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En raison de modifications législatives récentes, les gouvernements ont mis en œuvre de nouvelles règles et de nouveaux règlements qui ont une incidence sur la concurrence et l’investissement étranger, y compris les examens de fusions. Le guide Faire affaire au Canada de Blakes donne un aperçu sommaire de la situation. Pour connaître les derniers développements en droit de la concurrence et de l’investissement étranger, consultez la page Perspectives de Blakes ou communiquez avec un membre de nos groupes Concurrence et antitrust ou Investissement étranger.
1. Droit de la concurrence
La Loi sur la concurrence (la « Loi ») constitue la loi antitrust au Canada. Elle est d’application générale et reflète la théorie économique classique concernant l’efficacité des marchés et la maximisation du bien‑être du consommateur. Elle est administrée et appliquée par le Bureau de la concurrence (le « Bureau »), un organisme fédéral d’enquête dirigé par le Commissaire de la concurrence (le « Commissaire »). La Loi peut se diviser en deux parties principales : les infractions criminelles et les comportements susceptibles d’examen au civil, ce qui comprend la réglementation en matière de fusions.
1.1 - Infractions criminelles
1.1.1 - Quelles pratiques commerciales font naître la responsabilité criminelle?
Les principales infractions criminelles prévues par la Loi sont le complot et le truquage des offres.
Les dispositions sur le complot interdisent aux concurrents (y compris aux sociétés susceptibles de se faire concurrence) de comploter ou de conclure un accord ou un arrangement pour fixer les prix, attribuer des ventes, des territoires, des clients ou des marchés, ou fixer ou contrôler la production ou la fourniture de produit. La violation de ces dispositions constitue une infraction en soi (c’est-à-dire qu’il n’est pas nécessaire de démontrer l’effet sur la concurrence pour obtenir une condamnation). En outre, la Loi interdit et constitue en infraction criminelle le fait pour des employeurs non affiliés de s’entendre réciproquement entre eux pour fixer les salaires et ne pas embaucher ou solliciter leurs employés respectifs. Cette interdiction s’applique aussi aux accords conclus entre des employeurs qui ne sont pas des concurrents. La sanction en cas de déclaration de culpabilité est un emprisonnement maximal de 14 ans ou une amende dont le montant est laissé à la discrétion des tribunaux.
Les dispositions relatives au truquage des offres interdisent à deux soumissionnaires ou plus (en réponse à un appel ou une demande de soumissions ou d’offres) de s’entendre pour qu’une partie s’abstienne de présenter une offre ou retire une offre soumise ou encore que les parties s’entendent entre elles sur les offres présentées. Les dispositions ne s’appliquent pas lorsque les parties informent la partie ayant lancé l’appel d’offres de leur accord de présentation d’offres communes au plus tard lors de la soumission ou du retrait de l’offre. La sanction en cas de déclaration de culpabilité est un emprisonnement maximal de 14 ans et/ou une amende dont le montant est laissé à la discrétion du tribunal.
D’autres infractions criminelles prévues par la Loi portent sur les indications fausses ou trompeuses au public, lesquelles comprennent désormais explicitement les indications de prix partiel et peuvent entraîner un emprisonnement maximal de 14 ans ou une amende dont le montant est laissé à la discrétion des tribunaux.
1.1.2 - Poursuites criminelles en vertu de la Loi sur la concurrence
Le Commissaire peut, de son propre chef ou à la suite d’une plainte de six résidents canadiens, ouvrir une enquête au sujet d’une possible violation des dispositions criminelles de la Loi. À tout moment au cours de l’enquête, le Commissaire peut renvoyer la question au Directeur des poursuites pénales (le « DPP »). Ce dernier est le seul à pouvoir intenter des procédures criminelles pour violation de la Loi. Pour obtenir une déclaration de culpabilité, il doit démontrer au tribunal, hors de tout doute raisonnable, qu’une infraction a été commise.
Il convient de noter qu’aux termes de la Loi, un organisme étranger compétent en matière de concurrence qui est partie à un traité d’entraide juridique avec le Canada peut demander, sous réserve d’une approbation ministérielle, l’aide du Commissaire pour approfondir son enquête, même lorsque la pratique anticoncurrentielle alléguée n’a pas eu lieu au Canada. Les preuves obtenues par le Commissaire lors d’une enquête canadienne peuvent être remises à un organisme étranger compétent en matière de concurrence sans l’autorisation de la partie qui fait l’objet de l’enquête.
La Loi prévoit également un droit privé d’action pour les pertes subies en raison d’une violation de ses dispositions criminelles (voir le paragraphe 1.3 du chapitre IV, « Quelles pratiques commerciales font naître la responsabilité civile? Quel est le degré d’exposition au risque de dommages‑intérêts? »).
1.1.3 - Mesures d’application récentes
En réponse à une tendance mondiale des organismes compétents en matière de concurrence, le Commissaire continue de dédier des ressources importantes à l’application des dispositions criminelles de la Loi portant sur le complot, principalement en ce qui a trait aux ententes dites « injustifiables » qui comportent des accords purs et simples entre concurrents pour fixer entre eux les prix ou se partager des marchés ou des clients. L’amende la plus importante imposée à une société à ce jour est de 50 M$ CA pour complot et de 30 M$ CA pour truquage des offres. Les dirigeants se sont également vu imposer des amendes et des peines d’emprisonnement.
1.2 - Quelles pratiques commerciales sont susceptibles d’examen et assujetties à un possible examen par le Tribunal de la concurrence?
Certains comportements non criminels peuvent être assujettis aux enquêtes du Bureau et aux examens du Tribunal de la concurrence (le « Tribunal »). Ce dernier est un organisme spécialisé composé de juges et de membres non juges. Les pratiques susceptibles d’examen ne sont pas criminelles ni interdites à moins qu’elles ne fassent l’objet d’une ordonnance du Tribunal visant précisément ce comportement ou cette partie. Les comportements susceptibles d’examen par le Tribunal comprennent, entre autres, les ententes anticoncurrentielles non criminelles, le refus de vendre, l’exclusivité, les ventes liées, la limitation du marché, le maintien des prix de même que l’abus de position dominante.
Si le Tribunal détermine, selon la norme civile de prépondérance des probabilités, qu’une personne a participé à une activité susceptible d’examen, il peut, selon l’activité, ordonner à cette personne de poser ou de cesser de poser un geste particulier et prendre par ailleurs toute autre mesure pour mettre fin au dommage anticoncurrentiel. Le Tribunal peut également imposer des sanctions administratives pécuniaires en vertu des dispositions sur l’abus de position dominante et sur les ententes anticoncurrentielles non criminelles, lesquelles sanctions peuvent se chiffrer au montant le plus élevé entre (i) une amende maximale de 25 M$ CA dans le premier cas et de 10 M$ CA dans le deuxième cas (et dans le cas de récidivistes, de 15 M$ CA) et trois fois la valeur du bénéfice tiré du comportement ou, si ce montant ne peut pas être calculé facilement, 3 % des recettes globales brutes annuelles de la société. Il peut y avoir de surcroît des sanctions criminelles pour la non-conformité à une ordonnance une fois que celle‑ci a été rendue.
Les parties privées ont le droit de déposer une demande directement auprès du Tribunal relativement au refus de vendre, à l’exclusivité, aux ventes liées, à la limitation du marché, au maintien des prix, à l’abus de position dominante, aux ententes anticoncurrentielles non criminelles et aux pratiques commerciales trompeuses qui relèvent du droit civil. Elles doivent toutefois obtenir la permission du Tribunal avant de pouvoir déposer une demande et être directement et sensiblement gênées en raison du comportement de l’entreprise, ou cela doit servir l’intérêt public.
1.3 - Quelles pratiques commerciales font naître la responsabilité civile? Quel est le degré d’exposition au risque de dommages‑intérêts?
L’article 36 de la Loi prévoit un droit privé d’action pour les parties ayant subi des pertes en raison (i) de la violation par une autre partie de toute disposition criminelle prévue à la partie VI de la Loi (voir le paragraphe 1.1 du chapitre IV, « Infractions criminelles » pour obtenir une description des principales infractions criminelles aux termes de la Loi), ou (ii) du défaut d’obtempérer à une ordonnance rendue aux termes de la Loi, notamment par le Tribunal relativement aux comportements susceptibles d’examen au civil. La validité constitutionnelle de cette disposition a été confirmée, ce qui a augmenté le nombre de parties souhaitant faire appliquer ce droit.
Contrairement aux États‑Unis, qui autorisent les dommages-intérêts triples, l’article 36 limite les dommages-intérêts recouvrables aux pertes dont on peut prouver qu’elles résultent d’une violation de la Loi ou du défaut d’obtempérer à l’ordonnance en question, plus les frais.
L’article 36 prévoit spécifiquement que les « procès-verbaux relatifs aux procédures engagées », dans le cadre de procédures qui ont donné lieu à (i) une déclaration de culpabilité pour une infraction criminelle aux termes de la Loi ou à (ii) une déclaration de défaut d’obtempérer à une ordonnance rendue aux termes de la Loi, constituent une preuve prima facie du comportement allégué dans le cadre d’une action civile. En outre, toute preuve fournie lors de procédures antérieures quant à l’effet du comportement sur la personne qui intente l’action civile constitue « une preuve de cet effet » dans l’action civile.
De plus, comme il est mentionné précédemment, les parties privées peuvent, avec l’autorisation du Tribunal, déposer des demandes relativement au refus de vendre, au maintien des prix, à l’exclusivité, aux ventes liées, à la limitation du marché, à l’abus de position dominante, aux ententes anticoncurrentielles non criminelles et aux pratiques commerciales trompeuses qui relèvent du droit civil. Depuis juin 2025, les demandeurs qui ont obtenu un jugement en leur faveur peuvent se voir attribuer « une somme - ne pouvant excéder la valeur du bénéfice tiré du comportement visé par l’ordonnance - devant être répartie […] entre le demandeur et toute autre personne touchée par le comportement » ou, dans le cas de pratiques commerciales trompeuses, on peut « payer aux personnes auxquelles les produits visés par le comportement ont été vendus [...] — une somme [...] devant être répartie entre elles [...] ».
1.4 - Réglementation en matière de fusions
1.4.1 - Quelles situations requièrent un préavis de fusion?
Les fusions relèvent des dispositions de la Loi relatives aux questions civiles susceptibles d’examen. Toutes les fusions sont assujetties à la Loi, et donc aux dispositions d’examen approfondi (décrites au chapitre IV, alinéa 1.4.3, « Quel est le critère de fond applicable à l’examen des fusions? »), ainsi qu’aux procédures d’exécution (présentées à l’alinéa 1.4.4 du chapitre IV, « Qu’arrive-t-il lorsque le Commissaire est préoccupé par une opération? »). De plus, les fusions qui atteignent certains seuils fixés doivent être approuvées par le Bureau, et le délai applicable prévu par la loi doit avoir expiré, sous réserve de quelques exceptions, avant qu’une fusion puisse être complétée. La Loi comporte également une disposition anti-évitement visant les opérations conçues dans le but d’éviter l’application de ces exigences.
Les seuils applicables aux opérations de fusion sont les suivants :
- Critère de la taille des parties : les parties participant à l’opération, ainsi que les membres de leur groupe, doivent avoir des actifs au Canada, ou des revenus bruts provenant de ventes au Canada, en provenance du Canada ou vers le Canada, qui excèdent 400 M$ CA.
- Critère de la taille de l’opération : en ce qui concerne la cible, la valeur comptable des actifs au Canada, ou des revenus bruts provenant de ventes au Canada, en provenance du Canada ou vers le Canada relativement à tous les actifs de la cible, doit dépasser 93 M$ CA (ce montant est ajusté annuellement).
- Critère de la participation ou de l’intérêt : en plus des deux critères ci‑dessus, la Loi prévoit un examen de la participation ou de l’intérêt économique qui s’applique à l’acquisition d’une participation dans une société par actions ou dans une entité non constituée en société par actions. Dans le premier cas, l’acquéreur et les membres de son groupe doivent détenir, à la suite de l’acquisition, plus de 20 % des actions à droit de vote d’une société ouverte ou plus de 35 % dans le cas d’une société fermée ou, lorsque l’acquéreur dépasse déjà ces seuils, l’acquisition doit faire en sorte que l’acquéreur et les membres de son groupe détiennent plus de 50 % des actions à droit de vote de la société. Dans le cas d’une entité non constituée en société par actions, le critère est semblable à celui mentionné plus haut, mais la participation est fondée sur le droit à plus de 35 % des profits ou actifs en cas de dissolution, et si ce pourcentage est déjà dépassé, il sera alors de plus de 50 %. Des seuils supplémentaires s’appliquent dans le cas de fusions, comme les fusions triangulaires (Delaware mergers).
Si tous les seuils applicables sont dépassés, les parties à l’opération doivent fournir au Commissaire les informations requises relativement aux parties et aux membres de leur groupe. L’obligation d’avis s’applique aux deux parties à l’opération (qui, dans le cas d’une acquisition d’actions, s’entendent de l’acquéreur et de la cible, plutôt que du vendeur) et le délai prévu par la loi (décrit ci‑dessous) ne commence pas à courir avant que les parties aient soumis leur avis respectif. Cependant, dans le cas d’une offre d’achat hostile, une disposition permet au Commissaire d’obliger la société cible à fournir son avis dans un délai prescrit. Lorsque cette disposition s’applique, le délai prévu par la loi débute au moment où l’acquéreur dépose son avis. Un avis est assujetti à des frais de dépôt de 88 690,45 $ CA (ce montant est revu annuellement).
1.4.2 - Quelles sont les procédures d’avis?
Le délai est de 30 jours civils suivant le jour où les avis complets ont été déposés auprès du Bureau par toutes les parties à une fusion devant faire l’objet d’un avis.
Les parties peuvent conclure l’opération une fois le délai de 30 jours prévu par la loi expiré, à moins que le Commissaire émette une demande de renseignements supplémentaires (« DRS »), laquelle est similaire à une « deuxième demande » (Second Request) aux États-Unis. Une DRS engendre un deuxième délai de 30 jours civils débutant au moment où le commissaire reçoit de chacune des parties une réponse complète attestée pour chacun des renseignements demandés. La portée de cette DRS peut être très vaste; toute information pertinente à l’examen de l’opération par le Commissaire peut être requise. Sous réserve d’une injonction obtenue par le Commissaire, les parties à la fusion peuvent réaliser leur fusion une fois que le délai a expiré. Dans de nombreux cas, cependant, les parties choisiront d’attendre que le Commissaire ait terminé son examen approfondi de l’opération avant de réaliser la fusion (voir l’alinéa 1.4.3 du chapitre IV, « Quel est le critère de fond applicable à l’examen des fusions? »).
En plus ou au lieu de soumettre un avis, les parties à la fusion peuvent demander au Commissaire d’émettre un certificat de décision préalable (« CDP »). Un CDP peut être délivré lorsque le Commissaire est convaincu qu’il n’existe pas de motifs suffisants pour contester la fusion devant le Tribunal. En pratique, un CDP est délivré seulement à l’égard des fusions qui ne soulèvent pas de questions importantes. La délivrance d’un CDP confère deux avantages principaux :
- elle soustrait les parties à l’obligation de déposer un avis (lorsque le Commissaire ne délivre pas de CDP, les parties peuvent demander d’être relevées de l’exigence de dépôt d’un avis);
- elle empêche le Commissaire de contester ultérieurement la fusion en se servant des mêmes faits que ceux utilisés pour la délivrance du CDP.
Des frais de dépôt de 88 690,45 $ CA s’appliquent à une demande de CDP (ce montant est revu annuellement). Des frais s’appliquent une seule fois lorsqu’une demande de CDP et un avis ont été déposés.
Si le Commissaire n’est pas prêt à délivrer un CDP, mais qu’il n’a malgré tout pas l’intention d’entamer une procédure de contestation de l’opération proposée en se fondant sur les renseignements disponibles, il remet habituellement ce qui est communément appelé une lettre de non-intervention. De très nombreuses opérations se concluent en se fondant sur une lettre de non-intervention. Cependant, lorsqu’aucun CDP n’a été délivré, le Commissaire conserve en théorie son pouvoir de contester une opération pendant au plus un an après qu’elle a été essentiellement réalisée. En ce qui concerne les fusions qui n’ont pas fait l’objet d’un avis, le Commissaire a le pouvoir de contester une opération pendant au plus trois ans après qu’elle a été essentiellement réalisée.
1.4.3 - Quel est le critère de fond applicable à l’examen des fusions?
Le critère de fond applicable à une opération de fusion consiste à savoir si elle empêchera ou diminuera sensiblement la concurrence sur un marché pertinent ou si elle aura vraisemblablement cet effet. Un marché pertinent est défini par la dimension du produit et la dimension géographique. La Loi prévoit que les facteurs pertinents à l’évaluation des effets de la fusion sur la concurrence comprennent la portée de la concurrence étrangère, la déconfiture ou la déconfiture vraisemblable de l’entreprise achetée, la mesure dans laquelle des substituts acceptables existent, les entraves à l’accès, la subsistance du niveau de concurrence réelle, l’élimination d’un concurrent dynamique et efficace, la nature et la portée des changements et des innovations sur le marché, les effets de réseau, le renforcement d’une entreprise en place, l’effet sur la concurrence hors prix ou par les prix, la variation de la concentration ou des parts de marché vraisemblablement entraînée par la fusion, la possibilité d’une coordination entre les concurrents, de même que tout autre facteur pertinent pour la concurrence. La Loi établit aussi une présomption selon laquelle une fusion qui donne lieu à une augmentation importante de la concentration d’un marché ou de la part du marché d’une des parties serait susceptible d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence.
1.4.4 - Qu’arrive-t-il lorsque le Commissaire est préoccupé par une opération?
Si, au cours de l’examen d’une fusion proposée, le Commissaire identifie des domaines dans lesquels, selon lui, l’opération est susceptible d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence, il essaiera normalement de négocier des modifications à l’opération afin de répondre à ses préoccupations, lesquelles peuvent comprendre des mesures correctives structurelles (comme des dessaisissements) et/ou des engagements de type comportemental. Ces négociations peuvent être prolongées.
Le Commissaire, avant de contester une opération devant le Tribunal, demandera à celui‑ci de rendre une ordonnance pour empêcher les parties de réaliser l’opération pendant une période ne dépassant pas 30 jours, afin de lui permettre de terminer l’enquête. Si le Commissaire en fait la demande, cette période peut être prolongée de 30 jours supplémentaires. Suivant la fin de cette période, le Commissaire peut contester la fusion.
S’il dépose une demande de contestation devant le Tribunal au sujet de l’opération, il peut également demander une ordonnance provisoire aux conditions jugées appropriées par le Tribunal, y compris une ordonnance empêchant la clôture jusqu’à l’obtention d’une décision sur le fond.
Il existe un précédent au Bureau qui permet aux parties de prendre livraison des actions et de conclure un accord de séparation des actifs jusqu’à ce que le Tribunal rende sa décision. Après son examen, le Tribunal peut permettre la réalisation de la fusion ou, dans le cas d’une fusion déjà réalisée, il peut demander à un acheteur de vendre les actifs ou les actions, en partie ou en totalité, ou de prendre toute autre mesure jugée acceptable tant par les parties à la fusion que par le Commissaire.
Dans la plupart des cas où le Commissaire a formulé des inquiétudes, les parties ont été capables de s’entendre sur une série d’engagements satisfaisants pour les parties à la fusion et le Commissaire.
2. Règles générales concernant les investissements étrangers
2.1 - Existe-t-il une réglementation particulière qui régit les investissements étrangers?
La Loi sur Investissement Canada (la « LIC ») est une loi fédérale d’application générale qui réglemente les investissements faits par des non-Canadiens dans des entreprises canadiennes. Sauf en ce qui concerne les entreprises culturelles, la Direction générale de l’examen des investissements étrangers et de la sécurité économique (la « Direction générale ») applique la LIC sous la direction du ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique du Canada (« ministre ISDEC »). Le ministre du Patrimoine canadien a quant à lui la responsabilité d’examiner les investissements visant des entreprises culturelles (c’est-à-dire les activités commerciales liées au patrimoine culturel du Canada, notamment l’édition, le cinéma, la vidéo, la musique et la radiodiffusion). Dans certains cas, lorsque seulement une partie des activités commerciales de l’entreprise canadienne porte sur le patrimoine culturel du Canada, les investissements font l’objet d’un examen à la fois par le ministre ISDEC et par le ministre du Patrimoine canadien.
Les investissements faits par des non-Canadiens pour acquérir le contrôle d’entreprises canadiennes existantes ou pour en constituer de nouvelles sont sujets à un examen (pour établir s’ils sont à l’« avantage net du Canada ») ou doivent faire l’objet d’un avis aux termes de la LIC. La réglementation quant aux acquisitions de contrôle et quant à savoir si un investisseur est « canadien » est complexe et étendue.
Une « acquisition directe », au sens de la LIC, se caractérise par l’acquisition d’une entreprise canadienne au moyen de l’acquisition de la totalité ou de la quasi-totalité de ses actifs ou de la majorité (ou, dans certains cas, du tiers ou de plus du tiers) des participations avec droit de vote (actions) d’une entité canadienne qui exploite l’entreprise au Canada. Sous réserve des exceptions courantes dont il est question ci‑après, une acquisition directe est sujette à un examen si la valeur comptable des actifs acquis est égale ou supérieure à 5 M$ CA.
