Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (les « ACVM ») ont publié récemment deux avis très attendus portant sur leurs initiatives de protection des investisseurs. Les propositions sont le résultat d’un long processus de consultation et visent à mieux concilier les intérêts des personnes inscrites avec ceux de leurs clients, à rehausser les résultats pour les clients, et à clarifier pour eux la nature et les modalités de la relation.
Le premier avis est un document de consultation sur de nombreuses réformes proposées à l’égard des dispositions relatives à la conduite des personnes inscrites figurant dans le Règlement 31-103 sur les obligations et dispenses d’inscription et les obligations continues des personnes inscrites (le « Règlement 31-103 ») (le « projet de modification »). Le principe général sur lequel repose le projet de modification est l’obligation pour les personnes inscrites de favoriser les intérêts des clients et de leur donner préséance, y compris à l’égard des conflits d’intérêts et de l’évaluation de la convenance. Le projet de modification accroîtrait également les obligations des personnes inscrites en matière de connaissance du client, de connaissance du produit et d’informations à fournir. À l’heure actuelle, aucun membre des ACVM ne propose d’adopter une norme réglementaire générale d’agir au mieux des intérêts des clients, comme il était proposé auparavant.
Le deuxième avis présente la décision des ACVM portant sur les commissions intégrées relatives aux organismes de placement collectif (la « décision en matière de commissions intégrées »). La décision en matière de commissions intégrées fait le point sur les commentaires reçus par les ACVM dans la foulée du Document de consultation 81-408, Consultation sur l’option d’abandonner les commissions intégrées (le « document de consultation »), qui étudiait la possibilité d’interdire les commissions intégrées. Après avoir pris connaissance des commentaires reçus, les ACVM proposent de permettre le maintien des commissions intégrées, mais d’interdire les frais d’acquisition reportés (y compris les options de frais d’acquisition réduits) et la commission connexe versée au moment de la souscription ainsi que les commissions de suivi lorsqu’un courtier n’effectue pas de recommandation en matière de convenance au client (comme c’est le cas des courtiers exécutants).
PROJET DE MODIFICATION
Le projet de modification est axé sur le client et exigera des personnes inscrites qu’elles « favorisent les intérêts des clients », notamment lorsqu’elles évaluent la convenance à ces derniers et qu’elles déterminent s’il y a conflit d’intérêts.
Convenance
Le projet de modification assujettirait les personnes inscrites à une nouvelle obligation fondamentale « de donner préséance aux intérêts des clients » dans l’évaluation de la convenance, en plus des obligations d’évaluation de la convenance suivantes :
- exiger que les personnes inscrites examinent certains facteurs déterminés, y compris les frais et leur incidence, dans leur évaluation de la convenance;
- préconiser l’évaluation de la convenance en fonction de l’ensemble du portefeuille et non d’une seule opération;
- prévoir les événements déclencheurs nécessitant une réévaluation de la convenance.
Avant d’agir au nom d’un client, notamment ouvrir un compte pour lui ou acheter ou vendre des titres pour son compte, une personne inscrite devra déterminer si la mesure donne préséance aux intérêts du client et convient à ce dernier. Les facteurs énumérés dans le Règlement 31‑103 que les personnes inscrites doivent prendre en compte pour établir si une mesure convient au client comprennent :
- l’information recueillie sur le client et le produit;
- les autres produits disponibles de la société;
- les coûts associés à la mesure, y compris une analyse de l’incidence réelle et potentielle des coûts;
- la concentration et la liquidité du portefeuille;
- l’incidence globale que la mesure aura sur le compte du client;
- tout autre facteur pertinent dans les circonstances.
À souligner, le projet d’instruction générale relative au Règlement 31-103 fait ressortir que, dans le cadre de l’évaluation de la convenance, les personnes inscrites doivent évaluer les coûts comparatifs des diverses solutions offertes aux clients de la société ainsi que l’incidence de ces coûts, sans oublier de documenter cette évaluation. De plus, sauf si elles disposent d’un motif raisonnable, les organismes de réglementation s’attendraient à ce que les personnes inscrites recommandent le titre à moindre coût disponible pour le client qui répond aux autres exigences.
Les personnes inscrites devront réévaluer la convenance lorsque certains événements déclencheurs se produisent, tels que des changements dans l’information recueillie au sujet du client ou dans un titre au compte du client.
Conflits d’intérêts
Les principaux changements à l’approche en matière de conflits d’intérêts que proposent les ACVM comprennent l’imposition d’une norme d’agir au mieux des intérêts des clients aux personnes physiques inscrites ainsi qu’à leurs sociétés inscrites et l’obligation de traiter tous les conflits existants et raisonnablement prévisibles. Il est à noter que la législation actuelle ne porte que sur les conflits d’intérêts importants. Les changements proposés prévoient néanmoins que les sociétés inscrites peuvent satisfaire à la règle relative aux conflits d’intérêts en traitant les conflits d’intérêts qui ne sont pas importants de façon proportionnelle au risque limité qu’ils peuvent représenter pour les clients concernés.
