Un survol de la dernière année montre que la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (la « CVMO ») a augmenté de façon marquée son recours aux procédures judiciaires quasi criminelles. Ceci indique la volonté nouvelle de l’organisme de réglementation de porter résolument les infractions liées aux valeurs mobilières devant les tribunaux. Par ailleurs, l’échec de l’une des poursuites les plus en vue de la CVMO à la fin de 2022 illustre bien les difficultés qu’éprouvent depuis longtemps les organismes canadiens de réglementation en valeurs mobilières qui tentent d’obtenir des condamnations dans le cadre d’instances criminelles et quasi criminelles.
ÉVOLUTION DES TENDANCES RELATIVES AUX PROCÉDURES INTENTÉES PAR LA CVMO
La volonté accrue de la CVMO d’invoquer ses pouvoirs en matière quasi criminelle se dégage nettement des statistiques comparatives relatives aux mesures d’exécution de la loi prises par celle-ci au cours des dernières années. Entre 2017 et 2021, la CVMO a intenté en moyenne un peu plus de deux procédures quasi criminelles par exercice financier. Par contre, au cours de l’exercice 2021-2022, elle a entamé sept procédures quasi criminelles contre un total de 12 défendeurs.
Comme ces données l’indiquent, jusqu’ici, la CVMO a préféré procéder par la voie administrative plutôt que par la voie judiciaire, pour la simple raison qu’il lui était relativement plus facile et plus rapide d’obtenir des condamnations en optant pour des procédures administratives. Cependant, les sanctions pouvant être imposées dans le cadre de procédures entamées devant le tribunal d’arbitrage de la CVMO (récemment remplacé par le Tribunal des marchés financiers) se limitent à des sanctions pécuniaires dont les montants sont relativement peu élevés, sans aucune possibilité de peine d’emprisonnement. Le recours généralisé aux procédures administratives à l’égard de crimes économiques explique en partie que les décisions rendues au Canada et en Ontario aient souvent été considérées comme étant trop clémentes dans le passé.
LES POUR ET LES CONTRE DES PROCÉDURES QUASI CRIMINELLES
Or, contrairement aux procédures administratives, si des défendeurs sont reconnus coupables d’une infraction quasi criminelle et condamnés à l’issue d’une procédure intentée par la CVMO devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario (la « CSJO »), des amendes pouvant aller jusqu’à 5 M$ CA par infraction et, surtout, des peines d’emprisonnement d’un maximum de cinq ans peuvent leur être imposées. Les défendeurs bénéficient en revanche de droits plus importants que ceux qui leur auraient été accordés dans le cadre de procédures administratives. Il convient de noter que les procédures engagées devant un tribunal administratif obligent la CVMO à présenter une preuve établie selon la prépondérance des probabilités, alors que le niveau de preuve exigé dans les affaires quasi criminelles est celui d’une preuve hors de tout doute raisonnable. Dans le cadre de procédures quasi criminelles, les défendeurs ont par ailleurs droit à d’autres protections en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, dont le principe contre l’auto-incrimination et la défense fondée sur la diligence raisonnable.
DIFFICULTÉ CONSTANTE D’OBTENIR DES CONDAMNATIONS EN MATIÈRE QUASI CRIMINELLE
Bien que, par le passé, les organismes canadiens de réglementation en valeurs mobilières aient peiné à obtenir des condamnations à l’issue de procédures quasi criminelles, en 2021, la CVMO a porté avec succès des accusations quasi criminelles contre deux particuliers accusés de fraudes et d’autres infractions en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières (Ontario), cette affaire s’étant soldée par l’imposition de peines d’emprisonnement et de périodes de probation aux défendeurs. Malheureusement pour la CVMO, une récente affaire montre à quel point il est toujours difficile d’obtenir des condamnations dans le cadre de procédures quasi criminelles. En décembre 2022, la CVMO s’est trouvé forcée de retirer abruptement ses accusations de fraude et de délit d’initiés contre trois anciens administrateurs et dirigeants de CannTrust Holdings Inc., une ancienne société ouverte de cannabis, dans le cadre d’un procès en matière quasi criminelle intenté devant la CSJO. Au milieu de ce procès hautement médiatisé, la CVMO en est arrivée à la conclusion que ses possibilités raisonnables d’obtenir des condamnations étaient nulles, compte tenu du fardeau de la preuve accru en matière criminelle dont il est question ci-dessus. La CSJO a alors rendu un verdict d’acquittement à l’égard des défendeurs.
En 2023, il sera intéressant de voir si la CVMO continuera de porter de nouvelles accusations de nature quasi criminelle, malgré son récent échec, ou si elle optera de nouveau pour la voie administrative, plus limitée mais moins exigeante.
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