Une « acquisition indirecte », au sens de la LIC, se caractérise par l’acquisition du contrôle d’une entreprise canadienne au moyen de l’acquisition d’une entité mère non canadienne. Sous réserve des exceptions courantes dont il est question ci‑après, une acquisition indirecte est sujette à l’examen si (i) la valeur comptable des actifs canadiens est inférieure ou égale à 50 % de la valeur comptable de la totalité des actifs acquis dans le cadre de l’opération et la valeur comptable des actifs canadiens est égale ou supérieure à 50 M$ CA, ou (ii) la valeur comptable des actifs canadiens est supérieure à 50 % de la valeur comptable de la totalité des actifs acquis dans le cadre de l’opération et la valeur comptable des actifs canadiens est égale ou supérieure à 5 M$ CA.
L’acquisition du contrôle d’une entreprise canadienne existante ou la constitution d’une nouvelle entreprise canadienne peut également être sujette à un examen visant à établir si elle est à l’« avantage net du Canada », quelle que soit la valeur des actifs, lorsqu’elle fait partie d’un type précis d’activité commerciale liée au patrimoine culturel du Canada. Dans tous les cas, des investissements peuvent faire l’objet d’un examen pour motif de sécurité nationale.
Certaines règles spéciales s’appliquent à l’égard des investissements faits par des entreprises d’État :
- Le ministre ISDEC a le pouvoir de décider que le contrôle d’une entreprise canadienne a été acquis « dans les faits » par une entreprise d’État ou qu’une entreprise canadienne est contrôlée « en fait » par une ou plusieurs entreprises d’État (malgré les règles relatives au contrôle par ailleurs établies dans la loi), ce qui peut faire en sorte que certains investissements pourraient être sujets à une obligation d’examen et d’approbation du ministre à laquelle ils n’auraient par ailleurs pas été soumis.
- Une politique mise en place par le gouvernement fédéral en décembre 2012 impose des restrictions quant aux investissements par les entreprises d’État dans les sables bitumineux canadiens. Les acquisitions de contrôle (notamment les acquisitions de contrôle « dans les faits ») d’entreprises exerçant des activités dans les sables bitumineux par des entreprises d’État qui sont sujettes à un examen ne recevront l’approbation du ministre ISDEC que dans des « circonstances exceptionnelles ».
- Une politique mise en place par le gouvernement fédéral en octobre 2022 impose des restrictions quant aux investissements par les entreprises d’État dans les minéraux critiques. Comme dans le cas des entreprises dans les sables bitumineux, les acquisitions de contrôle d’entreprises exerçant des activités dans les minéraux critiques par des entreprises d’État qui sont sujettes à un examen ne recevront l’approbation du ministre ISDEC que dans des « circonstances exceptionnelles ».
La LIC définit une entreprise d’État de manière générale puisque ce terme inclut le gouvernement d’un État étranger et les organismes d’un tel gouvernement ainsi que les unités contrôlées ou influencées, directement ou indirectement, par ce gouvernement ou ces organismes. La LIC vise également les individus qui agissent « sous l’autorité » d’un gouvernement ou d’un organisme étranger ou qui agissent « sous leur influence ». Un investisseur qui est une entreprise d’État, comme tout autre investisseur, devra prendre en considération la possibilité qu’un examen relatif à la sécurité nationale soit réalisé relativement à l’investissement envisagé (voir la section 2.7 du chapitre IV, « Quels sont les types d’investissements étrangers susceptibles de faire l’objet d’un examen relatif à la sécurité nationale? »).
2.2 - En quoi les membres de l’OMC sont-ils traités différemment?
La LIC reflète également l’engagement du Canada en tant que pays membre de l’Organisation mondiale du commerce (« OMC »). Dans le cas d’une acquisition directe par un « investisseur OMC » (non-Canadien) ou auprès d’un tel investisseur, c’est-à-dire un investisseur sous le contrôle de personnes qui sont des résidents d’un pays membre de l’OMC, qui n’est pas une entreprise d’État, le seuil d’examen de 5 M$ CA applicable aux investissements directs augmente pour atteindre une « valeur d’affaire » de 1,386 G$ CA. Ce seuil est ajusté annuellement pour tenir compte de la variation du PIB nominal.
La réglementation précise la manière exacte dont la « valeur d’affaire » est calculée. En règle générale :
- pour les acquisitions du contrôle d’unités ouvertes, la valeur d’affaire des actifs de l’entreprise canadienne correspond à la capitalisation boursière de l’unité plus son passif, moins ses espèces et quasi-espèces;
- pour les acquisitions du contrôle de sociétés fermées et les acquisitions d’actifs, la valeur d’affaire correspond au prix d’achat plus le passif moins les espèces et quasi-espèces.
Ce seuil d’examen plus élevé pour les investisseurs OMC ne s’applique pas dans le cas d’une entreprise canadienne réputée exploiter une « entreprise culturelle ».
Lorsqu’une acquisition directe est effectuée par un investisseur OMC qui est une entreprise d’État, le seuil correspond à un critère reposant sur la valeur de l’actif, qui s’élève à 551 M$ CA, en fonction de la valeur comptable des actifs de l’entreprise canadienne.
L’acquisition indirecte d’une entreprise canadienne par un investisseur OMC (y compris une entreprise d’État) n’est pas sujette à un examen et ne doit faire l’objet que d’un avis (pourvu que l’entreprise canadienne ne soit pas considérée comme une entreprise culturelle).
2.3 - En quoi les investisseurs (traité commercial) sont-ils traités différemment?
Une acquisition directe par un investisseur (traité commercial) est assujettie à un seuil d’examen encore plus élevé que celui pour un investisseur OMC. Les investisseurs (traité commercial) sont des investisseurs dont le pays de contrôle ultime a conclu un traité commercial avec le Canada comme les accords commerciaux régionaux (p. ex., l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne (« AECG »), l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (« ACEUM ») et l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (« PTPGP »)) ou des traités commerciaux bilatéraux (p. ex., l’Accord de continuité commerciale Canada–Royaume-Uni, l’Accord de libre-échange Canada-Chili et l’Accord de libre-échange Canada-Corée).
Lorsqu’une entreprise canadienne est acquise par un investisseur (traité commercial), le seuil d’examen correspond à une « valeur d’affaire » de 2,079 G$ CA (ce qui est supérieur au seuil de 1,386 G$ CA auquel sont assujettis les investisseurs OMC). Ce seuil est ajusté annuellement afin de tenir compte de la variation du PIB nominal.
Le seuil ne s’applique pas aux investissements faits par des entreprises d’État ni aux entreprises canadiennes qui sont des « entreprises culturelles ».
2.4 - Comment se déroule le processus d’examen lorsqu’il est requis?
Une opération sujette à un examen ne peut être conclue que si l’investissement a été examiné et que le ministre compétent est d’avis que l’investissement sera vraisemblablement à l’« avantage net du Canada ». L’investisseur non canadien doit déposer une demande d’examen auprès de la Direction générale et/ou de Patrimoine Canada en y décrivant en détail l’opération envisagée. Il y a un délai d’attente initial d’un maximum de 45 jours civils; le ministre peut prolonger de manière unilatérale ce délai d’un maximum de 30 jours civils supplémentaires et prolonger encore plus la période d’examen uniquement s’il obtient le consentement de l’investisseur (quoique le délai peut être en fait d’une durée indéterminée puisque, à quelques exceptions près, l’investisseur ne peut faire l’acquisition de l’entreprise canadienne tant qu’il n’a pas reçu, ou qu’il n’est pas réputé avoir reçu, la décision du ministre confirmant que l’investissement est à l’« avantage net du Canada »). Si le délai n’est pas prolongé et que l’opération n’a pas été expressément refusée, le ministre est réputé être d’avis que l’investissement sera vraisemblablement à l’avantage net du Canada. Si l’investisseur ne se conforme pas à ces règles, des procédures d’exécution peuvent être engagées à l'encontre de ce dernier et entraîner une pénalité maximale de 25 000 $ CA par jour.
D’un point de vue pratique, les principaux désavantages du processus d’examen se trouvent dans les notions de délai et de négociation. Il est souvent difficile d’obtenir l’approbation du ministre avant l’expiration du délai initial de 45 jours. En outre, le ministre s’attendra à ce que certains engagements (voir le paragraphe 2.4 du chapitre IV, « Comment juge-t-on qu’un investissement est à l’“avantage net du Canada”? ») soient pris et son approbation sera conditionnelle à ces engagements.
Des exigences d’examen spéciales et des délais exceptionnels s’appliquent aux opérations, qu’elles soient déjà effectuées ou envisagées, qui pourraient éventuellement soulever des questions quant à la sécurité nationale (voir la section 2.7 du chapitre IV, « Quels sont les types d’investissements étrangers susceptibles de faire l’objet d’un examen relatif à la sécurité nationale? »).
Lorsqu’un examen visant à établir si l’acquisition est « à l’avantage net du Canada » est effectué en parallèle à un examen relatif à la sécurité nationale, le ministre dispose d’un maximum de 30 jours additionnels pour achever cet examen une fois que l’investissement a été approuvé sur le plan de la sécurité nationale.
2.5 - Comment juge-t-on qu’un investissement est à l’« avantage net du Canada »?
Selon la LIC, le ministre compétent doit tenir compte des facteurs suivants, lorsqu’ils s’appliquent, au moment où il établit si un investissement est à l’« avantage net du Canada » :
- l’effet de l’investissement sur le niveau et la nature de l’activité économique au Canada, notamment sur l’emploi, la transformation des ressources, l’utilisation de pièces et d’éléments produits et de services rendus au Canada et sur les exportations canadiennes;
- l’étendue et l’importance de la participation de Canadiens dans l’entreprise canadienne en question et dans le secteur industriel canadien dont cette entreprise fait partie;
- l’effet de l’investissement sur la productivité, le rendement industriel, le progrès technologique, la création de produits nouveaux et la diversité des produits au Canada, y compris l’effet de l’investissement sur les droits liés à la propriété intellectuelle dont la création a été financée, en totalité ou en partie, par le gouvernement du Canada;
- l’effet de l’investissement sur la concurrence dans un ou plusieurs secteurs industriels au Canada;
- la compatibilité de l’investissement avec les politiques nationales en matière industrielle, économique et culturelle, compte tenu des objectifs de politique industrielle, économique et culturelle qu’ont énoncés le gouvernement ou la législature d’une province sur laquelle l’investissement aura vraisemblablement des répercussions appréciables, y compris l’effet de l’investissement sur l’utilisation et la protection des renseignements personnels concernant les Canadiens;
- la contribution de l’investissement à la compétitivité canadienne sur les marchés mondiaux.
Habituellement, l’investisseur négociera, pendant le délai initial de 45 jours, avec la Direction générale et/ou avec Patrimoine Canada un ensemble d’engagements qui doivent être pris pour que le ministre approuve l’opération. Ces engagements comprennent ceux de l’investisseur relativement à l’exploitation de l’entreprise canadienne à la suite de la conclusion de l’opération. En ce qui a trait aux entreprises d’État, le gouvernement a publié des lignes directrices selon lesquelles ces entreprises d’État peuvent être sujettes à certaines obligations supplémentaires visant à assurer que leur gouvernance respecte les normes canadiennes et que les entreprises canadiennes dont elles font l’acquisition conservent leur vocation commerciale.
Les engagements pris par un investisseur étranger peuvent notamment obliger l’investisseur à garder au Canada le siège social de l’entreprise canadienne, à assurer que la majorité des postes de haute direction de l’entreprise canadienne soient pourvus par des Canadiens, à maintenir certaines possibilités d’emploi, à engager certaines dépenses en capital et à mener des activités de recherche et développement selon un budget établi ainsi qu’à faire un certain nombre de dons de charité. Ces engagements s’échelonnent habituellement sur une période de trois ans. Selon les lignes directrices publiées par Investissement Canada, les engagements seront sujets à un examen par Investissement Canada ou par Patrimoine Canada, selon le cas, tous les 12 à 18 mois pendant une période de trois à cinq ans dans un cadre normal afin de confirmer le respect des engagements pris par l’investisseur.
2.6 - Existe-t-il des exigences pour les investissements qui ne sont pas sujets à un examen?
Si l’acquisition d’une entreprise existante ou la constitution d’une nouvelle entreprise n’est pas sujette à un examen selon le critère de l’« avantage net du Canada », l’investissement fera l’objet d’un avis. Cet avis nécessite que l’investisseur non canadien fournisse certains renseignements précis à la Direction générale et/ou à Patrimoine Canada, notamment à propos des parties à l’opération, du nombre d’employés de l’entreprise en question ainsi que de la valeur de ses actifs ou de la capitalisation boursière de l’investissement. L’avis peut être donné avant la conclusion de l’opération ou dans les 30 jours suivant la clôture de l’opération. Il est à noter que des modifications dont l’entrée en vigueur est prévue à l’été 2026 exigeront des avis suspensifs avant la clôture de l’opération pour certains investissements visant des activités commerciales sensibles prescrites.
2.7 - Quels sont les types d’investissements étrangers susceptibles de faire l’objet d’un examen relatif à la sécurité nationale?
Les dispositions de la LIC portant sur la sécurité nationale visent tout investissement effectué par des non-Canadiens auprès d’une entreprise canadienne existante ou nouvelle ou d’une entité exerçant ne serait-ce qu’une partie de ses activités au Canada.
Le terme « sécurité nationale » n’est pas défini dans la LIC. Toutefois, en décembre 2016, le gouvernement fédéral a publié des lignes directrices sur l'examen relatif à la sécurité nationale dans le cadre des nouvelles initiatives pour la transparence destinées à favoriser l’investissement étranger. Ces lignes directrices, mises à jour en mars 2021 et en mars 2025, fournissent aux investisseurs davantage d’information sur (i) les types d’opérations pouvant faire l’objet d’un examen relatif à la sécurité nationale; et (ii) les facteurs pris en compte par le gouvernement dans l’évaluation du risque relatif à la sécurité nationale. Les facteurs pertinents énoncés dans les lignes directrices sont notamment les suivants : les effets de l'investissement sur les capacités de défense du Canada, sur le transfert de technologies de nature délicate (ayant des applications dans le militaire, le renseignement ou le double usage militaire et civil) ou de savoir-faire, sur les minéraux critiques et sur les infrastructures essentielles, la mesure dans laquelle l’investissement pourrait porter atteinte à la sécurité économique du Canada, la mesure dans laquelle l'investissement risque de permettre la surveillance ou l'espionnage par des intervenants étrangers, de compromettre les activités des forces de l'ordre et de faciliter les activités d'acteurs illicites (tels que des terroristes ou des syndicats du crime organisé), l’incidence sur l'approvisionnement de biens et de services essentiels aux Canadiens, l’accès à des données personnelles sensibles et l'approvisionnement de biens et de services au gouvernement du Canada et les effets de l’investissement sur les intérêts internationaux du Canada.
De plus, les lignes directrices comprennent de nombreuses mesures liées à la sécurité nationale que le gouvernement canadien a mises en place en avril 2020 au début de la pandémie de COVID-19. Par exemple, les investissements étrangers effectués par des entreprises d’État et des investissements dans des entreprises qui sont liées à la santé publique ou qui participent à l’approvisionnement en biens et en services essentiels aux Canadiens ou au gouvernement feront l’objet d’un examen plus approfondi sous le régime de la LIC, et ce, peu importe la valeur de l’investissement.
Une fois que l’investisseur a soumis les avis ou les demandes d’examen, selon le cas, en vertu de la LIC, aux fins d’évaluation de l’« avantage net du Canada », le ministre ISDEC peut, conformément à la LIC, dans les 45 jours civils qui suivent, (i) ordonner un examen relatif à la sécurité nationale; ou (ii) aviser l’investisseur qu’il a des motifs raisonnables de croire que l’investissement pourrait porter atteinte à la sécurité nationale. Dans le dernier cas, le ministre ISDEC disposera de 45 jours civils supplémentaires pour effectuer son enquête. À la fin de cette période, ce dernier pourra soit ordonner un examen relatif à la sécurité nationale soit mettre fin au processus.
Dans le cas d’un investissement non visé par une obligation de dépôt, l’investisseur peut choisir de déposer un avis volontaire, auquel cas le ministre ISDEC disposera d’une période de 45 jours civils pour (i) ordonner un examen relatif à la sécurité nationale; ou (ii) aviser l’investisseur qu’il estime que l’investissement pourrait porter atteinte à la sécurité nationale. Si l’investisseur ne dépose pas un avis volontaire, le ministre ISDEC dispose d’une période de cinq ans après la clôture de l’opération pour lancer un examen relatif à la sécurité nationale. Selon les lignes directrices de la Direction générale, dans les cas où une demande d’examen ou un avis n’est pas requis, la Direction générale peut tout de même communiquer avec l’investisseur pour discuter de la possibilité qu’il dépose un avis volontaire.
Lorsqu’un examen relatif à la sécurité nationale est lancé, les parties peuvent devoir fournir au ministre ISDEC toute information jugée nécessaire pour l’examen. Le ministre ISDEC peut ensuite :
- aviser les parties qu’aucune action supplémentaire ne sera prise, s’il est d’avis que l’investissement ne porterait pas atteinte à la sécurité nationale (l’opération peut donc avoir lieu);
- renvoyer la question au gouverneur en conseil (le cabinet fédéral), s’il est d’avis que l’investissement porterait atteinte à la sécurité nationale ou s’il n’est pas en mesure d’établir si tel est le cas ou non;
- aviser les parties qu’aucune action supplémentaire ne sera prise, s’il est d’avis que l’investissement ne porterait pas atteinte à la sécurité nationale en raison des engagements pris (l’opération peut donc avoir lieu).
Lorsque le gouverneur en conseil est saisi de la question, il peut prendre toutes les mesures qu’il estime indiquées pour préserver la sécurité nationale, notamment empêcher que l’opération ait lieu, autoriser l’opération selon certaines modalités, ou ordonner un dessaisissement de l’entreprise canadienne.
2.8 - D’autres lois régissent-elles les investissements étrangers dans d’autres secteurs particuliers?
En plus de la LIC, il existe d’autres lois fédérales qui régissent et restreignent les investissements étrangers dans certaines industries et certains secteurs, notamment les télécommunications, la télédiffusion, le transport ferroviaire et aérien, ainsi que les institutions financières.
3. Commerce international
Le guide Faire affaire au Canada de Blakes donne un aperçu détaillé des lois et des accords canadiens applicables en matière de commerce international. Pour connaître les derniers développements juridiques en matière de commerce international, visitez la page Perspectives de Blakes ou communiquez avec un membre de notre groupe Commerce international.
3.1 - Les accords commerciaux servent de constitution pour réglementer le commerce international
Les accords commerciaux internationaux auxquels le Canada est partie jouent en quelque sorte le rôle de constitutions; ils restreignent les lois, la réglementation et les procédures que tous les ordres de gouvernement ou leurs organismes pourraient mettre en place ainsi que les décisions et les mesures qu’ils pourraient prendre. Bien que ces accords n’invalident pas automatiquement les lois qui contreviennent aux obligations qu’ils prévoient, les accords peuvent prévoir des sanctions en cas de non-respect de ces obligations et sont mis en œuvre au moyen des lois nationales liant les entités privées.
3.2 - Les principes clés des accords commerciaux
La non-discrimination, principe général fondamental de tous les accords commerciaux, est mise en application au moyen d’un certain nombre de règles particulières qui figurent dans la majorité des accords commerciaux et dont la force varie. La raison d’être sous-jacente du principe est que la discrimination entre les biens, les investissements, les personnes ou les services des différents pays a pour effet de fausser les échanges commerciaux, ce qui donne lieu à une utilisation moins efficace des ressources et des avantages comparatifs pour finalement nuire à tous.
Les deux règles les plus courantes sont celles du traitement de la nation la plus favorisée et celle du traitement national. Le traitement de la nation la plus favorisée interdit la discrimination dans le traitement accordé aux biens, aux personnes ou aux sociétés, selon le cas, par rapport à celui accordé aux autres parties à l’accord. Le Canada, par exemple, en vertu du traitement de la nation la plus favorisée, doit offrir à l’Union européenne (« UE ») un taux de droit de douane aux importations aussi favorable que celui qu’il accorde au Brésil. Le traitement national, quant à lui, interdit qu’un traitement plus favorable soit accordé aux personnes, aux investissements, aux services ou aux biens nationaux qu’à ceux qui proviennent d’autres pays. Cela n’exige pas que le traitement soit le même, il doit toutefois être aussi favorable.
Il existe de nombreuses autres règles qui s’attaquent à des formes subtiles et complexes de pratiques discriminatoires et de pratiques qui faussent les échanges commerciaux. Quelques-unes de celles‑ci sont décrites ci‑après.
3.3 - Utiliser les accords commerciaux comme des outils commerciaux
Auparavant, les accords commerciaux portaient surtout sur la réduction des tarifs, forme la plus flagrante de discrimination commerciale. Un tarif est une forme de « taxe » imposée sur les biens importés du fait que ces biens traversent une frontière. Outre les tarifs, d’autres obstacles commerciaux, plus subtils, ont également des répercussions importantes sur le commerce. Les barrières non tarifaires peuvent comprendre toute forme de réglementation nationale comme celle portant sur l’étiquetage, l’environnement et même les exigences de salubrité alimentaire qui influencent, directement ou indirectement, l’importation, l’exportation et la vente de biens, les investissements étrangers ainsi que la capacité des entreprises de muter du personnel à l’étranger afin de fournir un service.
