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COVID-19 : Investir dans les infrastructures pour relancer l’économie – Un New Deal?

1 avril 2020

Lors de sa conférence de presse du 20 mars 2020, le premier ministre Legault a annoncé que la réalisation des projets d’infrastructures sera accélérée afin de stimuler la relance économique. Les détails relatifs à cette annonce devraient être annoncés sous peu. Depuis cette annonce, les événements se sont précipités avec, point culminant à l’égard des infrastructures, l’adoption, le 24 mars 2020, d’un décret déclarant la réduction au minimum des activités et la fermeture des entreprises jugées non essentielles. Seuls les travaux de construction d’urgence ou pour des fins de sécurité, ainsi que la maintenance et les opérations des infrastructures stratégiques ont été jugés prioritaires au Québec.

Que ce soit le New Deal mis en place dans les années 1930 par Roosevelt (prévoyant la création de la Public Works Administration), le plan Obama de 2009 (soit l’adoption de l’American Recovery and Reinvestment Act of 2009), le plan québécois d’investissement en infrastructures à la suite de la crise de 2007-2008 ou, plus récemment, le plan d’investissements accélérés annoncé en mars par plusieurs villes chinoises à la suite de l’amélioration de la situation sanitaire, la mise en place d’un programme ambitieux d’investissements dans les infrastructures a démontré ses effets positifs sur la relance d’une économie.

L’accélération des investissements en infrastructures vise à produire des effets positifs et durables dans l’économie dans les meilleurs délais. Pour produire l’effet escompté, un tel programme de relance requiert l’adoption de mesures précises et une mise en œuvre rapide. Ces mesures prises dans l’intérêt national doivent néanmoins tenir compte des principes universellement reconnus de diligence, de transparence et d’imputabilité. Voici quelques exemples de mesures pouvant être considérées par les autorités compétentes :

  1. MESURES INSTITUTIONNELLES ET ORGANISATIONNELLES

    1. créer immédiatement une structure dédiée sous la supervision du Conseil du trésor pour la mise en œuvre accélérée des projets ciblés par les organismes publics en collaboration avec la Société québécoise des infrastructures, Investissement Québec, les ministères concernés et les instances municipales, et avec l’appui de l’Autorité des marchés publics;

    2. élargir les secteurs prioritaires pris en compte par la Banque de l’infrastructure du Canada pour effectuer des investissements (actuellement le transport en commun, le commerce et le transport, les infrastructures vertes et l’Internet haut débit).

  2. MESURES D'ACCÉLÉRATION AUX FINS D'ATTRIBUTION 

    1. modifier le cadre juridique applicable aux marchés publics afin i) de permettre le dépôt et la prise en compte de propositions alternatives efficientes ou de propositions spontanées et innovantes (comprenant les éléments de contrôle et d’imputabilité), ii) privilégier la règle de l’offre ayant la meilleure valeur pour les fonds investis, plutôt que la règle par défaut du plus bas soumissionnaire conforme, iii) de permettre le recours, dès l’élaboration des besoins et des exigences techniques spécifiques des projets identifiés à des procédures s’inspirant de celles mises en place, en Europe par exemple, comme le partenariat public-privé d’innovation, et iv) mettre à profit les moyens technologiques afin d’entamer ou poursuivre la sélection de contractants;

    2. adopter les mesures législatives et exécutives afin de réduire ou d’exclure des projets identifiés de l’application de certaines ou de toutes les étapes et procédures prévues par la Loi sur les infrastructures publiques et par la directive sur la gestion des projets majeurs d’infrastructure, et permettre la mise en œuvre de projets en collaboration avec les différents ordres de gouvernement;

    3. faire appel à la notion d’intérêt public prévue dans la Loi sur les contrats des organismes publics et à la notion d’ordre public prévue dans les accords de libre-échange afin de privilégier les retombées économiques locales et d’accélérer le processus d’octroi de contrats selon les principes universels évoqués.

  3. MESURES D'ACCÉLÉRATION AUX FINS D'EXÉCUTION

    1. réduire le délai de négociation des contrats en rééquilibrant la répartition des risques actuellement prévue dans les contrats publics, voire établir une certaine flexibilité pour la soumission de garanties d’exécution; et s’assurer de l’intégration de critères de performance permettant l’atteinte d’objectifs adaptés;

    2. instaurer des mesures d’accélération de l’analyse environnementale des projets d’infrastructures, tout en veillant au respect du développement durable prévu dans les lois actuelles. Cela pourrait être fait, par exemple, en créant des équipes dédiées qui assureraient le développement d’une expertise quant aux enjeux environnementaux posés par ces projets et en acquérant une compréhension de ceux-ci en amont. On pourrait également réaliser des consultations publiques sur les enjeux des grands projets en amont afin de cibler les préoccupations du public pour que les soumissionnaires puissent prendre en compte ces préoccupations dans l’élaboration de leur évaluation environnementale. Il serait aussi possible de recourir aux meilleurs moyens technologiques disponibles pour s’assurer que les consultations publiques soient réalisées le plus efficacement possible (audiences publiques virtuelles). Par ailleurs, on pourrait considérer d’encadrer par la voie de directives ou de politiques certains pouvoirs discrétionnaires d’autorisation afin d’assurer une certaine prévisibilité;

    3. veiller à ce que des permis et autorisations soient en place lors de la signature des contrats, grâce à une planification et à une coordination en amont entre les autorités publiques concernées. Veiller aussi à ce que les mesures de protection des travailleurs de la construction soient élaborées et communiquées rapidement;

    4. mettre en place les mesures permettant le paiement rapide des fournisseurs et sous-traitants, voire le paiement en avance avec les mesures de surveillance et de contrôle adéquates. La directive Procurement Policy Note 0/20: Supplier relief due to COVID-19 émise en mars 2020 par les autorités britanniques pourrait d’ailleurs servir d’exemple. Les résultats préliminaires du projet pilote visant à faciliter le paiement aux entreprises parties à des contrats publics de travaux de construction ainsi qu’aux sous-contrats publics qui y sont liés devraient également être analysés, de même que ceux des lois similaires au Canada, notamment en Ontario;

    5. prévoir la remise d’avances afin de financer les coûts de mobilisation, soit au cours des processus de sélection pour promouvoir la participation des soumissionnaires.

  4. RÔLE DU SECTEUR PRIVÉ

    1. envisager l’introduction de la notion d’infrastructures privées d’intérêt public mises en œuvre par le secteur privé (à leur risque), mais régulées par l’État afin de répondre aux objectifs de service public : concession à l’européenne et non privatisation;

    2. utiliser le financement public et celui de la Banque de l’infrastructure du Canada comme levier au financement privé de certaines infrastructures.

Nous verrons au cours des prochaines semaines quelle direction le gouvernement prendra en ce qui a trait aux investissements dans les infrastructures. Une chose est certaine, un plan d’investissements dans les infrastructures devra être adopté afin de relancer l’économie.

L’auteur tient à remercier Anne Drost, associée, et Anne-Catherine Boucher, sociétaire, du groupe Environnement, de même de Clémentine Sallée, associée du groupe Infrastructure pour leur précieuse collaboration.
 
Pour en savoir davantage, communiquez avec :

Alain Massicotte                    514-982-4007
Anne Drost                             514-982-4033

ou un autre membre de nos groupes Infrastructure et Environnement.
 
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