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Le projet de loi C-11 propose de réglementer les plateformes de radiodiffusion en ligne

1 mars 2022

Le 2 février 2022, le gouvernement du Canada a déposé le projet de loi C-11, généralement appelé la Loi sur la diffusion continue en ligne (le « projet de loi »), lequel modifierait la Loi sur la radiodiffusion du Canada (la « Loi »). Le projet de loi vise à moderniser le cadre qui régit actuellement le secteur canadien de la radiodiffusion, notamment en conférant au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (« CRTC ») le pouvoir de réglementer les « entreprises en ligne », une nouvelle catégorie qui engloberait un large éventail d’entreprises, notamment les fournisseurs de services de diffusion de vidéos et de musique en continu ainsi que les plateformes de médias sociaux. Le projet de loi vise en outre à contribuer à la réalisation des objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion, dont ceux de soutenir les créateurs canadiens de contenu, d’accroître l’accès au contenu canadien ainsi que la visibilité de celui-ci, de favoriser la production de programmation en français et en langues autochtones, de même que celui de promouvoir la diversité et l’inclusion dans le secteur de la radiodiffusion.

Le projet de loi est similaire à bien des égards au projet de loi C-10, qui avait fait l’objet de vifs débats pendant la législature antérieure. Il vise à régler une partie des questions litigieuses qui avaient été soulevées à l’égard du projet de loi C-10, relativement, entre autres, à la réglementation du contenu généré par les utilisateurs et publié sur des médias sociaux, ainsi qu’à la compatibilité d’une telle réglementation avec le droit à la liberté d’expression prévu dans la Charte canadienne des droits et libertés.

La Loi, les règlements pris en application de celle-ci et les décisions réglementaires qui s’y rapportent, forment un ensemble de règles complexe adapté au secteur traditionnel de la radiodiffusion (et qui s’applique, par exemple, aux fournisseurs traditionnels de services de télévision par câble et par satellite, aux stations de radio et autres). Bien que le projet de loi soit très alambiqué et parfois difficile à comprendre, une analyse de son contenu révèle qu’il pourrait avoir d’importantes répercussions sur le contenu Internet et le contenu généré par les utilisateurs, et qu’il conférerait de vastes pouvoirs à l’organisme chargé de la réglementation, ce qui risque de susciter le même genre de critiques que s’était attiré son précurseur, le projet de loi C-10.

Le texte qui suit donne un aperçu de cinq propositions clés contenues dans le projet de loi susceptibles d’avoir une incidence majeure sur le système de radiodiffusion et l’utilisation d’Internet au Canada.

1. Réglementation des entreprises en ligne

Le projet de loi introduit le concept des « entreprises en ligne » en tant que catégorie distincte des « entreprises de radiodiffusion » (un terme défini dans la version actuelle de la Loi et qui englobe les joueurs traditionnels du secteur de la radiodiffusion). Par « entreprises en ligne », le projet de loi cible les « entreprises de transmission ou de retransmission d’émissions par Internet », laquelle définition pourrait s’appliquer à un large éventail de sociétés, comme les fournisseurs de services de diffusion en continu et les plateformes de médias sociaux, assujettissant ainsi celles-ci à la réglementation du CRTC.

2. Approche concernant les médias sociaux

Même si les fournisseurs de service de média social étaient considérés comme des entreprises en ligne, tout le contenu téléversé vers des médias sociaux ne constituerait pas forcément des « émissions » assujetties à la réglementation. Selon le libellé actuel du projet de loi, le CRTC disposera d’une grande discrétion quant à la mesure dans laquelle il pourrait décider de réglementer le contenu téléversé par les utilisateurs vers des plateformes de médias sociaux. Aux termes du paragraphe 4.1(1), les émissions téléversées vers un fournisseur de service de média social par un utilisateur de ce service ne seront pas assujetties à la Loi; le paragraphe 4.1(2) s’interpose, toutefois, en précisant que le CRTC pourrait désigner par règlement certaines émissions auxquelles la Loi s’appliquerait, et ce, malgré l’exclusion énoncée au paragraphe 4.1(1). Pour adopter des règlements en vertu du paragraphe 4.1(2), le CRTC sera tenu de prendre en considération les critères suivants :

  • la mesure dans laquelle une émission téléversée vers un fournisseur de service de média social génère des revenus de façon directe ou indirecte;

  • le fait que l’émission ait été radiodiffusée par une entreprise de radiodiffusion (qui n’est pas un fournisseur de service de média social);

  • le fait qu’un identifiant unique ait été attribué à l’émission dans le cadre d’un système international de normalisation.