De nos jours, la réglementation, les politiques et les programmes nationaux peuvent considérablement nuire aux opérations commerciales. Les obligations commerciales du Canada en vertu des divers accords auxquels il est partie offrent au milieu des affaires des outils efficaces afin de surmonter ces difficultés. De nombreux accords commerciaux, dont l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste et les accords de libre-échange avec le Chili, la Colombie, le Honduras, la Corée du Sud, le Pérou et le Panama, fournissent aux investisseurs un moyen direct de surmonter les obstacles à l’établissement, à l’acquisition ou à la gestion d’une entreprise canadienne. Le Canada est un fervent défenseur des règles commerciales multilatérales qui veille à ce que l’élaboration de nouvelles lois et l’application de la réglementation aillent de pair avec les obligations aux termes du droit commercial international.
Les accords commerciaux internationaux sont des outils commerciaux relativement nouveaux. Savoir comment ces accords peuvent servir à atteindre des objectifs commerciaux stratégiques constitue une compétence complexe et spécialisée pouvant permettre de repérer des occasions éventuelles sur le marché.
3.4 - Les accords commerciaux du Canada
Le Canada est partie à de nombreux accords commerciaux. La liste des pays avec lesquels le Canada conclut des accords commerciaux ne cesse de s’allonger à mesure que les négociations progressent. Les accords commerciaux existants et à venir du Canada sont résumés ci‑après.
3.4.1 - Les Accords de l’OMC
Le Canada est membre de l’Organisation mondiale du commerce (« OMC ») et s’est engagé à respecter les règles des accords adoptés par les membres de l’OMC (les « Accords de l’OMC »). L’OMC administre les Accords de l’OMC et les règles connexes qui régissent le commerce entre les 166 membres de l’organisation.
Les Accords de l’OMC comportent six parties principales : l’Accord instituant l’OMC, l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (« GATT ») pour le commerce de marchandises, l’Accord général sur le commerce des services (« AGCS »), l’accord concernant les Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (« ADPIC »), le règlement des différends et l’examen des politiques gouvernementales en matière de commerce. Les Accords de l’OMC énoncent les règles que les gouvernements doivent respecter dans le cadre de la réglementation d’une vaste gamme d’activités commerciales, y compris les marchés publics, l’investissement, l’agriculture, le commerce des produits industriels ainsi que les décisions relatives aux mesures antidumping et aux subventions. Par exemple, l’Accord sur les marchés publics de l’OMC est souvent examiné lorsque l’on conseille des clients sur des questions liées aux marchés publics. Une nouvelle version de l’Accord sur les marchés publics est en vigueur depuis le 6 avril 2014 et lie les membres de l’OMC ayant achevé le processus de ratification, dont le Canada.
Le cycle de négociations multilatérales actuel ayant pour but de renforcer les règles des Accords de l’OMC (connu sous les noms de Programme de Doha pour le développement et Cycle de Doha) s’est amorcé en 2001, mais est au point mort en grande partie en raison des désaccords entre les pays membres concernant les mesures relatives aux produits agricoles. Néanmoins, les Accords de l’OMC continuent de s’appliquer et leurs règles régissent toujours les lois, la réglementation et les pratiques des pays membres qui ont une incidence sur le commerce des marchandises et des services.
Les Accords de l’OMC limitent les actions que les gouvernements et les organismes gouvernementaux des membres de l’OMC pourraient entreprendre. Si, par exemple, les lois, les politiques ou les pratiques européennes, américaines ou chinoises ont une incidence défavorable sur une entreprise au Canada et qu’elles contreviennent aux règles de l’OMC, le Canada peut avoir recours au processus de règlement des différends de l’OMC pour faire en sorte qu’un membre de l’organisation respecte ses obligations en vertu des Accords de l’OMC. Bien que le mécanisme de plaintes de l’OMC ne soit réservé qu’aux nations souveraines (ou à un groupement régional de nations comme l’UE), les sociétés fermées qui sont confrontées à certains obstacles jugés illégaux par l’OMC peuvent demander que leur gouvernement utilise ce système.
En juin 2018, le Canada et l’UE ont demandé l’ouverture de consultations avec les États-Unis dans le cadre de l’OMC, alléguant que les droits imposés par les États-Unis, le 31 mai 2018, sur les produits en acier et en aluminium étaient incompatibles avec les Accords de l’OMC. Ces différends ont été réglés en mai 2019 lorsque les gouvernements respectifs du Canada et des États-Unis ont publié conjointement une déclaration dans laquelle ils convenaient d’éliminer les droits.
En janvier 2018, l’Australie a demandé l’ouverture de consultations avec le Canada au sujet de mesures fédérales et provinciales régissant la vente de vin, alléguant que ces mesures étaient incompatibles avec les obligations du Canada prévues aux Accords de l’OMC. La demande a été retirée le 12 mai 2021, date à laquelle l’Australie et le Canada ont notifié l’Organe de règlement des différends qu’ils étaient parvenus à une solution convenue d’un commun accord au sujet des mesures fédérales et provinciales en cause.
En septembre 2019, la Chine a demandé l’ouverture de consultations avec le Canada concernant l’importation de graines de canola. Le 30 août 2022, les parties sont parvenues à une entente et le groupe spécial a suspendu ses travaux.
En juin 2025, le Canada a demandé l’ouverture de consultations avec la Chine concernant les droits de douane sur les produits agricoles et de la pêche en provenance du Canada et, en août 2025, la Chine a demandé la tenue de consultations avec le Canada au sujet des surtaxes imposées sur les importations de produits en acier et en aluminium d’origine chinoise.
En mars et en avril 2025, le Canada a présenté trois demandes distinctes de consultations avec les États-Unis concernant les tarifs américains sur les importations d’acier et d’aluminium en provenance du Canada, sur les automobiles et les pièces d’automobile en provenance du Canada et sur tous les autres produits en provenance du Canada qui ne sont pas certifiés conformes aux termes de l’ACEUM.
Au cours des dernières années, les États-Unis ont refusé d’admettre de nouveaux membres au sein de l’Organe d’appel de l’OMC, ce qui a éventuellement mené à la suspension des activités de celui-ci, le 10 décembre 2019, en raison du nombre insuffisant d’arbitres en mesure d’entendre les appels auprès de l’OMC. Malgré les requêtes et les critiques provenant d’autres membres de l’OMC en vue de permettre des nominations à l’Organe d’appel, les États-Unis sont restés campés sur leur position, se disant préoccupés par la façon dont l’Organe d’appel a tranché les différends portant sur les recours commerciaux des États-Unis. En date d’août 2025, l’Organe d’appel n’est toujours pas en mesure d'examiner des appels.
Le 30 avril 2020, en réponse à l’impasse de l’Organe d’appel de l’OMC, un certain nombre de membres de l’OMC ont convenu d’un arrangement d’arbitrage d’appel provisoire multipartite comme mécanisme palliatif jusqu’à ce que l’Organe d’appel de l’OMC puisse reprendre ses activités. Cet arrangement, qui se fonde sur l’article 25 du Mémorandum d’accord de l’OMC sur les règles et procédures régissant le règlement des différends, est entré en vigueur en juillet 2020. En date d’août 2025, 30 membres de l’OMC, soit l’Australie, le Bénin, le Brésil, le Canada, la Chine, le Chili, la Colombie, le Costa Rica, l’Équateur, l’UE et ses États membres, le Guatemala, Hong Kong, l’Islande, le Japon, la ZAS de Macao, la Malaisie, le Mexique, le Monténégro, la Nouvelle-Zélande, le Nicaragua, la Norvège, le Pakistan, le Paraguay, le Pérou, les Philippines, Singapour, la Suisse, l’Ukraine, le Royaume-Uni et l’Uruguay, avaient adhéré à cet arrangement. Tout membre de l’OMC peut y adhérer. L’arrangement en question devrait demeurer en vigueur jusqu’à ce que l’Organe d’appel de l’OMC reprenne ses activités.
Le 21 décembre 2022, un arrangement d’arbitrage d’appel provisoire multipartite a mené à une première décision concernant les droits colombiens sur les frites surgelées en provenance de Belgique, d’Allemagne et des Pays-Bas pour une période de deux ans à compter de novembre 2018. L’UE a fait valoir que ces droits antidumping étaient incompatibles avec ses obligations au titre des Accords de l’OMC, dont l’Accord antidumping, l’article 10 de l’Accord sur l’évaluation en douane et l’article VI de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (l’« AGTDC »). Le Groupe spécial de l’OMC a précédemment conclu que les mesures étaient incompatibles avec les obligations de la Colombie en vertu de plusieurs instruments internationaux. Trois arbitres nommés dans le cadre de l’arrangement d’arbitrage d’appel provisoire multipartite ont infirmé l’une des constatations formulées par le Groupe spécial et se sont rangés du côté de la Colombie à cet égard; ils ont cependant appuyé les autres constatations qui avaient été faites et ont confirmé la décision du Groupe spécial.
3.4.2 - L'Accord Canada-États-Unis-Mexique (« ACEUM »)
L’ACEUM est un accord de libre-échange régional intervenu entre le Canada, les États‑Unis et le Mexique qui est entré en vigueur le 1er juillet 2020 en remplacement de l’Accord de libre-échange nord-américain (« ALENA »).
Les règles de l’ACEUM sont semblables à celles des Accords de l’OMC, mais, dans certains cas, elles ont une plus grande portée. L’ACEUM s’inscrit dans une exception au principe du traitement de la nation la plus favorisée établi par les règles de l’OMC, laquelle permet aux parties à un accord commercial régional de s’accorder un traitement préférentiel au-delà de celui découlant des Accords de l’OMC.
L’ACEUM avait essentiellement permis d’éliminer les droits de douane sur le commerce entre les trois pays membres. Toutefois, les nouveaux tarifs douaniers imposés par le président américain, Donald Trump, en 2025 sur l’acier et l’aluminium canadiens, les automobiles canadiennes et tous les autres produits qui ne sont pas certifiés conformes aux termes de l’ACEUM ont engendré beaucoup d’incertitude quant aux relations commerciales entre le Canada et les États-Unis. L’ACEUM devrait faire l’objet d’un premier examen conjoint en 2026, aux termes duquel des modifications pourraient être apportées à l’accord.
L’ACEUM comporte 34 chapitres assortis de dispositions complexes régissant les relations commerciales entre les trois parties à cet accord. On y retrouve bon nombre de règles qui sont identiques ou similaires à celles de l’ALENA, mais l’ACEUM n’est en aucune façon la continuation ou le renouvellement de l’ALENA. L’ACEUM a apporté d’importants changements aux règles régissant le commerce entre les trois parties. Ces changements touchent plusieurs secteurs, notamment ceux du pétrole et du gaz, de l’automobile, de l’agriculture, des textiles et des vêtements, ainsi que des boissons alcoolisées. De plus, l’ACEUM a apporté des modifications considérables au processus de règlement des différends, en éliminant le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (le « mécanisme RDIE ») dont pouvait se prévaloir le Canada aux termes de l’ALENA, et en harmonisant les procédures en matière de règlement des différends entre les États.
3.4.2.1 - Règles relatives aux investissements de l’ACEUM
Le Chapitre 14 de l’ACEUM, qui a remplacé le Chapitre 11 de l’ALENA, maintient les règles quant au traitement des investissements et des investisseurs provenant des autres pays signataires de l’ACEUM. Le Chapitre 14 de l’ACEUM continue d’appliquer la notion de traitement national et celle de traitement de la nation la plus favorisée aux investisseurs et aux investissements des autres parties signataires de l’ACEUM, de telle sorte que les lois, la réglementation et les actions gouvernementales ne peuvent être discriminatoires envers les investisseurs d’aucun des trois pays. Les règles de l’ACEUM qui s’appliquent aux investissements sont plus détaillées que les règles de l’Accord sur les mesures concernant les investissements et liées au commerce de l’OMC.
En vertu de l’ACEUM, le Canada n’est plus partie à un mécanisme RDIE équivalant à celui prévu à l’ALENA.
Le Canada demeure partie aux dispositions d’arbitrage entre États, qui sont énoncées dans le chapitre 31 de l’ACEUM.
3.4.2.2 - Règles relatives aux services de l’ACEUM
L’ACEUM applique le traitement national à tous les secteurs relatifs aux services, exception faite de ceux qui y sont expressément exclus (par contre, selon l’AGCS de l’OMC, le traitement national s’étend seulement aux secteurs relatifs aux services qui y sont indiqués). Le traitement national signifie que chaque pays doit accorder aux fournisseurs de services d’un autre pays signataire de l’ACEUM un traitement non moins favorable que celui qu’il accorde à ses propres fournisseurs de services. La présence locale n’est pas requise pour qu’un service soit fourni à l’échelle transfrontalière. Les pays signataires de l’ACEUM peuvent conserver certaines restrictions existantes relativement aux services transfrontaliers lorsque ces restrictions ont été énumérées dans une annexe de l’accord. De telles restrictions visent, entre autres, les billes de bois de toutes essences, le poisson non transformé et les produits conçus spécifiquement à des fins militaires. L’ACEUM maintient l’exigence de l’ALENA selon laquelle les exigences en matière de permis et de qualification sont fondées sur des critères objectifs et transparents, comme la compétence ou la capacité, et ajoute de nouvelles règles quant à la façon dont une partie à l’ACEUM peut élaborer et administrer des mesures d’autorisation pour la fourniture transfrontière de services.
L’ACEUM permet également aux « hommes et femmes d’affaires » d’obtenir plus facilement une autorisation de séjour afin d’assurer la commercialisation, de donner de la formation ou de fournir des services prévente et après-vente pour leurs produits et services, entre autres. Ces engagements relatifs à l’admission temporaire prévus dans l’ACEUM n’exemptent pas un homme ou une femme d’affaires de satisfaire à toutes les exigences en matière de permis ou de qualification ni ne les soustraient de l’application des mesures relatives à la citoyenneté, à la nationalité, à la résidence ou à l’emploi permanent.
3.4.3 - Les accords de libre-échange (« ALE »)
Les ALE permettent généralement d’obtenir des tarifs préférentiels sur les biens et les services importés ainsi qu’un meilleur accès aux marchés des biens et services des pays membres des accords. Les accords peuvent également servir de protection, comme c’est le cas pour les notions de la nation la plus favorisée et du traitement national. Les ALE peuvent dépasser la portée des Accords de l’OMC, ou encore ils peuvent couvrir des sujets dont il n’est pas question dans ceux-ci, comme la protection des investissements et des investisseurs. Les ALE prévoient en général des mécanismes de règlement des différends.
Le Canada a conclu des ALE avec de nombreux pays autres que les États-Unis et le Mexique, notamment la Colombie, le Costa Rica, le Chili, le Honduras, Israël, la Jordanie, la Corée du Sud, le Panama, le Pérou, l’Ukraine, l’UE ainsi que des pays de l’Association européenne de libre-échange (« AELE ») (l’Islande, la Norvège, la Suisse et le Liechtenstein).
Après 14 rondes de négociations échelonnées sur près de 10 ans, le Canada a conclu l’Accord de libre-échange Canada-Corée (« ALECC »), qui est entré en vigueur le 1er janvier 2015. L’ALECC est le premier accord de libre-échange que le Canada conclut avec un pays de l’Asie-Pacifique et représente une importante porte d’entrée vers d’autres marchés dans cette région.
Le 11 juillet 2016, le Canada et l’Ukraine ont conclu l’Accord de libre-échange Canada-Ukraine (« ALÉCU »), qui a été mis en œuvre le 1er août 2017. Les négociations visant la conclusion d’une version modernisée de l’ALÉCU ont commencé en janvier 2022, et la version modifiée de l’ALÉCU est entrée en vigueur le 1er janvier 2024.
Le Canada procède actuellement à des négociations relativement à des ALE avec bon nombre de pays et de blocs commerciaux, dont la République dominicaine, le Maroc, l’Équateur et l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (le Brunéi Darussalam, le Cambodge, l’Indonésie, le Laos, la Malaisie, le Myanmar, les Philippines, Singapour, la Thaïlande et le Vietnam).En 2010, le Canada et l’Inde ont eux aussi entrepris des pourparlers visant un possible Accord de partenariat économique global (« APEG »).. En mai 2023, les deux pays ont tenu le sixième Dialogue ministériel Inde-Canada sur le commerce et l’investissement, mais ne sont pas encore parvenus à une entente. Les négociations ont été suspendues pendant 21 mois; toutefois, en date d’août 2025, le Canada avait décidé de les reprendre.
Des pourparlers similaires visant un APEG possible entre le Canada et l’Indonésie ont pris fin le 2 décembre 2024, les deux pays s’étant engagés à signer l’APEG en 2025.
3.4.3.1 - Accord économique et commercial global (« AECG »)
Le 30 octobre 2016, le Canada et l’UE ont signé un accord économique et commercial global, soit l’AECG. Le Parlement européen a adopté l’AECG le 15 février 2017. Au Canada, la loi de mise en œuvre de l’AECG a reçu la sanction royale le 16 mai 2017, et certaines dispositions de l’AECG sont entrées en vigueur de façon provisoire le 21 septembre 2017. La majorité de l’accord est maintenant en vigueur, dont l’élimination de la plupart des droits de douane visés par l’accord. Cependant, l’AECG ne sera pleinement mis en œuvre que lorsqu’il aura été ratifié par tous les États membres de l’UE. À l’heure actuelle, 17 pays membres de l’UE ont ratifié l’AECG. Les États membres qui n’ont pas encore ratifié l’AECG sont la Belgique, la Bulgarie, Chypre, la France, la Grèce, la Hongrie, l’Irlande, l’Italie, la Pologne et la Slovénie.
L’AECG prévoit un système juridictionnel des investissements, qui est en soi une forme modifiée du mécanisme RDIE. Le système juridictionnel des investissements remplace le recours habituel aux tribunaux d’arbitrage spéciaux utilisés dans le cadre du mécanisme RDIE par un tribunal d’arbitrage international permanent comprenant un tribunal de première instance et un tribunal d’appel. À l’heure actuelle, les dispositions de l’AECG relatives au système juridictionnel des investissements ne sont pas encore entrées en vigueur; elles doivent être ratifiées par tous les États membres de l’UE.
3.4.3.2 - Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (« PTPGP »)
En octobre 2012, le Canada est devenu partie au Partenariat transpacifique (« PTP »), un accord en vue d’encourager le libre-échange entre l’Asie et les Amériques. Les signataires initiaux du PTP étaient l’Australie, le Brunei Darussalam, le Canada, le Chili, le Japon, la Malaisie, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, le Pérou, Singapour, les États-Unis et le Vietnam. L’accord a été signé le 4 février 2016, mais il n’a pas été ratifié et n’est pas entré en vigueur, car, le 23 janvier 2017, le président Trump a publié une note présidentielle qui retire les États-Unis du PTP.
En mai 2017, les signataires restants du PTP ont convenu de conclure l’accord commercial sans la participation des États-Unis. Les 11 pays restants ont signé le PTPGP le 8 mars 2018. Le 30 décembre 2018, l’accord est entré en vigueur pour les six premiers pays à l’avoir ratifié, soit le Canada, l’Australie, le Japon, le Mexique, la Nouvelle-Zélande et Singapour. Il est entré en vigueur au Vietnam le 14 janvier 2019.
Le 1er février 2021, le Royaume-Uni a soumis une demande officielle pour entamer les négociations en vue de l’adhésion au PTPGP. Le 1er juin 2021, le Japon a animé la quatrième réunion (tenue virtuellement) de la Commission du PTPGP, au terme de laquelle cette dernière a décidé de lancer le processus d’adhésion avec le Royaume-Uni. Un groupe de travail chargé de négocier les conditions de l’adhésion du Royaume-Uni a été établi. Le 18 février 2022, le groupe de travail sur l’adhésion a annoncé la conclusion fructueuse des négociations initiales et l’amorce de la deuxième phase des négociations entre les signataires du PTPGP et le Royaume-Uni portant sur « l’accès aux marchés ». Le 31 mars 2023, les signataires du PTPGP et le Royaume-Uni ont annoncé que les négociations en vue de l’adhésion du Royaume-Uni avaient été conclues pour l’essentiel. Le Royaume-Uni a officiellement signé l’accord le 16 juillet 2023. Le 29 août 2024, le Royaume-Uni a obtenu la ratification de son accord d’adhésion par six pays (le Pérou, le Japon, Singapour, le Chili, la Nouvelle-Zélande et le Vietnam), et l’accord est entré en vigueur le 15 décembre 2024. Le PTPGP entrera en vigueur entre le Canada et le Royaume-Uni dès que le Canada aura ratifié le protocole d’adhésion du Royaume-Uni, ce qui devait avoir lieu au cours de la deuxième moitié de 2025.
Grâce au PTPGP, à l’ACEUM, à l’AECG et à l’accord de libre-échange qu’il a conclu avec la Corée du Sud, le Canada est le seul pays membre du G7 ayant un libre accès commercial aux Amériques, à l’Europe et à la région de l’Asie-Pacifique.
