Aga Khan, aurait enfreint le Code de déontologie des lobbyistes (le « Code ») en accueillant chez lui le premier ministre du Canada, Justin Trudeau. La décision de l’ancienne commissaire s’appuyait sur le fait que l’Aga Khan n’avait pas été rémunéré et qu’il n’était donc pas assujetti à la Loi. Cette décision a été contestée devant la Cour fédérale, qui a déterminé que la définition du terme « paiement » peut englober des avantages provenant d’un poste bénévole.

Dans ses motifs, le juge de la Cour fédérale a fait valoir que la Loi s’applique à toute personne qui se livre à des activités de lobbying moyennant paiement. Il a également statué que la définition de « paiement » prévue à la Loi est de portée plus vaste que celle de « rémunération » en échange d’un service et peut englober d’autres avantages. Cette interprétation pourrait donner lieu à une grande incertitude à l’égard des porte-parole non payés.

La décision de la Cour fédérale a été portée en appel. Nous vous tiendrons au courant dès qu’un jugement sera rendu en l’espèce.

DIRECTIVES FÉDÉRALES SUR L’ATTÉNUATION DES CONFLITS D’INTÉRÊTS

Le 2 avril 2019, le Commissariat au lobbying du Canada (le « Commissariat ») a mis à jour le fondement sur lequel s’appuieront l’interprétation et l’application du Code. Ces nouvelles directives, qui visent les lobbyistes enregistrés au Registre des lobbyistes fédéral, portent sur l’atténuation des conflits d’intérêts découlant des relations entre un lobbyiste et un titulaire d’une charge publique (soit l’accès préférentiel) (règles 7 et 8), les activités politiques (règle 9) et les cadeaux (règle 10).

Les nouvelles directives développent les types de relations qui risquent d’être perçues comme créant un accès préférentiel et qui sont donc interdites en vertu du Code. L’interdiction de faire du lobbying auprès d’un membre de la famille a été élargie au-delà des membres de la famille immédiate pour y inclure les parents, les frères et sœurs, les enfants, les enfants d’un conjoint, les grands-parents, les petits-enfants, les cousins germains, les tantes et oncles, et les nièces et neveux qui peuvent être titulaires d’une charge publique. L’interdiction de faire des activités de lobbying auprès d’un partenaire d’affaires a également été clarifiée de manière à préciser qu’il s’agit d’un titulaire d’une charge publique avec lequel le lobbyiste partage un intérêt de propriété, fiduciaire ou monétaire dans une entreprise.

La « période d’attente » prévue à la règle 9, qui interdit à un lobbyiste de faire des activités de lobbying auprès d’un titulaire d’une charge publique pour lequel il a entrepris des activités politiques, est passée de cinq ans à un « cycle électoral complet », qui est habituellement d’une durée de quatre ans. De plus, certaines activités politiques qui avaient été identifiées auparavant comme étant « à risque » ne figurent plus dans les directives. Par exemple, le fait d’être membre du conseil d’administration d’une association de circonscription (sauf à titre d’agent) et le fait d’occuper un poste rémunéré au sein du personnel d’une campagne électorale (sauf s’il agit d’un poste stratégique ou d’un poste au quartier général) ne sont plus considérés comme étant des activités politiques « à risque ».

Aux termes des nouvelles directives, les cadeaux offerts à titre d’expression normale de courtoisie ou selon les normes habituelles qui accompagnent ordinairement le poste du titulaire d’une charge publique et qui ne créent généralement pas un sentiment d’obligation sont désormais considérés comme appropriés. Les nouvelles directives prévoient également qu’en vertu de la règle 10, il est désormais approprié de fournir un repas ou des rafraîchissements à un titulaire d’une charge publique, pourvu que le coût total de ce repas et de ces rafraîchissements soit de faible valeur. Notons toutefois que ceci ne s’applique pas aux festoiements à l’intention de titulaires d’une charge publique. Il est aussi approprié d’offrir, à titre de remerciement, des cadeaux de faible valeur à un titulaire d’une charge si ce dernier agit à titre de conférencier ou de modérateur, ou dans un rôle cérémoniel. Il est également permis d’offrir en cadeau des articles promotionnels de valeur minimale. Les réceptions au cours desquelles de la nourriture et des rafraîchissements sont offerts feront désormais l’objet d’une évaluation individuelle, qui tiendra compte du caractère raisonnable du coût de la nourriture et des rafraîchissements, et de la possibilité que la nourriture et les rafraîchissements offerts puissent créer chez les titulaires d’une charge publique invités un sentiment d’obligation à l’égard de l’hôte.

COLOMBIE-BRITANNIQUE

Le 11 février 2019, la Ville de Surrey (la « Ville ») a voté pour l’adoption d’une motion demandant au personnel d’envisager des mesures de responsabilisation supplémentaires sous la forme d’un commissaire à l’éthique indépendant et d’un registre des lobbyistes amélioré.

La Ville cherche à renforcer l’utilisation de son registre des lobbyistes en adoptant un règlement qui rend obligatoire l’enregistrement pour certains types d’activités de lobbying (à l’heure actuelle, l’enregistrement est entièrement volontaire). Il est également proposé d’établir un Code de déontologie pour le conseil municipal, qui comporterait des règles régissant les cadeaux, les communications avec les lobbyistes et la divulgation des relations d’affaires, entre autres.

QUÉBEC

Le 13 février 2019, le projet de loi n° 6, Loi transférant au commissaire au lobbyisme la responsabilité du registre des lobbyistes et donnant suite à la recommandation de la Commission Charbonneau concernant le délai de prescription applicable à la prise d’une poursuite pénale (le « projet de loi n° 6 ») a été déposé à l’Assemblée nationale. Ce projet de loi propose diverses modifications à la Loi sur la transparence et l’éthique en matière de lobbyisme (la « Loi sur la transparence »), notamment le transfert de la responsabilité du Registre des lobbyistes au Commissaire au lobbyisme, ainsi que l’augmentation (d’un an à trois ans) du délai de prescription applicable à la prise d’une poursuite pénale. Une exception à cette nouvelle période de prescription est également prévue pour les infractions en vertu de l’article 62 de la Loi sur la transparence, article qui prévoit une amende pour toute personne qui entrave le travail du Commissaire au lobbyisme ou d’une personne que ce dernier autorise dans l’exercice d’un pouvoir. Les modifications relatives au délai de prescription sont en vigueur.

Le projet de loi n° 6 entrera en vigueur le 19 décembre 2021 ou à une date antérieure que le gouvernement peut fixer sur recommandation du commissaire, à l’exception des articles 18, 24 à 26 et 28, qui sont entrés en vigueur le 19 juin 2019.

Les lobbyistes enregistrés au Québec doivent s’assurer que, dans la période de 60 jours suivant le 19 juin 2019, tous les renseignements figurant aux déclarations et aux avis enregistrés dans le registre sont exacts, complets et à jour. Toute modification requise doit être effectuée à l’intérieur de ce même délai de 60 jours. Pour en savoir davantage sur le projet de loi n° 6 et d’autres changements réglementaires apportés au régime de lobbyisme du Québec, consultez notre Bulletin Blakes de juin 2019 intitulé Le Commissaire au lobbyisme appelle à une refonte complète de la Loi sur la transparence et l’éthique en matière de lobbyisme.

Pour en savoir davantage, communiquez avec :

Anne Drost                               514-982-4033
Alexis Levine                            416-863-3089

ou un autre membre de notre groupe Droit public et politique.