Les sociétés canadiennes subissent de plus en plus de pression pour augmenter le nombre de femmes dans leur conseil d’administration et leur équipe de haute direction. Il semblerait, en fait, que les sociétés dont le conseil d’administration compte pratiquement autant de femmes que d’hommes dégagent des bénéfices plus élevés et obtiennent un meilleur rendement. Les sociétés ayant des conseils d’administration plus diversifiés obtiendraient par ailleurs de meilleurs résultats pour ce qui est des critères liés à l’environnement, à la société et à la gouvernance (« ESG »), et pas uniquement sur le plan de la diversité des genres. Du reste, la diversité des genres améliorerait non seulement le bénéfice net des sociétés, mais aussi la capacité de ces dernières à gérer les risques et les occasions associés aux critères ESG, notamment en renforçant la responsabilité sociale de ces sociétés et en ayant un impact positif sur les mesures prises par celles-ci en réponse aux changements climatiques.
Le nombre de femmes siégeant au sein d’un conseil d’administration a augmenté au Canada, en partie en raison des obligations d’information qui ont été imposées et de la pression exercée par les investisseurs institutionnels. Cela dit, le pays progresse lentement sur ce front, et il est à la traîne de nombreux pays européens, comme la Norvège, la France, la Suède et la Finlande. La parité entre les femmes et les hommes au sein des conseils d’administration est presque atteinte en Norvège et en France, où des lois fixent maintenant des quotas concernant la féminisation des conseils d’administration, les sociétés visées devant veiller à ce qu’au moins 40 % des sièges soient occupés par des femmes.
DIVERSITÉ DES GENRES ET CRITÈRES ESG
Un lien aurait été établi entre la présence de groupes diversifiés dans les conseils d’administration de certaines sociétés et l’augmentation de la rentabilité de celles-ci, du rendement de leur titre boursier ainsi que de leur performance d’entreprise. Qui plus est, des recherches indiquent que les sociétés ayant des conseils d’administration plus diversifiés surpassent leurs pairs au chapitre des critères ESG et tendent à divulguer davantage d’information liée à l’environnement. Par exemple, ces sociétés seraient plus enclines à accepter de divulguer de l’information liée aux changements climatiques et à leur engagement à cet égard.
Un lien aurait également été établi entre la diversité au sein des conseils d’administration et la responsabilité sociale d’entreprise des sociétés (« RSE »). Les activités de RSE d’une société visent à avoir un impact positif sur des objectifs sociaux de nature plus générale qui vont au-delà des résultats financiers immédiats de cette société. Il a été déterminé que les activités de RSE d’une société auraient un effet positif sur la réputation générale de cette dernière. De ce fait, une société qui augmenterait le nombre de femmes à son conseil d’administration pourrait avoir une plus grande facilité à satisfaire à d’autres critères ESG, tout en obtenant des résultats financiers plus élevés et une meilleure réputation.
APPROCHE ADOPTÉE PAR LE CANADA
Au Canada, l’adoption d’obligations d’information en matière de diversité et les pressions exercées par des investisseurs institutionnels incitent les sociétés à augmenter la représentation féminine au sein de leur conseil d’administration. Les lois sur les valeurs mobilières exigent des émetteurs non émergents qu’ils se conforment aux obligations d’information liée à la représentation féminine dans les conseils d’administration et les équipes de haute direction ou, sinon, qu’ils expliquent pourquoi ils ne s’y conforment pas (Règlement 58-101 sur l’information concernant les pratiques en matière de gouvernance). La Loi canadienne sur les sociétés par actions (la « LCSA ») et les règlements pris en application de celle-ci élargissent la portée du principe « se conformer ou s’expliquer » applicable aux sociétés visées par la LCSA pour inclure les émetteurs émergents et les sociétés ouvertes dont les titres sont inscrits à la cote d’une bourse à l’extérieur du Canada (voir le Bulletin Blakes de juillet 2019, LCSA : les sociétés devront fournir des renseignements supplémentaires sur la diversité en 2020).
Quant aux pressions exercées sur les sociétés pour qu’elles augmentent la représentation féminine au sein de leur conseil d’administration par les investisseurs institutionnels au Canada, en voici quelques exemples :
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Les agences de conseil en vote, comme Institutional Shareholder Services Inc. (« ISS ») et Glass Lewis & Co. (« Glass Lewis ») ont adopté des lignes directrices applicables à l’exercice des votes qui visent à favoriser la présence de femmes dans les conseils d’administration. Par exemple, à compter de février 2022, pour ce qui est des sociétés inscrites à l’indice composé S&P/TSX, ISS recommandera généralement que les actionnaires « s’abstiennent » de voter pour l’élection de certains administrateurs si : (i) le conseil d’administration de l’émetteur est composé de moins de 30 % de femmes; ou que (ii) A) l’émetteur n’a pas divulgué de politique écrite formelle en matière de diversité de genre; ou B) la politique écrite formelle en matière de diversité de genre de l’émetteur ne comprend pas un engagement à atteindre une proportion d’au moins 30 % de femmes au sein du conseil dans un délai raisonnable (voir le Bulletin Blakes de janvier 2021, Lignes directrices sur le vote par procuration pour 2021 : points saillants au Canada). En outre, ISS a récemment fait savoir qu’elle entendait revoir ses lignes directrices afin de recommander qu’en règle générale, les actionnaires s’abstiennent de voter pour l’élection de certains administrateurs si la société en question n’a pas annoncé son intention d’augmenter à au moins 30 % la représentation féminine au sein de son conseil d’administration avant la tenue de la prochaine assemblée générale annuelle, plutôt que dans un délai raisonnable.