3.4.3.3 - Accord de continuité commerciale Canada-Royaume-Uni (« ACC Canada-Royaume-Uni »)
Le 1er avril 2021, l’ACC Canada-Royaume-Uni est entré en vigueur, lequel constitue un accord intérimaire visant à conserver les règles applicables au commerce entre le Canada et le Royaume-Uni à la suite de la décision du Royaume-Uni de quitter l’Union européenne (laquelle sortie est communément appelée le « Brexit ») jusqu’à la conclusion d’un nouvel accord qui reflètera mieux la relation commerciale bilatérale entre le Canada et le Royaume-Uni. L’ACC Canada-Royaume-Uni assure la continuité, la prévisibilité et la stabilité du commerce entre le Canada et le Royaume-Uni dans le contexte de l’après-Brexit. Les avantages procurés par l’AECG sont reproduits par l’ACC Canada-Royaume-Uni, lequel préserve l’accès préférentiel au marché du Royaume-Uni pour les entreprises, les exportateurs et les investisseurs canadiens. Ceci comprend l’élimination des droits tarifaires sur 98 % des produits canadiens exportés vers le Royaume-Uni.
D’autres négociations ont eu lieu entre le Canada et le Royaume-Uni le 24 mars 2022 pour établir un nouvel accord de libre-échange sur mesure qui pourra mieux correspondre à la relation bilatérale entre le Canada et le Royaume-Uni et aux priorités commerciales des deux parties. En date d’août 2025, ces négociations se poursuivaient.
3.4.4 - Les accords sur la protection des investissements étrangers (« APIE »)
Un APIE est un accord bilatéral visant à protéger et à promouvoir l’investissement étranger par des droits et des obligations juridiquement contraignants. Un APIE atteint ses objectifs en énonçant les droits et obligations de chacun des pays signataires de l’accord quant au traitement de l’investissement étranger.
Les APIE visent à faire en sorte que les investisseurs étrangers ne soient pas traités moins favorablement que les investisseurs nationaux en situation semblable ou que les autres investisseurs étrangers; que leurs investissements ne soient pas expropriés sans le versement rapide d’indemnités suffisantes; et qu’ils ne soient pas soumis à un traitement inférieur à la norme minimale prévue en droit international coutumier. De plus, dans la plupart des cas, les investisseurs devraient pouvoir investir leurs capitaux et rapatrier leurs investissements et le rendement sur ceux‑ci. En général, un APIE contient des exceptions aux obligations, lesquelles exceptions sont convenues entre les parties.
Lorsque le Canada a commencé à négocier des APIE en 1989 pour obtenir des engagements en matière de libéralisation et de protection de l’investissement, il s’est inspiré d’un accord type élaboré par l’Organisation de coopération et de développement économiques (« OCDE »). En 2003, le Canada a mis à jour son APIE type afin de refléter et de mettre à profit l’expérience acquise de la mise en œuvre et du fonctionnement du chapitre sur les investissements de l’ALENA, soit l’accord remplacé par l’ACEUM. Dans ce modèle, on trouvait des normes élevées en matière de protection de l’investissement et plusieurs principes importants : un traitement non discriminatoire qui respecte les normes minimales; une protection contre l’expropriation sans indemnité et des restrictions sur les transferts de fonds; la transparence des mesures qui influent sur les investissements; et des procédures en matière de règlement des différends.
En mai 2021, le Canada a mis à jour son modèle d’APIE. Ce nouveau modèle a pour but d’être plus moderne et plus inclusif que celui de 2003, en se fondant sur les innovations récentes en matière d’accords de libre-échange depuis l’ALENA, comme l’AECG, le PTPGP et l’ACEUM. Les modifications continueront d’offrir aux investisseurs étrangers des protections en matière de règlement des différends à l’échelle internationale, tout en veillant à ce que tous les Canadiens, y compris les femmes, les peuples autochtones et les petites et moyennes entreprises, puissent tirer parti des accords commerciaux du Canada. Les principales modifications apportées au modèle comprennent notamment la clarification de la définition de la « norme minimale de traitement » et de l’« expropriation indirecte », la mise à jour du RDIE et la codification du « droit de réglementer ». Il s’agit pour le Canada d’un modèle à utiliser dans le cadre de négociations avec ses partenaires d’investissement concernant les règles bilatérales d’investissement.
À l’heure actuelle, le Canada a des APIE en vigueur avec 31 pays, notamment la Russie, la Pologne, le Venezuela, l’Argentine, la Barbade, le Bénin, la Chine, le Costa Rica, la Jordanie et le Koweït. Des négociations sont en cours en vue d’un APIE avec l’Inde, l’Argentine, la Géorgie, le Pakistan, le Qatar, la Tanzanie, la Tunisie, les Émirats arabes unis, l’Uruguay et la Zambie. Le Canada a mis à jour ses APIE avec la Lettonie, la République tchèque, la Slovaquie et la Roumanie afin de les rendre conformes aux lois de l’UE. Des négociations étaient en cours avec la Pologne et la Hongrie à ces mêmes fins, et les négociations avec la Hongrie ont été conclues; or, les APIE avec ces deux pays ne sont jamais entrés en vigueur, sans doute en raison de la négociation fructueuse de l’AECG. Les APIE avec le Burkina Faso, la Guinée, le Kosovo, la Moldova et la Mongolie sont récemment entrés en vigueur, et un accord a été signé avec le Nigeria, mais n’est pas encore entré en vigueur.
3.4.5 - Le commerce au Canada
Outre les accords commerciaux internationaux conclus par le Canada, plusieurs accords et faits nouveaux d’importance concernent le commerce au Canada et sont résumés ci-après.
3.4.5.1 - L'Accord de libre-échange canadien (« ALEC »)
L’ALEC est entré en vigueur le 1er juillet 2017 et a remplacé l’Accord sur le commerce intérieur (« ACI »). L’ALEC est un accord entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux visant à réduire les obstacles liés à la libre circulation des personnes, des produits, des services et des investissements à l’intérieur du Canada. L’ALEC vise à réduire les frais payés par les entreprises canadiennes en rendant le commerce intérieur plus efficace, en créant un accès plus ouvert et en facilitant la mobilité de la main-d’œuvre.
Contrairement à l’ACI, qui couvrait uniquement les secteurs expressément indiqués, l’ALEC utilise l’« approche de liste négative », ce qui signifie que l’accord s’applique à tous les secteurs qui ne sont pas expressément exclus. Le chapitre 8 de l’ALEC énonce les types de mesures qui font l’objet d’exceptions générales, comme les mesures concernant les peuples autochtones, la sécurité nationale, la fiscalité, l’eau, les services sociaux, les mesures relatives au contrôle du tabagisme, la langue, la culture, les jeux et les paris, les arrangements de mise en marché collective de produits agricoles et les services de transport de passagers.
Le chapitre 10 de l’ALEC prévoit un mécanisme formel de règlement des différends. Seules les sociétés ayant un « lien direct et substantiel » avec une partie à l’accord peuvent déposer une plainte aux termes de l’ALEC. Pour satisfaire au critère du lien « direct et substantiel », une partie plaignante doit avoir subi un dommage économique ou s’être vu refuser un avantage par un gouvernement ou une entité gouvernementale visé par l’ALEC. L’ALEC n’a pas préséance sur les accords internationaux du Canada et ne crée pas d’obligations envers les fournisseurs étrangers.
L’ALEC prévoit non seulement des mécanismes par lesquels les gouvernements peuvent présenter une question faisant l’objet d’un différend devant un groupe spécial, mais aussi un mécanisme de plainte entre une entreprise et un gouvernement par lequel la partie plaignante peut déposer une plainte au sujet d’entraves au commerce à l’échelle du Canada.
L’ALEC permet aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux de maintenir les exceptions qui leur sont propres quant aux obligations de cet accord. En décembre 2019, l’ALEC a été modifié afin de permettre aux parties de retirer et/ou de restreindre la portée des exceptions qui leur sont propres de façon plus rapide et efficiente (par exemple, en permettant le retrait d’exceptions sans nécessiter l’approbation de toutes les autres parties). Les parties continuent également de négocier et de parachever les accords de conciliation afin de prévoir la conciliation et la coopération en matière de réglementation et de réduire les obstacles au commerce interprovincial.
Par exemple, vers la fin de 2021, le gouvernement de l’Alberta a adopté un projet de loi visant à harmoniser et à uniformiser les processus de transfert et de reconnaissance des documents pour les travailleurs qualifiés dans les professions réglementées. Le 6 avril 2023, le projet de loi est entré en vigueur sous la forme de la Labour Mobility Act, facilitant ainsi l’intégration des travailleurs qualifiés provenant de l’extérieur de la province dans la population active de l’Alberta. En juillet 2023, l’Ontario a adopté une loi pour simplifier la reconnaissance des travailleurs de la santé qui sont titulaires d’un permis dans une autre province ou territoire au Canada afin qu’ils puissent commencer à exercer leur profession en Ontario immédiatement.
En juin 2025, le gouvernement du Canada a retiré les 53 exceptions fédérales restantes prévues dans l’ALEC dans le but d’améliorer le commerce intérieur en éliminant les obstacles liés aux marchés publics.
3.4.5.2 - Barrières commerciales interprovinciales
Malgré l’ALEC, il continue d’y avoir des barrières au commerce intérieur au Canada. Il existe notamment diverses restrictions provinciales à l’importation et à la vente d’alcool. Dans son arrêt rendu en 2018 dans l’affaire R. c. Comeau, la Cour suprême du Canada a confirmé que les provinces canadiennes disposent d’une grande marge de manœuvre leur permettant de gérer le passage des biens d’une province à une autre tout en adoptant des lois qui tiennent compte de conditions ou de priorités particulières sur leur territoire. Bien que la Loi constitutionnelle de 1867 interdise les barrières commerciales interprovinciales explicites, comme l’imposition de tarifs, il est permis de réglementer des biens à diverses fins ayant une incidence indirecte sur le commerce interprovincial.
En ce qui a trait à l’importation et à la vente d’alcool, l’ALEC a constitué un groupe de travail sur les boissons alcoolisées. En mai 2019, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux se sont entendus sur un plan d’action pour le commerce des boissons alcoolisées qui crée des limites d’exemption pour usage personnel entre provinces et territoires, qui favorise la mise en œuvre et l’exploitation des plateformes de commerce électronique, et qui réduit le fardeau administratif des réseaux de vente existants. En janvier 2020, un nouveau site Web a été lancé en vue d’offrir une source d’information complète sur les règles et règlements régissant le secteur canadien des boissons alcoolisées.
3.4.5.3 - Le New West Partnership Trade Agreement (« NWPTA »)
Le NWPTA, connu auparavant sous le nom d’Accord sur le commerce, l’investissement et la mobilité de la main-d’œuvre, est un accord conclu entre l’Alberta, la Colombie-Britannique, la Saskatchewan et le Manitoba et visant à éliminer les obstacles au commerce, à l’investissement et à la mobilité de la main-d’œuvre. L’accord avait été signé au départ par l’Alberta et la Colombie-Britannique et est entré en vigueur en 2007. La Saskatchewan et le Manitoba s’y sont joints en 2010 et en 2016, respectivement. En juillet 2025, le premier ministre de la Saskatchewan a encouragé toutes les provinces et tous les territoires canadiens à se joindre au NWPTA.
Le NWPTA s’applique à toutes les mesures gouvernementales (c’est-à-dire les lois, la réglementation, les normes, les politiques, les procédures, les lignes directrices, etc.) qui ont une incidence sur le commerce, l’investissement ou la mobilité de la main-d’œuvre entre les provinces de l’Ouest. Des dispositions spéciales ont été établies pour certains secteurs, notamment ceux de l’investissement, des subventions aux entreprises, de la mobilité de la main-d’œuvre, des marchés publics, de l’énergie et des transports. Un certain nombre de secteurs ne sont pas couverts par le NWPTA, notamment l’eau, la fiscalité, les politiques sociales ainsi que l’énergie renouvelable et l’énergie de remplacement.
Les provinces signataires sont tenues aux termes du NWPTA d’offrir un accès ouvert et non discriminatoire aux marchés publics dépassant les seuils minimaux des entités gouvernementales, notamment les ministères, les organismes, les sociétés d’État, les administrations municipales, les commissions scolaires ainsi que les établissements scolaires, de santé et de services sociaux subventionnés par l’État.
Les dispositions relatives au règlement des différends du NWPTA sont accessibles aux entreprises enregistrées en vertu des lois de l’une des parties à l’accord. Si une mesure gouvernementale contrevient à la fois aux règles de l’ALEC et du NWPTA, le NWPTA prévoit que le processus de règlement des différends de l’un ou l’autre des accords peut être choisi, mais il ne peut y avoir de recours entrepris en vertu de l’autre accord relativement à la même question. La pénalité maximale s’élève à 5 M$ CA et ne s’applique qu’aux gouvernements provinciaux qui sont parties au NWPTA.
3.4.5.4 - L'Accord de commerce et de coopération entre l’Ontario et le Québec
En 2009, l’Ontario et le Québec ont conclu l’Accord de commerce et de coopération entre l’Ontario et le Québec dans le but de réduire et d’éliminer les obstacles au commerce, à l’investissement et à la mobilité de la main-d’œuvre. Conformément à l’accord, les deux provinces se sont engagées à collaborer sur certains enjeux touchant l’économie, la réglementation et l’énergie. L’accord contient également des engagements liés à la mobilité de la main-d’œuvre, aux services financiers, au transport, aux marchés publics, à l’agriculture et aux produits alimentaires, de même qu’à l’environnement et au développement durable.
En mai 2015, des modifications au chapitre sur les marchés publics de l’Accord de commerce et de coopération entre l’Ontario et le Québec ont été annoncées afin d’harmoniser la portée de ce chapitre avec celui de l’AECG. Le chapitre révisé portant sur les marchés publics est entré en vigueur en deux temps : le 1er janvier 2016 pour les ministères et les organismes d’État, et le 1er septembre 2016 pour les autres entités.
3.4.5.5 - Différends relatifs aux pipelines et à des sujets connexes entre l’Alberta et la Colombie-Britannique
Le pipeline Trans Mountain acheminait originalement environ 300 000 barils par jour de pétrole entre l’Alberta et la Colombie-Britannique aux fins d’exportation. Une fois l’expansion du projet achevée en mai 2024, cette capacité devrait atteindre environ 890 000 barils par jour.
En janvier 2018, la Colombie-Britannique a proposé de restreindre l’augmentation du transport du bitume dilué en attendant l’examen plus poussé des risques environnementaux. La Colombie-Britannique a par la suite soumis une question de renvoi à la Cour d’appel de la Colombie-Britannique, laquelle a déterminé que le gouvernement provincial n’a pas la compétence de réglementer le transport du pétrole lourd sur le territoire de la province. La décision de la Cour d’appel a par la suite été confirmée par la Cour suprême du Canada en janvier 2020.
En réponse aux reports du projet attribuables à la Colombie-Britannique, l’Alberta a mis en œuvre un certain nombre de mesures de rétorsion, dont une interdiction temporaire d’importer du vin provenant de la Colombie-Britannique, la suspension des négociations relatives à l’achat d’électricité auprès de la Colombie-Britannique et l’adoption de la Preserving Canada’s Economic Prosperity Act (la « PCEPA »), qui permet au gouvernement de l’Alberta d’adopter des mesures pour stopper ou limiter le flux de pétrole et de gaz naturel vers les autres provinces. Toutefois, jusqu’à maintenant, aucune mesure n’a été adoptée en vertu de la PCEPA.
3.5 - Importer des marchandises au Canada
L’importation de marchandises au Canada est réglementée par le gouvernement fédéral. Le Tarif des douanes impose les tarifs sur les marchandises importées tandis que la Loi sur les douanes établit les formalités que les importateurs doivent remplir lorsqu’ils importent des marchandises et précise la manière dont les droits de douane payables sur les marchandises importées seront calculés et perçus.
Aux termes de l’ACEUM, les obstacles au commerce de marchandises entre le Canada, les États‑Unis et le Mexique avaient pour la plupart été éliminés. Toutefois, les tarifs imposés par le président Trump en 2025 sur l’acier et l’aluminium canadiens, les automobiles canadiennes et tous les produits canadiens qui ne sont pas certifiés conformes aux termes de l’ACEUM ont mis à rude épreuve le commerce entre les États-Unis et le Canada et ont entraîné une série de mesures de rétorsion de la part du Canada, comme il est décrit plus en détail ci-après.
Pour que des produits soient exempts de droits aux termes de l’ACEUM, ils doivent être conformes aux exigences prévues par les « règles d’origine », selon lesquelles un produit doit comporter un certain niveau de contenu à valeur ajoutée nord-américain pour qu’il puisse bénéficier des protections prévues à l’ACEUM. Ces règles complexes sont fondées sur des changements du classement tarifaire et de la teneur en valeur régionale, celle‑ci étant calculée selon la méthode de la valeur transactionnelle ou la méthode du coût net. Les produits qui ne respectent pas ces exigences demeureront assujettis aux tarifs canadiens, américains et mexicains. Ces règles ne varient pas en fonction du propriétaire de l’entreprise qui importe ou exporte les produits et s’appliquent donc aussi bien aux entreprises canadiennes appartenant à des étrangers. Les dispositions de l’ACEUM en ce qui concerne les services sont généralement applicables aux entreprises d’autres membres de l’ACEUM, même lorsqu’elles sont contrôlées par des ressortissants de pays non membres de l’ACEUM, tant que l’entreprise exerce effectivement des activités commerciales dans un pays signataire de l’ACEUM.
Le texte qui suit décrit plus en détail les étapes relatives à l’importation de marchandises ainsi que la législation applicable.
3.5.1 - Le classement tarifaire
Toutes les marchandises importées au Canada sont assujetties aux dispositions des lois canadiennes en matière de douanes, notamment la Loi sur les douanes et le Tarif des douanes. Pour déterminer le taux de droit, s’il y a lieu, qui s’applique aux marchandises importées, celles‑ci doivent être classées selon divers numéros tarifaires de la liste des dispositions tarifaires du Tarif des douanes. Le Canada et les États-Unis ont signé la Convention sur le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises. Par conséquent, les six premiers chiffres du classement tarifaire devraient être les mêmes pour les deux pays.
3.5.2 - Le traitement tarifaire
Lorsque le classement tarifaire des marchandises importées a été établi, la liste des dispositions tarifaires figurant dans le Tarif des douanes indique les divers traitements tarifaires qui peuvent s’appliquer aux marchandises en fonction de leur pays d’origine. Dans le cas, par exemple, où aucun traitement tarifaire préférentiel n’est demandé, on utilisera le traitement du tarif de la nation la plus favorisée.
Toutefois, en raison de la participation du Canada à plusieurs accords commerciaux bilatéraux, plurilatéraux et multilatéraux au cours des dernières années, divers traitements tarifaires préférentiels sont applicables aux marchandises provenant de certains pays.
Outre le traitement tarifaire préférentiel que le Canada accorde aux importations provenant des pays avec lesquels il a conclu un accord de libre-échange, le Canada accorde également un traitement tarifaire préférentiel aux importations de marchandises provenant des pays en développement afin de favoriser le développement de ces pays. Par exemple, le traitement du Tarif de préférence générale (« TPG » ) prévoit une exonération partielle des droits sur les marchandises provenant de certains pays en développement. Depuis janvier 2025, le traitement du TPG est accordé aux importations admissibles provenant de 92 pays. De même, au moyen du Tarif des pays les moins développés (« TPMD »), le Canada accorde aux marchandises provenant de certains pays moins développés désignés un accès en franchise de droits au marché canadien. Depuis juillet 2025 également, le traitement du TPMD est accordé aux importations admissibles en provenance de 45 pays. Afin de demander l’un des taux préférentiels, l’importateur doit être en mesure de démontrer que les marchandises sont admissibles au traitement demandé en vertu des règles d’origine applicables et doit obtenir, habituellement de l’exportateur, des preuves suffisantes quant à l’origine.
D’autres changements sont prévus en 2025, notamment des avantages tarifaires supplémentaires pour les pays visés par le TPG qui adhèrent aux normes internationales en matière de droits de la personne, de droits du travail et de développement durable. Le Canada introduira également un certain nombre de mises à jour de ses programmes tarifaires préférentiels unilatéraux afin d’améliorer l’accessibilité et la facilité d’utilisation pour les importateurs canadiens et les pays en développement partenaires.
3.5.3 - Comment les tarifs sont-ils calculés?
Le montant des droits de douane payable sur les importations est établi en fonction du taux de droit (déterminé de la manière indiquée ci‑dessus) et de l’évaluation des marchandises, puisque la plupart des taux tarifaires du Canada sont calculés sur une base ad valorem (ou en pourcentage). Au Canada, la méthode de la « valeur transactionnelle » constitue la principale méthode d’évaluation aux fins des douanes, selon laquelle la valeur en douane représente le prix payé pour les marchandises lorsqu’elles sont vendues à des fins d’exportation à un acheteur au Canada, sous réserve de certains ajustements précis. Un non‑résident peut être admissible à titre d’« acheteur au Canada » lorsqu’il importe des marchandises pour son utilisation personnelle et qu’il ne les destine pas à la vente ou, s’il les destine à la vente, il ne doit pas avoir passé d’accord visant la vente des marchandises avant de les acheter du vendeur étranger. Dans les autres cas, la valeur en douane sera fondée sur le prix de vente payé au vendeur non résident par l’acheteur qui est résident du Canada ou qui y a un établissement stable.
La méthode de la valeur transactionnelle peut ne pas être accessible dans certaines autres circonstances, par exemple lorsque l’acheteur et le vendeur ont un lien de dépendance ou que le titre de propriété des marchandises est transféré à l’acheteur au Canada. Dans ces circonstances, d’autres méthodes d’évaluation seront utilisées dans l’ordre suivant : 1) la valeur transactionnelle des marchandises identiques; 2) la valeur transactionnelle des marchandises semblables; 3) la valeur de référence; 4) la valeur reconstituée; et 5) la dernière méthode d’appréciation.