Le projet de loi ne donne aucune directive au CRTC quant au poids à accorder à chacun de ces critères et omet de définir clairement certains concepts (on ignore par exemple ce qui constituera exactement un « revenu indirect »). Il demeure également difficile de savoir dans quelle mesure la réglementation du CRTC s’étendra éventuellement au contenu téléversé vers des médias sociaux.

3. Grande discrétion accordée au CRTC quant à la prise de règlements

Le projet de loi conférerait de vastes pouvoirs au CRTC, lesquels lui permettraient notamment de rendre des ordonnances et prendre des règlements sur une variété de questions. Par exemple, le CRTC pourrait rendre des ordonnances et prendre des règlements : (i) relativement à la mesure dans laquelle le contenu canadien sera mis en valeur auprès du public canadien (soit la « découvrabilité » des émissions canadiennes); (ii) obligeant les entreprises de radiodiffusion à fournir certains services de programmation, dont des émissions canadiennes dans les deux langues officielles; et (iii) obligeant les entreprises de radiodiffusion à engager des dépenses en vue de soutenir les créateurs canadiens de contenu. Les obligations précises qui seront imposées aux entreprises de radiodiffusion ne seront connues que lorsque le CRTC rendra des ordonnances ou prendra des règlements à cet effet.

4. Surveillance et mise en application

Aux termes du projet de loi, le CRTC pourrait demander aux entreprises de radiodiffusion qu’elles fournissent certains renseignements qu’il considère comme nécessaires pour appliquer la Loi, y compris des renseignements financiers et commerciaux ou encore relatifs à la programmation et à la mesure de l’audience. Il pourrait par ailleurs vérifier ou examiner les registres, les livres ou les comptes des exploitants d’entreprises de radiodiffusion. Le CRTC aurait, qui plus est, le pouvoir d’infliger des sanctions administratives pécuniaires en cas de non-conformité à certaines dispositions. Enfin, le projet de loi officialiserait la défense de prise des précautions voulues à l’égard de certaines infractions qui sont déjà prévues à la Loi.

5. Mise à jour des politiques de radiodiffusion et de réglementation

Le projet de loi viendrait par ailleurs actualiser les objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion énoncés au début de la Loi. Plus précisément (i) il souligne l’importance de la programmation et des possibilités d’emplois pour les Canadiens qui sont issus de communautés racisées ou qui représentent la diversité de par leurs antécédents ethnoculturels; (ii) il vise à assurer une place à la programmation et aux médias en langues autochtones; (iii) il soutient la production et la radiodiffusion d’émissions de langue française; et (iv) il favorise une programmation exempte d’obstacles et accessible aux personnes handicapées.

PROCHAINES ÉTAPES

Le Parlement s’attend à ce que, une fois le projet de loi adopté, le nouveau cadre réglementaire tienne compte de la popularité des services de diffusion continue en ligne et qu’il favorise un environnement plus inclusif pour les producteurs et les distributeurs canadiens de contenu. Bien que le projet de loi ne soit qu’à l’étape de la première lecture, s’il est adopté, on peut s’attendre à ce que le Parlement publie une orientation de politique à l’intention du CRTC afin de guider ce dernier dans la réalisation de sa mission. Cette orientation de politique devrait par ailleurs donner des éclaircissements quant à la portée et à l’application de la Loi, en sa version modifiée.

Pour en savoir davantage, communiquez avec :

Sunny Handa      514-982-4008
John Lenz             514-982-6308

ou un autre membre de notre groupe Communications.