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Les drones, la responsabilité et un appel devant la CSC : trois développements clés dans le secteur de l’aviation

8 septembre 2023

Le secteur de l’aviation est de retour dans le hangar d’entretien afin de faire l’objet d’une mise au point relativement à la réglementation des drones, à la responsabilité dans le secteur de l'aviation et aux droits des passagers aériens.

À la fin de juin 2023, Transports Canada a en effet annoncé le premier projet de règlement canadien sur la sécurité des drones pour les opérations au-delà de la visibilité directe ainsi que de nombreuses autres modifications importantes à la réglementation sur les drones. Quelques jours plus tard, Transports Canada a présenté le projet de loi C-52, intitulé Loi sur l’amélioration de la transparence et de la responsabilité dans le système de transport, dans le cadre de ses efforts continus visant à renforcer les droits des passagers aériens au Canada.

Ces développements viennent améliorer encore davantage les cadres juridiques et réglementaires applicables, comme il a été mentionné précédemment dans notre Infolettre du groupe Aviation et aérospatiale et le Bulletin Blakes intitulé Régime de droits des passagers aériens : de nouvelles modifications sont en vue.

Enfin, en août 2023, la Cour suprême du Canada a accepté d’entendre un appel sur une affaire importante qui concerne l’indemnisation des passagers aériens lors de voyages internationaux.

Libérer la voie pour le décollage

Le 23 juin 2023, le ministre des Transports du Canada (le « ministre »), Omar Alghabr, a proposé les modifications importantes suivantes aux dispositions relatives aux drones du Règlement canadien de l’aviation (le « RAC »).

Nouvelles règles régissant les opérations courantes de drones hors visibilité directe (« BVLOS »)

La modification proposée la plus notable prévoit l’établissement de nouvelles règles régissant les opérations courantes de BVLOS avec des drones pesant jusqu’à 150 kg dans des zones peu peuplées, à moins de 400 pieds au-dessus du sol et dans un espace aérien non contrôlé. Aux termes du régime réglementaire en vigueur, les exploitants de drones doivent obtenir un certificat d’opérations aériennes spécialisées (« COAS ») au cas par cas auprès de Transports Canada pour ces opérations. Les modifications proposées élimineraient cette exigence.

Dans le cadre des modifications visant les opérations courantes de drones BVLOS, Transports Canada propose d’établir un nouveau processus de certification du pilote, intitulé « opérations complexes de niveau 1 ». Pour obtenir un certificat l’autorisant à mener des opérations complexes de niveau 1, un pilote doit être âgé d’au moins 18 ans, participer à une formation obligatoire dans une « école de formation au sol », réussir l’examen en ligne de Transports Canada sur les opérations avancées et réussir un test en vol en personne.

Si le projet de règlement est adopté, le Canada serait au nombre des premiers pays à mettre en place des règles régissant les opérations de drones BVLOS.

Autres modifications notables aux règles régissant les drones

  • De nouvelles exigences seraient introduites à l’égard des drones de taille moyenne (c’est-à-dire pesant plus de 25 kg et jusqu’à 150 kg inclusivement) pour les opérations en visibilité directe près ou au-dessus des personnes, aussi bien dans un espace aérien contrôlé que non contrôlé. Les nouvelles exigences augmenteraient la distance minimale avec les personnes qui ne participent pas à l’opération et intégreraient d’autres considérations relatives à la planification du vol, telles que les conditions météorologiques et la visibilité. Ces modifications proposées visent à atténuer les risques en matière de sécurité associés aux drones de taille moyenne.

  • Les modifications proposées élargiraient les exigences en matière d’immatriculation auprès de Transports Canada (y compris les frais connexes) pour les drones afin d’inclure tous les drones pesant 250 g et plus. Selon le régime réglementaire en vigueur, seuls les drones pesant plus de 250 g jusqu’à 25 kg inclusivement doivent être immatriculés auprès de Transports Canada.