Le calcul au moyen de la méthode de la valeur transactionnelle, lorsqu’elle s’applique, se fait à partir du prix d’achat payé par l’acheteur au Canada. Toutefois, la valeur en douane est établie en tenant compte de certaines additions prévues par la loi et de certaines déductions permises. Les commissions de vente, les aides, les redevances et les produits ultérieurs, entre autres, doivent être ajoutés afin de déterminer la valeur en douane des marchandises. La valeur des services après l’importation peut être déduite de la valeur en douane des marchandises.
Si les marchandises de l’importateur proviennent principalement de fournisseurs avec lesquels l’importateur a un lien, et que ce dernier souhaite utiliser la méthode de la valeur transactionnelle, il devra en général être en mesure de démontrer que ce lien n’a pas eu d’incidence sur le prix de transfert entre lui-même et le vendeur. Dans ce cas, certains documents peuvent être requis afin de déterminer si le prix de transfert reflète la valeur transactionnelle.
3.5.4 - De quelle façon les tarifs sont-ils cotisés?
Le Canada fonctionne selon un système d’autocotisation des douanes. Les importateurs et leurs agents autorisés ont la responsabilité de déclarer et de payer des droits de douane sur les marchandises importées. En outre, les importateurs doivent déclarer toutes les erreurs commises dans leurs déclarations concernant le classement tarifaire, l’origine et la valeur en douane lorsqu’ils ont des « motifs de croire » qu’une erreur a été commise. Cette obligation demeure en vigueur pendant quatre ans après l’importation des marchandises. La non-conformité à cette disposition ou à d’autres dispositions de la Loi sur les douanes peut entraîner des pénalités sévères pouvant atteindre 25 000 $ CA par infraction.
3.5.5 - Quelles pénalités peuvent s’appliquer en cas de non-conformité avec les lois en matière de douanes?
Dans le cas où une personne ne respecte pas les dispositions de la Loi sur les douanes, l’Agence des services frontaliers du Canada (« ASFC ») est autorisée à prendre certaines mesures d’application de la loi, notamment des saisies, des confiscations compensatoires ou l’imposition de sanctions administratives pécuniaires en vertu du Programme du régime de sanctions administratives pécuniaires (« RSAP »). Les saisies et les confiscations compensatoires s’appliquent dans les cas d’infractions les plus graves à la Loi sur les douanes, comme la non-conformité intentionnelle, le non-paiement des droits de douane et la contrebande.
Les importateurs peuvent être tenus de payer des pénalités pouvant atteindre 25 000 $ CA par infraction aux termes du RSAP. L’ASFC tient un « dossier d’observation » pour chaque importateur. La période de conservation pour une seule infraction est d’une ou de trois années aux fins du calcul de la pénalité uniquement. Toutefois, l’infraction reste consignée dans le système du RSAP pendant six ans sans compter l’année en cours. De plus lourdes pénalités peuvent s’appliquer dans le cas d’infractions répétées.
3.5.6 - Règles de marquage du pays d’origine
Certaines marchandises énumérées dans la réglementation relative au Tarif des douanes doivent être marquées de façon à indiquer leur pays d’origine en vue de leur importation au Canada. Lorsque les marchandises sont importées d’un pays de l’ACEUM, la réglementation applicable prévoit que l’origine sera établie en fonction des règles concernant le changement tarifaire, qui dépendent à leur tour du classement tarifaire des composantes et du produit final. Lorsque les marchandises sont importées d’un pays ne faisant pas partie de l’ACEUM, le pays dans lequel les marchandises ont été « fabriquées en grande partie » constitue le pays d’origine.
3.5.7 - Quels sont les produits assujettis à un contrôle à l’importation?
La plupart des marchandises peuvent être importées au Canada, sous réserve de certaines conditions imposées par les gouvernements fédéral et provinciaux. Les marchandises qui doivent subir un contrôle à l’importation au Canada et qui doivent obtenir une licence d’importation sont énumérées dans la Liste des marchandises d’importation contrôlée. D’autres lois canadiennes doivent être respectées relativement à l’importation, dont les suivantes : les lois relatives à l’étiquetage pour les marchandises destinées au commerce de détail; les normes sur le contrôle des émissions pour les véhicules; et les conditions relatives à l’hygiène et à la salubrité pour les importations agricoles et alimentaires. Certaines marchandises, comme les appareils électriques, doivent être certifiées par un organisme de certification reconnu. L’importation de spiritueux, de vins et de bières peut nécessiter l’obtention d’une autorisation préalable de la société des alcools provinciale pertinente.
3.6 - Les mesures de recours commerciaux intérieurs
3.6.1 - Imposition de nouvelles surtaxes à l’importation
Le 26 août 2024, le Canada a annoncé l’adoption d’importantes mesures entraînant des répercussions sur l’importation de produits chinois. Ces mesures comprennent l’imposition d’une surtaxe de 100 % sur tous les véhicules électriques (VE) fabriqués en Chine, qui est entrée en vigueur le 1er octobre2 024, et d’une surtaxe de 25 % sur les importations d’acier et d’aluminium en provenance de la Chine, qui est entrée en vigueur le 22 octobre2 024. Le Canada a également tenu de nouvelles consultations de septembre à octobre 2024 sur la possibilité d’imposer d’autres surtaxes ou mesures dans d’autres secteurs « essentiels à la prospérité future du Canada, y compris les batteries et les pièces de batterie, les semi-conducteurs, les produits d’énergie solaire et les minéraux critiques ».
Avec prise d’effet le 4 mars 2025, le Canada a imposé une surtaxe de rétorsion correspondant à 25 % de la valeur en douane sur une longue liste de produits précis importés au Canada en provenance des États‑Unis, pour une valeur de 29 G$ CA.
Avec prise d’effet le 13 mars 2025, le Canada a étendu la surtaxe de 25 % à une liste élargie de produits, dont l’acier (12,6 G$ CA), l’aluminium (3 G$ CA) et divers produits (p. ex. des produits de consommation et des métaux précieux) (14,2 G$ CA) (total : 29,8 G$ CA).
Avec prise d’effet le 9 avril 2025, le Canada a imposé des contre-mesures tarifaires de 25 % aux véhicules automobiles importés au Canada en provenance des États‑Unis en réponse aux tarifs douaniers américains sur les véhicules automobiles. Les tarifs douaniers ne s’appliquent qu’aux véhicules automobiles fabriqués aux États‑Unis qui ne sont pas conformes aux exigences de l’ACEUM ainsi qu’au contenu américain des véhicules automobiles fabriqués aux États‑Unis qui sont conformes à l’ACEUM.
Avec prise d’effet le 27 juin 2025, le Canada a imposé un contingent tarifaire, au‑delà duquel certains produits en acier importés au Canada, à l’exception de ceux en provenance du Mexique et des États‑Unis, sont assujettis à une surtaxe correspondant à 50 % de la valeur en douane.
Le 22 août 2025, le Canada a annoncé qu’il exempterait des contre-mesures tarifaires les produits des États‑Unis certifiés conformes aux termes de l’ACEUM, à l’exception des tarifs sur l’acier, l’aluminium et l’automobile, qui demeureraient en vigueur. La situation devrait demeurer fluide jusqu’à ce que l’examen de l’ACEUM en 2026 soit terminé.
3.6.2 - Les enquêtes relatives au dumping et au subventionnement
La Loi sur les mesures spéciales d’importation (« LMSI ») contient des mesures visant à protéger les entreprises du Canada des dommages sensibles attribuables à la concurrence déloyale des importations. Les dispositions de la LMSI sont fondées sur les droits et les obligations du Canada aux termes des accords de l’OMC.
La LMSI permet aux producteurs canadiens de déposer une plainte pour commerce déloyal de marchandises importées et de demander une réparation sous forme de droits antidumping ou de droits compensateurs lorsque les dommages sensibles découlent du fait que : 1) les marchandises importées ont été « sous-évaluées » (c’est-à-dire qu’elles sont vendues au Canada à un prix inférieur à celui auquel elles seraient vendues sur le marché national de l’exportateur); ou 2) les marchandises importées ont profité de subventions déloyales de la part du gouvernement du pays exportateur.
Le régime relatif aux recours commerciaux du Canada propose un processus binaire où l’ASFC est compétente relativement aux décisions à l’égard du dumping et du subventionnement, et le Tribunal canadien du commerce extérieur (« TCCE ») mène des enquêtes et examine la question de savoir si le dumping ou le subventionnement entraîne ou pourrait entraîner des dommages sensibles à l’industrie canadienne touchée.
Si le TCCE rend une décision provisoire de dommage, et que l’ASFC rend des décisions provisoires et finales de dumping et de subventionnement, le TCCE doit par la suite déterminer s’il y a eu des « dommages sensibles ». Si le TCCE estime que c’est le cas, toutes les importations des marchandises en question seront frappées d’un droit antidumping (égal à la marge de dumping fixée par l’ASFC) ou d’un droit compensateur (égal à la marge de subvention fixée par l’ASFC) pour une durée de cinq ans.
La marge de dumping ou de subvention englobe généralement la différence entre le prix d’un produit vendu sur son marché intérieur (sa « valeur normale ») et son prix à l’exportation. L’ASFC a mis en place le processus actuel de révision des valeurs normales en juin 2018 pour s’assurer que les prix à l’exportation reflètent la conjoncture du moment.
Pendant l’étape de détermination provisoire, l’ASFC peut décider de réexaminer et mettre à jour les marges de dumping et de subvention, et le TCCE peut procéder à un réexamen de ses conclusions si les circonstances le justifient. À la fin de la période de cinq ans, le TCCE peut revoir ses conclusions, qu’il peut soit annuler, soit maintenir pour une période de cinq ans supplémentaires (il n’existe pas de limite quant au nombre de prolongations permises).
Par exemple, le 18 octobre 2023, le TCCE a rendu sa décision finale quant à certains mâts d’éoliennes importés de Chine. Dans ses motifs publiés le 17 novembre 2023, le TCEE a conclu que le marché intérieur, représenté par Marmen Inc. et Marmen Énergie Inc., a subi des dommages importants par suite du dumping et du subventionnement. Cependant, le TCEE a prévu une exclusion pour les projets de mâts d’éoliennes à l’ouest de la frontière entre l’Ontario et le Manitoba (soit le Québec), affirmant que les importations vers l’Ouest canadien ne pouvaient pas causer de dommage à la branche de production nationale du Québec. Des droits antidumping sont donc présentement en vigueur sur les mâts d’éoliennes chinois importés pour les projets dans l’Est canadien.
L’ASFC tient à jour une liste des « mesures en vigueur », qui décrit des produits qui font l’objet de droits en vertu de la LMSI. En date de juillet 2025, cette liste comprenait notamment les extrusions d’aluminium, les tubes soudés en acier au carbone, l’acier laminé à froid, les barres d’armature pour béton, les châssis porte-conteneurs, les raccords de tuyauterie en cuivre, les plaques de plâtre, les protéines de pois à haute teneur en protéines et les modules et laminés photovoltaïques.
Les importateurs peuvent également demander à l’ASFC de rendre une décision sur la portée officielle pour savoir si certaines marchandises sont assujetties à des droits antidumping ou des droits compensateurs. Une décision sur la portée peut faire l’objet d’un appel devant le TCCE. Une décision finale de l’ASFC ou du TCCE est assujettie au contrôle judiciaire de la Cour d’appel fédérale.
Lorsqu’une enquête relative au dumping ou au subventionnement porte sur des marchandises américaines ou mexicaines, la partie lésée peut choisir de demander un examen des conclusions de l’ASFC ou du TCCE par un groupe spécial de l’ACEUM formé d’experts en droit commercial. L’examen de la décision finale entraînant le paiement de droits antidumping et de droits compensateurs à l’égard de marchandises provenant des États‑Unis ou du Mexique doit être effectué par un groupe spécial de l’ACEUM, puisque selon l’ACEUM, on ne peut avoir recours à un contrôle judiciaire d’une décision finale.
3.6.3 - Sauvegarde
La LMSI s’applique uniquement au commerce déloyal des marchandises importées (c’est-à-dire qui sont sous-évaluées ou subventionnées) qui causent un dommage sensible à une industrie canadienne. La Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur et le Tarif des douanes prévoient toutefois des recours commerciaux à l’égard du commerce loyal des marchandises qui, néanmoins, cause ou est susceptible de causer des « dommages graves » à une industrie canadienne. C’est ce qu’on appelle des mesures de « sauvegarde ». Dans de tels cas, le TCCE peut faire enquête et soumettre ses recommandations au ministre des Finances. Celui‑ci a le pouvoir, lorsqu’il est opportun de le faire, de prendre des mesures de sauvegarde contre ce type d’importation. Il peut notamment imposer des surtaxes ou des contingents pendant une période déterminée.
Les mesures de sauvegarde demeurent relativement rares. Le plus récent exemple est survenu le 10 octobre 2018, lorsque le TCCE a lancé une enquête afin de déterminer si sept catégories de produits de l’acier étaient importées au Canada en quantité accrue et dans des conditions propres à créer un risque de dommage grave pour les producteurs canadiens de marchandises directement concurrentes. Le TCCE a déterminé que deux catégories de produits de l’acier (soit les tôles lourdes et le fil d’acier inoxydable) étaient importées en quantité accrue et dans des conditions propres à créer un risque de dommage grave pour la production nationale. Par conséquent, le TCCE a recommandé la fixation d’un contingent tarifaire pour les importations de ces types de produits provenant des pays visés.
Le 9 mai 2019, le TCCE a annoncé l’ouverture d’une enquête d’exclusion afin de déterminer si certains produits assujettis au tarif de sauvegarde devaient en être exemptés en raison de l’absence de source d’approvisionnement nationale ou de plan commercialement viable pour la production nationale de ces produits. Par la suite, le 15 juillet 2019, le TCCE a formulé des recommandations pour le ministre fédéral des Finances afin d’exclure certaines tôles lourdes et certains fils d’acier inoxydable de l’application du tarif de sauvegarde.
Le TCCE est tenu de mener une enquête d’exclusion tous les six mois, ce qui s’est traduit par un total de quatre enquêtes d’exclusion entre juillet 2019 et juillet 2021.
Comme le décret de sauvegarde devait cesser de s’appliquer le 24 octobre 2021, le TCCE avait donné avis de l’expiration du décret le 26 mars 2021 et avait invité les parties concernées à déposer une demande de prorogation à l’égard de ce dernier. Le TCCE n’a pas lancé d’enquête sur les demandes de prorogation, car, avant le 12 avril 2021, aucune demande de prorogation n’a été déposée. Le décret a donc expiré à la date prévue.
En date d’août 2025, il n’y a aucune enquête de sauvegarde en cours.
3.7 - L'examen des marchés publics (contrats gouvernementaux)
L’AECG, le PTPGP, l’ALEC et l’Accord sur les marchés publics (« AMP ») révisé de l’OMC requièrent que leurs signataires offrent à l’égard de certains biens et services un accès ouvert aux marchés publics. Ces accords exigent des signataires qu’ils aient une autorité indépendante en matière de contestation des offres pour recevoir les plaintes. Le TCCE constitue cette autorité pour le Canada.
Le Parlement a adopté une loi conçue pour garantir que les marchés publics visés par l’AECG, le PTPGP, l’ALEC et l’AMP soient passés d’une manière ouverte, équitable et transparente et, lorsque cela est possible, de façon à maximiser la concurrence. Bien que la portée et la couverture des marchés publics qui font l’objet de ces accords internationaux puissent largement se recouper, plusieurs secteurs présentent des différences notables. Les plus importantes de celles‑ci résident dans les biens et services qui y figurent ainsi que les seuils monétaires minimaux pour les marchés de produits, de services et de services de construction. Les seuils monétaires minimaux font l’objet d’un examen périodique.
Le gouvernement fédéral a accepté d’offrir aux fournisseurs potentiels un accès équitable aux marchés publics fédéraux relativement aux contrats visant certains produits et services achetés par une centaine de ministères, organismes gouvernementaux et sociétés d’État. Il peut arriver qu’un fournisseur potentiel, national ou étranger, ait des raisons de croire qu’un marché a été ou est sur le point d’être adjugé de façon irrégulière ou illégale, ou encore qu’on lui a, à tort, refusé un marché ou la possibilité de soumissionner pour en obtenir un. Le TCCE offre aux fournisseurs canadiens et étrangers préoccupés par la validité du processus de passation des marchés publics visés par l’AECG, le PTPGP, l’ALEC ou l’AMP, la possibilité d’obtenir réparation.
Comme nous l’avons vu précédemment, aux termes du NWPTA, les gouvernements de l’Alberta, de la Colombie-Britannique, de la Saskatchewan et du Manitoba sont tenus d’offrir un accès ouvert et non discriminatoire aux marchés publics d’entités gouvernementales qui dépassent les seuils minimaux.
3.8 - Les contrôles à l’exportation, les sanctions économiques et les lois commerciales propres à certaines industries
3.8.1 - Quels produits sont assujettis à un contrôle à l’exportation?
Les contrôles à l’exportation du Canada sont fondés sur plusieurs accords et arrangements internationaux, comme le Wassenaar Arrangement on Export Controls for Conventional Arms and Dual-Use Goods (l’Arrangement de Wassenaar relatif au contrôle des exportations d’armes conventionnelles et de marchandises et technologies à double usage) et le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires.
La Liste des marchandises et technologies d’exportation contrôlée (« LMTEC ») du Canada répertorie certaines marchandises et technologies qui ne peuvent être exportées du Canada vers certains endroits précis que si une licence d’exportation a été obtenue. La LMTEC se divise en neuf groupes d’articles : les marchandises à double usage, le matériel de guerre, la non-prolifération nucléaire, les marchandises à double usage dans le secteur nucléaire, les marchandises et technologies diverses, le Régime de contrôle de la technologie des missiles, la non-prolifération des armes chimiques et biologiques, ainsi que le Traité sur le commerce des armes (le groupe 8 ne comporte aucun élément). Le dernier groupe, soit le groupe 9, a été ajouté à la LMTEC en septembre 2019 par suite du fait que le Canada est devenu un État partie au Traité sur le commerce des armes (« TCA ») des Nations Unies. Conformément à ses obligations prévues au TCA, le gouvernement fédéral a déposé un projet de loi visant à modifier la Loi sur les licences d’exportation et d’importation (« LLEI ») de manière à mettre en place des contrôles sur le courtage des articles militaires. Les entreprises canadiennes doivent déterminer si leurs exportations sont visées par la LMTEC. Aux termes de la LLEI, une société dont le siège social se trouve au Canada ou qui exploite une succursale au Canada peut demander au ministre des Affaires étrangères de lui délivrer une licence d’exportation pour des marchandises visées par la LMTEC.
Certaines marchandises ou technologies qui figurent sur la LMTEC peuvent ne pas nécessiter l’obtention d’une licence d’exportation lorsqu’elles sont destinées à certains pays. Par exemple, les marchandises et les technologies qui sont fabriquées aux États‑Unis, puis importées au Canada et qui sont destinées à l’exportation vers un autre pays que Cuba, l’Iran, la Corée du Nord et la Syrie, ou vers un pays figurant dans la Liste des pays visés, sont couvertes par la Licence générale d’exportation no 12 et ne nécessitent pas l’obtention de licences individuelles d’exportation. Toutefois, le gouvernement des États-Unis pourrait exiger, comme condition à l’autorisation de l’exportation de certaines marchandises ou technologies vers le Canada, que l’entreprise canadienne obtienne une autorisation de réexportation explicite avant d’exporter les articles du Canada.
Outre la LMTEC, la Liste des pays visés limite l’exportation de toutes les marchandises vers certains pays en particulier, soit, à l’heure actuelle, seulement la Corée du Nord. Une licence d’exportation doit être obtenue pour toutes les marchandises ou les technologies exportées vers la Corée du Nord. Le Bélarus a été retiré de la Liste des pays visés en 2017, mais des sanctions économiques et des contrôles à l’exportation étendus continuent de s’appliquer au Bélarus en raison de sa participation à l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
La Loi sur les exportations impose des droits d’exportation sur certaines billes et certains bois à pulpe, sur certains minerais, sur le pétrole à l’état naturel ou en partie traité ainsi que sur les boissons enivrantes.
3.8.2 - Les sanctions économiques
Certaines activités et l’exportation de certaines marchandises sont assujetties à des sanctions commerciales ou à des embargos sur les armes décrétés par les Nations Unies (« ONU ») à l’encontre de certains pays et de certaines régions. En vertu de la Loi sur les Nations Unies (« LNU »), le Canada a mis en œuvre les règlements nécessaires lui permettant de se conformer aux mesures prises par le Conseil de Sécurité des Nations Unies. Ces règlements interdisent l’exportation de certaines marchandises, principalement des armes et du matériel connexe, vers les pays suivants : la République centrafricaine, la République démocratique du Congo, l’Iran, l’Irak, le Liban, la Libye, la Corée du Nord, la Somalie, le Soudan du Sud, le Soudan, le Yémen et Haïti. L’Érythrée et le Mali ont depuis été retirés de la liste à la suite de résolutions du Conseil de Sécurité. Dans certains cas, les sanctions de la LNU interdisent le commerce avec des personnes et entités énumérées. Ces personnes et entités sont généralement associées avec le gouvernement du pays visé. Par conséquent, les exportations et autres opérations doivent faire l’objet d’un examen exhaustif afin d’assurer qu’elles ne contreviennent pas aux sanctions de la LNU.