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Le Groupe de travail sur la modernisation (le « groupe de travail ») mis sur pied par le gouvernement de l’Ontario a formulé des recommandations au sujet de l’inclusion des femmes dans les conseils d’administration. Il a notamment proposé d’obliger les sociétés ouvertes à se fixer des objectifs, ainsi que des échéanciers pour la mise en œuvre de ceux-ci, en vue d’accroître la diversité des genres au sein de leur conseil d’administration et de leur équipe de haute direction, ainsi qu’à déclarer chaque année des données sur la composition de leur conseil d’administration et de leur équipe de haute direction. De plus, le groupe de travail a recommandé que la cible appropriée de représentation au sein du conseil d’administration et de la haute direction corresponde à 50 % du nombre de sièges ou de postes total, et d’obliger les sociétés visées à atteindre cette cible d’ici les cinq prochaines années (voir le Bulletin Blakes de février 2021, Le Groupe de travail sur la modernisation relative aux marchés financiers de l’Ontario publie son rapport final).
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Le Défi 50-30 est une initiative élaborée par le gouvernement du Canada et différentes organisations dans le but d’augmenter la représentation et de favoriser l’inclusion des groupes diversifiés dans les milieux de travail au Canada. Les participants aspirent à atteindre la parité entre les femmes et les hommes (50 %) au sein de leur conseil d’administration et de leur équipe de haute direction. Plus de 1 200 organisations au Canada ont décidé de relever le Défi 50-30.
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De nombreux investisseurs institutionnels au Canada se sont dotés de politiques en matière de diversité qu’ils appliquent au moment d’exercer leurs droits de vote, et ont exprimé leurs attentes à l’égard de la diversité des genres en particulier. Certains investisseurs de premier plan au Canada ont quant à eux modifié leurs politiques de vote afin d’obliger les sociétés dans lesquelles ils investissent à compter un certain nombre de femmes dans leur conseil d’administration. Par exemple, la British Columbia Investment Management Corporation, la Caisse de dépôt et placement du Québec, le Régime de pensions du Canada, OMERS, le Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario et RBC Gestion mondiale d’actifs exigent que les sociétés dans lesquelles ils investissent adoptent des politiques de vote visant une composition d’au moins 30 % de femmes au sein de leur conseil d’administration. Du reste, de nombreux investisseurs institutionnels canadiens et grands cabinets de services professionnels sont membres du 30 % Club. Les membres de ce groupe demandent que, d’ici 2022, la représentation féminine soit de 30 % au sein des conseils d’administration et des équipes de haute direction des sociétés inscrites à l’indice composé S&P/TSX.
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Les pressions exercées par les investisseurs institutionnels montent également ailleurs dans le monde. BlackRock, un gestionnaire américain de placements mondiaux établi dans la ville de New York, implore les sociétés dans lesquelles il investit de divulguer de l’information à propos de la diversité des genres dans leur conseil d’administration et d’accroître le nombre de sièges occupés par des femmes. En 2018, BlackRock a envoyé une lettre à près de 300 sociétés figurant à l’indice Russell 1000 qui comptaient moins de deux femmes au sein de leur conseil d’administration pour leur demander d’expliquer l’absence de progrès sur ce front et les mesures envisagées pour remédier à la situation.
Le fameux rapport Board Games publié chaque année par le Globe and Mail octroie jusqu’à deux points aux sociétés en ce qui a trait à la diversité des genres au sein du conseil d’administration. Plus précisément, une société se voit attribuer (i) deux points si elle présente en détail la politique qu’elle met en œuvre pour assurer la représentation féminine au sein de son conseil d’administration, et déclare la cible qu’elle s’est fixée à cet égard, de même que le délai qu’elle s’impose pour y parvenir; (ii) un point si elle décrit en détail le processus qu’elle a mis en place pour tenir compte de la représentation féminine au sein de son conseil d’administration, notamment en adoptant des pratiques de dotation qui privilégient la mise en candidature de femmes au poste d’administratrices, mais qui autrement ne s’est pas fixé de cible ni de délai à cet égard; et (iii) aucun point si elle n’a pas de politique en matière de diversité et n’a pas pris de mesures pour favoriser la diversité des genres dans le cadre des initiatives de recrutement.