  • Les modifications proposées prévoient de nouvelles normes techniques pour les drones et leurs systèmes de soutien. Elles élargiraient le processus de déclaration existant pour les fabricants de drones. Transports Canada instaurerait un nouveau processus d’examen pour certaines opérations à plus grand risque, soit le « processus de déclaration validée au préalable ». Aux termes de ce nouveau processus volontaire, les fabricants détermineraient quelles exigences techniques leurs drones et leurs systèmes de soutien respectent et s’ils veulent déclarer ces exigences auprès de Transports Canada. Conformément à ce nouveau cadre, un drone ne pourrait pas effectuer de vol dans de tels environnements opérationnels à plus grand risque à moins qu’une déclaration ou une déclaration validée au préalable n’ait été faite par le fabricant. Le nouveau cadre exigerait que des déclarations validées au préalable soient faites par les fabricants si ces derniers veulent que leurs drones puissent effectuer (i) des opérations en visibilité directe, avec des drones de taille moyenne, près et au-dessus des personnes; et (ii) certaines opérations au-delà de la visibilité directe dans l’espace aérien non contrôlé, à moins de 400 pieds d’altitude, et au-dessus de zones peu peuplées. De plus, les modifications proposées prévoient des exigences selon lesquelles les fabricants seraient tenus de produire des rapports annuels sur les déclarations validées au préalable ainsi que des déclarations des difficultés en service.

  • Les modifications proposées établissent de nouvelles règles d’exploitation pour les opérations en visibilité directe prolongées et les opérations en visibilité directe intermittente. Les règles actuelles seraient élargies pour permettre aux titulaires actuels et futurs d’un certificat de pilote – opérations avancées d’effectuer des opérations en visibilité directe prolongée et des opérations en visibilité directe intermittente s’ils suivent certaines règles relatives à la distance du pilote, au recours à une deuxième personne pour ces opérations et au contournement d’un obstacle dans le cadre d’une opération en visibilité directe intermittente.

  • Les modifications proposées prévoient une nouvelle exigence selon laquelle tout pilote ou toute organisation ayant l’intention de mener des opérations au-delà de la visibilité directe serait tenu d’obtenir un certificat d’exploitant de système d’aéronef télépiloté (« SATP ») (un « CES »). Cette exigence s’inspirerait des exigences existantes pour l’aviation traditionnelle. Par conséquent, le pilote ou l’organisation serait tenu de déclarer à Transports Canada qu’il satisfait à certaines exigences conformément au RAC. En outre, les pilotes et les organisations seraient tenus d’établir des politiques et des procédures qui abordent certains éléments, y compris les suivants :

    • la nomination d’un cadre supérieur responsable;

    • l’identification d’une personne responsable de l’entretien;

    • la mise en œuvre d’un programme de formation;

    • la mise en œuvre de procédures d’exploitation normalisées en vol;

    • la mise en œuvre d’un processus de gestion des risques pour la sécurité.

  • Pour terminer, les modifications proposées prévoient une augmentation des frais pour plusieurs services existants. Les frais relatifs à l’immatriculation d’un drone doubleraient, passant ainsi à 10 $ CA, tandis que les certificats d’opérations aériennes spécialisées, qui sont octroyés gratuitement sous le régime actuel, seraient assortis de frais de 150 $ CA pour les opérations de faible complexité et de 2 000 $ CA pour les opérations de haute complexité. Les frais pour un certificat de pilote – Opérations complexes de niveau 1 s’élèveraient à 125 $ CA; ceux pour un certificat d’exploitant de SATP seraient de 250 $ CA. Un fabricant souhaitant obtenir une déclaration validée au préalable serait tenu de payer des frais de 1 200 $ CA.

Les modifications proposées représentent une avancée en ce qui concerne l’utilisation générale des drones au Canada, mais plus précisément, elles ouvrent la voie à l’utilisation des drones à des fins commerciales. Les modifications proposées et les nouvelles règles présentées ci-dessus témoignent du fait que Transports Canada s’emploie désormais à offrir aux organisations un cadre réglementaire dans lequel elles peuvent offrir en toute confiance des services tels que la livraison de colis, l’inspection des bâtiments et la photographie aérienne.

Bien que la technologie utilisée pour fabriquer et exploiter les drones évolue rapidement, ces nouvelles règles démontrent que Transports Canada s’appuie sur l’aviation traditionnelle pour élaborer un cadre réglementaire qui lui permettra de prévoir les besoins de l’industrie des drones. Ces règles constituent un pas de plus vers l’harmonisation de cette industrie avec celle de l’aviation traditionnelle.

La plupart des règles proposées devraient entrer en vigueur à la fin de 2024, tandis que d’autres entreraient en vigueur au début de 2025.