La Loi sur les mesures économiques spéciales (« LMES ») permet au Canada d’entreprendre des actions unilatérales, notamment des embargos, contre un pays dans certaines circonstances particulières. La LMES confère au gouvernement canadien le pouvoir de prendre les décrets et règlements nécessaires pour restreindre ou interdire à une personne se trouvant au Canada ou à des Canadiens se trouvant à l’étranger de faire ce qui suit :
- effectuer toute opération portant sur les biens d’un État étranger (ou de ses résidents ou ressortissants);
- exporter, vendre ou envoyer des biens à un État étranger;
- transférer des données techniques à un État étranger;
- importer ou acquérir des marchandises d’un État étranger;
- faire la prestation ou l’acquisition de services financiers ou autres auprès d’un État étranger.
Le Canada a pris des mesures économiques en vertu de la LMES contre plusieurs pays et entités désignées dans des règlements. Depuis août 2025, les pays suivants sont assujettis à des restrictions en vertu de la LMES : le Bélarus, la Chine, l’Iran, la Libye, la Moldova, le Myanmar (la Birmanie), le Nicaragua, la Corée du Nord, la Russie, le Soudan, le Soudan du Sud, le Sri Lanka, la Syrie, le Guatemala, Haïti, les régions occupées de l’Ukraine (y compris la Crimée, Donetsk, Louhansk, Kherson et Zaporizhzhia), le Venezuela et le Zimbabwe. Des entités non étatiques sont également sanctionnées en vertu de la LMES, y compris les colons extrémistes et le Hamas situés dans les territoires palestiniens.
Le Bélarus a été ajouté à la liste le 29 septembre 2020 à la lumière des violations des droits de la personne commises au cours des élections présidentielles du pays en 2020. La Chine a été ajoutée à la liste le 21 mars 2021 en réponse aux violations graves et systématiques des droits de la personne qui ont été commises dans la Région autonome ouïghoure du Xinjiang. Le Sri Lanka a été ajouté à la liste le 6 janvier 2023, en réponse aux violations des droits de la personne commises durant la guerre civile de 1983 à 2009 et à l’absence de responsabilisation après le conflit.
Après l’invasion injustifiée de l’Ukraine par la Russie en février 2022, les restrictions et les mesures à l’encontre des sociétés et des particuliers russes et bélarussiens ont été considérablement élargies. Certaines entités ukrainiennes ont également été visées par les restrictions de la LMES dans la mesure où elles ont collaboré avec les autorités russes ou des autorités soutenues par la Russie, ont été complices du vol ou de la destruction de biens culturels ukrainiens ou exercent des activités dans des régions de l’Ukraine occupées par la Russie. La Moldova a été ajoutée à la liste le 30 mai 2023, avec des restrictions visant les entités liées à la Russie ou qui soutiennent les opérations de la Russie en Ukraine et en Transnistrie.
Il est interdit aux entreprises canadiennes d’effectuer de nouveaux investissements dans certains pays qui sont assujettis à des mesures prises en vertu de la LMES. Dans les cas où des sanctions de la LNU ou de la LMES s’appliquent, il est possible d’obtenir une licence permettant une opération qui serait par ailleurs interdite. Bien que l’aide humanitaire soit souvent permise, le gouvernement canadien peut souhaiter émettre des licences pour certains types d’opérations commerciales qui ne sont pas de nature humanitaire, selon les priorités et les politiques gouvernementales particulières du pays auquel des sanctions sont imposées.
En 2016, le Canada a annoncé des modifications importantes aux sanctions économiques imposées à l’Iran. Auparavant, le Canada interdisait toute importation et exportation en provenance ou à destination de l’Iran, sous réserve de certaines exceptions d’ordre humanitaire. Les modifications ont supprimé l’interdiction générale liée aux importations et aux exportations, mais l’exportation de certaines marchandises posant un risque de prolifération est toujours interdite.
En 2017, le Canada a adopté la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants corrompus (loi de Sergueï Magnitsky), qui impose des mesures ciblées auprès d’étrangers qui sont responsables ou complices de violations graves de droits de la personne, et auprès d’agents publics étrangers qui sont responsables ou complices d’actes de corruption à grande échelle. Cette loi s’applique tant aux personnes se trouvant au Canada qu’aux Canadiens se trouvant à l’étranger. En vertu de cette loi, le gouverneur en conseil peut prendre des règlements et des décrets visant à restreindre les opérations liées aux biens et à bloquer des biens détenus par des étrangers. À l’heure actuelle, le Canada a pris des règlements visant des étrangers provenant de la Russie, du Venezuela, du Soudan du Sud, du Myanmar, du Liban, de l’Iran et de l’Arabie Saoudite.
Le Canada a également adopté la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus, qui permet au Canada de geler les avoirs ou de restreindre la propriété de certains étrangers à la demande d’un pays qui connaît une période de troubles internes ou d’incertitude publique. En vertu de cette loi, des mesures sont actuellement en vigueur contre des dirigeants en Tunisie et en Ukraine (en lien avec l’invasion continue de l’Ukraine par la Russie).
Enfin, le ministre des Finances a publié trois directives à l’égard de la Corée du Nord, de l’Iran et de la Russie, en vertu de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Ces directives imposent des obligations aux institutions canadiennes qui sont parties à une opération impliquant l’un ou l’autre de ces pays.
3.8.3 - Les lois commerciales propres à certains secteurs
Il existe au Canada certaines lois commerciales propres à certaines industries. Par exemple, des restrictions quant à l’exportation de billes et de bois d’œuvre résineux du Canada s’appliquent à l’industrie forestière. Des licences sont également requises à l’égard de l’exportation d’acier, et certaines marchandises, notamment l’acier, les produits agricoles et les textiles, sont assujetties à des contrôles à l’importation.
En outre, de nombreuses lois canadiennes imposent, directement et indirectement, des contrôles sur le commerce. Par exemple, les lois en matière de sécurité des produits de consommation ainsi que la réglementation environnementale ont une incidence sur les ventes de certains types de marchandises puisqu’elles en interdisent ou en restreignent l’importation au Canada, sauf si les marchandises sont d’abord conformes aux normes canadiennes applicables. Dans certains cas, la fabrication ou la vente de marchandises peut être assujettie aux normes canadiennes même si elles sont uniquement destinées à l’exportation.
D’autres ministères peuvent également exercer un contrôle sur l’exportation de marchandises, en exigeant que des licences supplémentaires soient obtenues même si une licence d’exportation a déjà été émise en vertu de la LLEI. Les ministères qui exercent des contrôles à l’exportation sont notamment les suivants : Patrimoine canadien, Ressources naturelles Canada, Pêches et Océans Canada, Santé Canada, Agriculture et Agroalimentaire Canada, Environnement Canada ainsi que l’Agence canadienne d’inspection des aliments. Il peut être difficile de déterminer quelles circonstances font en sorte que des approbations supplémentaires des ministères soient nécessaires, c’est pourquoi il faut faire preuve de diligence pour bien respecter tous les contrôles à l’exportation.
3.8.4 - L'International Traffic In Arms Regulations et l’exemption du Canada
L’International Traffic in Arms Regulations (« ITAR ») des États‑Unis réglemente, de manière générale, l’exportation et l’octroi de licences pour le matériel et les services de défense à partir des États‑Unis. Lorsque le matériel et les services de défense sont exportés vers le Canada pour une utilisation finale dans ce pays, l’ITAR prévoit une exemption très limitée pour les « personnes inscrites du Canada ». Pour qu’une entreprise canadienne puisse être exemptée de l’obligation d’obtenir une licence aux termes de l’ITAR, elle doit être inscrite aux termes de la Loi sur la production de défense du Canada. Une liste des entreprises inscrites est conservée par la Direction des marchandises contrôlées du Canada.
Il est possible d’étendre cette exemption aux employés d’une entreprise inscrite. Toutefois, l’exemption peut ne pas s’appliquer aux employés qui ont une double nationalité dans un pays énuméré, lorsque l’employé a d’« importantes relations » avec le pays figurant dans la liste. L’employeur doit mettre en œuvre un processus pour vérifier si l’employé à double nationalité entretient de telles « relations importantes ». Si c’est le cas, on présume qu’il y a un risque de diversion technologique; l’employeur ne peut alors permettre à l’employé d’accéder au matériel et aux renseignements de défense à moins que le Directorate of Defense Trade Controls des États‑Unis ne l’autorise en vertu d’une exemption discrétionnaire individuelle.
Le Règlement sur les marchandises contrôlées pris en application de la Loi sur la production de défense décrit le processus d’inscription des entreprises canadiennes au Programme des marchandises contrôlées, lui-même décrit plus en détail dans la rubrique ci‑après.
3.9 - Le Programme des marchandises contrôlées
Le Programme des marchandises contrôlées vise à protéger certaines marchandises et technologies de nature délicate et à éviter que des personnes non autorisées y aient accès. En vertu de ce programme, les entreprises dont les activités visent certaines marchandises destinées à des fins civiles ou militaires doivent s’inscrire auprès de la Direction des marchandises contrôlées, se soumettre à des évaluations de sécurité, élaborer et mettre en œuvre un plan de sûreté, contrôler l’accès aux marchandises déterminées, faire un compte rendu des infractions à la sécurité et tenir des registres détaillés à propos de ces marchandises pour toute la durée de l’inscription ainsi que pendant cinq ans par la suite. Lorsque vient le temps de déterminer s’il faut inscrire une entreprise, la Direction doit prendre en compte, en se fondant sur une évaluation de sécurité, la mesure dans laquelle le demandeur risque de transférer les marchandises contrôlées à quelqu’un qui n’est pas inscrit ou qui est exempté d’inscription.
Les marchandises assujetties au Programme des marchandises contrôlées comprennent certaines marchandises énumérées dans la LMTEC ainsi que les marchandises d’origine américaine qui constituent du matériel de défense (defense articles) ou les marchandises qui sont fabriquées avec des données techniques (technical data) d’origine américaine, au sens de l’ITAR. Les marchandises et les technologies qui sont visées spécifiquement par le Programme des marchandises contrôlées figurent sur la Liste des marchandises contrôlées, qui est comprise dans l’Annexe à la Loi sur la production de défense. On entend par « technologie » toute l’information technique, telle que les documents ou les courriels, relative aux marchandises qui pourraient également être saisies.
Les procédures en vertu du Programme des marchandises contrôlées peuvent être très coûteuses, et les pénalités en cas de non-conformité sont sévères. L’inscription des entreprises en situation de non-conformité peut être révoquée, et l’entreprise et les personnes visées sont passibles d’une amende allant de 25 000 $ CA à 2 M$ CA ou d’une peine d’emprisonnement maximale de 10 ans ou des deux.
La variété des marchandises visées ainsi que la sévérité des pénalités potentielles font qu’il est impératif que les entreprises faisant affaire au Canada s’assurent que leurs activités ne visent pas des marchandises ou des technologies contrôlées si elles ne sont pas inscrites au Programme des Marchandises contrôlées.
3.10 - Loi sur les mesures extraterritoriales étrangères (« LMEE ») et le commerce avec Cuba
De manière générale, la LMEE est une loi habilitante qui protège les intérêts canadiens contre les tribunaux et les gouvernements étrangers qui souhaitent appliquer leurs lois de manière extraterritoriale au Canada en autorisant le Procureur général à prendre un arrêté relatif à des mesures émanant d’États ou de tribunaux étrangers qui ont une incidence sur le commerce ou les échanges internationaux. Le Procureur général a pris un tel arrêté relativement aux mesures extraterritoriales des États‑Unis qui ont une incidence défavorable sur le commerce ou les échanges entre le Canada et Cuba. L’arrêté a initialement été publié en guise de mesure de rétorsion relativement à certaines modifications apportées aux Cuban Assets Control Regulations des États‑Unis, puis a été modifié en réponse à la promulgation de la Cuban Liberty and Democratic Solidarity (LIBERTAD) Act des États‑Unis, qui visent tous deux à empêcher que des entités contrôlées par des Américains et situées à l’extérieur des États‑Unis (par exemple, des filiales canadiennes d’une entreprise américaine) fassent affaire avec Cuba.
Un arrêté pris aux termes de la LMEE impose deux obligations principales aux entreprises canadiennes. D’abord, les entreprises canadiennes (ainsi que les membres de leur direction et leurs administrateurs) doivent informer le Procureur général de toutes les directives ou autres communications relatives à une mesure extraterritoriale des États‑Unis en lien avec les échanges ou le commerce entre le Canada et Cuba reçues d’un tiers en situation de diriger ou d’influencer les activités de l’entreprise canadienne au Canada. Ensuite, l’arrêté interdit à toute entreprise canadienne de se conformer à de telles mesures des États‑Unis ou à une directive ou à toute autre communication relative à cette mesure reçue d’un tiers en situation de diriger ou d’influencer les activités de l’entreprise canadienne au Canada.
Cela signifie que les entreprises canadiennes qui souhaitent faire affaire avec ou à Cuba et dont les marchandises sont régies par les Cuban Assets Control Regulations des États‑Unis, par exemple, pourraient contrevenir aux lois américaines. Par ailleurs, si l’entreprise canadienne choisit de ne pas faire affaire à Cuba parce qu’une mesure extraterritoriale américaine interdit de telles pratiques, l’entreprise pourrait violer la LMEE. Le conflit qui existe entre les sanctions commerciales canadiennes et américaines peut entraîner des obligations légales tant pour les personnes physiques que morales de même que des problèmes de relations publiques.
Par exemple, en janvier 2015, le gouvernement fédéral a pris un arrêté en vertu de la LMEE relativement à un différend avec l’État de l’Alaska au sujet de la construction d’une gare maritime de traversiers en Colombie-Britannique qui est louée par l’Alaska. L’Alaska avait prévu réaliser le projet en n’utilisant que du fer et de l’acier américains. L’arrêté en vertu de la LMEE visait à interdire à toute personne au Canada de se conformer aux mesures d’achat aux États‑Unis « Buy American » de l’Alaska. Cependant, deux jours après l’arrêté, l’État de l’Alaska a annulé son plan de construction de la nouvelle gare.
Plus récemment, en 2017, l’Office of Foreign Assets Control (« OFAC ») des États-Unis a imposé une amende à une société américaine dont la filiale canadienne avait approuvé et financé des contrats de location entre un concessionnaire indépendant et l’ambassade cubaine à Ottawa. L’OFAC a établi que les contrats de location contrevenaient aux Cuban Assets Control Regulations des États‑Unis; toutefois, les opérations étaient permises en vertu du droit canadien et la LMEE s’appliquait, de sorte que la société ne pouvait pas refuser de conclure l’opération sur le fondement du droit américain.
En avril 2019, les États-Unis ont annoncé la levée de la suspension du Titre III de la loi intitulée Cuban Liberty and Democratic Solidarity (LIBERTAD) Act de 1996. Le gouvernement canadien s’est opposé à cette décision, et la ministre des Affaires étrangères a déclaré que la LMEE demeurait en vigueur. Malgré cela, la décision des États-Unis pourrait entraîner d’importantes répercussions juridiques auprès d’entreprises exerçant des activités au Canada.
3.11 - Les lois anticorruption canadiennes
Les lois canadiennes anticorruption sont décrites dans la Loi sur la corruption d’agents publics étrangers (la « LCAPE »), qui criminalise la corruption d’agents publics ou de fonctionnaires étrangers, ainsi que dans le Code criminel, qui criminalise la corruption de fonctionnaires canadiens et entre parties privées. Les infractions pertinentes prévues par la LCAPE et par le Code criminel constituent des infractions criminelles.
3.11.1 - Code criminel
Le Code criminel prévoit plusieurs infractions liées à la corruption, notamment les suivantes :
- L’alinéa 121(1)a) interdit les ententes de contrepartie conclues avec des fonctionnaires ou des employés des gouvernements fédéral ou provinciaux du Canada, ou des membres de leur famille. Cet alinéa érige en infraction criminelle le fait d’offrir ou de donner un bénéfice de quelque nature que ce soit à un fonctionnaire ou à un employé du gouvernement fédéral ou d’un gouvernement provincial, ou à un membre de sa famille, en considération d’une collaboration, d’une aide, d’un exercice d’influence ou d’un acte ou omission concernant la conclusion d’affaires avec le gouvernement. L’expression fonctionnaires et employés du gouvernement fédéral ou d’un gouvernement provincial s’entend des représentants élus, des ministres, des juges, des militaires, des employés d’organismes de réglementation ou de sociétés d’État ainsi que des membres de leur personnel.
- L’alinéa 121(1)b) interdit de fournir un bénéfice de quelque nature à un fonctionnaire ou à un employé du gouvernement fédéral ou d’un gouvernement provincial, ou à un membre de sa famille, dans le cadre de ses relations d’affaires avec cette division du gouvernement, sans égard à toute entente de contrepartie. L’alinéa 121(1)c) prévoit une infraction correspondante pour la réception d’un tel bénéfice. Il n’y a pas d’infraction aux termes des alinéas 121b) ou c) si le bénéfice a été approuvé au préalable par écrit par le chef de la division du gouvernement pertinente. Ces dispositions visent à éliminer toute apparence d’influence indue dans les relations avec les fonctionnaires du gouvernement.
- L’article 122 criminalise l’abus de confiance par un fonctionnaire public. Le terme « fonctionnaire public » est défini de façon plus large que les fonctionnaires et les employés du gouvernement énumérés ci-dessus et comprend toute personne nommée ou élue pour s’acquitter d’une fonction publique. Les tribunaux canadiens ont statué que les fonctionnaires et les employés des gouvernements autochtones constituent des fonctionnaires publics pour l’application de l’article 122. L’article 122 prévoit que l’accusé doit être un « fonctionnaire public », mais un particulier pourrait également être tenu criminellement responsable aux termes de cet article s’il a participé à l’infraction, par exemple pour avoir donné un bénéfice à un fonctionnaire public afin qu’il commette un acte constituant un abus de confiance.
- L’article 123 porte sur des infractions similaires à celles décrites au paragraphe 121a), mais il vise les fonctionnaires et employés municipaux. Il interdit de donner ou d’offrir un avantage ou un bénéfice en contrepartie du fait, pour un fonctionnaire ou un employé municipal, de voter ou de s’abstenir de voter, d’aider à obtenir ou à empêcher l’adoption d’une motion, ou d’accomplir ou de s’abstenir d’accomplir un acte officiel.
- L’article 426 interdit les commissions secrètes et les paiements inappropriés dans les secteurs public et privé. Il criminalise le fait pour un employé ou un agent de donner ou de recevoir secrètement un avantage en contrepartie d’actions liées aux affaires ou à l’entreprise de son employeur ou commettant. La disposition s’applique de façon générale à tous les agents, y compris les employés, et cible les arrangements financiers cachés qui compromettent la loyauté et la confiance dans les relations d’affaires.
Aux fins des infractions de corruption prévues par le Code criminel, un « bénéfice de quelque sorte » désigne tout gain important et concret offert ou fourni à une autre personne. Le concept est interprété de façon large et peut inclure de l’argent, des cadeaux, des services, des possibilités d’emploi ou tout autre avantage ayant une valeur réelle. La question de savoir si l’avantage est finalement accordé n’est pas pertinente; la responsabilité criminelle naît une fois que l’offre ou l’entente visant à fournir un tel avantage est faite.
Toute personne déclarée coupable d’une infraction en vertu des articles 121, 122, 123 et 426 du Code criminel est passible d’une peine d’emprisonnement maximale de cinq ans; les sociétés pourraient se voir imposer des amendes illimitées, établies au gré du tribunal. Il n’y a aucune prescription pour les actes criminels au Canada, et une personne peut être accusée de plusieurs infractions pour le même acte. De plus, il est interdit en vertu du Code criminel de conserver les produits de la criminalité, et une société déclarée coupable pourrait également se voir confisquer tous les produits, et non les profits seulement, obtenus à la suite d’une telle déclaration de culpabilité.
En vertu du Régime d’intégrité du Canada, les condamnations pour violation des articles 121, 123 et 426 du Code criminel peuvent entraîner l’inadmissibilité à obtenir des contrats du gouvernement du Canada. Aux termes des modifications apportées en 2024 à la Politique d’inadmissibilité et de suspension, le registraire d’inadmissibilité et de suspension (le « registraire ») dispose désormais d’un pouvoir discrétionnaire accru pour établir la période d’inadmissibilité, remplaçant ainsi la période d’inadmissibilité obligatoire de dix ans par le pouvoir absolu d’établir la durée de la période (sans durée minimale prescrite). La durée maximale d’une période d’inadmissibilité est de dix ans, compte tenu de divers facteurs, dont les renseignements fournis à Services publics et Approvisionnement Canada par le fournisseur, les renseignements provenant d’un tiers indépendant, la gravité de la conduite du fournisseur et les mesures prises par celui-ci pour s’assurer que des comportements similaires ne se reproduiront pas.
3.11.2 - LCAPE
La LCAPE est l’équivalent de la loi américaine intitulée Foreign Corrupt Practices Act (la « FCPA »). Bien qu’elles se ressemblent à bien des égards, ces deux lois comportent des différences notables, notamment le fait que la LCAPE interdit les paiements de facilitation et ne permet aucun recours civil.
