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Le Gouvernement du Québec lance une consultation publique pour une réforme de la procédure de l’action collective

3 juin 2021

Le 1er juin 2021, le ministre de la Justice et procureur général du Québec, M. Simon Jolin-Barrette, a annoncé le lancement d’une consultation publique sur les perspectives de réforme de l’action collective au Québec. Cette consultation fait suite à un rapport produit en septembre 2019 par le Laboratoire sur les actions collectives de l’Université de Montréal, dont les travaux ont été financés par le ministère de la Justice (le « Rapport »). Ce Rapport conclut, notamment, que l’étape de l’autorisation préalable de l’action collective doit être révisée et recommande des mesures de gestion de l’instance « actives et proactives » afin de réduire les coûts et les délais applicables en la matière.

PISTES DE RÉFORMES PROPOSÉES

Suivant les constats du Rapport, le document de consultation disponible sur le site Justice Québec propose huit pistes de réforme qui peuvent être regroupées en quatre catégories.

1. Élimination de l’étape de l’autorisation préalable d’une action collective et intégration de celle-ci à l’instance principale

Dans une action collective, un demandeur cherche à représenter un groupe important de personnes sans mandat de leur part. L’action collective est donc soumise à un processus d’approbation préalable pour que le tribunal s’assure (i) que le demandeur soulève une cause d’action défendable, (ii) que les recours des membres du groupe soulèvent une ou des questions identiques, similaires ou connexes, (iii) qu’il n’est pas raisonnablement possible pour le demandeur d’obtenir un mandat des membres et (iv) qu’il peut les représenter adéquatement. Ce processus constitue en outre un mécanisme de filtrage essentiel pour empêcher que les entreprises faisant affaire au Québec soient soumises à des actions collectives abusives ou sans fondement véritable.

Une des pistes de réforme envisagées consiste à éliminer l’étape de l’autorisation préalable d’une action collective pour l’intégrer à l’instance principale. La proposition à ce sujet est moins radicale que celle du Rapport qui envisageait la suppression pure et simple de cette étape. Il n’en demeure pas moins que cette proposition est l’une des plus importantes et préoccupantes pour les entreprises faisant affaire au Québec. Selon ce modèle, l’action collective débuterait par le dépôt d’une demande introductive d’instance sans autorisation préalable. L’instance serait alors suspendue pour permettre à la défenderesse d’y répondre et de dénoncer ses moyens préliminaires d’irrecevabilité. Un jugement statuant à la fois sur l’autorisation de l’action collective et sur les moyens d’irrecevabilité serait rendu, puis les parties procéderaient à l’instance sur le fond.

Autre aspect important de la réforme envisagée : l’analyse du caractère adéquat du représentant ferait l’objet d’un processus inquisitoire. Le juge saisi de la demande serait chargé de rencontrer le représentant proposé hors de la présence de la partie défenderesse pour vérifier s’il est en mesure de représenter adéquatement les membres dont il n’a pas reçu de mandat.

2. Modifications des critères d’autorisation

Une autre piste de réforme envisagée consiste à éliminer le critère de l’apparence de droit, en vertu duquel le tribunal doit s’assurer que le demandeur soulève une cause d’action défendable pour autoriser une action collective. Or, c’est ce critère qui est le plus fréquemment retenu par la Cour supérieure pour refuser d’autoriser une action collective. Selon la réforme envisagée, la partie défenderesse pourrait plutôt, une fois l’action engagée, présenter un ou des moyens préliminaires d’irrecevabilité si elle est d’avis que l’action est sans fondement. Les critères d’autorisation d’une action collective se limiteraient dorénavant à vérifier (i) que les recours des membres du groupe soulèvent une ou des questions identiques, similaires ou connexes, (ii) qu’il serait difficile ou peu pratique pour le demandeur d’obtenir des mandats des membres et (iii) que le demandeur est en mesure de les représenter adéquatement.

Une des pistes de réforme envisagées consisterait à ajouter un critère de proportionnalité ou d’opportunité pour qu’une action collective puisse être autorisée, ou de codifier un principe de proportionnalité applicable à toutes les étapes d’une action collective. L’ajout d’un tel critère est souhaitable dans la mesure où, au-delà d’une application mécanique des critères d’autorisation décrits ci-haut, il permettrait au tribunal d’empêcher que soit enclenché le mécanisme long, complexe et coûteux de l’action collective lorsque celui-ci s’avère disproportionné ou inopportun dans les circonstances. On peut penser aux situations où une entreprise a déjà mis en place un processus de compensation qui s’avère adéquat de l’avis du tribunal, par exemple au moyen de remboursements selon un mode simplifié de réclamation, d’un rappel de produit ou de réparations gratuites selon les circonstances. Un critère semblable existe déjà dans les autres provinces canadiennes et il est souhaitable que l’environnement légal dans lequel les entreprises sont appelées à faire affaire au pays soit aussi prévisible et uniforme que possible.

3. Gestion proactive de l’instance

Pour réduire les coûts et les délais afférents à une action collective, le ministre envisage diverses mesures pour encourager les parties et les tribunaux à gérer activement les dossiers : adoption d’échéances serrées pour que l’audition de la demande d’autorisation soit tenue dans l’année de son dépôt; réduction du nombre d’intervenants pour la mise en état du dossier; encouragement à ce que les juges utilisent leurs pouvoirs discrétionnaires de manière proactive; et maintien des restrictions à la preuve qu’une partie défenderesse peut soumettre au stade de l’autorisation. Ces mesures sont déjà largement appliquées en pratique et il faut prendre garde de restreindre davantage les droits des défendeurs, qui peinent déjà à les faire valoir à l’étape importante de l’autorisation.

4. Évaluation et approbation des honoraires des avocats du demandeur

Lorsqu’une action collective vient à terme, suite à un jugement final ou à un règlement à l’amiable, une somme représentant typiquement 33 % ou plus des montants totaux payables aux membres sera déduite de ceux-ci pour payer les honoraires des avocats du demandeur, sujet à l’approbation du tribunal. Le paiement de tels honoraires soulève parfois des critiques sévères de la part des membres qui voient leur dû amputé de façon importante lorsque, selon les circonstances, ils estiment que l’affaire ne le justifie pas. Une des pistes de réforme envisagée consiste à mettre en place une méthode plus systématique pour évaluer le caractère raisonnable des honoraires payés aux avocats du demandeur et à redéfinir les critères d’approbation de ceux-ci pour qu’ils tiennent compte non seulement du risque qu’ils ont assumé, mais aussi des heures qu’ils ont réellement travaillées dans le dossier et du résultat obtenu. Est aussi envisagée la possibilité de nommer un « ami de la Cour » indépendant qui exposerait son opinion sur un règlement à l’amiable soumis pour approbation au tribunal et sur les honoraires réclamés par les avocats du demandeur.

Les personnes intéressées sont invitées à faire part de leurs observations, commentaires ou suggestions sur les pistes de réforme envisagées par le biais de mémoires, au plus tard le 31 juillet 2021 à l’adresse [email protected].

Le processus applicable aux actions collectives est une préoccupation importante pour les entreprises qui font affaire au Québec.

Pour en savoir davantage, communiquez avec :

Robert Torralbo                      514-982-4014
Claude Marseille, Ad. E.        514-982-5089
Francis Rouleau                     514-982-4016
Simon Seida                           514-982-4103
Ariane Bisaillon                      514-982-4137

ou un autre membre de notre groupe Actions collectives.