La responsabilité dans le secteur de l’aviation

Faisant suite au dépôt récent du projet de loi C-47, lequel portait en grande partie sur les droits des consommateurs et des passagers aériens, le gouvernement fédéral a également déposé le projet de loi C-52, Loi sur l’amélioration de la transparence et de la responsabilité dans le système de transport (le « projet de loi C-52 »). Le projet de loi C-52 a pour but d’améliorer la transparence et la responsabilité dans les principaux réseaux de transport du Canada, y compris celui du transport aérien. Il propose deux modifications majeures au régime réglementaire actuel :

  • Promulgation de la Loi sur la responsabilité en matière de transport aérien. La loi proposée permettrait la création de règlements exigeant que les transporteurs aériens et les aéroports établissent des normes de service (par exemple, le temps qu’il faut pour qu’un bagage arrive sur le carrousel ou le temps d’attente prévu pour passer le contrôle de sûreté). De plus, le ministre des Transports pourrait exiger que les aéroports et autres exploitants fournissent certains renseignements nécessaires à la prise de décisions stratégiques. La loi proposée prévoit également l’instauration d’un processus de consultation au sujet du bruit des aéroports, ainsi que l’établissement de comités de gestion du bruit par les exploitants d’aéroports. Les administrations aéroportuaires seraient tenues de faire rapport sur leurs plans d’action et leurs cibles en matière de changements climatiques, et à publier ces plans. En outre, les administrations aéroportuaires constituées en vertu d’une loi fédérale seraient également tenues de publier annuellement un rapport sur la diversité au sein de leurs administrateurs et membres de la haute direction.

  • Modifications à la Loi sur les transports au Canada (la « LTC »). Les modifications proposées établiraient des normes de production de rapports pour les données sur l’accessibilité à l’intention des fournisseurs de services de transport relevant de la compétence législative du Parlement, à savoir au sein du système de transport aérien international et interprovincial. Par exemple, ces normes viseraient notamment la production de données sur le traitement des plaintes et les demandes de mesures d’adaptation. Les modifications proposées créeraient également une approche permettant d’identifier, d’éliminer et de prévenir les obstacles à l’accessibilité. Cela permettrait à Transports Canada et à l’Office des transports du Canada (l’« Office ») de publier de telles données. De plus, elles créeraient une nouvelle exigence pour les fournisseurs de services dans le système de transport fédéral (c.-à-d. les transporteurs aériens) de mettre en place un processus pour traiter les plaintes concernant l’accessibilité et les demandes de mesures d’adaptation.

Le projet de loi C-52 a franchi l’étape de la première lecture le 20 juin 2023.

La Cour suprême du Canada (la « CSC ») rendra une décision sur l’indemnisation des droits des passagers aériens concernant les voyages internationaux

En 2019, l’Office a adopté le Règlement sur la protection des passagers aériens (le « RPPA »), qui réglemente notamment les obligations des transporteurs aériens en ce qui a trait au retard ou à l’annulation de vol, au refus d’embarquement et à la perte ou à l’endommagement des bagages.

Au cours de la même année, la Cour d’appel fédérale (la « CAF ») a autorisé l’Association du Transport Aérien International ainsi que 16 compagnies aériennes (collectivement, les « appelantes ») à interjeter appel de la validité du RPPA. Cet appel visait à contester la validité de plusieurs des dispositions du RPPA; dont les dispositions en matière de responsabilité qui imposent une indemnisation préétablie pour les retards ou les annulations de vols et les refus d’embarquement, ainsi que les obligations relatives aux retards sur l’aire de trafic. Lorsqu’elle a rendu sa décision en décembre 2022, la CAF a abordé deux questions en litige propres au secteur de l’aviation.

Première question en litige : L’indemnisation minimale des passagers prévue par le RPPA en cas de retard, d’annulation, de refus d’embarquement ou de perte ou d’endommagement de bagages, lorsqu’on l’applique au transport aérien international, est-elle autorisée par le sous-alinéa 86.11b)(i) de la LTC et est-elle compatible avec la Convention de Montréal?