La LCAPE criminalise le fait pour une personne ou ses mandataires d’offrir ou de donner un avantage de quelque nature que ce soit à un agent public d’un gouvernement étranger (i) en contrepartie d’un acte ou d’une omission devant être accompli par l’agent ou (ii) afin de convaincre l’agent d’utiliser sa position pour influencer les actes ou les décisions de son gouvernement. La LCAPE ne permet pas les paiements de facilitation (ou d’accélération), qui sont de petits paiements pour accélérer des mesures courantes. Aux termes de la Politique d’inadmissibilité et de suspension fédérale à l’intention des fournisseurs, les condamnations en vertu de la LCAPE, tout comme les infractions au Code criminel décrites précédemment, peuvent entraîner l’inadmissibilité d’un fournisseur pendant une durée maximale de 10 ans, au gré du registraire, et les accusations peuvent à elles seules entraîner une suspension provisoire d’une durée maximale de 18 mois dans le cadre de l’exécution des fonctions du fonctionnaire.
En vertu de la LCAPE, un agent public étranger s’entend d’une personne qui détient un mandat législatif, administratif ou judiciaire d’un État étranger. Cette expression désigne aussi toute personne qui exerce une fonction publique d’un État étranger, y compris une personne employée par un conseil ou une commission établi pour y exercer une telle fonction au nom d’un État étranger. Elle comprend également les employés de sociétés détenues ou contrôlées par l’État, en totalité ou en partie, et peut s’appliquer aux employés et aux membres de partis politiques qui exercent des fonctions publiques pour un État étranger.
La LCAPE prévoit également une infraction distincte pour la comptabilité visant à dissimuler la corruption d’un agent public étranger. Elle interdit la tenue de comptes secrets, la falsification de documents, l’omission d’enregistrer ou d’identifier correctement des opérations, l’enregistrement de passifs comportant des descriptions trompeuses, l’utilisation de faux documents ou la destruction de documents comptables plus tôt que ne le permet la loi, lorsque ces mesures sont prises dans le but de dissimuler un pot-de-vin à un agent public étranger.
Aux termes de la LCAPE, les actes commis à l’échelle internationale par des citoyens, des résidents permanents et des organisations du Canada sont réputés constituer des actes commis au Canada aux fins de l’application de la Loi. Par conséquent, les citoyens et les sociétés du Canada sont assujettis à la réglementation mondiale des autorités canadiennes en vertu de la LCAPE, peu importe l’endroit où a eu lieu l’inconduite alléguée. Pour les particuliers et les entités non canadiens, la LCAPE pourrait s’appliquer s’il existe un lien réel et substantiel entre le Canada et l’inconduite alléguée.
Toute personne déclarée coupable de corruption ou d’une infraction en matière de comptabilité en vertu de la LCAPE est passible d’une peine d’emprisonnement maximale de 14 ans; les sociétés pourraient également se voir imposer des amendes illimitées, établies au gré du tribunal. De plus, les tribunaux peuvent imposer des conditions de probation sévères aux sociétés déclarées coupables, y compris la nomination d’un surveillant de la conformité. Les mêmes considérations relatives aux délais de prescription, à la confiscation et à l’inadmissibilité décrites ci‑dessus relativement aux condamnations en vertu du Code criminel s’appliquent également aux condamnations en vertu de la LCAPE.
3.11.3 - Régime de règlement du Canada
Avant les modifications apportées au Code criminel en 2018, le Canada ne disposait d’aucun régime d’accords de poursuite suspendue. Par conséquent, une organisation accusée d’une infraction criminelle pouvait soit plaider coupable et faire ainsi face à la radiation et à d’importantes conséquences sur le plan de la réputation, soit plaider non coupable et contester les chefs d’accusation.
Le 19 septembre 2018, le Code criminel a été modifié de manière à permettre le recours aux accords de réparation, c’est-à-dire à un régime canadien d’accords de poursuite suspendue, afin de régler certaines accusations au criminel (le « régime d’accords de réparation »). Le Code criminel définit l’expression « accord de réparation » comme un accord entre une organisation accusée et un poursuivant aux termes desquels celui‑ci convient de suspendre ou de reporter une poursuite en échange d’une collaboration et du respect de certaines conditions. Une fois que les conditions d’un accord de réparation sont remplies, les accusations contre l’organisation sont retirées sans déclaration de culpabilité ou conséquences sur le plan de l’exclusion. Si une organisation accusée viole les conditions d’un accord de réparation, la procédure d’application de la loi reprendra son cours et suivra les étapes traditionnelles, comme la pleine déclaration de culpabilité.
Le régime d’accords de réparation s’applique rétroactivement et peut être employé pour les infractions commises avant son entrée en vigueur. Il vise uniquement certaines infractions, comme les infractions aux articles 121, 123 et 426 du Code criminel et les infractions à la LCAPE.
Aux termes du régime d’accords de réparation, les poursuivants doivent amorcer les négociations. Ils ne peuvent entreprendre de négociations en vue de conclure un accord de réparation avec une organisation accusée que s’ils estiment qu’il existe une perspective raisonnable de condamnation quant à l’infraction et qu’il convient de négocier un accord de réparation dans les circonstances et qu’il est dans l’intérêt public de le faire. Les poursuivants doivent prendre en compte plusieurs facteurs pour déterminer s’il est dans l’intérêt public de négocier un accord de réparation. Ils doivent chercher à connaître et à savoir :
- les circonstances dans lesquelles l’infraction alléguée a été portée à l’attention des autorités (y compris si l’organisation a rapporté elle-même l’infraction);
- si l’organisation a pris des mesures pour réparer les torts causés par l’infraction alléguée et pour empêcher que des problèmes similaires se reproduisent;
- si l’organisation a identifié les personnes qui ont participé à l’infraction ou a manifesté sa volonté de le faire;
- si l’organisation ou ses agents ont été déclarés coupables d’infractions similaires par le passé ou ont conclu un accord de réparation relativement à des infractions similaires par le passé.
Les accords de réparation doivent recevoir l’approbation des tribunaux. Plus précisément, un tribunal doit avoir acquis la conviction que l’accord de réparation est dans l’intérêt public et qu’il est équitable, raisonnable et proportionnel à la prétendue infraction. Les accords de réparation doivent inclure notamment les éléments qui suivent :
- une déclaration des faits, y compris un aveu de responsabilité;
- l’obligation de collaborer à l’identification des personnes ou des actes répréhensibles en cause dans la conduite visée ou s’y rapportant;
- l’obligation de collaborer à toute enquête ou poursuite résultant de la conduite visée, notamment en communiquant des renseignements ou en rendant des témoignages;
- l’obligation de payer une pénalité et de faire réparation (s’il y a lieu).
Les accords de réparation peuvent également comporter des conditions supplémentaires, comme la surveillance de la conformité par un tiers ou l’obligation de rembourser au gouvernement les frais relatifs aux enquêtes et aux poursuites ayant mené à l’accord de réparation.
À la suite de l’approbation du tribunal, la poursuite contre l’organisation accusée est suspendue, sous réserve du respect des conditions de l'accord de réparation. Les accords de réparation approuvés, y compris l’énoncé des faits et l’aveu de responsabilité, sont accessibles au public, sous réserve de la mise sous scellés du dossier par un tribunal. Ils sont également admissibles en preuve dans le cadre d’autres affaires liées à l’inconduite sous-jacente.
Jusqu’à maintenant, deux accords de réparation ont été conclus en vertu du régime d’accords de réparation. Le premier accord, approuvé par le tribunal en 2022, porte sur des accusations de corruption au Canada en vertu du Code criminel. Le second, approuvé par le tribunal en 2023, porte sur des accusations de corruption d’agents publics étrangers en vertu de la LCAPE. En juin 2025, la Cour supérieure du Québec a confirmé la conclusion avec succès du premier accord de réparation approuvé en vertu du Code criminel. L’ordonnance de la Cour a officiellement suspendu toutes les procédures connexes. L’organisation s’est acquittée de ses obligations, qui comprenaient le paiement de pénalités, la confiscation, les réparations et la mise en œuvre de mesures de conformité renforcées sous la supervision d’un surveillant de la conformité indépendant. Il s’agit de la première fois qu’un tribunal canadien déclare qu’un accord de réparation a été conclu avec succès, ce qui procure une plus grande certitude quant au fonctionnement du régime d’accords de réparation dans la pratique et renforce son rôle dans la promotion de la responsabilisation et de la conformité de l’entreprise tout en évitant les conséquences collatérales d’une condamnation au criminel.
4. Normes de produits, d’étiquetage et de publicité
4.1 - De quelle façon les normes de produits sont-elles créées? Les normes de produits canadiennes sont-elles conformes aux normes internationales?
Au Canada, les législateurs et les organismes sectoriels s’inspirent largement des normes internationales, ce qui explique pourquoi les normes canadiennes reflètent souvent l’influence tant des États‑Unis que de l’Europe. Ces normes peuvent prendre diverses formes, allant de l’exigence juridique impérative aux codes sectoriels volontaires.
Des exigences juridiques impératives peuvent être imposées en vertu de la législation fédérale ou provinciale lorsque des questions de santé ou de sécurité sont en jeu. Elles peuvent faire partie des dispositions législatives ou y être intégrées par renvoi (par exemple, la législation peut exiger la conformité avec la dernière version d’une norme volontaire).
Le Conseil canadien des normes (« Conseil ») constitue l’organisme de coordination national chargé de l’élaboration des normes volontaires par l’intermédiaire du Système de normes nationales. Les organismes chargés de l’élaboration des normes accréditées par le Conseil comprennent l’Office des normes générales du Canada (« ONGC »), l’Association canadienne de normalisation (« Groupe CSA »), les Underwriters Laboratories Inc., les Laboratoires des assureurs du Canada (« Normes ULC »), NSF International, le Bureau de normalisation du Québec et l’ASTM International. Le Conseil accrédite également d’autres organismes, notamment des organismes d’homologation, des organismes d’inspection, des laboratoires d’essai ou de calibration.
Les normes constituent des barrières non tarifaires et représentent un enjeu international de taille en matière de libre-échange. Le Conseil participe à diverses initiatives d’harmonisation à l’échelle internationale, notamment la International Electrotechnical Commission et le Comité des obstacles techniques au commerce de l’OMC, établi aux termes de l’Accord instituant l’OMC sur les Obstacles techniques au commerce.
4.2 - Législation sur la sécurité des produits de consommation
Les produits de consommation sont régis au Canada par la Loi canadienne sur la sécurité des produits de consommation (« LCSPC »). La LCSPC s’applique à tous les produits de consommation, sauf à ceux qui sont expressément exemptés de l’application de la Loi. Défini de façon générale, le terme « produit de consommation » englobe les composants, parties, accessoires ou emballages susceptibles d’être obtenus par un individu en vue d’une utilisation à des fins non commerciales.
La LCSPC ne s’applique pas à certains produits déjà réglementés par d’autres lois en vigueur, tels que les aliments et les drogues (y compris les produits de santé naturels), les instruments médicaux, les cosmétiques et les produits antiparasitaires. Elle vise néanmoins les organisations qui sont par ailleurs exemptées (par exemple les entreprises alimentaires ou de médicaments vendus sans ordonnance), mais qui distribuent des produits non exemptés (par exemple dans leur emballage ou dans le cadre d’offres postales). De plus, de nombreux produits sont réglementés par la LCSPC et d’autres lois visant des produits en particulier (comme les produits électriques, les produits chimiques et les produits textiles).
4.2.1 - Interdiction générale
La LCSPC prévoit une interdiction générale concernant la fabrication, l’importation, la publicité ou la vente de tout produit de consommation qui présente un « danger pour la santé ou la sécurité humaines » ou qui fait l’objet d’un rappel ou de certaines autres mesures correctives. L’expression « danger pour la santé ou la sécurité humaines » désigne un risque déraisonnable, existant ou éventuel, qu’un produit de consommation présente au cours de son utilisation normale ou prévisible et qui est susceptible de causer la mort ou d’avoir des effets négatifs sur la santé.
Par ailleurs, la LCSPC interdit à quiconque de fabriquer, d’importer ou de vendre un produit de consommation spécifique inscrit à l’Annexe 2 ou d’en faire la publicité. La réglementation publiée aux termes de la LCSPC régit divers aspects de certains produits prescrits, y compris les normes de fabrication, les exigences en matière d’étiquetage et les composants ou substances interdits.
4.2.2 - Tenue de registres et déclaration obligatoires
Aux termes de la LCSPC, les personnes qui fabriquent, importent, vendent ou mettent à l’essai des produits de consommation ou en font la publicité doivent tenir des registres permettant de suivre la trace des produits de consommation dans la chaîne d’approvisionnement. Les détaillants doivent tenir des registres indiquant le nom et l’adresse de la personne de qui ils ont obtenu le produit, tandis que les autres personnes doivent tenir des registres indiquant le nom et l’adresse de la personne de qui ils ont obtenu le produit et de celle à qui ils l’ont vendu. Ces registres doivent être conservés pendant six ans à l’établissement canadien de l’organisation visée par la disposition.
Les personnes qui fabriquent, importent ou vendent des produits de consommation ou en font la publicité sont tenues d’aviser le ministre et la personne de qui elles ont obtenu un produit de consommation dans les deux jours suivant la survenance d’un « incident » concernant le produit. Le terme « incident » s’entend de ce qui suit :
- un événement qui a causé ou était susceptible de causer la mort d’un individu ou qui a eu ou était susceptible d’avoir des effets négatifs graves sur sa santé;
- une défectuosité ou caractéristique qui est susceptible de causer la mort d’un individu ou d’avoir des effets négatifs graves sur sa santé;
- une inexactitude ou insuffisance des renseignements sur l’étiquette ou dans les instructions qui est susceptible de causer la mort d’un individu ou d’avoir des effets négatifs graves sur sa santé;
- un rappel que fait une entité étrangère, une administration provinciale, un organisme public ou un gouvernement autochtone ainsi que les autres mesures prises par ceux‑ci.
Le fabricant ou l’importateur doit fournir un rapport écrit de l’incident dans les 10 jours suivant sa survenance.
4.2.3 - Les pouvoirs du ministre
Le ministre est investi, en vertu de la LCSPC, de vastes pouvoirs à plusieurs chapitres. Il a entre autres le pouvoir d’ordonner aux fabricants et aux importateurs de produits de consommation d’effectuer des essais ou des études sur un produit, de compiler des renseignements pour en vérifier la conformité à la LCSPC et aux règlements et de lui communiquer ces renseignements dans le délai et de la manière qu’il précise.
Le ministre peut ordonner à un fabricant, à un importateur ou à un vendeur d’effectuer le rappel d’un produit de consommation ou de prendre d’autres mesures correctives précises s’il a des motifs raisonnables de croire que le produit de consommation présente un danger pour la santé ou la sécurité humaines. En cas d’inobservation d’un ordre de rappel ou de prise de mesures correctives donné par le ministre, celui‑ci est autorisé à exécuter le rappel aux frais du fabricant, de l’importateur ou du vendeur en défaut. Une révision de l’ordre de rappel, lorsqu’elle est demandée par écrit par un fabricant, un importateur ou un vendeur, doit être réalisée dans les 30 jours (ou selon un délai supérieur établi par le réviseur). La révision n’a pas pour effet de suspendre la mise en œuvre de l’ordre du ministre.
Le ministre jouit également d’un pouvoir étendu pour communiquer, sans consentement, des renseignements personnels ou commerciaux à toute personne ou administration exerçant des fonctions relatives à la protection de la santé ou de la sécurité humaines.
En outre, conformément à la LCSPC et à ses règlements, toute personne qui enfreint un ordre lui enjoignant de prendre des mesures précises à l’égard d’un produit de consommation, tel qu’un ordre de rappel d’un produit, commet une infraction en vertu de la Loi et est tenue de payer le montant d’une sanction administrative pécuniaire.
4.3 - D'où proviennent les exigences en matière d’étiquetage? Est-ce que toutes les étiquettes doivent ou devraient être bilingues?
L’étiquetage des produits est réglementé à l’échelle fédérale et provinciale par les lois d’application générale et les lois applicables à des produits particuliers. La Loi sur l’emballage et l’étiquetage des produits de consommation (« LEEPC ») constitue la principale loi fédérale régissant les produits préemballés vendus aux consommateurs. En vertu de la LEEPC et de son Règlement sur l’emballage et l’étiquetage des produits de consommation, le nom commun ou générique du produit doit être affiché sur l’étiquette des produits de consommation préemballés, de même que sa quantité nette ainsi que le nom et l’adresse de son fabricant ou distributeur. De plus, des règles détaillées sont établies quant à l’emplacement, au format, aux exemptions et aux règles spéciales applicables à certains produits importés.
La LEEPC et ses règlements connexes, comme la plupart des lois fédérales, exigent que l’information obligatoire dans l’étiquetage soit rédigée en anglais et en français. Il existe toutefois certaines exceptions, notamment celle prévoyant que le nom et l’adresse du fabricant peuvent être affichés en anglais ou en français. Même si, en général, la législation fédérale n’exige pas que l’information non obligatoire soit bilingue, la plupart des emballages canadiens sont néanmoins entièrement bilingues pour des raisons de marketing et de responsabilité. De plus, l’étiquetage des produits qui doivent être vendus au Québec doit en réalité être entièrement bilingue, car la Charte de la langue française (la « Charte ») du Québec exige que la majorité de l’étiquetage de produits et des documents connexes tels que les garanties soient en français. L’étiquetage au Québec peut contenir une ou plusieurs autres langues, à la condition qu’aucune version ne l’emporte sur la version française ou ne soit accessible dans des conditions plus favorables. Des exceptions peuvent s’appliquer dans certains cas. Par exemple, une marque de commerce « reconnue », au sens de la Loi sur les marques de commerce, peut paraître exclusivement dans une langue qui n’est pas le français sur l’étiquetage ou l’emballage d’un produit ou sur un document fourni avec le produit, uniquement si aucune version française de cette marque de commerce ne se trouve au registre tenu selon la Loi sur les marques de commerce. Cependant, pour toute marque de commerce qui bénéficie de l’exception susmentionnée, qui apparait sur un produit et qui comprend un terme générique ou une description du produit (comme ses ingrédients, sa saveur ou son odeur), ce terme générique ou cette description devra figurer également en français sur le produit ou son emballage, ou encore sur tout document accompagnant de façon permanente ce produit.
Le pays d’origine doit être indiqué pour certains produits énumérés dans la réglementation prise en vertu du Tarif des douanes. Voir l’alinéa 3.5.6 du chapitre IV, « Questions relatives au pays d’origine ».
De nombreuses autres lois fédérales, telles que les lois fédérales intitulées Loi sur les aliments et drogues, Loi sur le cannabis, Loi sur le tabac et les produits de vapotage, Loi canadienne sur la sécurité des produits de consommation, Loi sur les produits antiparasitaires et Loi sur l’étiquetage des textiles, rendent obligatoires les exigences en matière d’étiquetage et de langue pour certains produits et/ou allégations relatives à ceux‑ci en particulier.
4.4 - Aliments
La plupart des produits alimentaires sont régis par la Loi sur les aliments et drogues et le Règlement sur les aliments et drogues. En plus des exigences en matière d’étiquetage applicables aux autres produits préemballés, les aliments doivent également, sauf quelques rares exceptions, contenir une liste des ingrédients en anglais et en français. Une date de péremption (dans un format propre au Canada) doit être indiquée sur les aliments ayant une durée de conservation de moins de 90 jours. Sauf certaines exceptions limitées, le tableau de la valeur nutritionnelle doit être affiché sur le produit. Seules quelques allégations bien définies relatives à la santé sont autorisées. La législation canadienne sur les aliments régit les allégations, établit les normes pour certains produits alimentaires en particulier et rend obligatoires certaines normes en matière de pureté et de qualité.
En 2022, des règlements sont entrés en vigueur afin d’imposer de nouvelles exigences visant les aliments supplémentés et d’exiger que la plupart des étiquettes d’aliments emballés présentent un symbole nutritionnel normalisé sur le devant de l’emballage lorsque les aliments sont considérés comme ayant une teneur élevée en gras saturés, en sucres et/ou en sodium. L’industrie a jusqu’en janvier 2026 pour se conformer à ces nouvelles exigences.
Le Canada a récemment modernisé sa législation sur la sécurité des aliments. En vigueur depuis 2019, la Loi sur la salubrité des aliments au Canada (« LSAC ») et les règlements s’y rattachant visent à harmoniser les exigences canadiennes avec les exigences commerciales aux termes de la Food Safety Modernization Act des États-Unis. Les exigences prévues à la LSAC se fondent sur trois éléments clés : la délivrance de licences, les mesures de contrôle préventif et la traçabilité. Bien que certains éléments du cadre réglementaire soient entièrement nouveaux, d’autres seront familiers à certains secteurs de l’industrie alimentaire, la LSAC étant le résultat du regroupement de la Loi sur l’inspection du poisson, de la Loi sur l’inspection des viandes, de la Loi sur les produits agricoles au Canada et de la Loi sur l’emballage et l’étiquetage des produits de consommation. Toutefois, les entreprises devraient savoir que bon nombre des exigences de la LSAC s’appliquent désormais à un éventail plus large de produits alimentaires et d’activités commerciales que par le passé.