Malgré les obligations d’information qui ont été imposées en matière de diversité et les pressions exercées par différents investisseurs institutionnels, la situation progresse lentement au Canada. Selon une étude réalisée par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (« ACVM ») sur le respect des obligations d’information sur la diversité de genre auprès de 599 émetteurs dont l’exercice se terminait entre le 31 décembre 2020 et le 31 mars 2021, le pourcentage de sièges occupés par des femmes aux conseils d’administration serait passé de 20 % à 22 % d’une année sur l’autre. L’étude aurait par ailleurs révélé que 18 % des émetteurs canadiens ne comptaient aucune femme parmi leurs administrateurs à l’heure actuelle et que seulement 32 % des émetteurs se seraient fixé des cibles au titre de la représentation féminine dans leur conseil d’administration. Quant à l’accès des femmes aux postes de haute direction, 67 % des émetteurs auraient déclaré avoir au moins une femme à la haute direction, 5 % auraient affirmé avoir une femme chef de la direction et 17 % auraient précisé avoir une femme chef des finances.
APPROCHE ADOPTÉE À L’ÉCHELLE INTERNATIONALE
Même si le pourcentage de femmes siégeant à des conseils d’administration augmente graduellement au pays, le Canada est encore à la traîne par rapport à d’autres pays européens. La Norvège et la France ouvrent la marche à ce chapitre, suivis de la Suède et de la Finlande. À l’exception de ces derniers, les pays où le nombre de sièges occupés par des femmes au sein des conseils d’administration est le plus élevé ont tous mis en place des quotas. Certains États américains ont eux aussi fixé des quotas ou établi des exigences en matière de diversité des genres dans le but de favoriser l’inclusion des femmes dans les conseils d’administration des sociétés ouvertes.
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Norvège : En 2005, la Norvège est devenue le premier pays à adopter une loi fixant un quota (au moins 40 %) de femmes dans les conseils d’administration des sociétés ouvertes à responsabilité limitée. Autrement dit, dans ce pays, si un conseil d’administration comporte deux ou trois sièges, au moins deux membres doivent être du même sexe; s’il comporte quatre ou cinq sièges, il doit y avoir au moins deux membres de chaque sexe; s’il comporte de six à huit sièges, il doit y avoir au moins trois membres de chaque sexe; s’il comporte neuf sièges, il doit y avoir au moins quatre membres de chaque sexe; et, enfin, s’il comporte plus de neuf membres, chaque sexe doit représenter au moins 40 % du total des sièges.
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France : En 2017, la France a elle aussi imposé un quota de 40 % de femmes dans les conseils d’administration. Si un conseil d’administration comporte huit sièges et moins, il ne doit jamais y avoir une différence de plus de deux membres entre le nombre de membres d’un sexe ou de l’autre. Ce quota s’applique aux sociétés dont les actions sont négociées dans un marché réglementé, aux sociétés fermées dont le revenu ou les actifs totaux dépassent 50 M€ et qui ont 250 employés ou plus pendant trois années consécutives, ainsi qu’aux organismes gouvernementaux.
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États-Unis : En 2018, la Californie a adopté une loi exigeant que toutes les sociétés ouvertes ayant établi leur siège social sur son territoire aient au moins une femme au sein de leur conseil d’administration d’ici la fin de 2019. Avant la fin de 2021, les conseils d’administration qui comportent cinq sièges devront compter au moins deux administratrices, et ceux de six sièges et plus devront compter au moins trois administratrices. En 2020, Washington a pour sa part adopté une loi en vertu de laquelle les sociétés ouvertes constituées sur son territoire doivent, d’ici le 1er janvier 2022, soit avoir au moins 25 % de personnes s’auto-identifiant en tant que femmes au sein de leur conseil d’administration, soit fournir un rapport à leurs actionnaires expliquant pourquoi elles n’ont pas réussi à respecter le quota de 25 %. De même, en août 2021, la Securities and Exchange Commission des États-Unis a approuvé de nouvelles règles exigeant des sociétés inscrites à la cote du Nasdaq de compter au moins deux administrateurs issus de groupes diversifiés, dont une femme. Si la société inscrite à la cote du Nasdaq n’a pas de femme à son conseil d’administration, elle doit expliquer pourquoi il en est ainsi.
Il y aurait lieu pour les sociétés canadiennes de s’inspirer des progrès réalisés à l’étranger sur le plan de la diversité dans les conseils d’administration au moment de prendre leurs propres décisions relativement à l’élection des administrateurs et à la nomination des hauts dirigeants. Comme la diversité des genres au sein des conseils d’administration serait bel et bien associée à une meilleure performance d’entreprise, notamment du côté des critères ESG, il y a fort à parier que les sociétés canadiennes continueront de subir de la pression de la part des investisseurs institutionnels à ce chapitre.
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