Les appelantes ont fait valoir que le terme « retard » n’est pas clairement défini dans la Convention de Montréal et qu’il viserait également, selon elles, l’annulation de vol et le refus d’embarquement. Par conséquent, toujours selon elles, le RPPA ne devrait pas être utilisé pour réglementer l’indemnisation minimale en cas d’annulation de vol et de refus d’embarquement. Les appelantes ont par ailleurs soutenu que l’obligation de rembourser les frais liés aux bagages pour les bagages perdus ou endommagés contrevient à la Convention de Montréal.

La CAF a conclu que le RPPA s’apparente plutôt à un complément de la Convention de Montréal et, par conséquent, n’empiète pas sur le principe d’exclusivité de celle-ci. De plus, elle a statué que l’indemnité minimale exigée aux termes du RPPA en cas d’annulation de vol et de refus d’embarquement ne relève pas du champ d’application de l’article 19 de la Convention de Montréal. Le RPPA peut donc régir ces questions. Enfin, la CAF a conclu que l’obligation d’indemnisation minimale pour le remboursement des frais liés aux bagages n’est pas contraire à la Convention de Montréal puisqu’elle est compatible avec la pratique de nombreux États signataires. Toutefois, étant donné que le régime réglementaire précise des indemnités « en cas de perte ou d’endommagement » des bagages, sans prévoir expressément d’indemnité en cas de « perte temporaire », la CAF a déclaré que la disposition imposant une responsabilité pour les bagages perdus pendant 21 jours ou moins est invalide (c.-à-d. qu’elle ne relève pas de la LTC).

Deuxième question en litige : Une partie des dispositions du RPPA établissant les exigences en matière de communication, d’arrangements de voyage alternatifs ou de remboursement, d’indemnisation et de normes de traitement outrepasse-t-elle les pouvoirs conférés par la LTC dans la mesure où ils s’appliquent aux services internationaux en raison d’une application extraterritoriale non permise?

Les appelantes ont fait valoir que le RPPA a des effets extraterritoriaux qui violent la souveraineté territoriale d’États étrangers, mais la CAF n’a pas retenu cet argument. La CAF a précisé que le RPPA ne s’applique pas à l’espace aérien au-dessus d’États étrangers et que les obligations imposées par le RPPA, notamment en ce qui concerne les renseignements fournis aux bureaux de service et aux terminaux en libre-service, sur les billets imprimés et aux portes des aéroports, ainsi que des obligations en matière d’indemnisation pour ce qui est des vols retardés et annulés, n’ont pas d’incidence sur l’espace aérien d’un autre État ni sur la façon dont les transporteurs aériens exercent leurs activités dans l’espace aérien d’un autre État.

Les appelantes ont demandé à la Cour suprême du Canada l’autorisation d’interjeter appel de la décision de la CAF.

La Cour suprême du Canada entendra l’appel

Le 17 août 2023, la CSC a autorisé les appelantes à interjeter appel de la décision de la CAF de 2022 dont il a été question précédemment. Les appelantes soutiennent que la CSC devrait notamment se pencher sur la question suivante :

Quelle est la véritable portée du principe d’exclusivité prévu par la Convention [de Montréal] […] et, plus particulièrement, le régime de responsabilité établi par le règlement s’applique-t-il aux voyages internationaux et fonctionne-t-il ainsi parallèlement au régime prévu par la Convention?

Les appelantes soutiennent que la CSC devrait fournir des indications sur la portée appropriée de la Convention de Montréal étant donné que, pour rendre sa décision, la CAF s’est fondée sur les propos du juge dissident dans le précédent judiciaire qu’elle a invoqué, plutôt que sur ceux des juges majoritaires.

Le procureur général du Canada, à titre d’intimé, soutient de son côté que la seule question à trancher est celle de savoir si la présente affaire soulève des questions d’intérêt public au sens de l’article 40 de la Loi sur la Cour suprême, et que la question relative à l’interprétation de la Convention de Montréal ne justifie pas l’intervention de la CSC et n’est pas d’intérêt public.

La décision fournira des lignes directrices aux transporteurs aériens et aux passagers aériens en ce qui concerne l’indemnisation des passagers à l’égard des vols internationaux à destination ou en provenance du Canada. La décision de la CSC d’entendre l’appel arrive à point nommé compte tenu des efforts législatifs déployés récemment par le gouvernement dans le but de renforcer les droits des passagers aériens au Canada.

Blakes fournira d’autres précisions lorsque l’appel aura été entendu.

Pour en savoir davantage, communiquez avec un membre de notre groupe Aviation et aérospatiale.