4.5 - Drogues, médicaments et instruments médicaux
Au Canada, les drogues ou médicaments sont également réglementés à l’échelle fédérale par la Loi sur les aliments et drogues et le Règlement sur les aliments et drogues. Les drogues ou médicaments vendus avec ou sans ordonnance doivent avoir obtenu au préalable une autorisation de mise sur le marché, qui doit être attestée par la mention « Drogue : identification numérique » (« DIN ») apposée sur l’emballage du produit. S’il s’agit d’une « nouvelle drogue » ou d’un nouveau médicament, un avis de conformité émis à la suite d’un examen de son innocuité et de sa sécurité doit également être obtenu. De plus, les établissements canadiens où une drogue ou un médicament est fabriqué, emballé, étiqueté, distribué, importé, vendu en gros ou mis à l’essai doivent détenir une licence d’établissement, et d’autres licences pourraient être requises pour l’exercice d’activités liées à certaines substances, comme les stupéfiants. L’endroit où les drogues ou médicaments seront vendus et les professionnels autorisés à les prescrire et à les vendre, tels que les médecins et les pharmaciens, sont régis par la législation provinciale et assujettis à la réglementation des organismes professionnels d’autoréglementation.
Les « produits de santé naturels », comme les vitamines et les minéraux, les remèdes à base de plantes médicinales, les remèdes homéopathiques et traditionnels (comme les médicaments traditionnels chinois) sont régis par le Règlement sur les produits de santé naturels. Les produits de santé naturels doivent porter un numéro de produit naturel (« NPN ») ou, dans le cas d’un remède homéopathique, porter la désignation DIN-HM sur l’emballage du produit et une autorisation de mise sur le marché (licence de mise en marché) doit au préalable avoir été obtenue. Les établissements canadiens de fabrication, d’emballage, d’étiquetage et d’importation de ces produits doivent posséder une licence d’exploitation. Ces exigences diffèrent considérablement de celles en vigueur aux États‑Unis, où des produits semblables sont souvent considérés comme des « compléments alimentaires » et ne sont pas assujettis au même niveau de surveillance réglementaire que les produits de santé naturels.
Les instruments médicaux sont réglementés par le Règlement sur les instruments médicaux. Comme dans le cas des drogues et des médicaments, la plupart des instruments médicaux doivent être homologués avant de pouvoir être vendus au Canada. Pour déterminer si un instrument doit être homologué, les autorités de réglementation ont établi un système de classification fondé sur le risque associé à l’utilisation de l’instrument. Les instruments médicaux sont regroupés en quatre classes. La classe I représente les instruments médicaux les moins dangereux; tandis que la classe IV regroupe les instruments médicaux qui ont le potentiel de risque le plus élevé. Avant de mettre en vente un instrument médical au Canada, les fabricants des instruments médicaux des classes II, III et IV doivent obtenir une homologation. Bien qu’une telle homologation ne soit pas nécessaire dans le cas des instruments médicaux de classe I, ces instruments médicaux sont quand même surveillés dans le cadre du système d’agrément des établissements d’instruments médicaux. La plupart des importateurs et des distributeurs de toutes les classes d’instruments médicaux, de même que les fabricants d’instruments médicaux de classe I qui ne vendent pas leurs produits par l’intermédiaire d’un importateur ou d’un distributeur agréé au Canada, doivent détenir une licence d’établissement d’instruments médicaux.
Le gouvernement a adopté les modifications à la Loi sur les aliments et drogues aux termes du projet de loi C‑17, la Loi visant à protéger les Canadiens contre les drogues dangereuses. Le projet de loi C‑17 accorde au ministre d’importants nouveaux pouvoirs, notamment la capacité d’effectuer des rappels, d’exiger la modification des étiquettes ou des emballages et d’exiger la soumission de données relatives à la santé et à l’innocuité une fois l’approbation obtenue. En outre, le projet de loi C‑17 permet, dans certains cas, la divulgation de renseignements commerciaux confidentiels relatifs aux médicaments et aux dispositifs médicaux. Certaines dispositions du projet de loi C‑17 n’entreront en vigueur que lorsque les règlements connexes auront été élaborés, et ces règlements ne sont pas encore dans leur forme définitive.
4.6 - Poids et mesures
La Loi sur les poids et mesures prévoit que le Canada utilise le Système international d’unités (système métrique) comme principal système de mesure. Même si une déclaration de mesure métrique est exigée, il est également possible dans la plupart des cas de produire un formulaire de déclaration non métrique approprié.
4.7 - Règlements et mesures d’application en matière de publicité
4.7.1 - Législation fédérale
La publicité de produits et les indications commerciales relatives à ceux‑ci sont principalement régies par la Loi sur la concurrence (Canada), qui comporte un système d’examen à deux volets (civil et criminel) pour les questions de publicité. La Loi sur la concurrence introduit une interdiction générale de donner au public des indications fausses ou trompeuses sur un point important dans le but de promouvoir un produit ou des intérêts commerciaux. Il n’est pas nécessaire d’établir qu’une personne a été réellement trompée ou induite en erreur par l’indication fausse ou trompeuse. Le fait de donner de telles indications, sciemment ou sans se soucier des conséquences, constitue une infraction criminelle. Si les indications fausses ou trompeuses ne sont pas faites sciemment ou sans se soucier des conséquences, la Loi sur la concurrence prévoit des sanctions civiles, notamment au moyen d’ordonnances de cesser et de s’abstenir, d’avis de publication d’information obligatoires et de sanctions administratives pécuniaires.
Les dispositions portant sur la publicité fausse ou trompeuse de la Loi sur la concurrence ont été modifiées par la législation canadienne antipourriel. Les modifications, qui ont été adoptées afin que le Bureau de la concurrence exerce une surveillance plus importante sur les activités en ligne, interdisent de donner des indications fausses ou trompeuses sur un point important dans un message électronique. En outre, ces modifications interdisent toute indication fausse ou trompeuse, qu’elle soit importante ou non, dans la description de l’expéditeur ou dans l’objet d’un message électronique, ou dans un « localisateur » (par exemple, les métadonnées ou une URL). Voir le chapitre XI, « Technologies de l’information ».
Les indications relatives au prix habituel ou au prix de solde qui ne respectent pas les critères de quantité ou de période établis dans la Loi sur la concurrence sont également interdites. Ces critères sont différents de ceux prévus dans la législation américaine, et le Bureau de la concurrence s’est montré actif en ce qui a trait aux mesures d’application prises pour contrer ce genre d’indications. Quant aux indications relatives au rendement, à l’efficacité ou à la durée utile d’un produit, elles doivent se fonder sur des essais suffisants et appropriés réalisés avant que les indications ne soient données. Les dispositions relatives au télémarketing de la Loi sur la concurrence exigent que certains renseignements soient divulgués au cours des communications téléphoniques et stipulent que la non-divulgation des renseignements prescrits ainsi que certaines pratiques trompeuses constituent des infractions criminelles.
La Loi sur la concurrence exige également la divulgation de certains détails clés concernant les concours publicitaires, par exemple le nombre et la valeur approximative des prix et les faits modifiant les chances de gain. Il est interdit à quiconque d’envoyer à une personne un avis lui donnant l’impression qu’elle a gagné ou qu’elle gagnera un prix et lui demandant ou lui donnant la possibilité de payer une somme d’argent ou d’engager des frais. Compte tenu des dispositions du Code criminel interdisant les loteries, la plupart des concours canadiens offrent aux consommateurs la possibilité de participer « sans achat requis » et exigent que les participants choisis répondent à une question réglementaire avant d’être déclarés gagnants.
Les sanctions pécuniaires applicables aux indications fausses ou trompeuses susceptibles d’examen au civil peuvent être considérables et, qui plus est, ont été accrues en 2022. Actuellement, la sanction administrative pécuniaire maximale prévue en vertu de la Loi sur la concurrence correspond au plus élevé des montants suivants : 15 M$ CA (pour une deuxième ordonnance, dans le cas d’une personne morale) et trois fois la valeur du bénéfice tiré du comportement trompeur. Si ce montant ne peut être déterminé raisonnablement, la sanction maximale correspondra à 3 % des recettes globales brutes annuelles de cette personne.
Les tribunaux peuvent également ordonner aux annonceurs qui s’adonnent à la publicité trompeuse de verser les profits tirés de celle‑ci aux personnes à qui les produits ont été vendus (sauf les détaillants, les grossistes et les distributeurs, s’ils ont revendu ou distribué les produits). Les tribunaux sont investis de vastes pouvoirs leur permettant de fixer les conditions aux fins de l’administration de ces fonds et peuvent notamment décider de la façon de gérer ceux qui ne sont pas réclamés ou distribués.
En 2022, la Loi sur la concurrence a été modifiée afin d’ajouter une nouvelle disposition interdisant expressément l’indication de prix partiel. Il y a indication de prix partiel quand un produit ou un service est affiché à un prix inatteignable, parce que les consommateurs doivent également payer des frais supplémentaires non imposés par le gouvernement pour acheter le produit ou le service.
En 2024, la Loi sur la concurrence a de nouveau été modifiée pour renforcer l’interdiction applicable à la publicité trompeuse. Le principal changement apporté à la Loi sur la concurrence consiste en l’ajout d’une interdiction expresse de l’« écoblanchiment », c’est-à-dire le fait de faire des déclarations sur les avantages environnementaux d’un produit ou d’une activité commerciale qui ne sont pas fondées sur des éléments corroboratifs suffisants et appropriés ou des résultats obtenus au moyen d’une méthode reconnue à l’échelle internationale.
La Loi sur la concurrence prévoit que quiconque subit des dommages en raison d’un comportement contrevenant aux dispositions criminelles de la Loi, dont celles portant sur la publicité fausse ou trompeuse, a le droit d’intenter une action au civil. Jusqu’à tout récemment, il n’existait pas de droit d’action semblable applicable aux comportements susceptibles d’examen au civil; toutefois, il était possible d’intenter un recours en responsabilité délictuelle reconnu en common law ou un recours fondé sur les marques de commerce. Cependant, en vertu des dernières modifications apportées en juin 2025, les parties privées ont désormais le droit de demander au Tribunal de la concurrence l’autorisation d’engager des procédures en cas de violation de certaines dispositions civiles concernant les pratiques commerciales trompeuses. Les particuliers et les entreprises ne seront donc plus obligés de s’en remettre au Bureau de la concurrence pour donner suite à leurs plaintes relatives à l’écoblanchiment et à d’autres pratiques commerciales trompeuses.
Les consommateurs canadiens sont de plus en plus favorables à l’idée de privilégier l’achat de produits « faits au Canada », et les entreprises veulent répondre aux exigences des consommateurs. Bien que, généralement, les allégations relatives à l’origine des produits dans les publicités ou sur les étiquettes de produits soient volontaires, il reste qu’elles peuvent entraîner d’importants risques juridiques, notamment sur le plan de la réglementation et de la responsabilité civile, si celles-ci se révèlent fausses ou trompeuses. Les entreprises qui font des allégations relativement à l’origine canadienne de leurs produits devraient s’assurer de leur conformité aux lignes directrices détaillées du Bureau de la concurrence sur les indications « Fait au Canada » (dans le cas de produits autres qu’alimentaires) et aux lignes directrices semblables de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (dans le cas des produits alimentaires), lesquelles ont toutes été mises à jour en 2025. La question des « achats canadiens » est aussi abordée dans le chapitre V, « Marchés publics » du présent guide.
Outre la Loi sur la concurrence, il existe au Canada de nombreuses autres lois ou lignes directrices régissant la publicité. Par exemple, Normes de la publicité, organisme national sans but lucratif d’autoréglementation de la publicité, a élaboré le Code canadien des normes de la publicité. De plus, divers codes et diverses lois se rapportant à des produits en particulier contiennent des exigences en matière de publicité, comme la Loi sur les aliments et drogues, la Loi sur les produits antiparasitaires, la Loi sur le tabac et les produits de vapotage et la Loi sur le cannabis.
4.7.2 - Législation provinciale
La législation provinciale, notamment la législation sur la protection des consommateurs et les pratiques commerciales, influence également la publicité. Par exemple, la Loi de 2002 sur la protection du consommateur (Ontario) stipule que quiconque fait une assertion fausse, trompeuse ou mensongère, notamment à l’égard du parrainage, d’une approbation, des qualités de rendement, des accessoires, des usages, des composants, des avantages ou des qualités données, alors que ce n’est pas le cas, se livre à une « pratique déloyale » et va même jusqu’à qualifier toute assertion « abusive » de pratique déloyale. Les entreprises qui font des assertions abusives aux consommateurs peuvent se voir imposer des dommages-intérêts exemplaires ou punitifs. On compte parmi les autres recours possibles l’annulation de l’achat ou le remboursement de la tranche du prix d’achat excédant la « juste valeur » des biens ou services en question. Les personnes ne résidant pas en Ontario devraient porter une attention particulière à la Loi de 2002 sur la protection du consommateur, car elle s’applique aux consommateurs qui résident en Ontario, et ce, même si le fournisseur est situé ailleurs qu’en Ontario. Des lois semblables existent dans la plupart des provinces, toutefois les dispositions de celles-ci peuvent varier considérablement.
La législation provinciale, comme la Loi concernant la lutte contre le tabagisme et la Loi sur les produits alimentaires au Québec, régit également la publicité ou l’étiquetage de certains produits.
La Charte exige généralement que la publicité commerciale au Québec soit affichée en français, bien qu’en fonction de l’endroit où est affichée la publicité, elle puisse être accompagnée d’une version en une ou en plusieurs autres langues, pourvu qu’aucune version dans une autre langue ne soit accessible dans des conditions plus favorables que la version française ou, dans certains cas, que la version française soit nettement prédominante. Des exceptions peuvent s’appliquer dans certains cas. Par exemple, une marque de commerce « reconnue », au sens de la Loi sur les marques de commerce, peut paraître exclusivement dans une langue qui n’est pas le français dans l’affichage public et la publicité commerciale, mais uniquement si aucune version française ne se trouve au registre tenu selon la Loi sur les marques de commerce. Cependant, une telle marque de commerce utilisée sur un affichage visible de l’extérieur devra être accompagnée d’un libellé en français nettement prédominant.
5. Responsabilité du fabricant – Provinces de common law
5.1 - Quelle est l’étendue du risque de responsabilité dans une réclamation contractuelle?
Toute partie à un contrat d’achat ou d’approvisionnement a le droit d’intenter une action en dommages-intérêts pour rupture de contrat si la qualité, l’état ou le fonctionnement du produit ne respectent pas les clauses contractuelles expresses ou tacites. Les conditions implicites peuvent se rapporter aux pratiques commerciales ou à l’usage courant. De plus, la législation provinciale sur la vente de biens sous-entend généralement des modalités et des conditions relatives à l’état et à la qualité des produits vendus comme faisant partie de tout contrat de vente de biens. La législation interdit habituellement l’exclusion des garanties et conditions prévues par la loi des contrats de vente de produits aux consommateurs. Dans quelques provinces, la législation prévoit des garanties consenties aux consommateurs par les fabricants et d’autres parties de la chaîne de distribution dans certaines circonstances, même en l’absence de lien contractuel.
5.2 - Quelle est l’ampleur du risque de responsabilité dans une action pour négligence?
Lorsque l’acheteur ou l’utilisateur d’un produit défectueux n’a pas de lien contractuel avec le défendeur proposé et qu’aucune garantie légale implicite ne s’applique, la négligence devra être prouvée, à savoir que le produit n’a pas été préparé ou assemblé en faisant preuve de diligence raisonnable, ce qui a causé des blessures à l’utilisateur prévisible ou des dommages aux biens de celui‑ci. Des poursuites en responsabilité du fabricant en vertu de la common law peuvent être intentées s’il y a eu négligence dans la fabrication ou la conception d’un produit ou si les utilisateurs prévisibles du produit n’ont pas été avisés des dangers que représente celui‑ci. Même si la négligence doit être prouvée dans chaque cas, les fabricants seront, en pratique, tenus responsables si un produit présente un défaut de fabrication (par exemple, s’il n’a pas été construit de la façon prévue par le fabricant), car le tribunal présumera qu’il y a eu négligence dans le processus de production du fabricant ou de la part de ses employés et n’exigera pas que le consommateur en fasse la preuve.
En plus des poursuites en responsabilité du fabricant, un vendeur, un fabricant ou un distributeur de produits qui, sciemment ou sans se soucier des conséquences, fait des déclarations fausses concernant la sécurité ou l’utilité des produits peut être tenu responsable de toute perte découlant de la confiance raisonnable que les acheteurs ou utilisateurs ont accordée à ces déclarations. Afin d’établir la responsabilité à l’égard de ces déclarations inexactes faites par négligence, le tribunal doit conclure qu’il existait un « lien spécial » entre la personne ayant fait la déclaration et son destinataire, que la personne ayant fait la déclaration savait, directement ou par déduction, que le destinataire allait se fier à l’exactitude de la déclaration, et que la preuve a été faite qu’il était raisonnable de se fier à ces déclarations et que c’est ce qui a causé la perte. La législation provinciale en matière de protection des consommateurs peut offrir à ces derniers d’autres recours contre les déclarations « fausses » ou « trompeuses » et sert de plus en plus de fondement aux actions collectives en responsabilité du fabricant.
Toutes les parties de la chaîne de distribution peuvent être tenues responsables dans le cadre de poursuites en responsabilité du fabricant s’il est possible d’établir qu’il y a eu négligence. Citons par exemple, le fait que ces parties aient omis de déceler le défaut d’un produit dont elles connaissaient ou auraient dû connaître l’existence au moyen d’une inspection raisonnable, ou qu’elles n’aient pas mis les utilisateurs éventuels en garde contre les dangers dont elles savaient ou auraient dû savoir qu’ils étaient associés à l’utilisation du produit.
Conformément à la législation provinciale en matière de négligence, les coauteurs de délits sont, dans la plupart des cas, solidairement responsables de la perte subie par un demandeur. Le tribunal peut établir le degré de faute ou de négligence des diverses parties dont la « faute » ou la négligence collective a causé des dommages au demandeur et les répartir ensuite selon la part respective de responsabilité de chaque partie. Toutefois, le demandeur peut recouvrer l’ensemble des dommages-intérêts subis auprès d’un défendeur, même si celui‑ci n’a été reconnu qu’en partie responsable de la faute, et le défendeur pourra ensuite se tourner contre les autres auteurs du délit.
5.3 - Quelle est l’étendue de la responsabilité d’une personne?
Le montant des dommages-intérêts recouvrés par un demandeur peut être réduit afin de tenir compte de toute faute ou négligence de la part du demandeur ayant contribué au dommage ou à la perte. Les dommages-intérêts recouvrés pour négligence, déclarations inexactes faites par négligence, manquement à l’obligation de mise en garde et rupture de contrat se limitent aux pertes raisonnablement prévisibles subies par les parties et qui ne sont pas considérées comme des pertes « éloignées ». Les dommages-intérêts pour lésions corporelles ou dommages matériels ont un but compensatoire. À l’heure actuelle, les dommages-intérêts généraux pour souffrances et douleurs sont plafonnés à environ 469 516 $ CA.
Les pertes financières peuvent être recouvrées dans le cadre de poursuites pour rupture de contrat, assertions inexactes faites par négligence et manquement à l’obligation de mise en garde. Le droit canadien demeure à certains égards incertain quant à la mesure dans laquelle les pertes ou le risque de pertes financières attribuables au défaut d’un produit peuvent faire l’objet de recouvrement dans le cadre d’une action pour négligence, lorsque le défaut ne cause pas de lésion corporelle ou de dommage matériel autre qu’au produit lui-même. Cependant, la Cour suprême du Canada a récemment établi que les pertes purement financières causées par négligence peuvent être recouvrées uniquement dans certaines circonstances précises et que, par ailleurs, elles ne peuvent pas être recouvrées pour les cas où un intermédiaire au sein d’une chaîne d’approvisionnement subit un dommage causé à sa réputation et des pertes financières subséquentes par suite d’un rappel effectué par un fabricant.
5.4 - Autres risques de litige : les actions collectives, les jurys et les dommages-intérêts punitifs
Traditionnellement, les Canadiens sont moins enclins à intenter des poursuites que leurs voisins du Sud, et les dommages-intérêts accordés par les juges sont beaucoup moins élevés au Canada qu’aux États‑Unis. Les procès avec jury sont également beaucoup moins courants ici que les procès présidés par un seul juge, la constitution canadienne ne prévoyant aucun droit à un procès avec jury dans une affaire civile. Des dommages-intérêts punitifs peuvent être obtenus au pays dans certains cas, bien que ce type de dommages-intérêts soit très rarement attribué dans les affaires de responsabilité du fabricant et qu’ils soient en général assez modestes, le cas échéant. En dehors du contexte des actions collectives, certains se sont montrés récemment en faveur de l’attribution de dommages-intérêts punitifs plus élevés dans des circonstances données. Voir le chapitre XVIII, « Règlement des différends ».
Toutefois, au cours des dernières années, la législation en matière d’actions collectives dans les provinces canadiennes a modifié le paysage des litiges au Canada et a donné lieu à un certain nombre de règlements de plusieurs millions de dollars dans le secteur de la responsabilité du fabricant. En règle générale, on considère qu’il est plus facile d’obtenir l’autorisation d’actions collectives au Canada qu’aux États‑Unis; des actions collectives fondées sur la responsabilité du fabricant réclamant des dommages-intérêts pour lésions corporelles, des frais de suivi médical et des remboursements ont été autorisées même si les défendeurs s’y opposaient fermement. En Ontario, de récentes modifications à la Loi de 1992 sur les recours collectifs de l’Ontario ont donné lieu à une diminution du nombre de demandes d’actions collectives en responsabilité du fabricant présentées dans la province. Des demandes d’actions collectives sont toutefois fréquemment présentées et autorisées dans d’autres provinces, notamment en Colombie-Britannique et au Québec. Jusqu’à présent, très peu d’actions collectives ont donné lieu à un procès au Canada (à l’extérieur du Québec), même si ce nombre a augmenté au cours des dernières années.