Le principe général sur lequel reposent les changements proposés est qu’une personne inscrite doit relever en temps voulu et traiter, au mieux des intérêts d’un client, tous les conflits d’intérêts, et doit éviter tout conflit d’intérêts entre elle et un client si ce conflit n’a pas été ou ne peut être traité au mieux des intérêts du client. Alors que l’instruction générale indique actuellement que les organismes de réglementation jugeraient qu’il y a conflit d’intérêts dans les cas où les intérêts de parties différentes sont incompatibles ou divergents, elle indique expressément qu’un conflit d’intérêts surgirait également dans les cas où i) une personne inscrite pourrait être incitée à faire passer ses propres intérêts avant ceux de ses clients ou ii) un avantage pécuniaire ou non pécuniaire offert à une personne inscrite, ou des préjudices éventuels auxquels une personne inscrite s’expose, pourraient miner la confiance d’un client raisonnable envers celle‑ci.
Le projet d’instruction générale contient des exemples et des indications relativement à certains conflits d’intérêts qui se rapportent principalement à des pratiques commerciales, y compris la vente de produits exclusifs, et à des mécanismes de rémunération et à des mécanismes incitatifs tels que l’utilisation de comptes à honoraires, d’une rémunération de tiers et d’arrangements d’indication de clients. Ces exemples et indications des organismes de réglementation sur la marche à suivre face à de tels conflits apportent un éclairage utile sur ce que les ACVM considéreraient probablement comme un comportement inapproprié par une personne inscrite.
Sous réserve de certaines exceptions, de nouvelles dispositions exigeraient également des personnes inscrites qu’elles évitent certains conflits, tels que l’emprunt de fonds auprès d’un client/le prêt de fonds à un client ou le contrôle de ses affaires financières. En outre, les obligations de déclaration existantes seront étendues à « tous les conflits d’intérêts relevés dont un client raisonnable s’attendrait à être informé » et seront accrues afin d’exiger que l’information aborde l’incidence potentielle du conflit et le risque qu’il pose, ainsi que la façon dont il a été ou sera traité.
Afin d’aider les personnes inscrites à s’acquitter de leurs obligations accrues découlant des changements susmentionnés, les modifications réglementaires suivantes sont également proposées :
Connaissance du client
Les ACVM notent que les modifications proposées touchant aux obligations de connaissance du client visent à répondre à des préoccupations fondamentales et qu’elles clarifient les attentes des organismes de réglementation quant à l’information devant être recueillie par la personne inscrite et à la fréquence à laquelle celle‑ci doit la recueillir. Les nouvelles dispositions obligeraient une personne inscrite à s’assurer qu’elle obtient de l’information précise sur le client, notamment sa situation personnelle et financière, ses besoins et objectifs en matière de placements, ses connaissances en la matière, son profil de risque et son horizon temporel de placement. Le projet d’instruction générale fournit des exemples du type d’information qu’une personne inscrite devrait recueillir pour chacun des éléments mentionnés ci‑dessus afin de remplir ses obligations en matière de connaissance du client.
Qui plus est, afin de s’assurer que cette information demeure exacte, les personnes inscrites devront non seulement obtenir l’information en question au moment d’ouvrir le compte d’un client, mais également la confirmer à des intervalles minimaux prescrits ou lorsqu’un changement significatif se produit. Les intervalles minimaux pertinents s’établissent comme suit :
- 12 mois pour les comptes gérés;
- les 12 mois précédant la réalisation d’une opération ou la formulation d’une recommandation, dans le cas d’un courtier sur le marché dispensé;
- 36 mois pour les autres comptes.
Connaissance du produit
Le projet de modification introduirait une règle explicite qui s’appliquerait aussi bien aux sociétés qu’aux personnes physiques inscrites et qui inscrirait dans la réglementation les attentes en matière de connaissance du produit des organismes de réglementation qui n’étaient pas incluses auparavant dans le Règlement 31-103. Les modifications touchant à la connaissance du produit obligeraient les sociétés inscrites à prendre des mesures raisonnables pour comprendre les titres qu’elles offrent à leurs clients, y compris comment ils se comparent à des titres semblables offerts sur le marché, pour approuver les titres qu’elles offriront, et pour surveiller et réévaluer leurs titres approuvés. La personne physique inscrite devrait prendre des mesures raisonnables pour comprendre les titres offerts par l’entremise de sa société ainsi que les éléments essentiels des titres offerts par celle-ci (y compris les frais connexes). Le projet d’instruction générale renferme des renseignements détaillés sur le processus d’approbation des titres, les coûts des produits, les mécanismes de rémunération et l’utilisation de produits exclusifs, de même que sur l’importance de tenir compte des conflits d’intérêts connexes.
