Les actions collectives fondées sur l’article 224 c) de la Loi sur la protection du consommateur (la « Loi ») se sont multipliées au Québec au cours de la dernière décennie. Que ce soit dans le domaine du transport aérien, de l’automobile ou du commerce de détail, on reproche à certains commerçants d’exiger pour un bien ou un service un prix supérieur à celui annoncé, ce que l’article 224 c) de la Loi interdit. Bien que plusieurs de ces recours aient été autorisés, aucun n’avait été décidé sur le fond jusqu’à tout récemment.
Pour la première fois, la Cour supérieure tranche un tel recours au stade du mérite dans la décision Union des consommateurs c. Air Canada. La Cour rejette l’action collective au motif que les consommateurs n’ont pas subi de préjudice et qu’Air Canada pouvait facturer en toute légalité les montants exigés pour un titre de transport.
Cette affaire concernait la vente de titres de transport par Air Canada sur son site Web entre le 30 juin 2010 et le 8 février 2012. L’Union des consommateurs (l’« Union ») alléguait qu’Air Canada avait enfreint l’article 224 c) de la Loi en exigeant des taxes, frais et charges, lesquels étaient détaillés avant le paiement, mais à la deuxième étape du processus de réservation d’un titre. Après l’autorisation de cette action collective par la Cour d’appel du Québec, le procès au fond de celle-ci a été présidé par la juge Karen Rogers de la Cour supérieure.
Selon la juge Rogers, Air Canada aurait enfreint l’article 224 c). Toutefois, elle estime que les membres de l’action collective n’ont subi aucun préjudice et, par conséquent, ne peuvent réclamer ni la réduction de leurs obligations ni des dommages compensatoires. La Cour rejette également l’ultime sanction réclamée par l’Union, soit une condamnation à des dommages punitifs à hauteur de dix millions de dollars. L’impossibilité de récidiver – Air Canada ayant cessé la pratique avant même que l’action ne soit autorisée – et les avertissements visibles sur son site Web voulant que les prix affichés ne comprennent pas tous les frais sont autant d’éléments qui convainquent la Cour qu’Air Canada s’est comportée sans ignorance, insouciance ou négligence.
La fameuse présomption de préjudice énoncée par la Cour suprême dans l’arrêt Richard c. Time Inc. ne s’applique pas dans les circonstances. Pour jouir de cette présomption, l’Union devait établir un lien rationnel entre la pratique interdite et les contrats unissant les consommateurs à Air Canada. À la lumière de la preuve soumise, la Cour a plutôt retenu la conclusion contraire : la manière dont Air Canada affichait ses prix sur son site Web n’a pas influencé la décision des consommateurs d’acquérir un titre de transport.
La Cour conclut alors que si une pratique interdite en vertu de la Loi est constatée, cela n’implique pas ipso facto que des consommateurs en aient subi un préjudice. Encore doivent-ils le prouver ou, du moins, quantifier le préjudice allégué en fonction du « vice informationnel » subi par les consommateurs en raison du manquement à la Loi. Les mesures de réparation prévues par la Loi ne visent pas à enrichir le consommateur, à plus forte raison lorsqu’aucune preuve du préjudice allégué n’a été faite.
Le jugement, s’il a plusieurs implications pour les recours fondés sur l’article 224 c) de la Loi, apportera aussi un éclairage utile à bon nombre d’actions collectives en droit de la consommation, quelle que soit la pratique interdite alléguée, lorsque la pratique ne suscite aucun préjudice pour les consommateurs.
Les avocats de Blakes, Robert Torralbo, Catherine Beagan Flood, Simon Seida et Anthony Cayer, représentaient les intérêts d’Air Canada dans ce dossier.
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