Commissions d’indication de clients
Le projet de modification interdirait ces commissions lorsque :
- la commission est versée pendant plus de 36 mois;
- la série de paiements excède, au total, 25 % des frais/commissions recueillis auprès du client par la partie à laquelle celui-ci est indiqué;
- cette commission donne lieu à une hausse des frais/commissions que le client devrait autrement payer pour le même produit/service.
Information sur la relation
Afin d’aider les clients à différencier une personne inscrite d’une autre et à choisir de devenir client de l’une ou l’autre, le projet de modification vise à accroître la quantité d’information que les personnes inscrites doivent fournir aux clients. Ces informations à fournir comprendront ce qui suit :
- leur utilisation de produits exclusifs et si la société offrira principalement ou seulement des produits exclusifs au client;
- les produits, services et types de comptes qu’elles offrent;
- les limites ou restrictions importantes de ce qui est offert (par exemple, les seuils d’investissement minimal, la vente à des souscripteurs ou acquéreurs admissibles, etc.);
- les frais et les autres coûts pour les clients;
- la taille minimale des comptes ou les frais minimaux qui s’appliquent;
- toute rémunération de tiers associée aux produits, aux services et aux comptes de la société.
Cette information doit être rendue publique. Les organismes de réglementation s’attendent à ce qu’elle soit accessible sur le site Web de la société, fournie par courriel ou incluse dans de courts documents imprimés sur demande.
Le projet de modification est assujetti à une période de consultation de 120 jours. Les ACVM font plus particulièrement appel à des commentaires sur la durée de la période de transition, l’incidence du projet de modification sur les courtiers sur le marché dispensé dont la relation avec leurs clients est épisodique et non continue, les conflits d’intérêts non énumérés qui doivent être évités, et la question de savoir si l’interdiction faite aux personnes inscrites de verser une commission d’indication de clients à une personne non inscrite limiterait l’accès des investisseurs à des services liés aux valeurs mobilières. Les ACVM visent à terme à incorporer ces éventuelles modifications aux règles de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (l’ « OCRCVM ») et de l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels.
Après l’annonce des ACVM, l’OCRCVM a annoncé qu’il prévoyait « publier des notes d’orientation supplémentaires sur les approches que les courtiers peuvent adopter afin de régler les conflits d’intérêts, particulièrement ceux liés à la rémunération ».
DÉCISION RELATIVE AUX COMMISSIONS INTÉGRÉES
Le document de consultation a relevé trois enjeux principaux en matière d’efficience du marché et de protection des investisseurs se rapportant aux commissions intégrées. Plus particulièrement, on y signalait que les commissions intégrées :
- donnent lieu à des conflits d’intérêts entre les personnes inscrites et les investisseurs;
- limitent la connaissance, la compréhension et le contrôle de la rémunération des courtiers par les investisseurs;
- ne concordent pas avec les services reçus par les investisseurs.
Compte tenu des commentaires reçus, et à la lumière du projet de modification, les ACVM ont décidé de ne pas interdire les commissions intégrées en général, mais d’interdire :
- toutes les formes d’options de frais d’acquisition reportés ainsi que les commissions connexes versées au moment de la souscription pour les titres d’OPC placés au moyen d’un prospectus;
- le paiement de commissions de suivi aux courtiers qui ne procèdent pas à l’évaluation de la convenance à l’occasion du placement de titres d’OPC au moyen d’un prospectus, et d’interdire à ces courtiers de solliciter et d’accepter de telles commissions.
Pour en arriver à cette décision, les ACVM ont conclu que « le fait que, dans l’option des frais d’acquisition reportés, la rémunération initiale soit plus élevée et provienne d’un tiers crée un conflit d’intérêts qui peut inciter les courtiers et représentants à favoriser cette option par rapport à d’autres qui pourraient mieux convenir aux investisseurs ». De plus, en ce qui concerne les commissions de suivi, les ACVM ont noté que les frais déboursés par un grand nombre d’investisseurs indépendants qui recourent aux courtiers exécutants ne concordaient pas avec la nature de ces comptes, qui se limitent à l’exécution d’ordres. Par conséquent, les ACVM sont d’avis que le fait d’interdire le versement de commissions de suivi lorsque aucune évaluation de la convenance n’est réalisée permettra de faire concorder les commissions versées par les investisseurs avec les services qu’ils reçoivent réellement.
Les ACVM prévoient déposer un avis de consultation sur les modifications des politiques susmentionnées en septembre 2018.
Pour en savoir davantage, communiquez avec :
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Stacy McLean 416-863-4325
Norbert Knutel 416-863-4013
Jill Davis 416-863-3076
Tairroyn Childs 416-863-5251
ou un autre membre de notre groupe Marchés des capitaux.
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